Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à France-Info le 25 janvier 2012, sur la candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle 2012 et la TVA sociale.

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Média : France Info

Texte intégral


 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Dites-moi, est-ce que Nicolas SARKOZY doit se déclarer  maintenant ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Moi, je n’ai aucun doute sur le fait que les Français n’attendent pas  le président de la République sur des tréteaux dans des meetings. Si on  prend deux exemples simples : la semaine dernière, il fait le sommet  social. Ca permet de sortir avec des mesures pour les jeunes, pour  l’activité partielle dans les entreprises, pour la reconversion des salariés  qui ont perdu leur emploi, c’est utile, sûrement plus utile qu’un meeting. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Oui, mais ça c’est à mettre dans le bilan et non pas dans le  programme du futur candidat. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Vous savez, vous ne pouvez pas faire deux choses à la fois. Vous  ne pouvez pas à la fois être dans la parole, dans le meeting, dans la  rhétorique, et dans l’action. Je suis convaincu que ce que les Français  attendent de leur président c’est qu’il soit président et qu’il agisse dans la  période actuelle.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Alors, vous en êtes convaincu, mais visiblement il y a une partie de  la majorité qui commence à paniquer, ou à douter en tout cas. Lionnel  LUCA, par exemple, qui n’a pas vraiment sa langue dans sa poche, parle  carrément de « suicide politique » dans la stratégie choisie par le chef de  l’Etat. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Vous savez, dans une campagne présidentielle il y a des marées  hautes et il y a des marées basses. La semaine dernière, vous-même  vous disiez couac dans la campagne de François HOLLANDE, les gens  se divisent chez François HOLLANDE. Alors, cette semaine c’est,  attention, états d’âme, faut-il que le président se présente plus tôt ? La  semaine prochaine, ce sera encore autre chose. Moi, ma conviction c’est  qu’on doit tenir un cap, celui-là il est exigeant, c’est de positionner le débat  sur le fond, pas les petites phrases. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Mais qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que tout simplement la  majorité n’a pas perdu l’habitude d’être finalement à contretemps, c’est-à-dire  de donner le la de la campagne ? Est-ce que finalement, là, le fait que  ça soit le Parti socialiste qui mène un petit peu le débat, ça vous  désarçonne, ça vous déboussole ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Non ! Pourquoi ? Ce débat sur quels sujets majeurs est-ce qu’il est  en train de se positionner sur la présidentielle ? Et vous savez que pour  moi c’est une vielle conception. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Sur le chômage notamment. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Sur le chômage et sur la place des classes moyennes dans la  sortie de crise pour notre pays. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  On va y venir. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Et ça, pour moi, c’est la question centrale. Sur ce sujet-là, moi, je  ne crains en aucun cas les propositions de la gauche, et je crois qu’il faut  vraiment qu’on montre, il y a deux schémas aujourd’hui, deux visions de la  société : une vision qui est celle de François HOLLANDE, plus de  dépenses publiques et à l’arrivée plus d’impôt sur les classes moyennes ;  notre vision qui est on essaie d’adapter le schéma, la construction de  notre société pour lui redonner une compétitivité et de la création  d’emploi. C’est deux visions, deux visions qui sont respectables, mais  deux visions qui sont différentes. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Alors, les classes moyennes, justement, vous en parliez. François  HOLLANDE en a parlé également hier soir, à Toulon. Vous, vous dites  que la gauche va les étriller si elle arrive au pouvoir. Je voudrais qu’on  écoute ce que le candidat socialiste a répondu, hier soir. 
 
