Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à France 2 le 27 janvier 2012, sur le débat ayant opposé François Hollande à Alain Juppé la veille sur France 2.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG François HOLLANDE a-t-il été ou non convainquant hier sur France 2 dans sa prestation télévision, on peut imaginer votre réponde, mais au-delà du jugement forcément subjectif, est-ce que vous pensez que les Français ont au moins été éclairés sur ces choix ? Vous parliez beaucoup à l’UMP du flou de ses propositions au cours des dernières semaines, ce n’est plus le cas aujourd'hui ?
 
CLAUDE GUEANT Oui, je ne retiendrais pas seulement son émission d’hier soir, mais ce qu’il a dit au Bourget, le programme qu’il a présenté hier et ce que je retiens c’est qu’il a présenté une addition importante de mesures, d’ailleurs bizarrement beaucoup d’entre elles correspondent à des choses qui se font déjà, alors qu’il les propose. Et surtout je voudrais souligner deux points. D’abord une absence dans son propos, l’absence, c’est tout ce qui concerne la compétitivité de la France, chacun sait que la France souffre d’un manque de compétitivité qui est du notamment au fait que les charges sociales qui correspondent à notre système pèsent sur les salaires et par conséquent jouent contre l’emploi et il n’a rien dit à cet égard, il a même annoncé une augmentation de charges, puisqu’il a indiqué qu’il augmenterait les cotisations retraite. Et puis par ailleurs il a aussi annoncé la suppression de l’allégement sur les heures supplémentaires, ce qui revient aussi à une augmentation des charges en même temps d’ailleurs que ça revient au système pur et dur des 35 heures.
 
JEFF WITTENBERG Monsieur GUEANT, vous évoquez des points précis, mais la réforme fiscale proposée par monsieur HOLLANDE qui consiste dans son ensemble à faire payer davantage les catégories les plus favorisées, estce que ce n’est pas une forme de justice sociale et pourquoi y êtes vous opposé ?
 
CLAUDE GUEANT Alors ce que je retiens aussi dans le domaine de la conception de la politique économique, c’est qu’il y a deux choix. Un choix qui est fait par tous les pays et qui est fait par le président de la République et le gouvernement qui est celui de réduire les dépenses. Lui, ce qu’il propose c’est d’augmenter les dépenses et par conséquent pour arriver à l’équilibre d’augmenter les impôts.
 
JEFF WITTENBERG De choisir en tout cas.
 
CLAUDE GUEANT D’augmenter les impôts, c’est un vrai matraquage fiscal, et d’ailleurs il reste, vous évoquiez le flou, très flou là-dessus quand il dit qu’il veut supprimer les niches fiscales au niveau de 29 milliards, de quelles niches s’agit-il ? Est-ce qu’il s’agit d’enlever les niches qui bénéficient aux handicapés, aux retraités etc… enfin il faut qu’il le dise. Alors pour répondre précisément à votre question, il propose de taxer davantage les riches et les entreprises, notamment les grandes entreprises.
 
JEFF WITTENBERG Les grandes entreprises, les moins grandes étant moins taxées.
 
CLAUDE GUEANT Très franchement je pense qu’il faut faire très attention parce qu’une entreprise, c’est fait pour gagner de l’argent et pour gagner des marchés. Si on prive les entreprises de leurs revenus, on risque fort d’avoir de grandes déconvenues et d’affaiblir encore notre appareil productif. Quand aux riches, je vais vous le dire, ils ne sont pas assez nombreux pour qu’on puisse trouver chez eux des suppléments de recettes d’impôts importants.
 
JEFF WITTENBERG Est-ce que néanmoins ils sont suffisamment imposés aujourd'hui selon vous les plus hauts revenus dans ce pays ?
 
CLAUDE GUEANT Ils le sont beaucoup plus que monsieur HOLLANDE ne le dit parce qu’ils paient des impôts non seulement sur leur revenu, mais sur le patrimoine. Il y a eu récemment des mesures prises par le gouvernement pour aligner l’imposition sur les revenus du patrimoine, sur les revenus du travail, tout cela doit être pris en compte aussi. Et il ne faut pas décourager l’initiative non plus.
 
JEFF WITTENBERG Donc lorsque Nicolas SARKOZY présentera son programme, il ne changera rien lui quant à l’imposition des différentes catégories sociales dans ce pays ?
 
CLAUDE GUEANT Je ne sais pas ce que comportera le programme du président de la République là-dessus, ce qui est sûr, c’est que son programme sera aussi un programme de justice sociale, comme du reste sa politique l’a été durant ces dernières années. On le présente tout le temps comme le président des riches, c’est une très grande injustice parce qu’il y a eu des choses formidables dans le domaine social, que nous ayons augmenté par exemple…
 
JEFF WITTENBERG Il y a eu le paquet fiscal qui a laissé beaucoup de traces dans l’opinion qu’on peut avoir tout de même sur la façon dont les riches ont été favorisés, les riches entre guillemets.
 
