Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais te remercier de mavoir invité à participer à cette soirée de débat et déchanges. En prenant place à côté du représentant de la plus grande puissance du nouveau continent, lambassadeur Rivkin, je retrouve le sens même de la Revue des deux mondes : lEurope et les Etats-Unis rassemblés.
La défense de la France et, à travers elle, son engagement que tu as bien voulu rappeler, est une très belle démonstration de ce pays qui nest pas banal dans un monde qui reste profondément tragique et imprévisible.
Vous le rappeliez à linstant Monsieur lAmbassadeur, la défense de la France la met dans une position forte et singulière dans le monde. Naturellement, les Etats-Unis ont des moyens considérablement supérieurs aux nôtres mais cela na aucune importance, parce que nous sommes leurs alliés, et que leurs moyens et nos moyens sont en général solidaires, ils sajoutent ; ils sadditionnent et parfois même ils se multiplient. Notre faiblesse, si lon peut la qualifier comme telle, nest pas ressentie comme une forme de minorité mais comme un partenariat, et nous avons parfois le sentiment quavec moins de moyens nous arrivons à être au niveau de nos responsabilités. Mais ailleurs, dans lautre de ces deux mondes rassemblés par Marc dans sa revue, c'est-à-dire dans le vieux continent européen, nous pensons très honnêtement quavec les Britanniques nous sommes les seuls à disposer dune défense complète et à accepter un effort financier à la hauteur de nos responsabilités. Dans le monde, si lon regarde bien, il y a des armées plus nombreuses en apparence mieux équipées , mais lorsque le conseil de sécurité des Nations Unies adopte une résolution qui implique un engagement de moyens sur le terrain, le nombre de pays sur lesquels on peut compter est relativement réduit : il y a, dabord et avant tout, les Etats-Unis mais très vite après on trouve la Grande Bretagne et la France, et sil y a des contingents baroques dans des théâtres extérieurs , les îles Fidji, ou Tonga qui était présente en Côte dIvoire, lorsquil faut passer à laction on préfère encore les vieilles troupes de linfanterie de marine ou les pilotes dhélicoptères de combat de nos régiments.
Cest là la singularité française et je voudrais, ainsi souligner certaines différences évidentes.
La première différence et non la moindre, est quil y a dans notre pays, sur le thème de la défense, une vision assez largement partagée. La majorité a adopté un livre blanc de défense et de sécurité, elle le met en uvre et jai la chance pour 2012 de présenter un budget qui sinscrit dans la droite ligne de ce que nous avions retenu. Cest un avantage considérable que de ne pas remettre en question, chaque année, cette ligne de conduite et cette conception.
La seconde différence qui fonde notre singularité est la réalité constitutionnelle qui me rend gaulliste. La cinquième République a fait du chef de lEtat le chef des Armées. Cest une différence considérable davec tous les autres pays. Il y a des pays beaucoup plus riches que nous par exemple qui pourtant nont pas cet avantage - je songe par exemple à lAllemagne qui a des moyens établis, qui a une présence significative en Afghanistan et qui en a, pourtant, eu la volonté avec Helmut Kohl. Quelle est la différence fondamentale entre nos deux pays ? Pour répondre, je paraphraserai le maréchal FOCH qui commandait une coalition et qui en avait tiré la conclusion que, pour décider à plusieurs, il fallait être en nombre impair et que trois était déjà un nombre élevé ! Cest précisément ce qui explique pourquoi mon collègue, le ministre Thomas De MAIZIERE, ma récemment expliqué quil dirigeait « une armée parlementaire ». Quest-ce quune armée parlementaire ? Cest une armée dont tous les engagements sont soumis au vote dun parlement. Moi-même qui suis profondément libéral et qui, en matière dinstitution, a écrit des pages inoubliables et dailleurs oubliées dans la Revue des Deux Mondes en faveur du renforcement de la présence parlementaire, je dois constater quune armée parlementaire favorise tout sauf laction. La force des institutions de notre République, et cest dans ce sens que la France nest pas banale, est quil y a une unité de commandement. Si le président de la République a modifié la constitution pour que le parlement sexprime sur lengagement des troupes à lextérieur au bout de quatre mois et si le parlement a le droit den être informé immédiatement, le Président a les mains libres pendant quatre mois, ce qui donne une autorité considérable lorsquil faut, dans une situation de crise, mettre en uvre une décision qui est nécessairement collective.
