Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à France-Info le 24 novembre 2011, sur le statut des étudiants étrangers et les élèves boursiers.

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Média : France Info

Texte intégral


 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous pensez que pour être candidat à la présidentielle aujourd’hui il faut savoir manier la langue de bois ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je vais vous dire moi ce que… dieu sait si j’ai des différences avec Eva JOLY, mais il y a une chose que je respecte, c’est que c’est quelqu’un de sincère. Et ce je trouve c’est que finalement HOLLANDE récolte ce qu’il a semé.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN A savoir ?
 
LAURENT WAUQUIEZ L’indécision de HOLLANDE tourne au capharnaüm. Sur le nucléaire…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN …indécision sur quoi ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Le nucléaire. Personne n’est capable d’expliquer la position de HOLLANDE. On a commencé par un moratoire, ensuite il a dit que finalement il gardait l’EPR, et il finit avec un accord avec les Verts pour démanteler un certain nombre de centrales.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN On a bien compris que les accords n’engageaient pas totalement les candidats, que ce soit pour Europe Ecologie Les Verts et pour le Parti socialiste.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui ! D’ailleurs, vous le résumez très bien, on a bien compris que c’était un gigantesque foutoir et que plus personne n’y retrouvait ses petits ; sur la retraite à 60 ans, même chose, on est incapable de savoir est-ce que François HOLLANDE dit qu’il revient à la retraite à 60 ans ou non ; sur les 60 000 postes de fonctionnaires, on est incapable aussi de savoir. Et même sur son siège de campagne, visiblement il y a une indécision, il se demande « est-ce que je vais aller dans le Marais ou pas aller dans le Marais ? ». Alors, au-delà du côté anecdotique, je trouve que sur toutes ces histoires il n’est pas dans la sincérité, il est dans l’indécision et il récolte ce qu’il a semé.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Parce que vous pensez que le projet qui est concocté aujourd’hui par l’UMP sera aussi celui du candidat Nicolas SARKOZY si demain il se lance dans la bataille, ou il fera lui aussi ses propres propositions ?
 
LAURENT WAUQUIEZ En tout cas, ce qu’il y a de sûr, et c’est rarement un reproche qu’on a fait au président de la République, c’est que lui n’est pas dans l’indécision, et que sur l’élaboration…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  …mais, il pourra lui aussi peut-être prendre ses distances avec ce qui est écrit par le parti.
 
LAURENT WAUQUIEZ Bien sûr ! Mais là, ce dont je vous parle c’est pas le programme du PS, c’est les prises de position de François HOLLANDE. Sur le nucléaire, François HOLLANDE n’a pas été dans la sincérité. Personne d’ailleurs n’a compris au juste qu’est-ce qu’il avait en tête. Il veut démanteler le nucléaire, il ne veut pas le démanteler, il fait un moratoire, il ne fait pas de moratoire. Le résultat c’est quelqu’un qui est sincère, Eva JOLY, a exprimé ses convictions et à dit, « moi, je ne marche pas dans cette tambouille ». Alors, elle est rattrapée par le gigantesque rouleau compresseur du PS qui lui passe dessus pour lui dire, « maintenant, madame JOLY, langue de bois et rideau, on ne vous entend plus ». La réalité, je pense, c’est qu’on n’est pas dans la sincérité.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, on évoquait Nicolas SARKOZY, justement je voudrais savoir ce que vous pensez, vous, Laurent WAUQUIEZ, de ce qu’il a dit hier devant les maires : « Autoriser les étrangers qui résident en France à voter aux élections municipales risque de diviser les Français ». C’est sa position aujourd’hui, ça n’a pas toujours été celle-là, en 2005 notamment. Vous, vous en dites quoi aujourd’hui ?
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est une question qui n’est pas une petite question.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Certes !
 