FRANÇOIS HOLLANDE  Qu’ont-elles reçu durant le dernier quinquennat les classes  moyennes ? Est-ce que le bouclier fiscal c’était pour les classes  moyennes ? Est-ce que la suppression de l’impôt sur la fortune c’était  pour les classes moyennes ? Est-ce que l’allègement des droits de plus  grosses successions c’était pour les classes moyennes ? Et qui a payé  plus d’impôts tout au long du quinquennat – vingt taxes ont été créées –  si ce n’est les classes moyennes ? Alors, je vous le dis, classes  moyennes faites confiance à la gauche, la droite vous a déjà trahies. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Laurent WAUQUIEZ, trahies les classes moyennes, oubliées en  tout cas de ce quinquennat ? Ca n’est pas vous allez me dire le contraire,  vous avez même écrit un livre pour le dire au président. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Oui, j’ai écrit un livre qui s’appelle « La lutte des classes  moyennes », et ça fait un an que je me bats pour que ce thème soit  central dans la campagne. Je voudrais juste d’abord répondre sur les  faits, le bilan. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Donc, dans la campagne à venir, ça signifie qu’on les a peut-être  oubliées pendant le quinquennat qui vient de s’écouler. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Merci de me tendre la perche, puisque je vais commencer par  répondre là-dessus. Quels sont les seuls impôts qui ont explosé pour les  classes moyennes ? Les impôts locaux. François HOLLANDE, qui, là,  parle à votre micro, a augmenté en Corrèze les impôts de la Corrèze cette  année de 12 %. 12 % ! Et c’est lui qui vient aussi expliquer les impôts  locaux il ne faut pas que ça augmente pour les classes moyennes ? 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est pour les classes moyennes et pour les autres aussi, non, les  impôts locaux ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Vous savez que les impôts locaux sont payés majoritairement par  les classes moyennes. On a d’ailleurs un système… 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  …il y a beaucoup de choses qui sont payées majoritairement par  les classes moyennes. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  C’est pour ça qu’on doit y faire attention. Je vais vous prendre un  deuxième exemple : les bourses. Le système de bourses laissait exclues  les classes moyennes. Vous gagniez plus de 1,5 smic, vous n’aviez pas  de bourse. Aujourd’hui, notre système tel qu’on l’a réformé permet  d’inclure les classes moyennes modestes dans le système de bourse.  Mais je voudrais surtout répondre à François HOLLANDE, et je lui  répondrai très simplement avec les mêmes termes : classes moyennes  faites confiance à la gauche, mais pour vous taxer. Et je vais prendre trois  exemples, si vous me permettez. Il parle du bouclier fiscal, mais ce n’est  pas là-dessus qu’il est interrogé. Il est interrogé sur trois propositions de  son programme qui seraient ravageuses pour les classes moyennes. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Vous allez me parler du quotient familial, par exemple. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Non ! 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Non ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Non. Je vais vous parlez d’abord de la fusion de l’impôt sur le  revenu et de la CSG. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Oui, et de la CSG. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Qu’il soit clarifié qui va pendre, que soit clarifié sur cette réforme  rapidement, proposée par François HOLLANDE, qui va perdre, parce que  ce serait les classes moyennes qui paieraient l’addition. Deuxième  exemple, suppression des niches fiscales. Qu’est-ce qu’il y a dans ces  niches fiscales ? Deux outils qui sont pour les classes moyennes : les  heures supplémentaires qui bénéficient aux salariés modestes, qui  seraient sabrées avec des pertes de 100 à 150 €/mois. Deuxième  exemple, les emplois à domicile, emplois à domicile qui permettent de  créer jusqu’à 500 000 emplois en France et qui seraient tués avec une  suppression des niches fiscales. Et puis, le troisième, qui me semble très  important, on propose une progressivité du tarif de l’eau, de l’électricité et  du gaz. Mais derrière une mesure apparemment alléchante, qui paiera ?  Comme toujours, ceux qui travaillent, et avec derrière des vraies  questions : la famille qui a plusieurs enfants est-ce qu’elle va devoir payer  plus, celui qui a une maison qui n’est pas bien isolée est-ce qu’il va devoir  payer plus, celui qui est dans un département où il fait plus froid est-ce  qu’il va devoir payer plus ? C’est ça la conception de la justice sociale  version HOLLANDE ? 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Et la TVA sociale, Laurent WAUQUIEZ, ce n’est pas faire aussi  payer les lasses moyennes ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  J’ai toujours été sur ce sujet sans la moindre ambigüité. Le défi qui  consiste à faire en sort que les charges sociales baissent et qu’elles  ne soient pas toutes assises et ponctionnées sur le salaire est une  bonne idée. L’idée d’essayer de faire payer les biens importés est  une bonne idée 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Donc, avec la TVA sociale on tape aussi au porte-monnaie des  classes moyennes. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Attention, ça, c’est l’objectif. TVA sociale, le président n’a jamais  parlé de TVA sociale, il a parlé d’un objectif : alléger le financement de la  protection sociale qui pèse sur nos salaires. N’oubliez jamais une chose,  Raphaëlle DUCHEMIN, François HOLLANDE, et ça je l’ai toujours en  mémoire, situe la barre des plus riches à des familles qui gagnent plus de  4 000 € en additionnant le revenu du père et de la mère. Pour lui, une  famille où père et mère chacun gagne 2 000 €, ce sont des familles de  riches. Attention, pour les classes moyennes, je le redis, faites confiance à  la gauche, mais pour vous taxer. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Est-ce qu’il faut absolument, Laurent WAUQUIEZ, que Nicolas  SARKOZY, qui doit s’exprimer dimanche soir, fasse passer toutes ces  réformes avant la fin du mandat ? Est-ce que finalement le courage  politique ça ne serait pas d’afficher ce qu’il veut faire pour après, pour  éventuellement un autre quinquennat ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Qu’est-ce que vous nous diriez alors ? Mais pourquoi est-ce que  vous ne l’avez pas fait ? Et vous auriez raison. Qu’est-ce qu’on voyait trop  souvent par le passé ? Des présidents de la République qui un an avant,  obsédés par leur enjeu électoral personnel, arrêtaient de faire… 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  …mais pourquoi cet empressement à tout vouloir faire avant la fin  de ce quinquennat-là, d’un coup, d’un seul ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Reprenons les exemples qu’on a utilisés. L’activité partielle, vous  voyez bien la menace du chômage aujourd’hui sur notre pays. Vous  croyez qu’on peut dire, non, ben, il y a une campagne électorale, on  s’occupera des gens qui perdent un emploi dans quatre mois ? Non.  L’activité partielle qui permet à des entreprises qui ont des baisses  d’activité de ne pas licencier, c’est maintenant qu’il les faut. Donc, je crois  vraiment qu’on est dans une phase, je le vis moi-même dans mon  département avec des entreprises… 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  …avec LEJABY, par exemple. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Avec LEJABY, qui est une entreprise sur laquelle je refuse de  baisser les bras, où il faut absolument qu’on arrive à trouver un repreneur.  Mais voilà des exemples. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  C’est en cours ou pas ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  On a des pistes qui sont des pistes intéressantes. 
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN  Les ouvrières ont écrit à Nicolas SARKOZY. Elle demande la  ré-industrialisation du site. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Oui. Et d’ailleurs, on va mettre en place, avec Eric BESSON et  Xavier BERTRAND, des outils de ré-industrialisation. On a quelques pistes  et voilà un exemple précis aussi de sujets sur lesquels on n’a pas le droit  de baisser les bras. 
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 25 janvier 2012