Cest pourquoi, en effet, la France nest pas un pays banal : elle a une armée, elle y consacre des moyens, elle a un système de décision qui permet de lengager, elle a respecté son programme à la fois de capacité et de modernisation et, dans une Europe qui nest pas directement menacée, elle est en mesure dassumer sa part de responsabilité.
Le ministère de la défense est un ministère passionnant parce quau-delà de cette singularité française, la gestion de la défense nous renvoie à la fois toutes les forces et toutes les faiblesses de notre pays. Je voudrais évoquer deux sujets qui me viennent à lesprit comme ministre de la défense, mais qui ne sont, en réalité, deux illustrations des forces et des faiblesses de notre pays. Jévoquais tout à lheure ce sens de lindépendance, cela suppose den avoir les moyens. Au fond, dans une armée, il faut des effectifs, naturellement, il faut des équipements assurément, il faut dabord et avant tout une stratégie et les moyens de la mettre en uvre et nous avons cette réflexion stratégique , nous avons les moyens politiques de la mettre en uvre, revenons sur les deux derniers aspects : les équipements et les hommes.
En matière déquipement, nous avons des industries darmement de très grande qualité où lEtat est actionnaire de la plupart dentre elles et na pas imposé de politique industrielle aux dirigeants. Cela permet à ces entreprises progressivement dêtre des entreprises de dimension au minimum européenne et souvent mondiale qui gardent une culture française pour les centres de décision mais qui sont multi nationales partout où elles interviennent. Cest une situation assez étonnante qui nous permet dêtre présents dans des secteurs de très hautes technologies et qui ont essentiellement regard au contrôle et à la surveillance du théâtre dopération ou qui ont trait aux moyens qui sont employés sur ces mêmes théâtres. Et en même temps, ces sociétés sont en situation de challenger , et ont une véritable interrogation sur leur capacité à être durablement des challengers . Pourquoi ? Je vais vous donner un ordre de grandeur : lindustrie américaine représente près de 54% du commerce mondial des biens darmement, le 2ème acteur doit être la Grande Bretagne avec 12,5%, la Russie, 3ème , représente 8% du marché mondial, la France 6% et Israël est 5ème avec 5,3%. Ce sont les grands acteurs et derrière il ny a presque personne. Quelle est cette singularité de lindustrie française ? Nous sommes mondiaux et technologiquement en pointe, mais nous sommes dans une sorte de situation de bascule où être 4ème nest pas satisfaisant. Dans les stratégies dentreprise, en général, il faut être sur le podium - or, argent, bronze éventuellement - mais pas au-delà. Et nous sommes dans une situation à la fois de talent, de patrimoine technologique, de présence commerciale, de réalisation industrielle mais dans une position quelque peu limite dans la pérennité, ce qui évidemment implique la réflexion sur la dimension européenne qui est au cur des sujets de lactualité de ce jour.
Le deuxième reflet de la société française, ce sont les hommes. Les effectifs sont suffisants. Une armée, cest une culture, je veux dire par là quil ne sagit pas daligner simplement des combattants, de les équiper, de les entraîner, encore faut-il quà tous les niveaux de responsabilités, depuis le chef détat-major jusquau caporal de chambrée, quil y ait des convictions, des comportements, des valeurs et des réflexes partagés. Cest bien là que lidée de culture est importante. Quest-ce quune culture militaire ? Et bien, cest la certitude que celui avec qui vous allez au combat, aura lattitude, le comportement que vous attendez de lui au moment où vous allez combattre, au péril de votre vie. Ça a lair banal mais cest décisif.
