Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, à RFI le 26 janvier 2012, sur le chiffrage du programme du candidat du PS à l'élection présidentielle, l'instauration d'une "TVA sociale" et la possible date de l'entrée en campagne électorale de Nicolas Sarkozy.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

FREDERIC RIVIÈRE François HOLLANDE va détailler ce soir ses propositions au cours d’une émission sur France 2. Il sera notamment opposé à Alain JUPPÉ au cours d’un débat. Qu’est-ce que vous attendez de l’un et de l’autre ?
 
BENOIST APPARU J’attends notamment de François HOLLANDE tout au long de cette journée, puisqu’il y aura sa conférence de presse, je crois, à 11 heures ce matin puis le débat ce soir, qu’il continue de préciser ses intentions eut égard à son programme. Un exemple : si j’écoute les éditos ce matin des uns et des autres, nous avons 20 milliards de dépenses nouvelles très détaillées, et on a 29 milliards de recettes mais alors là, il n’y a aucun détail.
 
FREDERIC RIVIÈRE Par des suppressions de niches fiscales.
 
BENOIST APPARU Lesquelles ? Lesquelles ?
 
FREDERIC RIVIÈRE Oui, vous attendez le détail. Peut-être qu’il le fera ce soir.
 
BENOIST APPARU C’est bien de dire : « Voilà les cadeaux que je fais et je détaille les cadeaux, et ceux à qui je prends quelque chose, là je ne dis rien. On verra plus tard. » Donc moi j’aimerais par exemple qu’on aille au bout de ces logiques-là et puis on va, évidemment tout au long de la journée les uns et les autres, recalculer les 20 milliards, parce que je suis à peu près convaincu que ce n’est pas tout à fait le cas. Je donne un exemple très concret : il y a un certain nombre de mesures au logement. Très bien. J’aimerais voir le chiffrage qu’il nous fait de ces mesures les unes après les autres. Donc ce que j’attends de la journée, c’est des éclaircissements sur un certain nombre de préconisations de François HOLLANDE et puis j’attends surtout ce soir du débat entre Alain JUPPÉ et François HOLLANDE que l’on ait une confrontation bien évidemment sur les idées de François HOLLANDE et puis sur la politique que nous menons actuellement. Un exemple : nous allons prendre des mesures difficiles, courageuses, complexes ce week-end, dimanche soir. Le président de la République annoncera notamment une transformation radicale du mode de financement de notre protection sociale : j’aimerais avoir le point de vue de François HOLLANDE là-dessus.
 
FREDERIC RIVIÈRE Le président de la République va annoncer la TVA qu’on a dite sociale, ou qu’on a dite anti-délocalisation et qu’on appellerait maintenant TVA compétitivité.
 
BENOIST APPARU Je ne sais pas comment on l’appellera, on verra bien.
 
FREDERIC RIVIÈRE En tous cas ce qui est sûr, c’est que la TVA va coûter plus cher.
 
BENOIST APPARU La TVA devrait effectivement être plus chère.
 
FREDERIC RIVIÈRE Oui.
 
BENOIST APPARU Ce n’est pas pour se faire plaisir qu’on va augmenter la TVA. Vous savez, on est stupide mais pas au point d’augmenter la TVA d’un ou deux points ou de trois points – je ne le sais pas – juste avant les élections uniquement pour se faire plaisir. Ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est comment on baisse le coût du travail. Là encore, posons-nous la question suivante. J’ai visité une entreprise il y a quelques jours et rencontré Éric BESSON pour défendre une autre entreprise cette semaine. Cette entreprise que je défendais devant Éric BESSON fabrique des galeries pour les voitures. Coût de production de la galerie en France : 35 euros ; coût de production de la galerie en Allemagne : 30 euros. Eh bien le donneur d’ordre nous dit : « Désolé, je rapatrie en Allemagne parce que 35 euros d’un côté, 30 euros de l’autre, je ne laisse pas la fabrication des galeries en France. Je la transporte en Allemagne. » Si on veut que ça continue comme ça, restons comme ça. Ce que nous souhaitons, ces 5 euros de différence ils reposent sur quoi ? Ils reposent exclusivement sur les charges qu’ils payent – qui sont payées, pardon, sur les salaires. Si on n’enlève pas ces charges, on ne retrouvera pas cette compétitivité, ces 5 euros entre le produit français et le produit allemand et c’est donc pourquoi on veut le transporter sur une autre fiscalité, par exemple la TVA.
 
