Texte intégral
Merci Monsieur le Président, Monsieur le ministre, Madame la Présidente de la section du travail et de lemploi, Françoise Geng, Monsieur le rapporteur, Yves Urieta, Mesdames et Messieurs les membres du CESE, Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, je tiens tout dabord à souligner lexcellence des travaux et des vingt-sept auditions menées par les membres de la section du travail et de lemploi, sous la direction de sa Présidente et de son rapporteur, Yves Urieta.
Alors que nous fêtons cette année les quarante ans de la loi du 16 juillet 1971, il était important de mener une réflexion globale et prospective sur notre système de formation au service du renforcement des compétences et des qualifications de nos compatriotes.
Comme le souligne le projet davis qui est examiné, la loi du 16 juillet 1971 a posé les bases du système actuel de formation professionnelle continue. Cest ce texte auquel vous avez grandement contribué, cher Jacques Delors, qui a fondé notre système de formation autour de trois piliers : lobligation de financement, la gestion paritaire de la collecte et la recherche dun équilibre entre les besoins des entreprises et ceux des salariés.
Votre présence sur les bancs de cet hémicycle traduit votre engagement en faveur de la sécurisation des parcours professionnels. Votre expertise demeurera pour nous un atout précieux.
Comme vous le savez, en quarante ans, le paysage de la formation professionnelle a profondément évolué au gré des changements du monde du travail et de notre société. Les besoins des entreprises en particulier ont changé, comme les attentes des salariés. Avec près de trente milliards deuros consacrés à la formation professionnelle, notre nation mobilise aujourdhui 1,5 % du produit intérieur brut pour sécuriser les parcours professionnels de nos concitoyens et améliorer le niveau global de qualification de la société.
Ces chiffres reflètent cependant une réalité contrastée. Depuis 2007, beaucoup a été fait pour développer la formation des jeunes et de lensemble des actifs, et ainsi permettre aux entreprises de trouver les compétences dont elles ont besoin pour se développer. Je pense notamment aux nombreux apports de la loi du 24 novembre 2009, sur lesquels je reviendrai dans quelques instants.
Le contexte international actuel, marqué par la crise de la dette et le ralentissement mondial de lactivité, doit toutefois nous pousser à poursuivre le processus engagé. Cest dailleurs tout le sens de la saisine, par le Premier ministre, du CESE. Plus que jamais, cest dans les périodes difficiles quil est nécessaire de préparer lavenir. Cest indispensable pour soutenir lemploi et améliorer la compétitivité des entreprises. Et, parce que toute réflexion en matière de formation professionnelle doit être étudiée au regard du travail accompli, je souhaite à présent revenir sur les principaux chantiers actuels.
Tout dabord, le développement de la formation continue est le premier chantier que je mène pour donner à chaque salarié la possibilité de devenir acteur de son parcours professionnel. Pour y parvenir, notre pays peut compter sur plusieurs leviers majeurs issus de la loi du 24 novembre 2009, dont je salue le rapporteur, Gérard Cherpion, ici présent, dont le projet davis permet de rappeler le caractère prioritaire.
La loi du 24 novembre 2009 relative à lorientation et la formation professionnelle tout au long de la vie constitue en effet un outil formidable pour permettre aux Françaises et aux Français de travailler mieux. Cest pourquoi je suis entièrement mobilisée pour assurer la mise en oeuvre de la réforme des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA. Comme vous le savez, cette réforme constitue une étape majeure pour accroître la performance de notre système de formation. Elle sadresse aux entreprises et à leurs salariés car ils en seront les principaux bénéficiaires en matière de qualité et defficacité. Je me félicite de voir que les choses ont très bien avancé sagissant, notamment, des regroupements et agrément des OPCA, cela en grande partie grâce à limplication des partenaires sociaux. Le nouveau paysage de la formation, qui se structure autour dune vingtaine dOPCA, permettra de mieux répondre aux besoins des TPE PME en intégrant une meilleure efficience de la dépense de formation ; la procédure dagrément est le premier pas vers la négociation de la convention dobjectifs et de moyens négociée entre lÉtat et chacun des OPCA. Cest une étape essentielle car elle fixe les conditions dexercices financiers, les indicateurs et les objectifs attendus.