Les théâtres dopérations de nos forces viennent dêtre évoqués. Je souhaiterais revenir sur lun dentre eux : lopération Licorne. Nous y avons, en effet, parfaitement démontré ces qualités : lunité de commandement, dabord, au travers du Président de la République qui savait exactement ce quil voulait et qui na à aucun moment changé de cap. Lorsque lancien président Gbagbo a été en situation de faire basculer Abidjan dans une guerre civile, qui, à lintérieur de cette grande capitale aurait été sans contrôle possible, la décision a été prise en moins dune matinée de frapper, de le faire avec le matériel adapté et uniquement le matériel adapté, cest-à-dire sans dommages collatéraux , avec une force maîtrisée et de le faire aussi avec la culture qui nous est propre, celle des marsouins, fantassins de linfanterie de marine ont fait en sorte que ceux qui devaient intervenir, interviennent là où il fallait au bon moment lorsquon avait besoin deux. Avec moins de 250 hommes, et moins de 10 pilotes dhélicoptère, en soutien de lONUCI, cette opération a été réglée. La décision a été prise rapidement au moment où ladversaire sétait mis dans une situation à la fois absurde et provocatrice. Provocatrice car il pouvait déclencher la guerre civile dans la ville dAbidjan et absurde parce quil avait regroupé toutes ses forces en un seul site et que rien nest plus facile de détruire des forces que lorsquelles sont regroupées sur un seul site. Cest la culture de nos exécutants qui donnaient la certitude au chef détat- major quil pouvait dire au Président de la république : « la mission sera accomplie », avec cette finesse dadaptation aux circonstances à tous les niveaux. A côté, les contingents que les Nations Unies avaient mis à disposition du représentant permanent de M. Ban Ki Moon nétaient pas capables de gérer une situation de ce type.
Une armée est bien le reflet dune société. Or nous avons à maintenir la cohérence de cette société, la culture de cette société, les traditions de cette société. Cest la raison pour laquelle dans le lien armée-Nation se trouve linterrogation de la France sur elle-même et sur son rôle, qui est un sujet majeur dun ministre de la défense. Reflet de la France à travers des stratégies industrielles qui font de nous un acteur mondial aux limites de la démondialisation pour prendre une formule, et qui doit sinterroger en permanence sur les moyens de revenir dans la mondialisation en plein exercice, et seule la mondialisation peut permettre à nos entreprises de tenir le choc des investissements lourds de développement et détudes quil faut dans ce secteur-là. Cette vérité pour lindustrie de larmement, elle lest pour toutes les entreprises ici rassemblées, dont vous avez les uns et les autres la charge. Le lien armée nation, cest exactement le même lien de la vie collective dans notre pays de la coexistence pacifique et de valeurs partagées qui sont les fondements dune République.
Il y a un troisième reflet, enfin, ce sont les moyens financiers. Pour les engagements que nous avons à assumer, nous sommes au rendez-vous capacitaire. Si jai pu préserver à cet instant le budget 2012, il est absolument évident que les circonstances actuelles vont remettre en question la certitude de pouvoir prolonger ces programmes en toute sérénité. Lorsque nous nous retrouvons en réunion de lunion européenne où nous avons des pays qui parlent mais qui sont incapables de faire quoique ce soit, pour certains parce quils nen nont pas la taille, pour dautres parce quils nen nont pas la volonté, nous sommes à un carrefour dinterrogations complets, mais la France est au rendez-vous de sa parole et de son rang. La France, sous lautorité du Président de la République, a démontré depuis 4 ans une confiance retrouvée en elle-même et en sa capacité à être un acteur responsable sur la scène internationale, notamment grâce à sa puissance militaire. Et je peux vous dire à tous ici ce soir que cette expérience militaire me donne très envie de mengager dans le combat politique pour expliquer à nos compatriotes quaucune des solutions qui sont préconisées ailleurs, ne sont dailleurs crues par ceux qui les évoquent, et quen tout état de cause elles ne sont pas en mesure daider notre pays à surmonter les épreuves quil affronte.
Alors que nous sommes encore au cur dune période difficile mais aussi riche dopportunités, je veux vous dire ma fierté dappartenir à un pays qui dispose de tels atouts, ma confiance dans la solidité de l'esprit de défense partagé par la Nation, le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement et ma vigilance pour que notre défense continue, malgré les difficultés économiques, financières et budgétaires, de disposer des moyens qui correspondent à notre place en Europe et dans le monde.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 janvier 2012
Je voudrais te remercier de mavoir invité à participer à cette soirée de débat et déchanges. En prenant place à côté du représentant de la plus grande puissance du nouveau continent, lambassadeur Rivkin, je retrouve le sens même de la Revue des deux mondes : lEurope et les Etats-Unis rassemblés.
