Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'économie sociale et solidaire et le mouvement coopératif, Paris le 8 novembre 2011.

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Circonstance : Ouverture du Conseil supérieur de la coopération à Paris le 8 novembre 2011

Texte intégral


C’est pour moi une profonde satisfaction de présider aujourd’hui cette séance plénière du Conseil Supérieur de la Coopération.
C’est une instance de dialogue qui souligne la volonté de l’Etat de bâtir avec des acteurs importants de l’économie sociale et solidaire la politique du secteur.
Le Conseil supérieur de la Coopération, en effet, permet :
* de faire vivre la concertation sur les questions de coopération et de nouer un véritable dialogue entre les acteurs ;
* d’éclairer les décisions des pouvoirs publics dans le domaine de la coopération ;
* d’assurer une coordination entre les différentes familles coopératives.
A vous toutes et vous tous qui oeuvrez en son sein avec beaucoup de conviction, je veux dire ma reconnaissance et mon estime.
Les coopératives, c’est d’abord un modèle économique différent, qui dispose de précieux atouts, notamment dans la période économique difficile que nous traversons (I). L’actualité des derniers jours a confirmé que les économies mondiales étaient confrontées à une crise majeure.
Pour protéger les Français et répondre à l’urgence avec la plus grande réactivité, le Gouvernement a pris des mesures courageuses, que le Premier ministre a présentées hier.
Je n’y reviendrai pas dans le détail, mais je veux souligner que nous n’avons eu de cesse, quelles que soient les difficultés rencontrées, de préserver le volet social de nos politiques.
En aucun cas, la solidarité et la cohésion sociale ne doivent être les variables d’ajustement de la crise. A cela, nous sommes particulièrement attachés.
Comme vous, d’ailleurs, ce que vous avez exprimé dans votre charte coopérative des engagements réciproques.
Alors, quelle réalité concrète le secteur coopératif représente-t-il aujourd’hui ?
Présentes dans de très nombreux secteurs – l’agriculture, l’artisanat, le commerce, le logement social, les services, les transports et la banque, notamment –, plus de 20 000 entreprises ont choisi la forme coopérative et emploient, directement ou indirectement, plus d’un million de personnes.
Naturellement, cela recouvre une très grande diversité des structures concernées. Je pense notamment :
* aux coopératives agricoles, par exemple à SODIAAL Union, qui comprend les marques Candia et Yoplait ;
* aux banques coopératives : bien sûr, le Crédit coopératif, mais aussi le Crédit agricole par exemple ;
* aux coopératives de commerçants détaillants, telles que les groupes Leclerc ou Système U, pour ne citer que les plus connus ;
* aux coopératives d’activité et d’emploi (CAE).
Riche de cette diversité, précisément, le mouvement coopératif joue un rôle essentiel dans le développement de nos territoires grâce à l’ancrage local de ses entreprises.
En effet, parmi les 100 premières coopératives françaises, 75% ont leur siège social implanté en région, là où, à l’inverse, plus de 90% des 100 premières entreprises françaises « traditionnelles » ont leur siège social en Île-de-France.
Je n’en donnerai qu’un exemple, particulièrement significatif : les opticiens Atoll, qui accomplissent un travail remarquable de relocalisation dans le bassin jurassien. Je veux saluer ce magnifique exemple de la coopérative au service du développement local des territoires.
Car, nous le savons, c’est bien d’abord sur les entreprises que repose la croissance que nous appelons de nos voeux.
Chacun l’aura compris, votre modèle économique est donc particulièrement porteur de création d’emplois et de lien social, en même temps qu’il constitue un puissant facteur d’innovation sociale et technologique.
En période de crise économique et financière, sans doute devonsnous nous inspirer de sa capacité de résilience.
Car ce qui me frappe, c’est bien le dynamisme de ce secteur qui a su proposer de nouvelles façons d’entreprendre.
Les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) en sont une illustration pour s’adapter toujours mieux aux besoins des territoires. De nouvelles façons d’entreprendre, donc, fondées sur une philosophie originale – pas d’actionnaires, mais des associés –, différente de la logique du « tout financier » qui montre aujourd’hui ses limites.
Et cette philosophie, elle s’incarne dans l’engagement des entreprises coopératives et des coopérateurs.
Chaque jour, vous faites vivre les valeurs de solidarité et de démocratie au sein des entreprises, tout en garantissant votre performance économique et la pérennité de votre modèle.
Pour développer encore le secteur coopératif, vous pouvez compter sur le soutien du Gouvernement (II).
En tant que Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, j’oeuvre depuis un an, presque jour pour jour, à vos côtés. Car je connais le secteur coopératif de longue date, notamment depuis mon mandat européen.
J’étais encore tout récemment en déplacement dans une société coopérative ouvrière de production (SCOP) du secteur industriel implantée à Wattrelos, dans le Nord, et issue d’une reprise par les salariés.
J’ai pu mesurer, comme à chaque fois, l’engagement qui est le vôtre et qui vous honore.
C’est pourquoi je me suis engagée à renforcer le secteur coopératif et l’économie sociale et solidaire en général, en m’appuyant notamment sur le rapport rédigé par le député Francis Vercamer, largement nourrir par les propositions des acteurs coopératifs.
J’ai articulé la politique que je conduis autour de trois axes forts :
* favoriser la reconnaissance de l’économie sociale et solidaire dans une économie plurielle ;
* encourager la relève, grâce une génération nouvelle attachée aux dynamiques territoriales et à la finalité sociale de son action ;