FREDERIC RIVIÈRE Au-delà de la protection sociale…
 
BENOIST APPARU Quand vous lisez le discours du Bourget, François HOLLANDE parle de la compétitivité, il parle des charges : il n’y a rien en face comme propositions. Bien c’est là-dessus que j’attends ce soir des éclaircissements et qu’Alain JUPPÉ comme François HOLLANDE aille au bout de ces débats-là.
 
FREDERIC RIVIÈRE Au-delà du financement de la protection sociale, dimanche soir vous avez des idées sur ce que Nicolas SARKOZY doit annoncer ?
 
BENOIST APPARU J’en ai quelques-unes, oui.
 
FREDERIC RIVIÈRE Oui ? Alors à quoi faut-il s’attendre ?
 
BENOIST APPARU Vous verrez bien dimanche soir.
 
FREDERIC RIVIÈRE Ce n’est pas sympa ! Il faut nous dire un petit peu.
 
BENOIST APPARU « C’est pas sympa » : ça, c’est possible !
 
FREDERIC RIVIÈRE Non mais en matière de… Par exemple contre le chômage.
 
BENOIST APPARU Jusqu’à preuve du contraire, je m’appelle Benoist APPARU pas Nicolas SARKOZY. Jusqu’à preuve du contraire, c’est lui…
 
FREDERIC RIVIÈRE Oui mais jusqu’à preuve du contraire, vous êtes un membre du gouvernement.
 
BENOIST APPARU Tout à fait. Et jusqu’à preuve du contraire, il s’exprimera dimanche soir. Un certain nombre de ministres ont travaillé sur ces questions-là autour de lui. Les arbitrages seront rendus dans les deux-trois jours qui viennent – enfin, il va les faire évidemment – et vous attendrez dimanche soir comme tout le monde pour savoir à quelle sauce vous serez mangés.
 
FREDERIC RIVIÈRE Est-ce que Nicolas SARKOZY joue un peu son va tout dimanche soir ? On est à moins de 90 jours maintenant du premier tour de l’élection présidentielle, il est donné perdant dans toutes les enquêtes d’opinion. Est-ce que c’est son va tout ?
 
BENOIST APPARU Non, ce n’est pas un va tout parce qu’une campagne électorale, ça dure 90 jours.
 
FREDERIC RIVIÈRE Mais il n’est pas encore en campagne.
 
BENOIST APPARU Il est évident que lorsque Nicolas SARKOZY dimanche soir annoncera un certain nombre non pas de projets, non pas d’intentions, mais des actions – c’est toute la différence entre le discours du Bourget et ce qu’on aura ce matin à 11 heures, qui sont des projets…
 
FREDERIC RIVIÈRE Bien c’est la différence entre un candidat et un président aussi !
 
BENOIST APPARU C’est évidemment la différence entre un candidat et un président.
 
FREDERIC RIVIÈRE Oui ! [rires]
 
BENOIST APPARU Un président, il continue à agir. Il n’annonce pas des mesures pour dans six mois mais des choses qu’il va faire tout de suite. Parce que là encore, ce n’est pas parce qu’il y a une campagne présidentiel qu’on doit s’arrêter en chemin et qu’on ne doit plus rien faire pendant trois mois. La crise, elle n’est pas si loin que ça. Elle n’est pas forcément derrière nous, elle est encore devant nous. Et donc, il faut bien évidemment continuer à agir.
 
FREDERIC RIVIÈRE On dit, on lit, on entend que Nicolas SARKOZY est un peu abattu par ces enquêtes d’opinion qui à répétition le donnent perdant. Est-ce que vous sentez une forme de découragement chez le président de la République ?
 
