Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative à I Télé le 2 janvier 2012, sur les dispositifs d'accompagnement du chômage et notamment la formation intensive des chômeurs et la TVA sociale.

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Média : Itélé

Texte intégral


 
CHRISTOPHE BARBIER Bonne année !
 
LUC CHATEL Bonne année.
 
CHRISTOPHE BARBIER Au ministre et à tous les enseignants et à tous les élèves qui vont reprendre, mais qui ne vont reprendre que demain, eux, ils ont eu un jour de plus, ce n’est pas le cas pour les affaires. L’année démarre, les affaires continuent. Selon LIBERATION, Nicolas SARKOZY, alors ministre du Budget, ne pouvait pas ignorer la création d’une société luxembourgeoise, destinée à gérer les commissions versées au Pakistan, dans le cadre de ventes d’armes. Que répondez-vous ?
 
LUC CHATEL Eh bien je réponds : « Laissons l’enquête judiciaire aller à son terme ». C'est une affaire qui remonte à plus de 20 ans, aujourd'hui. Il y a une enquête judiciaire qui est en cours. A chaque fois que le gouvernement a été sollicité pour fournir des informations à la justice, il l’a fait, donc nous voulons la transparence et laissons l’enquête judiciaire se dérouler.
 
CHRISTOPHE BARBIER C’était en 93, un peu moins de 20 ans les souvenirs sont frais quand même, Nicolas SARKOZY avait dit : « Tout ça c’est des fables ». Il faudra qu’il s’explique.
 
LUC CHATEL Mais, la justice agit, la justice avance, laissons la justice faire son travail et attendons les faits et non pas des supposées déclarations via voix de presse.
 
CHRISTOPHE BARBIER Ça va peser sur les 100 jours de campagne qu’il reste ?
 
LUC CHATEL Non, moi, ce que je souhaite, c'est que... Vous savez, 2012 va être une année très importante, a mon sens c'est une année de responsabilités, où les Français vont devoir faire des choix, et où le gouvernement va montrer qu’il est au travail jusqu’au dernier jour. Vu la situation économique, vu la crise, nous devons travailler jusqu’au dernier jour, c'est ça être responsable vis-à-vis des Français, et ensuite ils auront à se prononcer. Ce qui nous préoccupe, c'est la situation du pays, et c'est l’avenir de notre pays. Donc nous sommes 100 % mobilisés autour de ça.
 
CHRISTOPHE BARBIER Un mois de voeux, quand même, pour le président de la République, à travers toute la France, ça, ce n'est pas continuer les réformes, c'est déjà anticiper la campagne électorale.
 
LUC CHATEL Non, mais un mois de voeux, le président de la République, c'est une tradition, il va s’adresser à différentes catégories de Français, pour se tourner vers eux en ce moment particulier de début d’année et peut-être encore plus particulier compte tenu de la crise. On ne peut pas reprocher à Nicolas SARKOZY de ne pas s’être déplacé pendant ces 5 années. Il a été le président de la République qui a été le plus présent sur le terrain...
 
CHRISTOPHE BARBIER Un message...
 
LUC CHATEL ... ça a peut-être échappé au Parti socialiste, mais Nicolas SARKOZY, et je suis bien placé pour le savoir, pour l’accompagner régulièrement, il effectue deux ou trois déplacements par semaine, là où ses prédécesseurs, lorsqu’ils effectuaient un déplacement, c’était l’évènement du mois ou de la décennie.
 
CHRISTOPHE BARBIER On saucissonne l’électorat et on délivre un message par catégorie ?
 
LUC CHATEL Non, je pense que c'est important d’apporter une attention particulière à chacun de nos concitoyens, qui sont aujourd'hui exposés à la crise, qui sont parfois en situation difficile, et de leur rappeler que derrière une stratégie globale, derrière un cap, il y a une politique qui s’adresse à chacun d’entre nous.
 
CHRISTOPHE BARBIER La commission Attali le réclamait fortement il y a plus de trois ans, voilà la formation intensive pour les chômeurs qui revient dans les voeux du président samedi soir. Quelle forme peut prendre cette formation intensive ?
 