* promouvoir le développement économique et l’innovation. Je rappelle que 100 millions d’euros sont dédiés au secteur dans le cadre du Grand Emprunt.
D’ores et déjà, des coopératives – des SCIC – ont bénéficié de ce soutien de l’État. Je pense en particulier à Websourd, à La Table de Cana et à Habitat solidaire, dont les activités sont dédiées aux personnes fragiles ou marginalisées.
Mais nous devons aller encore plus loin.
Pour cela, comme vous le savez, j’ai proposé certaines mesures de simplification au député Jean-Luc Warsmann dans le cadre de sa proposition de loi visant à rendre le cadre juridique plus propice à l’initiative économique et à la création de richesses et d’emplois.
Ces propositions concernent principalement les sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP) et les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC).
En faisant évoluer leur statut, elles permettront d’améliorer le fonctionnement et de renforcer l’attractivité de ces structures.
Qu’est-ce que cela signifie, concrètement ?
Pour les SCOP, dans un objectif de simplification, le recours aux commissaires aux comptes sera facultatif et il ne sera plus nécessaire d’être salarié avant d’être sociétaire.
Pour mieux protéger ces structures et les rendre attractives, le dirigeant d’une SCOP pourra prétendre à l’indemnité de départ à la retraite.
Enfin, des mesures encourageant la constitution des réserves seront prévues.
Pour les SCIC, l’agrément administratif sera supprimé et une clarification sera apportée pour déterminer les quorums.
La proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 18 octobre dernier dans le cadre d’une procédure accélérée.
Je ne doute pas de notre capacité à nous rassembler encore lors de l’examen au Sénat.
D’autres propositions sont également étudiées et traitées dans le cadre des travaux du Conseil Supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS).
Un bilan de ces travaux sera livré lors de la prochaine réunion du CSESS, que j’aurai le plaisir de présider, le 8 décembre prochain. A cette occasion, j’ai demandé au bureau du CSESS d’organiser des travaux en lien avec mes services pour préparer un projet de loi-cadre pour l’économie sociale et solidaire.
Ce texte permettra de préciser les spécificités et les atouts de ce secteur, de donner davantage de lisibilité au soutien de l’Etat et à la promotion de l’économie sociale et solidaire.
Je vous fais toute confiance, à vous, les acteurs de la coopération, pour vous mobiliser et prendre toute votre place dans cette démarche afin qu’un projet partagé par tous soit proposé lors de la réunion du 8 décembre.
Un élan national, donc, mais aussi international, puisque j’ai le plaisir d’installer aujourd’hui avec vous le comité de pilotage français de l’année internationale des coopératives (III). Vous le savez mieux que quiconque, l’Organisation des Nations Unies a proclamé l’année 2012 « Année internationale des coopératives », pour saluer la contribution des coopératives au développement économique et social et leur impact sur la réduction de la pauvreté, la création d’emplois et l’intégration sociale. Je crois d’ailleurs que vous y étiez, cher Jean-Claude Detilleux.
Aujourd’hui, ensemble, nous officialisons donc le lancement de cette année internationale dans notre pays. Elle constituera une occasion privilégiée de relayer les messages forts du secteur auprès du grand public.
La France a la particularité d’avoir un Conseil consultatif rassemblant les acteurs et les pouvoirs publics dans un échange constructif et structuré.
Il était donc naturel que le comité national de pilotage soit constitué du bureau du Conseil supérieur de la Coopération et élargi à d’autres acteurs en tant que de besoin. Je remercie notamment le Ministère des Affaires étrangères d’être présent aujourd’hui.
Conformément aux objectifs définis par l’ONU, l’action du comité national visera à :
* mieux faire connaître et promouvoir les coopératives ;
* développer l’enseignement des valeurs coopératives ;
* approfondir la connaissance des coopératives par des travaux de recherche ;
* assurer la représentation internationale du mouvement coopératif français.
Car ne nous y trompons pas : les jeunes éprouvent un intérêt croissant pour ces formes collectives d’entrepreneuriat.
J’ai voulu encourager cet élan.
Pour cela, j’ai souhaité attribuer un prix spécial « Année internationale des coopératives » dans le cadre du « Prix national des Jeunes entrepreneurs solidaires » lancé le 24 octobre en partenariat avec l’Agence pour la Création d’Entreprise et la Caisse des Dépôts et Consignations.
D’un montant de 40 000 euros, il récompensera la création ou le développement d’une structure coopérative. La date limite pour l’appel à projets a été fixée au 30 novembre prochain. Je compte donc sur vous pour faire preuve de réactivité et mobiliser vos réseaux. J’ajoute que, parallèlement à l’initiative de l’ONU, l’Europe n’est pas en reste et partage cet élan en faveur de la coopération.
Ainsi, récemment, la Commission européenne a adopté une initiative pour améliorer le fonctionnement de l’économie sociale et a affirmé son soutien au secteur dans le cadre d’une communication le mois dernier, grâce à Michel Barnier. En matière de développement du secteur coopératif, l’exemple de nos voisins européens est intéressant. Je pense notamment en Espagne au groupe Mondragon.
Je ne voudrais pas conclure sans vous remercier pour votre engagement dans les travaux de ce Conseil, dont je sais qu’il se réunit très régulièrement en bureau.
Le Conseil Supérieur de la Coopération va d’ailleurs se voir confier de nouvelles compétences puisqu’il se prononcera désormais sur les demandes d’agrément en vue de procéder aux opérations de révision coopérative.
Je le sais, il s’agit d’une procédure à laquelle vous êtes très attachés et qui renforce la légitimité du modèle que vous portez.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 10 novembre 2011