Par ailleurs, comme le rappelle le projet davis, la question de lorientation est centrale dès lors que lon veut permettre à nos compatriotes de se former aux métiers et aux secteurs porteurs demplois. Je le rappelle, sur les 26 régions, il y a au total près de 1,6 millions de projets de recrutement, soit environ 600 000 dans le secteur de la vente, du tourisme et des services, près de 200 000 dans le secteur social et médico-social, un peu plus de 80 000 dans le BTP sur des postes douvriers et près de 30 000 maraîchers, horticulteurs salariés, jardiniers, etc. Encore faut-il le savoir et, surtout, le faire savoir à nos jeunes, notamment quand vient le moment crucial de lorientation.
Le déploiement du service public de lorientation tout au long de la vie SPO - constitue donc une priorité pour que laccès à la formation soit le plus adapté aux besoins des individus. Le SPO est marqué par une ambition forte : permettre à chacun de disposer dune formation fiable et actualisée sur les métiers et les formations qui y conduisent et, surtout, leurs perspectives demploi, tout cela au plus près des besoins des territoires et des entreprises.
Jai donc lancé le SPO dématérialisé le 6 décembre en présence de Jean-Robert Pitte, délégué à la formation et à lorientation et des partenaires sociaux représentés par Djamal Teskouk et Francis Da Costa, respectivement Président et Vice-président du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Ce service se compose du site www.orientation-pour-tous.fr et dun service téléphonique gratuit accessible par le 08 11 70 39 39. Il bénéficie dun financement de 1,7 M du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et est le résultat dun travail commun entre les partenaires sociaux, les différents ministères concernés - emploi, apprentissage et formation professionnelle, éducation nationale, enseignement supérieur - et les acteurs de la formation.
Le renforcement de la lisibilité et la qualité de loffre constituent également un de mes chantiers prioritaires. En effet, il faut mieux informer pour mieux faire connaître, mais il faut aussi agir avec fermeté contre ceux qui abusent de la confiance de nos concitoyens. Cest pourquoi jai décidé de créer une bibliothèque nationale de loffre de la formation ; elle constituera un véritable outil national à disposition de la prescription publique.
En complément, jai décidé de lancer un plan de contrôle offensif et soutenu sur les thématiques comportementales. Très concrètement, une circulaire est en cours de préparation pour fixer des objectifs précis et quantifiés aux services régionaux de contrôle. Ma détermination est totale, car cest par ces actions de contrôle que nous mettrons un coup darrêt aux pratiques douteuses qui nuisent parfois à limage de notre système de formation.
Parmi dautres chantiers présentés dans le projet davis et sur lesquels ma détermination est également totale, il y a naturellement la mobilisation des moyens vers ceux qui en ont le plus besoin. À cet égard, la lutte contre lillettrisme est une priorité en matière de formation. Je le rappelle, en France, 9 % de la population des 18-65 ans est en situation dillettrisme. Cest donc plus de 3 millions de personnes qui souffrent au quotidien. Plus de la moitié dentre elles sont pourtant dans lemploi : 1,9 millions de personnes. Parce que nous avons une responsabilité morale à légard de ces personnes qui se trouvent privées de toute possibilité dévolution professionnelle et, parfois même, de toute possibilité dinsertion sur le marché du travail, jai organisé le 29 mars dernier une grande journée de mobilisation. Je tiens, dailleurs, à remercier le Président Delevoye de nous avoir accueillis ici, dans ces murs.
En matière de formation, le deuxième chantier que je mène vise à permettre aux demandeurs demploi dacquérir des formations adaptées aux besoins des entreprises et aux métiers en tension. La volonté du Président de la République est très forte sagissant des métiers en tension, dautant plus quil existe environ 250 000 offres demplois non pourvues faute, pour les entreprises, de trouver des compétences adéquates. Cest pourquoi le Gouvernement a promu des dispositifs novateurs qui permettent de faire se rencontrer le besoin et loffre de formation. Ainsi, la préparation opérationnelle à lemploi - POE - valorise au travers dun cofinancement conjoint de Pôle emploi et des organismes collecteurs la formation par le retour à lemploi. Cest un dispositif pragmatique qui permet aux demandeurs demploi daccéder à une formation en lui donnant la certitude quelle débouchera sur un emploi. Elle répond aussi aux demandes des entreprises de bénéficier dune main doeuvre qualifiée pour les emplois quelles ne parviennent pas à pourvoir. Au 12 décembre, près de 8 000 demandeurs demploi ont déjà bénéficié dune POE.
