Interview de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, à RMC le 26 juin 2001 sur la visite du Président syrien en France, la hausse du SMIC, les raves-parties et les propositions de l'AFSSA suite aux crises de la vache folle et de la fièvre aphteuse.

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Texte intégral

P. Lapousterle - Vous étiez hier à Orly, au nom du Gouvernement, pour accueillir le Président syrien dont la venue provoque de nombreuses protestations à cause de ses propos antisémites, y compris d'ailleurs parmi vos alliés politiques. Vous avez accueilli M. el-Assad sans états d'âme ou cela fait-il partie des obligations de votre charge mais c'était difficile ?
- "Cela fait partie des obligations de ma charge. Les ministres doivent à tour de rôle accueillir les chefs d'Etat et de gouvernement qui arrivent à Orly. C'était mon tour. Dans la mesure où c'était mon tour, je n'avais pas d'états d'âme à avoir. Cela dit, je vais vous dire les choses comme je les ressens : il y a des déclarations du Président syrien qui m'ont heurté, choqué comme beaucoup d'autres, comme ceux qui ont manifesté hier soir par exemple. En même temps, que faut-il faire ? Rester cloîtrés dans notre désapprobation et ne pas parler aux gens ? La France milite pour la paix au Proche-Orient et pour la paix par la négociation. Pour obtenir la paix par la négociation, il faut parler et parler encore, sans relâche."
Parfois, il y a des lignes rouges.
- "Oui, bien sûr, il y a des lignes rouges. Nous avons reçu récemment le Président libanais, nous avons reçu le Président Arafat, nous allons nous préparer à recevoir A. Sharon. C'est un homme politique avec lequel j'ai des désaccords majeurs, je n'oublie ni son passé ni comment il est devenu le Premier ministre israélien. Si on veut faire la paix, notre rôle est de parler à tout le monde y compris à ceux avec qui on n'est pas d'accord, pour leur dire pourquoi on n'est pas d'accord. C'est comme cela que l'on fait avancer la cause de la paix."
Le Smic va augmenter de 4 % dans quelques jours, le coup de pouce est donc très faible, il est de 0,25 %. On pouvait attendre mieux et beaucoup de gens attendaient beaucoup mieux. Est-ce que ce n'est pas bien peu pour ceux qui ont moins d'argent ?
- "Ce n'est jamais assez. Moi-même, je suis de ceux qui pensent que le problème des salaires, en particulier des bas salaires, est un problème majeur dans notre pays. En même temps, ce type de décisions obéit à des règles qui sont simples : d'un côté la nécessité de donner un coup de pouce aux bas salaires, de l'autre côté la nécessité de tenir compte de la situation économique et de la situation des entreprises, de leur capacité à faire face à ces hausses de salaires. Reconnaissons que la situation économique est moins flamboyante qu'il y a un an. Cette évolution économique pèse sur les décisions gouvernementales. Moi, je souhaite que nous retrouvions les chemins d'une croissance forte le plus vite possible de sorte que les coups de pouce au Smic puissent être plus importants."
Un mot sur les rave-parties puisque les députés vont s'emparer du sujet aujourd'hui. C'est quand même une histoire incroyable : voilà un texte dont les socialistes ne veulent, dont le RPR ne veut pas...
- "C'est lui qui est à l'origine quand même."
Un membre du RPR est à l'origine, mais le parti est contre. Démocratie libérale est contre et vous, au Gouvernement vous dites qu'il faut un texte de loi.
- "Non, on ne dit pas qu'il faut un texte de loi. De toute façon, c'est le Parlement qui va décider."
M. Vaillant continue de dire qu'il faut légiférer.
- "D. Vaillant a une position infiniment plus raisonnable que celle de T. Mariani qui, au nom du RPR a fait un amendement anti-raves, anti-jeunes qui voulait réglementer, cadenasser, réprimer ce genre de manifestations. D. Vaillant a fait appel à la responsabilité des jeunes en disant : " je ne veux ni réprimer, ni réglementer. Je veux simplement faire appel à la responsabilité. Que ceux qui veulent organiser ce genre de manifestations prennent leurs responsabilités."
