Déclaration de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, sur le rôle de la Marine nationale, à Lanvéoc Poulmic (Finistère) le 8 octobre 2011.

La cérémonie de présentation au drapeau qui nous réunit aujourd’hui à l’Ecole navale marque l’entrée de toute votre promotion d’élèves officiers dans la carrière des armes.
En choisissant la marine, vous avez fait le choix de l’avenir. L’action de la marine nationale se situe à la croisée de deux stratégies, dont les ambitions viennent d’être réaffirmées. Vous en serez à la fois les témoins mais surtout les acteurs.
La première de ces stratégies, bien sûr, c’est la politique de la défense et de sécurité nationale.
Le Président de la République l’a fixée dans le livre blanc de juin 2008.
Véritable socle de toute notre démarche en matière de défense, ce document affirme l’importance du fait maritime et de la dimension navale de nos forces armées, « en soutien de l’action politique et diplomatique de notre nation ». Qui dit éloignement, durée, concentration, surprise, dit marine : les mers et les océans constituent le véritable espace de la manœuvre stratégique, comme ils sont l’espace de la manœuvre logistique de notre monde globalisé.
La seconde stratégie qui précise le rôle de notre outil naval, c’est la stratégie maritime.
Elle était la grande absente des politiques structurant notre action militaire. Avec la stratégie maritime de l’Union européenne et surtout le Livre bleu français, ce n’est plus le cas.
La politique maritime de l’Union européenne élaborée en 2007 développe une vision européenne des océans et des mers. Elle reconnaît et souligne le caractère marin de notre Union, première puissance maritime mondiale, en particulier en ce qui concerne le transport maritime, les techniques de construction navale, le tourisme côtier, la production d’énergie en mer et les services connexes. Quand on est entouré par quatre mers et deux océans, quand 90% du commerce extérieur et 40% du commerce intérieur de l’Union européenne se font par voie maritime, on peut difficilement méconnaître ce fait. Les pays européens doivent mesurer l’importance de nos atouts afin de mieux les valoriser et préserver.
Cette prise de conscience européenne, s’il est un pays qui l’a comprise, qui l’a intégrée et l’a développée, sous l’impulsion du Président de la République, c’est bien la France. Au Havre, en juillet 2009, Nicolas SARKOZY, avait demandé que les travaux du Grenelle de la Mer débouchent sur un texte fondateur : un « Livre bleu » définissant la stratégie maritime française. C’est chose faite, pour la première fois, depuis décembre 2009.
Le livre bleu met en lumière la richesse de l’espace maritime : partout où, sur terre, nous nous heurtons à la raréfaction, à l’épuisement ou à la contrainte spatiale, la mer apporte le complément indispensable. C’est le cas des besoins nourriciers, avec les ressources halieutiques, des besoins énergétiques, avec le pétrole ou l’éolien off shore, ou encore l’importance que prendra demain la biomasse marine.
Pour la défense, il rappelle que « la mer constitue un espace de manœuvre qui apporte la mobilité et une profondeur stratégique, qui n’existent pas sur les terres dont chaque centimètre carré relève d’une souveraineté nationale établie. » C’est un potentiel que notre pays doit exploiter en s’appuyant sur une marine forte, disponible et active, capable d’exploiter cette profondeur stratégique.
Le livre Bleu insiste enfin sur « l’État responsable », capable « d’exercer ses responsabilités en mer ». De nombreuses administrations participent à l’exercice de ces responsabilités. En haute mer en particulier, notre pays s’appuie sur la Marine pour conduire cette action de l’Etat en mer.
Nous avons bien sûr tous à l’esprit le caractère décisif de l’intervention de nos bâtiments au large de la Libye.
Qu’il s’agisse de surveiller, contrôler, interdire ou intervenir, l’ensemble des fonctions qui peuvent être confiées à une Marine de guerre ont été sollicitées avec succès. Cette opération, qui a engagé les trois armées, a démontré l’excellence des savoir faire dont vous pouvez être fiers et qu’il vous faudra maintenir.
Si le Charles De gaulle et son ballet aérien ont été les plus visibles, ils ne me font pas oublier la part prise par les bâtiments de projection et de commandement, les frégates, les sous-marins nucléaires d’attaque, les avions de patrouille maritime ou les pétroliers ravitailleurs. A ceux qui n’étaient pas convaincus de la nécessité d’avoir une marine aussi complète, Harmattan a apporté la réponse.
2011, c’est également la poursuite de l’opération Atalante contre la piraterie.