LUC CHATEL La question de la formation, c'est – et c'est le ministre de l’Education nationale qui s’exprime – une question absolument majeure. Vous savez, aujourd'hui, ceux qui ne trouvent pas d’emploi, c'est souvent ceux qui ne sont pas qualifiés par rapport à une attente du marché du travail. On le voit avec les jeunes qui quittent le système éducatif sans diplôme, et c'est pour ça que nous avons décidé de mettre en place un système contre les décrocheurs, ceux qui sortent du système éducatif sans diplôme, ils seront dorénavant traités individuellement et c'est la même chose pour la formation continue. Il faut un traitement individuel, il faut qu’on soit capable...
 
CHRISTOPHE BARBIER Qu’est-ce qui manque ? Il manque de l’argent, il manque des postes, il manque des formateurs ?
 
LUC CHATEL Il manque, je pense, un travail en commun et une organisation, une coopération entre les différents acteurs qui sont nombreux. Le président de la République veut, avec le Premier ministre, réunir les partenaires sociaux sur ce sujet, ce sera le 18 janvier, et comme il l’a dit dans ses voeux, il attend de leur part, des propositions. Il ne s’agit pas d’agir de manière autoritaire, il s’agit de regarder la réalité en face. Oui, la situation économique est difficile, oui le chômage est là, eh bien il nous faut réagir et nous ferons avec et sur la base de propositions qui nous serons fournies.
 
CHRISTOPHE BARBIER Le chômage peut faire perdre Nicolas SARKOZY, en avril ?
 
LUC CHATEL Vous savez, les choses sont très compliquées. Les Français savent que la crise est exceptionnelle. Nous avons mis en place des dispositifs d’accompagnement du chômage qui sont sans précédent, nous l’avons fait au moment de la crise de 2008. Nous devons réfléchir, sans doute, à pérenniser certains d’entre eux, c'est-à-dire à réfléchir comment il peut y avoir un accompagnement des chômeurs qui soit différent, qui évite les ruptures que l’on connait en France, hein, perdre son emploi c'est un drame en France, comme dans une entreprise on a du mal à rompre un contrat, eh bien on préfère ne pas embaucher, on peut se poser des questions sur la fluidité du marché du travail et il faut se poser des questions de protection de ceux qui perdent leur emploi, c'est tout l’enjeu de ce sommet social du 18 janvier.
 
CHRISTOPHE BARBIER Eh bien Serge DASSAULT apporte des réponses, lui, il dit : « Il faut supprimer toutes les aides à l’emploi, ça coûte 10 milliards, ça ne crée pas un poste ». Que lui répondez-vous ?
 
LUC CHATEL Je pense que c'est une solution, certes, tentante sur le papier, mais plus complexe que ça en a l’air, au moment où nous mettons l’accent sur la compétitivité de notre industrie et de nos entreprises, si on supprimait immédiatement certaines aides, eh bien on aurait mécaniquement une augmentation du coût du travail, donc une perte de compétitivité de la part de ces entreprises. Donc, il faut tendre vers une baisse, voire une suppression des aides, de l’accompagnement aux entreprises, simplement il faut éviter les pertes de compétitivité.
 
CHRISTOPHE BARBIER Ce que l’on appelle la TVA sociale, c'est-à-dire viser les importations plutôt que l’emploi, ce n’était pas réalisable en juin 2007, pourquoi ça le serait en janvier 2012 ?
 
LUC CHATEL Mais, parce que, entre temps il y a eu, trois, quatre crises, qui font qu’aujourd'hui la France est dans une situation difficile, le monde est dans une situation difficile, et, vous savez, c'est souvent dans les périodes difficiles que l’on voit les écarts se creuser entre les pays et c'est donc dans ces périodes-là qu’il faut prendre les bonnes décisions, notamment en comparaison internationale, c'est-à-dire en compétitivité, faire en sorte que notre pays soit attractif sur le plan du travail, parce que nous résoudrons la crise, par le travail en faisant en sorte qu’il y ait davantage de production en France et en faisant en France qu’il y ait davantage d’emploi pour résoudre la problématique du chômage.
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais, est-ce que vous n’allez pas casser la consommation en augmentant la TVA ?
 
LUC CHATEL Vous savez, ce qui casse la consommation, ce sont tous ces nouveaux demandeurs d’emploi qui voient leurs revenus diminuer et qui donc consomment moins. Ce sont ces jeunes sans emploi, qui sortent du système éducatif sans qualification, qui ne peuvent pas trouver leur place sur le marché du travail, qui donc ne consomment pas. Donc il faut aujourd'hui réfléchir à un système qui permette à nos entreprises d’être plus compétitives, donc de créer davantage d’emploi, un marché du travail plus souple, plus fluide, avec moins d’effets de seuil, de manière à ce que l’on ait une France qui, au total, aille vers une meilleure prospérité.
 