La défense de la France et, à travers elle, son engagement que tu as bien voulu rappeler, est une très belle démonstration de ce pays qui nest pas banal dans un monde qui reste profondément tragique et imprévisible.
Vous le rappeliez à linstant Monsieur lAmbassadeur, la défense de la France la met dans une position forte et singulière dans le monde. Naturellement, les Etats-Unis ont des moyens considérablement supérieurs aux nôtres mais cela na aucune importance, parce que nous sommes leurs alliés, et que leurs moyens et nos moyens sont en général solidaires, ils sajoutent ; ils sadditionnent et parfois même ils se multiplient. Notre faiblesse, si lon peut la qualifier comme telle, nest pas ressentie comme une forme de minorité mais comme un partenariat, et nous avons parfois le sentiment quavec moins de moyens nous arrivons à être au niveau de nos responsabilités. Mais ailleurs, dans lautre de ces deux mondes rassemblés par Marc dans sa revue, c'est-à-dire dans le vieux continent européen, nous pensons très honnêtement quavec les Britanniques nous sommes les seuls à disposer dune défense complète et à accepter un effort financier à la hauteur de nos responsabilités. Dans le monde, si lon regarde bien, il y a des armées plus nombreuses en apparence mieux équipées , mais lorsque le conseil de sécurité des Nations Unies adopte une résolution qui implique un engagement de moyens sur le terrain, le nombre de pays sur lesquels on peut compter est relativement réduit : il y a, dabord et avant tout, les Etats-Unis mais très vite après on trouve la Grande Bretagne et la France, et sil y a des contingents baroques dans des théâtres extérieurs , les îles Fidji, ou Tonga qui était présente en Côte dIvoire, lorsquil faut passer à laction on préfère encore les vieilles troupes de linfanterie de marine ou les pilotes dhélicoptères de combat de nos régiments.
Cest là la singularité française et je voudrais, ainsi souligner certaines différences évidentes.
La première différence et non la moindre, est quil y a dans notre pays, sur le thème de la défense, une vision assez largement partagée. La majorité a adopté un livre blanc de défense et de sécurité, elle le met en uvre et jai la chance pour 2012 de présenter un budget qui sinscrit dans la droite ligne de ce que nous avions retenu. Cest un avantage considérable que de ne pas remettre en question, chaque année, cette ligne de conduite et cette conception.
La seconde différence qui fonde notre singularité est la réalité constitutionnelle qui me rend gaulliste. La cinquième République a fait du chef de lEtat le chef des Armées. Cest une différence considérable davec tous les autres pays. Il y a des pays beaucoup plus riches que nous par exemple qui pourtant nont pas cet avantage - je songe par exemple à lAllemagne qui a des moyens établis, qui a une présence significative en Afghanistan et qui en a, pourtant, eu la volonté avec Helmut Kohl. Quelle est la différence fondamentale entre nos deux pays ? Pour répondre, je paraphraserai le maréchal FOCH qui commandait une coalition et qui en avait tiré la conclusion que, pour décider à plusieurs, il fallait être en nombre impair et que trois était déjà un nombre élevé ! Cest précisément ce qui explique pourquoi mon collègue, le ministre Thomas De MAIZIERE, ma récemment expliqué quil dirigeait « une armée parlementaire ». Quest-ce quune armée parlementaire ? Cest une armée dont tous les engagements sont soumis au vote dun parlement. Moi-même qui suis profondément libéral et qui, en matière dinstitution, a écrit des pages inoubliables et dailleurs oubliées dans la Revue des Deux Mondes en faveur du renforcement de la présence parlementaire, je dois constater quune armée parlementaire favorise tout sauf laction. La force des institutions de notre République, et cest dans ce sens que la France nest pas banale, est quil y a une unité de commandement. Si le président de la République a modifié la constitution pour que le parlement sexprime sur lengagement des troupes à lextérieur au bout de quatre mois et si le parlement a le droit den être informé immédiatement, le Président a les mains libres pendant quatre mois, ce qui donne une autorité considérable lorsquil faut, dans une situation de crise, mettre en uvre une décision qui est nécessairement collective.