Elle illustre que si la force n’est pas mise au service du droit en mer, elle sera détournée par tous ceux qui ne s’enrichissent que par le vol, le pillage et le meurtre. Le principe du respect du droit en mer est clair et la marine nationale s’engage à le faire respecter au travers de ses bâtiments porte-hélicoptères, ses avions de patrouille et de surveillance maritime ainsi que ses commandos.
Harmattan et Atalante sont loin de résumer à eux seuls l’activité de notre marine sur ces dix derniers mois. Car elle a également été présente en Afghanistan, en face de la République de Côte d’Ivoire en appui des forces terrestres, dans nos départements et collectivités d’outre-mer pour la sauvegarde de nos intérêts locaux et partout où il était nécessaire de se trouver pour lutter contre les trafics de toutes sortes.
C’est, entre autres, pour améliorer encore cette lutte contre les trafics que 2011 a vu aussi la création du centre opérationnel de la fonction garde côtes.
Nouvelle étape du renforcement de l’action de l’Etat en mer, cette fonction garde-côtes a permis la mutualisation des moyens humains et matériels de toutes les administrations de l’Etat intervenant sur la mer et le littoral, autour de priorités clairement identifiées, mises en œuvre sous l’autorité des Préfets maritimes en métropole et des délégués du gouvernement pour l’action de l’Etat en mer en outre-mer.
C’est un modèle qui marche et que regardent avec intérêt nos partenaires européens, comme l’a montré le récent sommet des gardes côtes de l’Atlantique Nord.
Elèves officiers de l’Ecole navale, vous allez former la marine de demain.
Il vous reviendra de défendre la France et ses valeurs en mer mais aussi, et vous l’avez bien compris, de défendre la mer elle-même.
Ce métier vous l’apprenez aujourd’hui à l’Ecole navale, pour devenir des ingénieurs, des marins et des chefs.
Des ingénieurs, car il vous sera demandé de comprendre, d’utiliser, de valoriser des systèmes de plus en plus complexes. L’exploitation d’un système de combat, la mise en œuvre d’une chaufferie nucléaire ou la maintenance d’un Rafale ne sont pas des passe-temps ou des activités d’amateurs. A ce haut niveau de la technologie des outils que l’Etat vous confiera, devra correspondre votre professionnalisme.
Des marins bien sûr, parce que cette mer de liberté et d’action n’est un espace stratégique que pour ceux qui la connaissent, qui la comprennent et qui l’ont donc pratiquée. Et c’est elle qui vous forgera. Elle vous apprendra l’effort, la patience, l’ouverture et la combativité, toutes qualités indissociables de l’esprit d’équipage.
Des chefs, enfin, c’est-à-dire des décideurs et des meneurs d’hommes.
Nous vivons dans une société de l’émotion, de l’instantanéité où l'on demande une réaction immédiate et superficielle. C’est exactement l’inverse du commandement qui suppose une analyse dans la relation avec l’autre au-delà de l'instantanéité et de l’émotion, afin de le faire participer, comme vous, sur le terrain où vous voulez l’engager pour obtenir un résultat.
En pleine mer, loin de toute structure et de toute administration, il vous faudra agir, pour défendre les intérêts de la France, parfois au péril de vos vies. Vous serez souvent seuls dans vos décisions mais si on décide seul, on agit toujours en équipage. Ces hommes et ces femmes, vous aurez à les motiver, à les encadrer, à les conduire au bout de leur engagement et de la mission qui vous aura été confiée. Seuls votre professionnalisme, votre détachement et votre volonté vous donneront la légitimité pour une telle responsabilité.
Messieurs les élèves officiers,
Défendre notre pays et ses valeurs signifie un engagement fort. Agir en mer en est un autre tout aussi exigeant. Votre présence ici signifie que vous avez l’ambition de marier ces deux vocations, ce qui fera de vous des acteurs essentiels de la sécurité de notre patrie sur les océans.
Vous avez choisi un métier d’avenir. Cette évidence était déjà soulignée dans ces mêmes lieux, il y a presque un demi-siècle, par le général De Gaulle qui notait que « la Marine se trouve maintenant et sans doute pour la première fois de notre histoire au premier plan de la puissance guerrière en France et ce sera dans l’avenir tous les jours un peu plus vrai . » L’histoire ne l’aura pas contredit.
Notre pays a besoin d’une Marine forte et cette marine a besoin de vous. Montrez-vous, comme vos Anciens, à la hauteur de cette exigence.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 janvier 2012