Le troisième chantier que je mène et que je me réjouis de trouver dans les recommandations du projet davis concerne le développement des formations par alternance. Concrètement, pour atteindre lobjectif fixé par le Président de la République, 800 000 alternants dici à 2015, nous agissons sur trois leviers.
Le premier levier dactions vise à inciter les jeunes à choisir ces formations. Cest une véritable révolution culturelle qui a été engagée avec en mai, une campagne de communication qui a permis de véhiculer un message positif de changement dimage « un métier, un diplôme, un revenu, cest cela, lapprentissage ». Les résultats sont là, puisque 65 % des jeunes déclarent quelle leur donne envie de suivre une formation en apprentissage parce que la revalorisation de ces formations est une priorité. Je me suis rendu à Londres le 6 octobre pour soutenir les 44 jeunes de léquipe de France lors des olympiades des métiers et, ainsi, porter haut les valeurs de lapprentissage. Jajoute que jai mobilisé les missions locales afin que lorientation des jeunes vers lalternance devienne un réflexe.
Par ailleurs, une carte « étudiants des métiers » issue de la loi Cherpion du 28 juillet dernier sera lancée très prochainement et délivrée par les CFA dès la fin du mois. Je dirai même vendredi. Elle permettra aux alternants daccéder aux mêmes réductions tarifaires que les étudiants de lenseignement supérieur.
Mobiliser les entreprises constitue le deuxième levier daction. Pour cela, nous avons augmenté le quota de 3 à 4 %, cest-à-dire le pourcentage de jeunes en alternance pour les entreprises de plus de 250 salariés qui doivent y être formés. Cette mobilisation sappuie aussi sur les aides à lembauche particulièrement incitatives dans les entreprises de moins de 250 salariés, une aide pour lembauche dune alternant supplémentaire et une aide pour lembauche dun demandeur demploi de plus de 45 ans et plus en contrat professionnel. Au 9 décembre, plus de 38 000 demandes ont déjà été enregistrées.
En complément, existe la loi sur le développement de lalternance et la sécurisation du parcours professionnel dont toutes les mesures dapplication seront publiées dici à la fin de lannée. Elle a ouvert lapprentissage au travail temporaire, a permis des avancées majeures pour aider les jeunes qui préparent un bac professionnel à suivre une formation en alternance et jai également ouvert un guichet unique de lalternance qui permet à un chef dentreprise, grâce à la dématérialisation, de remplir un contrat dapprentissage en moins de 10 minutes. Le guichet permet aussi aux jeunes davoir accès aux offres de formation disponibles sur le territoire. Il y a plus de 100 000 offres de formation recensées.
Le troisième levier daction vise à développer une offre de formation de qualité et adaptée aux besoins des entreprises et des territoires. À ce titre, lÉtat investit des moyens très importants : 500 M du grand emprunt, pour moderniser loffre de formation et créer des places dhébergement ; 1,7 Mds pour garantir le financement à parité avec les régions dans le cadre des contrats dobjectifs et de moyens. Les choses avancent très bien, puisque tous les COM avec toutes les régions ont, au moment où nous parlons, été signés et les premiers résultats sont là. Tous contrats dalternance confondus, depuis le début de lannée, nous pouvons enregistrer une hausse de près de 7,3 % par rapport à 2010.
Mesdames, Messieurs les membres du CESE, le cadre de la formation professionnelle est le résultat dun travail commun avec les partenaires sociaux, la majorité des lois qui ont structuré notre système ont pour origine un accord national interprofessionnel, cest le cas de la loi de 1971 tout comme celle du 24 novembre 2009.
Les évolutions économiques et technologiques de plus en plus rapides doivent nous pousser à faire et à parfaire continuellement notre système de formation. À cet égard, le projet davis sur lequel vous allez vous prononcer contribue à la réflexion générale et partagée que nous devons avoir. Plus que jamais, nous devons en effet tous travailler ensemble pour permettre à chacun tout au long de la vie de sépanouir et de faire valoir ses talents.