Cest pourquoi, en effet, la France nest pas un pays banal : elle a une armée, elle y consacre des moyens, elle a un système de décision qui permet de lengager, elle a respecté son programme à la fois de capacité et de modernisation et, dans une Europe qui nest pas directement menacée, elle est en mesure dassumer sa part de responsabilité.
Le ministère de la défense est un ministère passionnant parce quau-delà de cette singularité française, la gestion de la défense nous renvoie à la fois toutes les forces et toutes les faiblesses de notre pays. Je voudrais évoquer deux sujets qui me viennent à lesprit comme ministre de la défense, mais qui ne sont, en réalité, deux illustrations des forces et des faiblesses de notre pays. Jévoquais tout à lheure ce sens de lindépendance, cela suppose den avoir les moyens. Au fond, dans une armée, il faut des effectifs, naturellement, il faut des équipements assurément, il faut dabord et avant tout une stratégie et les moyens de la mettre en uvre et nous avons cette réflexion stratégique , nous avons les moyens politiques de la mettre en uvre, revenons sur les deux derniers aspects : les équipements et les hommes.
En matière déquipement, nous avons des industries darmement de très grande qualité où lEtat est actionnaire de la plupart dentre elles et na pas imposé de politique industrielle aux dirigeants. Cela permet à ces entreprises progressivement dêtre des entreprises de dimension au minimum européenne et souvent mondiale qui gardent une culture française pour les centres de décision mais qui sont multi nationales partout où elles interviennent. Cest une situation assez étonnante qui nous permet dêtre présents dans des secteurs de très hautes technologies et qui ont essentiellement regard au contrôle et à la surveillance du théâtre dopération ou qui ont trait aux moyens qui sont employés sur ces mêmes théâtres. Et en même temps, ces sociétés sont en situation de challenger , et ont une véritable interrogation sur leur capacité à être durablement des challengers . Pourquoi ? Je vais vous donner un ordre de grandeur : lindustrie américaine représente près de 54% du commerce mondial des biens darmement, le 2ème acteur doit être la Grande Bretagne avec 12,5%, la Russie, 3ème , représente 8% du marché mondial, la France 6% et Israël est 5ème avec 5,3%. Ce sont les grands acteurs et derrière il ny a presque personne. Quelle est cette singularité de lindustrie française ? Nous sommes mondiaux et technologiquement en pointe, mais nous sommes dans une sorte de situation de bascule où être 4ème nest pas satisfaisant. Dans les stratégies dentreprise, en général, il faut être sur le podium - or, argent, bronze éventuellement - mais pas au-delà. Et nous sommes dans une situation à la fois de talent, de patrimoine technologique, de présence commerciale, de réalisation industrielle mais dans une position quelque peu limite dans la pérennité, ce qui évidemment implique la réflexion sur la dimension européenne qui est au cur des sujets de lactualité de ce jour.
Le deuxième reflet de la société française, ce sont les hommes. Les effectifs sont suffisants. Une armée, cest une culture, je veux dire par là quil ne sagit pas daligner simplement des combattants, de les équiper, de les entraîner, encore faut-il quà tous les niveaux de responsabilités, depuis le chef détat-major jusquau caporal de chambrée, quil y ait des convictions, des comportements, des valeurs et des réflexes partagés. Cest bien là que lidée de culture est importante. Quest-ce quune culture militaire ? Et bien, cest la certitude que celui avec qui vous allez au combat, aura lattitude, le comportement que vous attendez de lui au moment où vous allez combattre, au péril de votre vie. Ça a lair banal mais cest décisif.
