Texte intégral
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous pensez que pour être candidat à la présidentielle aujourdhui il faut savoir manier la langue de bois ?
LAURENT WAUQUIEZ Je vais vous dire moi ce que dieu sait si jai des différences avec Eva JOLY, mais il y a une chose que je respecte, cest que cest quelquun de sincère. Et ce je trouve cest que finalement HOLLANDE récolte ce quil a semé.
RAPHAËLLE DUCHEMIN A savoir ?
LAURENT WAUQUIEZ Lindécision de HOLLANDE tourne au capharnaüm. Sur le nucléaire
RAPHAËLLE DUCHEMIN indécision sur quoi ?
LAURENT WAUQUIEZ Le nucléaire. Personne nest capable dexpliquer la position de HOLLANDE. On a commencé par un moratoire, ensuite il a dit que finalement il gardait lEPR, et il finit avec un accord avec les Verts pour démanteler un certain nombre de centrales.
RAPHAËLLE DUCHEMIN On a bien compris que les accords nengageaient pas totalement les candidats, que ce soit pour Europe Ecologie Les Verts et pour le Parti socialiste.
LAURENT WAUQUIEZ Oui ! Dailleurs, vous le résumez très bien, on a bien compris que cétait un gigantesque foutoir et que plus personne ny retrouvait ses petits ; sur la retraite à 60 ans, même chose, on est incapable de savoir est-ce que François HOLLANDE dit quil revient à la retraite à 60 ans ou non ; sur les 60 000 postes de fonctionnaires, on est incapable aussi de savoir. Et même sur son siège de campagne, visiblement il y a une indécision, il se demande « est-ce que je vais aller dans le Marais ou pas aller dans le Marais ? ». Alors, au-delà du côté anecdotique, je trouve que sur toutes ces histoires il nest pas dans la sincérité, il est dans lindécision et il récolte ce quil a semé.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Parce que vous pensez que le projet qui est concocté aujourdhui par lUMP sera aussi celui du candidat Nicolas SARKOZY si demain il se lance dans la bataille, ou il fera lui aussi ses propres propositions ?
LAURENT WAUQUIEZ En tout cas, ce quil y a de sûr, et cest rarement un reproche quon a fait au président de la République, cest que lui nest pas dans lindécision, et que sur lélaboration
RAPHAËLLE DUCHEMIN mais, il pourra lui aussi peut-être prendre ses distances avec ce qui est écrit par le parti.
LAURENT WAUQUIEZ Bien sûr ! Mais là, ce dont je vous parle cest pas le programme du PS, cest les prises de position de François HOLLANDE. Sur le nucléaire, François HOLLANDE na pas été dans la sincérité. Personne dailleurs na compris au juste quest-ce quil avait en tête. Il veut démanteler le nucléaire, il ne veut pas le démanteler, il fait un moratoire, il ne fait pas de moratoire. Le résultat cest quelquun qui est sincère, Eva JOLY, a exprimé ses convictions et à dit, « moi, je ne marche pas dans cette tambouille ». Alors, elle est rattrapée par le gigantesque rouleau compresseur du PS qui lui passe dessus pour lui dire, « maintenant, madame JOLY, langue de bois et rideau, on ne vous entend plus ». La réalité, je pense, cest quon nest pas dans la sincérité.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, on évoquait Nicolas SARKOZY, justement je voudrais savoir ce que vous pensez, vous, Laurent WAUQUIEZ, de ce quil a dit hier devant les maires : « Autoriser les étrangers qui résident en France à voter aux élections municipales risque de diviser les Français ». Cest sa position aujourdhui, ça na pas toujours été celle-là, en 2005 notamment. Vous, vous en dites quoi aujourdhui ?
LAURENT WAUQUIEZ Cest une question qui nest pas une petite question.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Certes !
LAURENT WAUQUIEZ Parce que ce quelle met en jeu cest vraiment lessence du pacte républicain. Le droit de vote des étrangers cest contraire à lessence même du pacte républicain français. Ca renvoie aux origines mêmes de ce quest la construction de la République. Vous revenez par exemple
RAPHAËLLE DUCHEMIN mais pourquoi est-ce que ça ne létait pas en 2005 alors ?