CHRISTOPHE BARBIER « Nicolas SARKOZY joue sur les peurs », c'est ce que dit Manuel VALLS. Que lui répondez-vous ?
 
LUC CHATEL Je dis qu’il s’agit d’un déni de réalité, sans doute, de la part de Manuel VALLS. Il ne voit pas la réalité en face. J’entendais ce matin d’ailleurs un certain nombre d’éditorialistes décrire objectivement la situation du monde et de notre pays. Le monde est en crise, la France est en crise. Certes, elle a mieux résisté qu’ailleurs, mais pourquoi elle a mieux résisté qu’ailleurs ? Parce que la politique du gouvernement a été efficace, elle a permis de mieux protéger les Français, le gouvernement a pris un certain nombre d’initiatives fortes, que d’ailleurs, j’observe, le Parti socialiste n’a jamais soutenues. Donc, je dis à Manuel VALLS, je dis à François HOLLANDE « Ouvrez les yeux ». Quand on veut être chef de l’Etat, il ne faut pas regarder le monde tel qu’on veut qu’il soit, il faut regarder le monde tel qu’il est, il faut être réaliste, il faut avoir le courage de regarder les difficultés, avant de les affronter, c'est ce que fait Nicolas SARKOZY.
 
CHRISTOPHE BARBIER Etre réaliste, ouvrir les yeux, pour Nicolas SARKOZY, ce n'est pas donner raison à Luc FERRY, il y a un problème de détestation personnelle, dit votre prédécesseur à l’égard du président de la République.
 
LUC CHATEL Ecoutez, je suis souvent en accord avec Luc FERRY, mon ami Luc FERRY, c'est un ami que je vois régulièrement, mais j’ai eu l’occasion de dire hier que ses propos étaient excessifs, je dirais qu’ils sont même malvenus, parce qu’il y a tout sauf une détestation de Nicolas SARKOZY dans le pays. Certes, il y a des clivages, il y a des gens qui adulent et qui soutiennent à fond la politique de Nicolas SARKOZY...
 
CHRISTOPHE BARBIER Il y a beaucoup de déçus, aussi, c'est ceux-là qui lui en veulent.
 
LUC CHATEL Mais il y a toujours des déçus. Mais souvenez-vous, en 2007, Christophe BARBIER – vous êtes un observateur avisé de la vie politique – on nous expliquait que Nicolas SARKOZY ne serait jamais élu président de la République, parce qu’avec les paroles qu’il portait, avec le message qu’il portait, il y avait un front « tout sauf SARKOZY », qui empêcherait Nicolas SARKOZY d’être élu président de la République. On a vu la suite. Donc je crois qu’aujourd'hui, le temps il est plus à la mobilisation générale, derrière notre candidat, plutôt qu’à la différenciation par les paroles. C’est le sens de la réponse que j’ai faite à Luc FERRY hier.
 
CHRISTOPHE BARBIER La semaine dernière, une enseignante a été suspendue, parce que dans des courriels, elle avait évoqué les thèmes du baccalauréat sur lesquels elle avait été testée. Allez-vous intervenir dans ce litige ?
 
LUC CHATEL Alors, je suis intervenu via le recteur, c'est-à-dire que nous avons décidé de suspendre immédiatement cette enseignante. Pourquoi ? C’est une enseignante qui participe à l’élaboration des sujets du baccalauréat, en testant les sujets qui sont préparés. Et dans ce cadre-là, elle a signé une clause de confidentialité ; elle a été amenée à divulguer un certain nombre d’éléments, pas, le sujet en entier, mais des éléments de ces sujets auprès de ses collègues, c'est inadmissible, c'est une faute grave, donc il y a une procédure disciplinaire qui a été engagée et qui...
 
CHRISTOPHE BARBIER Elle sera révoquée ?
 
LUC CHATEL Une procédure disciplinaire est engagée et qui décidera de la suite à donner à cette affaire.
 
CHRISTOPHE BARBIER Luc CHATEL, merci, bonne journée.
 
LUC CHATEL Merci à vous.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 16 janvier 2012