LAURENT WAUQUIEZ Parce que ce qu’elle met en jeu c’est vraiment l’essence du pacte républicain. Le droit de vote des étrangers c’est contraire à l’essence même du pacte républicain français. Ca renvoie aux origines mêmes de ce qu’est la construction de la République. Vous revenez par exemple…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN … mais pourquoi est-ce que ça ne l’était pas en 2005 alors ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Pardonnez-moi, je vais d’abord exprimer votre question, c’est-à-dire ma position personnelle. Si vous revenez à l’origine de ce qu’est la Révolution française et la République, dans le contrat social de Rousseau il y a un lien indéfectible qui est fait entre la citoyenneté et le droit de vote. Et ce qui me gêne aujourd’hui dans l’approche socialiste défendue, consistant à dire on donne le droit de vote aux étrangers, c’est qu’en fait qu’est-ce qui est derrière ? Il faut là aussi être dans la clarté. On est prêt à brader les idéaux de la IIIe République pour acheter un communautarisme électoral. Et ça d’ailleurs été très clairement exprimé par le think tank socialiste Terra Nova qui a dit, « on abandonne le vote des classes populaires, et maintenant on fait du communautarisme ». Je trouve qu’on est très loin des idéaux de Jaurès. Et sur ce sujet, vraiment, j’aimerais bien qu’il y ait un sursaut républicain, qu’on ne soit pas dans cet espèce de fond de cuve politicien et qu’on retrouve ce qui est l’esprit fondamental de notre pacte républicain. Le droit de vote ne vient pas indépendamment de la citoyenneté. C’est citoyenneté avec un lien indéfectible avec le droit de vote. C’est ça la République.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Dites-moi, c’est quand même derrière cette idée développée aujourd’hui par Nicolas SARKOZY, la Droite populaire qui est en coulisse. Evidemment, on est tenté de penser que c’est pour séduire une frange droitière de l’UMP, celle qui pourrait justement être tentée d’aller voir ailleurs, notamment au Front national.
 
LAURENT WAUQUIEZ Ben, non ! Pourquoi est-ce que l’on intervient sur cette question ? Parce qu’il y a une proposition de loi qui est portée au Sénat par le groupe socialiste et qui dit, nous, dans notre programme, et y compris dans le programme de François HOLLANDE, on propose le droit de vote des étrangers. Donc, ce sera un des enjeux de la présidentielle. Et je ne dis pas du tout…enfin, c’est pas une idée que je galvaude en disant, « circulez, interdit, y’a rien à voir », je dis juste prendre cette voie-là c’est revenir sur trois siècles de République et de construction du pacte républicain. Donc, c’est pas un petit sujet.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et c’est pour cette raison que Nicolas SARKOZY a évolué sur cette question depuis 2005 ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ca toujours été pour lui un sujet d’interrogation, sur précisément quelle est la meilleure manière de faire cette intégration républicaine. Voilà, on a un choix qui est clair. Ca permettra aux Français de se décider.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, puisqu’on parle des étrangers, Laurent WAUQUIEZ, je voudrais qu’on évoque le cas des étudiants étrangers notamment, qui réclament le statut de salariés. L’application de la circulaire Guéant leur a causé quelques problèmes. Vous dites que c’est en passe d’être réglé. Ca n’est pas forcément, forcément l’avis de tout le monde.
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est un sujet sur lequel je me suis beaucoup investi pour une raison simple : je considère que la France et le rayonnement des universités françaises passe par sa capacité à accueillir les talents du monde. Quand on a des étudiants brillants en Chine, en Inde, au Brésil, les former en France c’est en faire des ambassadeurs à vie pour notre pays. Donc, on a intérêt à miser sur ces étudiants étrangers et faire en sorte que derrière ils puissent accompagner nos entreprises, les aider à se développer à l’export. Donc, voilà, il y a eu, vous l’avez rappelé, des difficultés d’application liées à cette circulaire. On a travaillé dessus avec Claude GUÉANT. Le Premier ministre a clairement choisi : sur cette voie, la France doit continuer à accueillir les talents du monde. Et donc, on est en train de corriger les… on a eu à peu près 500 cas difficiles, la moitié ont eu une solution, tout n’est pas fait.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, vous dites la moitié, le Collectif du 31 mai dit 116 dossiers seulement.
 