Faut-il absolument une loi ?
- "Ce n'est pas sûr. Les parlementaires socialistes qui ont étudié ce dossier considèrent qu'au fond, par voie de circulaire ou par voie réglementaire, c'est-à-dire sans loi, on peut régler ce genre de problèmes. Si on peut régler ce genre de problèmes sans loi, c'est aussi bien. Trop de lois tue la loi. J'ai toujours pensé qu'on faisait souvent trop de lois en France. Quand on peut régler les problèmes de manière efficace sur le plan réglementaire, c'est tant mieux."
Et dieu sait si vous aimez le Parlement ! Vous êtes ministre de l'Agriculture. Jusqu'à présent, l'obligation était d'abattre la totalité d'un troupeau dès l'apparition de signes de la maladie de la vache folle chez une seule bête. Hier, l'Afssa, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, propose des assouplissements à l'avenir. Est-ce que - puisque c'est vous qui allez prendre la décision - vous êtes pour un assouplissement ? Est-ce que le temps est venu ?
- "Je le souhaite. Je pensais que le temps était venu - et je le pense toujours - et c'est pour cela que nous avons interrogé l'Afssa. Reconnaissons que l'avis qu'elle nous rendu hier est ambigu, compliqué, pas clair. J'ai d'abord besoin de le lire, le relire, de demander des explications, de faire des explications de texte pour bien le comprendre. Il est très touffu et pas simple dans son énoncé."
Il propose quand même dans une première étape de ne plus tuer les jeunes bêtes.
- "Ce sont des assouplissements qui en sont à peine si on le lit stricto sensus. Mais ce n'est pas le ministre de l'Agriculture qui prend ce genre de décisions tout seul dans son coin. Nous avons l'habitude maintenant, depuis deux ou trois ans, de régler tout ces problèmes en interministériel avec les trois ministres concernés : le ministre de la santé - B. Kouchner - et le ministre de la consommation. Nous allons continuer sur cette méthode, nous allons en parler ensemble. C'est sans doute le Premier ministre lui-même qui prend la décision. Je veux en parler avec les producteurs, avec les représentants des éleveurs, avec les organisations professionnelles agricoles, avec les consommateurs, parce que le pouvoir des consommateurs est important et même fondamental. J'ai envie de savoir ce que les associations de consommateurs pensent de ce problème. Tranquillement, nous allons faire ces consultations interministérielles avec les producteurs, les consommateurs dans les jours qui viennent. J'espère qu'après, nous pourrons prendre une décision vite."
La vaccination contre la fièvre aphteuse, pour éviter ces charniers de bêtes alors que la fièvre aphteuse n'est finalement pas une maladie mortelle pour personne, ni pour les bêtes ni pour les hommes, n'est-elle pas indispensable aussi ?
- "Je me suis exprimé sur le sujet récemment. Je pense effectivement que des cas de ce type - ces milliers et milliers de bêtes détruites par voie de bûchers et de charniers - donnent une image épouvantable et très mal ressentie par l'opinion, par nous tous d'ailleurs et par moi-même. Je pense que cela donne une image de sauvagerie et de brutalité indécente et insoutenable. Je pose la question de la vaccination préventive à deux conditions. La première est que l'on fasse enfin agréer ces vaccins tracés qui permettent reconnaître si une bête est malade ou vaccinée. Ce n'est pas encore disponible sur le marché mais il paraît qu'on peut le produire assez facilement. D'autre part, je souhaite que cette décision soit prise au plan européen, que ce ne soit pas la France toute seule dans son coin."
C'est pour quand ?
- "Je pense qu'il faut qu'on en parle dans les semaines qui viennent au Conseil agricole parce que nous avons des leçons à tirer de la crise."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 26 juin 2001)