Les théâtres dopérations de nos forces viennent dêtre évoqués. Je souhaiterais revenir sur lun dentre eux : lopération Licorne. Nous y avons, en effet, parfaitement démontré ces qualités : lunité de commandement, dabord, au travers du Président de la République qui savait exactement ce quil voulait et qui na à aucun moment changé de cap. Lorsque lancien président Gbagbo a été en situation de faire basculer Abidjan dans une guerre civile, qui, à lintérieur de cette grande capitale aurait été sans contrôle possible, la décision a été prise en moins dune matinée de frapper, de le faire avec le matériel adapté et uniquement le matériel adapté, cest-à-dire sans dommages collatéraux , avec une force maîtrisée et de le faire aussi avec la culture qui nous est propre, celle des marsouins, fantassins de linfanterie de marine ont fait en sorte que ceux qui devaient intervenir, interviennent là où il fallait au bon moment lorsquon avait besoin deux. Avec moins de 250 hommes, et moins de 10 pilotes dhélicoptère, en soutien de lONUCI, cette opération a été réglée. La décision a été prise rapidement au moment où ladversaire sétait mis dans une situation à la fois absurde et provocatrice. Provocatrice car il pouvait déclencher la guerre civile dans la ville dAbidjan et absurde parce quil avait regroupé toutes ses forces en un seul site et que rien nest plus facile de détruire des forces que lorsquelles sont regroupées sur un seul site. Cest la culture de nos exécutants qui donnaient la certitude au chef détat- major quil pouvait dire au Président de la république : « la mission sera accomplie », avec cette finesse dadaptation aux circonstances à tous les niveaux. A côté, les contingents que les Nations Unies avaient mis à disposition du représentant permanent de M. Ban Ki Moon nétaient pas capables de gérer une situation de ce type.
Une armée est bien le reflet dune société. Or nous avons à maintenir la cohérence de cette société, la culture de cette société, les traditions de cette société. Cest la raison pour laquelle dans le lien armée-Nation se trouve linterrogation de la France sur elle-même et sur son rôle, qui est un sujet majeur dun ministre de la défense. Reflet de la France à travers des stratégies industrielles qui font de nous un acteur mondial aux limites de la démondialisation pour prendre une formule, et qui doit sinterroger en permanence sur les moyens de revenir dans la mondialisation en plein exercice, et seule la mondialisation peut permettre à nos entreprises de tenir le choc des investissements lourds de développement et détudes quil faut dans ce secteur-là. Cette vérité pour lindustrie de larmement, elle lest pour toutes les entreprises ici rassemblées, dont vous avez les uns et les autres la charge. Le lien armée nation, cest exactement le même lien de la vie collective dans notre pays de la coexistence pacifique et de valeurs partagées qui sont les fondements dune République.
Il y a un troisième reflet, enfin, ce sont les moyens financiers. Pour les engagements que nous avons à assumer, nous sommes au rendez-vous capacitaire. Si jai pu préserver à cet instant le budget 2012, il est absolument évident que les circonstances actuelles vont remettre en question la certitude de pouvoir prolonger ces programmes en toute sérénité. Lorsque nous nous retrouvons en réunion de lunion européenne où nous avons des pays qui parlent mais qui sont incapables de faire quoique ce soit, pour certains parce quils nen nont pas la taille, pour dautres parce quils nen nont pas la volonté, nous sommes à un carrefour dinterrogations complets, mais la France est au rendez-vous de sa parole et de son rang. La France, sous lautorité du Président de la République, a démontré depuis 4 ans une confiance retrouvée en elle-même et en sa capacité à être un acteur responsable sur la scène internationale, notamment grâce à sa puissance militaire. Et je peux vous dire à tous ici ce soir que cette expérience militaire me donne très envie de mengager dans le combat politique pour expliquer à nos compatriotes quaucune des solutions qui sont préconisées ailleurs, ne sont dailleurs crues par ceux qui les évoquent, et quen tout état de cause elles ne sont pas en mesure daider notre pays à surmonter les épreuves quil affronte.
Alors que nous sommes encore au cur dune période difficile mais aussi riche dopportunités, je veux vous dire ma fierté dappartenir à un pays qui dispose de tels atouts, ma confiance dans la solidité de l'esprit de défense partagé par la Nation, le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement et ma vigilance pour que notre défense continue, malgré les difficultés économiques, financières et budgétaires, de disposer des moyens qui correspondent à notre place en Europe et dans le monde.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 janvier 2012