LAURENT WAUQUIEZ Alors, le Collectif dit 116 dossiers, on en a à peu près 500, il nous reste 250 cas à régler, voilà. Donc, l’objectif c’est que d’ici à la fin de l’année tout soit fait et qu’on puisse repartir sur une situation qui soit sur des bonnes bases. Et je n’ai pas de souci à assumer le fait de dire que quand on est ministre il faut aussi savoir corriger, voilà. Il y a des difficultés d’application, il y a des choses qui n’ont pas bien marché, on corrige.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, vous êtes ministre de l’Enseignement supérieur, se pose aussi en ce moment la question des élèves boursiers. Le versement visiblement a du retard pour le mois de novembre. Il y a des rassemblements qui sont prévus dès demain devant les rectorats, à l’appel de l’UNEF notamment. Le syndicat estime, par exemple, que les moyens accordés aux CROUS sont insuffisants, et s’interroge aussi sur le versement au mois de décembre de ces bourses. Est-ce que vous êtes en mesure de leur apporter des garanties aujourd’hui ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Bien sûr ! On a les moyens budgétaires qui permettent d’assurer évidemment le versement des bourses. Il faut là aussi faire très attention, parce que derrière un retard de versement il y a plein de choses différentes, ça peut être une difficulté sur un CROUS. Hier, je crois, vous aviez évoqué la difficulté sur Orléans Tours. Donc, j’ai fait vérifier, les paiements ont été faits en début de semaine, donc les instructions de paiement ont été faits en début de semaine. Donc, à l’heure où je parle…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN …donc, les étudiants étrangers qui sont partis étudier à l’étranger, les 170 dont on parlait hier matin…
 
LAURENT WAUQUIEZ …c’était les aides de mobilité que vous aviez.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Hmm !
 
LAURENT WAUQUIEZ Les aides de mobilité dont vous parliez hier matin, donc précisément je me suis dit, « ben, vérifions », cas pratique, elles ont été, avec les ordres de paiement qui avaient été donnés en début de semaine. Donc, à l’heure où je parle, normalement, les étudiants ont dû les avoir ou les auront en fin de semaine. C’est un sujet de vigilance, toujours. Les CROUS font un gigantesque travail. J’ai vraiment donné des instructions pour qu’on surveille ça de très près, et dès qu’on a des cas de retard qu’on y soit attentifs. Attention aussi, je le rappelle, il faut bien que tous les dossiers soient bien correctement remplis. On a parfois des dossiers qui arrivent en retard, qui ne sont pas tombés dans les délais qui sont les délais d’instruction. Donc, il faut qu’on soit très attentifs sur cette question, mais je sais qu’un étudiant qui n’a pas son aide, ça peut être un étudiant qui se retrouve dans des grandes difficultés. Je me suis toujours battu pour ces bourses, et notamment pour les classes moyennes.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Laurent WAUQUIEZ, justement, vous venez de publier un livre sur la lutte de ces classes moyennes, livre dans lequel vous réaffirmez vos idées, y compris celles qui ont suscitées la polémique. On pense au RSA et à faire travailler les bénéficiaires du RSA, ou réserver des logements sociaux à ceux qui travaillent. Vous pensez qu’aujourd’hui c’est ça le social vu par la droite ?
 
LAURENT WAUQUIEZ La priorité pour moi, et c’est ce qu’on affirme dans ce livre, « La lutte des classes moyennes », c’est que on doit remettre les classes moyennes au coeur du fonctionnement de la société française. Ca suppose de lutter contre deux dérives : d’une part, ceux que j’appelle les profiteurs du haut, où la droite sociale fait des propositions qui sont très fortes sur l’interdiction des stock options, la lutte contre les évadés fiscaux ; et d’autre part, corriger, parce que si on veut sauver notre système de protection sociale, il faut le faire, corriger les dérives de l’assistanat. Aujourd’hui, pour moi, faire du social c’est pas verser…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN …donc, le discours de Bordeaux c’est une victoire pour vous, finalement ?
 
LAURENT WAUQUIEZ En tout cas, ce que je vois effectivement c’est que les idées de la Droite sociale font du chemin, et que progressivement elles deviennent la boîte à idées aussi pour cette campagne présidentielle. Et, ce, à quoi je suis très vigilant, c’est que pour la campane présidentielle cette question des classes moyennes doit être au coeur de notre approche. Mais pas de caricature, ça suppose et de corriger les abus en haut et d’éviter les dérives de l’assistanat. C’est bien sur les deux volets qu’il faut se battre.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 28 novembre 2011