CLAUDE GUEANT Le paquet fiscal, écoutez, monsieur HOLLANDE, si j’ai bien compris, propose de revenir sur les mesures qui exonèrent pratiquement la totalité des héritages moyens et petits, d’impôts, c’est quelque chose qui est important, les Français apprécieront. Quand on a quelque chose à léguer à ses enfants, ça signifie que ce quelque chose, on l’a accumulé toute sa vie, on a déjà payé des impôts dessus, alors est-ce qu’il faut encore payer ?
 
JEFF WITTENBERG Monsieur GUEANT votre ami Alain JUPPE, hier soir au cours du débat a trouvé François HOLLANDE arrogant, est-ce que vous êtes du même avis que lui ?
 
CLAUDE GUEANT Oui, j’irai même un peu plus loin, je trouve que monsieur HOLLANDE apparait très fréquemment comme suffisant. On a l’impression qu’il est déjà installé dans le costume de président de la République, que cela pour lui ne fait aucun doute, qu’il se voit élu.
 
JEFF WITTENBERG Il voit les sondages peut-être.
 
CLAUDE GUEANT Qu’il gouverne déjà, mais les sondages, c’est les sondages, il n’y a qu’une seule chose qui vaille, c’est l’élection, on respecte les électeurs. Je dois dire que cette suffisance d’ailleurs s’étend aussi à la façon dont il aborde les problèmes internationaux. Enfin là il abuse complètement les Français, quand il explique qu’il va suffire à monsieur Hu JINTAO, le président chinois de faire en sorte que le yuan fluctue, qui va le croire ? Lorsqu’il demande la révision des traités européens qui sont tout juste signés et qui ne sont même pas encore ratifiés, qui peut penser qu’il va l’obtenir, alors que 26 pays ont voté pour cette révision ? Il n’a même pas été capable d’imposer les points de vue du Parti socialiste dans un accord avec les Verts et il va faire plier le monde entier, qui veut le croire ?
 
JEFF WITTENBERG Alors monsieur GUEANT, il y a une réforme proposée par François HOLLANDE dont on a moins parlé au cours des dernières heures, c’est le droit à l’euthanasie, cela figure dans le programme du candidat socialiste, on sait que c’est une question qui dépasse, qui transcende un peu les clivages politiques dans ce pays, beaucoup de Français sont favorables à ce droit de mourir dans la dignité, qu’elle est votre position là-dessus ? Est-ce que c’est un débat qui de toute façon devra être tranché à un moment ou un autre ?
 
CLAUDE GUEANT Oui, c’est un des points que j’ai retenu effectivement de son programme, c’est un choix de société et c’est un choix difficile d’ailleurs parce qu’il s’agit de la vie et il s’agit de la mort et il s’agit de la dignité humaine comme vous le rappeliez à l’instant. Nous avons aujourd'hui un dispositif qui me semble t-il est très équilibré, un dispositif d’accompagnement vers la mort, d’allégement des souffrances, un dispositif qui permet aux médecins en conscience de décider l’arrêt des soins. Mais de là à aller jusqu’à donner la mort, je crois que c’est un pas qu’il ne faut pas franchir parce que ce n’est pas notre conception de l’homme. L’homme, on le respecte jusqu’au bout.
 
JEFF WITTENBERG Alors Claude GUEANT, on revient à la politique, Nicolas SARKOZY va s’exprimer dimanche à la télévision, peut-il encore différer son choix, faire attendre ses partisans et l’ensemble des Français sur sa volonté ou non d’être candidat ? Est-ce qu’il n’est pas temps maintenant de le dire ?
 
CLAUDE GUEANT Ecoutez, je ne sais pas ce que dira le président, mais en tout cas il me semble qu’il peut attendre, pourquoi ? Parce qu’il y a des problèmes importants qui sont à régler pour la France. Dimanche il va annoncer des mesures, après celles qu’il a déjà annoncé à l’issue du sommet qu’il a eu avec les partenaires sociaux sur la crise, ces mesures sont nécessaires, on ne peut plus attendre. On ne peut pas attendre six mois. Alors s’il est candidat, il ne peut plus prendre ces mesures parce qu’évidemment cela apparaitra comme partisan.
 
JEFF WITTENBERG Dites-nous en quelques secondes si le président est découragé comme on a pu l’entendre, comme il en a peut-être fait la confidence ces derniers jours ?
 
CLAUDE GUEANT Non, non.
 
JEFF WITTENBERG Est-ce qu’il imagine sa défaite ?
 
CLAUDE GUEANT Le président est absolument déterminé, et je pense que personne ne doute qu’il sera candidat même s’il reste président, au gouvernail jusqu’au bout parce que la France en a besoin, et il est absolument déterminé, mais non seulement cela, il n’a aucun doute sur sa victoire.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 30 janvier 2012