BENOIST APPARU Ah pas du tout, non. Non, non. J’ai cru comprendre effectivement…
 
FREDERIC RIVIÈRE C’est de la fiction pure alors, ce genre de…
 
BENOIST APPARU Ah, pure, oui ! J’ai cru comprendre qu’il y avait eu effectivement une rencontre entre Nicolas SARKOZY et les journalistes en marge du déplacement en Guyane, qu’il avait dit : « Si je perds les élections, je ferais autre chose » et si je comprends bien à partir de cette phrase-là, on en déduit que c’est le vague à l’âme, que c’est le blues, que c’est je ne sais quoi, etc.
 
FREDERIC RIVIÈRE On en déduit déjà que l’hypothèse de la défaite, il ne l’exclut pas.
 
BENOIST APPARU Mais bien évidemment ! Je suis candidat aux élections législatives au mois de juin : je ne sais pas si je vais gagner ou perdre.
 
FREDERIC RIVIÈRE Mais vous n’êtes pas Nicolas SARKOZY.
 
BENOIST APPARU Non, mais enfin je suis candidat, et comme tout candidat…
 
FREDERIC RIVIÈRE On sait que c’est un homme qui a beaucoup d’assurance, Nicolas SARKOZY.
 
BENOIST APPARU Vous avez beau avoir… C’est la différence entre avoir de l’assurance et avoir des certitudes. Tout le monde a une part de doute. Je suis convaincu que je vais gagner ces élections législatives et je vais tout faire pour les gagner. Simplement, j’ai comme tout le monde une part de doute et je ne sais pas si je vais gagner. Et effectivement, je me pose la question comme tout le monde : qu’est-ce qui se passe ? qu’est-ce que je fais si je perds ? Bien Nicolas SARKOZY a aussi des doutes. C’est naturel, c’est normal, et j’espère que François HOLLANDE n’est pas bourré de certitudes, pétri de certitudes et qu’il a également des doutes.
 
FREDERIC RIVIÈRE Il y a un certain nombre de gens à l’UMP parmi lesquels des cadres, des députés importants, qui perdent un peu patience et qui souhaitent maintenant que Nicolas SARKOZY se déclare candidat pour entamer une véritable campagne. Est-ce que vous êtes de ceux-là ?
 
BENOIST APPARU Non, je ne suis pas de ceux-là. Vous savez, ce n’est pas me semble-t-il un discours, fusse-t-il au Bourget, qui change une stratégie à un moment ou à un autre.
 
FREDERIC RIVIÈRE Un discours : vous savez, celui de Versailles en 2007, il a changé beaucoup de choses. Celui de Nicolas SARKOZY.
 
BENOIST APPARU Non, non. Le discours de 2007 est un discours important, un discours fondateur, qui marque effectivement les esprits dans une campagne électorale. Mais enfin, si à chaque discours de l’un ou de l’autre les candidats à l’élection présidentielle devaient changer de stratégie, on aurait à peu près une stratégie différente tous les trois jours. Donc si je comprends bien ce que vous me dites, si aujourd'hui François HOLLANDE fait par exemple une mauvaise prestation, ça rechange la stratégie. Gardons un peu de recul par rapport à tout ça. Il y a une ligne qui a été fixée. Cette ligne, c’est un président de la République qui continue à gouverner le plus longtemps possible pour continuer à préparer la France aux défis qui sont les nôtres. Ça, c’est ce que nous souhaitons faire pour l’instant, et puis ensuite il y aura un temps de campagne électorale.
 
FREDERIC RIVIÈRE Donc une déclaration de candidature en mars vous paraît un bon timing ?
 
BENOIST APPARU Moi ça me paraît effectivement un bon timing.
 
FREDERIC RIVIÈRE Et un délai de campagne suffisant.
 
BENOIST APPARU Et un délai de campagne suffisant.
 
FREDERIC RIVIÈRE Vous serez dans le dispositif ? On dit que vous êtes très apprécié du président de la République et d’Alain JUPPÉ.
 
BENOIST APPARU Là encore, arrêtons avec les « on dit ». Ça ne sert à rien, ça n’amuse personne si ce n’est les journalistes et les hommes politiques.
 
FREDERIC RIVIÈRE Mais vous aussi, vous souriez.
 
BENOIST APPARU Je souris parce qu’effectivement tous ces « on dit » sur les vagues à l’âme, sur monsieur est en cours, monsieur ne l’est pas, tout ça n’intéresse personne à part vous et moi.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 26 janvier 2012