Je voudrais vous dire en termes de conclusion que tous les outils issus de la loi de 2009 étaient très importants. Je pense à la POE et les engagements que nous avons signés avec les branches professionnelles. Je pense aussi à AGEFOS-PME, qui sest engagée à plus de 10 000 POE. Dans chacun de mes déplacements dans les régions lors de la signature des COM, je tiens à chaque fois un SPEL (service public de lemploi local) pour réunir les services de lÉtat. Je regarde comment la POE sengage et dans quelle dynamique elle est en train de se créer.
Ce dispositif est pour la première fois le maillon manquant qui correspond aux besoins des entreprises, qui ont besoin davoir un personnel formé, qui ne le trouve pas, qui par le biais de Pôle emploi peuvent soit mono-financer ou co-financer une formation. Cest un module de 400 heures maximum de formation avec à lissue un contrat soit à durée indéterminée soit un CCD de 12 mois. Ce dispositif est en train de prendre son plein essor et je men réjouis.
Je me réjouis aussi de voir quaprès plusieurs mois de travail, nous avons réussi à mettre en place le service dématérialisé du SPO, et ce service dématérialisé, sera un outil performant - je lai vu fonctionner - pour chacun, quel que soit son niveau de formation, son âge, sa localisation, son envie de sorienter ou de se réorienter.
Nous avons décidé daller plus loin puisque nous allons labelliser des sites. Nous avons commencé à labelliser le site de Marseille avec la Cité des Métiers ; notre objectif étant davoir au moins un site labellisé Service public de lorientation tout au long de la vie dans chacun des bassins demploi. Cela veut dire au minimum 350.
Ce site labellisé correspond à un local où vous pouvez trouver des moyens mutualisés pour avoir loffre documentaire sur une orientation ou sur des métiers, en même temps un accompagnement personnalisé car vous avez avec les chambres de commerce et dindustrie un intervenant qui accompagne la personne et une autre de Pôle emploi pour orienter le demandeur demploi.
Encore une fois, le service public dorientation tout au long de la vie est un dispositif important. Cela nous permettra dêtre plus réactif dans la situation parce que du temps de nos parents, on entrait dans une entreprise, on y faisait sa carrière, voire nos enfants nous succédaient dans la même usine. Nous aurons à changer plusieurs fois de métier au cours de notre carrière et à nous adapter beaucoup plus rapidement aux besoins des entreprises et aux besoins économiques.
Ces outils sont très importants et doivent être performants. Sur le développement des formations par alternance, je me réjouis de voir laugmentation de 7,3 %. Il nous faudra évidemment aller plus loin dans la révolution culturelle que jai engagée. La troisième campagne de communication que je souhaite mener (on en a fait une à destination des jeunes et de leurs familles, la deuxième à destination des entreprises) devra concerner lÉducation nationale pour sensibiliser les enseignants au moment de lorientation et donc les professeurs principaux pour changer les mentalités et, à linstar de ce qui se passe en Allemagne, mieux orienter nos jeunes et sortir du discours consistant à dire quil fallait 80 % dune classe dâge au bac. Ce dont nous avons besoin, cest 100 % de jeunes formés et il nous faut guider les jeunes vers des filières qui recrutent.
Le dispositif que jai créé, qui sappelle « Cest lété, découvre un métier », sera pérennisé. Nous recommencerons dans les années à venir car nous avons fait ouvrir 71 CFA sur lensemble des territoires lété pour accueillir des jeunes, pour quils puissent sessayer à un geste professionnel. Ces rencontres ont connu un réel succès. Nous avons besoin de réussir cette formation initiale et de travailler à cette formation continue tout au long de la vie si nous avons besoin de nous réorienter.
Lorsque je vois le nombre demplois qui sont en perspective dans les prochaines années, je me dis que notre défi à réussir est la mise en adéquation avec les besoins, notre réactivité à former les salariés vers ces métiers en tension. Ce sont les défis que nous avons ensemble à réussir au regard de lengagement, et je les en remercie, des branches professionnelles dans le développement de lalternance et de la formation continue, des OPCA qui ont fait un travail remarquable dans le cadre de cette fusion. Cest tous ensemble et avec vos conseils et votre expertise que nous réussirons le défi de lemploi, notamment dans cette période de crise économique et financière qui demande leffort de tous.
source http://www.lecese.fr, le 28 décembre 2011