LAURENT WAUQUIEZ Pardonnez-moi, je vais dabord exprimer votre question, cest-à-dire ma position personnelle. Si vous revenez à lorigine de ce quest la Révolution française et la République, dans le contrat social de Rousseau il y a un lien indéfectible qui est fait entre la citoyenneté et le droit de vote. Et ce qui me gêne aujourdhui dans lapproche socialiste défendue, consistant à dire on donne le droit de vote aux étrangers, cest quen fait quest-ce qui est derrière ? Il faut là aussi être dans la clarté. On est prêt à brader les idéaux de la IIIe République pour acheter un communautarisme électoral. Et ça dailleurs été très clairement exprimé par le think tank socialiste Terra Nova qui a dit, « on abandonne le vote des classes populaires, et maintenant on fait du communautarisme ». Je trouve quon est très loin des idéaux de Jaurès. Et sur ce sujet, vraiment, jaimerais bien quil y ait un sursaut républicain, quon ne soit pas dans cet espèce de fond de cuve politicien et quon retrouve ce qui est lesprit fondamental de notre pacte républicain. Le droit de vote ne vient pas indépendamment de la citoyenneté. Cest citoyenneté avec un lien indéfectible avec le droit de vote. Cest ça la République.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Dites-moi, cest quand même derrière cette idée développée aujourdhui par Nicolas SARKOZY, la Droite populaire qui est en coulisse. Evidemment, on est tenté de penser que cest pour séduire une frange droitière de lUMP, celle qui pourrait justement être tentée daller voir ailleurs, notamment au Front national.
LAURENT WAUQUIEZ Ben, non ! Pourquoi est-ce que lon intervient sur cette question ? Parce quil y a une proposition de loi qui est portée au Sénat par le groupe socialiste et qui dit, nous, dans notre programme, et y compris dans le programme de François HOLLANDE, on propose le droit de vote des étrangers. Donc, ce sera un des enjeux de la présidentielle. Et je ne dis pas du tout enfin, cest pas une idée que je galvaude en disant, « circulez, interdit, ya rien à voir », je dis juste prendre cette voie-là cest revenir sur trois siècles de République et de construction du pacte républicain. Donc, cest pas un petit sujet.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et cest pour cette raison que Nicolas SARKOZY a évolué sur cette question depuis 2005 ?
LAURENT WAUQUIEZ Ca toujours été pour lui un sujet dinterrogation, sur précisément quelle est la meilleure manière de faire cette intégration républicaine. Voilà, on a un choix qui est clair. Ca permettra aux Français de se décider.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, puisquon parle des étrangers, Laurent WAUQUIEZ, je voudrais quon évoque le cas des étudiants étrangers notamment, qui réclament le statut de salariés. Lapplication de la circulaire Guéant leur a causé quelques problèmes. Vous dites que cest en passe dêtre réglé. Ca nest pas forcément, forcément lavis de tout le monde.
LAURENT WAUQUIEZ Cest un sujet sur lequel je me suis beaucoup investi pour une raison simple : je considère que la France et le rayonnement des universités françaises passe par sa capacité à accueillir les talents du monde. Quand on a des étudiants brillants en Chine, en Inde, au Brésil, les former en France cest en faire des ambassadeurs à vie pour notre pays. Donc, on a intérêt à miser sur ces étudiants étrangers et faire en sorte que derrière ils puissent accompagner nos entreprises, les aider à se développer à lexport. Donc, voilà, il y a eu, vous lavez rappelé, des difficultés dapplication liées à cette circulaire. On a travaillé dessus avec Claude GUÉANT. Le Premier ministre a clairement choisi : sur cette voie, la France doit continuer à accueillir les talents du monde. Et donc, on est en train de corriger les on a eu à peu près 500 cas difficiles, la moitié ont eu une solution, tout nest pas fait.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, vous dites la moitié, le Collectif du 31 mai dit 116 dossiers seulement.
LAURENT WAUQUIEZ Alors, le Collectif dit 116 dossiers, on en a à peu près 500, il nous reste 250 cas à régler, voilà. Donc, lobjectif cest que dici à la fin de lannée tout soit fait et quon puisse repartir sur une situation qui soit sur des bonnes bases. Et je nai pas de souci à assumer le fait de dire que quand on est ministre il faut aussi savoir corriger, voilà. Il y a des difficultés dapplication, il y a des choses qui nont pas bien marché, on corrige.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, vous êtes ministre de lEnseignement supérieur, se pose aussi en ce moment la question des élèves boursiers. Le versement visiblement a du retard pour le mois de novembre. Il y a des rassemblements qui sont prévus dès demain devant les rectorats, à lappel de lUNEF notamment. Le syndicat estime, par exemple, que les moyens accordés aux CROUS sont insuffisants, et sinterroge aussi sur le versement au mois de décembre de ces bourses. Est-ce que vous êtes en mesure de leur apporter des garanties aujourdhui ?
LAURENT WAUQUIEZ Bien sûr ! On a les moyens budgétaires qui permettent dassurer évidemment le versement des bourses. Il faut là aussi faire très attention, parce que derrière un retard de versement il y a plein de choses différentes, ça peut être une difficulté sur un CROUS. Hier, je crois, vous aviez évoqué la difficulté sur Orléans Tours. Donc, jai fait vérifier, les paiements ont été faits en début de semaine, donc les instructions de paiement ont été faits en début de semaine. Donc, à lheure où je parle
RAPHAËLLE DUCHEMIN donc, les étudiants étrangers qui sont partis étudier à létranger, les 170 dont on parlait hier matin
LAURENT WAUQUIEZ cétait les aides de mobilité que vous aviez.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Hmm !
LAURENT WAUQUIEZ Les aides de mobilité dont vous parliez hier matin, donc précisément je me suis dit, « ben, vérifions », cas pratique, elles ont été, avec les ordres de paiement qui avaient été donnés en début de semaine. Donc, à lheure où je parle, normalement, les étudiants ont dû les avoir ou les auront en fin de semaine. Cest un sujet de vigilance, toujours. Les CROUS font un gigantesque travail. Jai vraiment donné des instructions pour quon surveille ça de très près, et dès quon a des cas de retard quon y soit attentifs. Attention aussi, je le rappelle, il faut bien que tous les dossiers soient bien correctement remplis. On a parfois des dossiers qui arrivent en retard, qui ne sont pas tombés dans les délais qui sont les délais dinstruction. Donc, il faut quon soit très attentifs sur cette question, mais je sais quun étudiant qui na pas son aide, ça peut être un étudiant qui se retrouve dans des grandes difficultés. Je me suis toujours battu pour ces bourses, et notamment pour les classes moyennes.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Laurent WAUQUIEZ, justement, vous venez de publier un livre sur la lutte de ces classes moyennes, livre dans lequel vous réaffirmez vos idées, y compris celles qui ont suscitées la polémique. On pense au RSA et à faire travailler les bénéficiaires du RSA, ou réserver des logements sociaux à ceux qui travaillent. Vous pensez quaujourdhui cest ça le social vu par la droite ?
LAURENT WAUQUIEZ La priorité pour moi, et cest ce quon affirme dans ce livre, « La lutte des classes moyennes », cest que on doit remettre les classes moyennes au coeur du fonctionnement de la société française. Ca suppose de lutter contre deux dérives : dune part, ceux que jappelle les profiteurs du haut, où la droite sociale fait des propositions qui sont très fortes sur linterdiction des stock options, la lutte contre les évadés fiscaux ; et dautre part, corriger, parce que si on veut sauver notre système de protection sociale, il faut le faire, corriger les dérives de lassistanat. Aujourdhui, pour moi, faire du social cest pas verser
RAPHAËLLE DUCHEMIN donc, le discours de Bordeaux cest une victoire pour vous, finalement ?
LAURENT WAUQUIEZ En tout cas, ce que je vois effectivement cest que les idées de la Droite sociale font du chemin, et que progressivement elles deviennent la boîte à idées aussi pour cette campagne présidentielle. Et, ce, à quoi je suis très vigilant, cest que pour la campane présidentielle cette question des classes moyennes doit être au coeur de notre approche. Mais pas de caricature, ça suppose et de corriger les abus en haut et déviter les dérives de lassistanat. Cest bien sur les deux volets quil faut se battre.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 28 novembre 2011