Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à I Télé le 16 février 2012, sur l'élection présidentielle 2012 et la TVA sociale.

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Média : Itélé

Texte intégral


 
 
CHRISTOPHE BARBIER Laurent WAUQUIEZ, bonjour.
 
LAURENT WAUQUIEZ Bonjour. CHRISTOPHE BARBIER Laurent WAUQUIEZ qui va être à la pointe de la campagne, une partie de vos thèses, d'ailleurs, se retrouvent dans le programme du candidat Nicolas SARKOZY. Comment avez-vous trouvé sa prestation hier soir ?
 
LAURENT WAUQUIEZ J’ai trouvé que c’était une prestation qui nous obligeait. Elle nous oblige à quoi ? Elle nous oblige à tourner la page des petites phrases, à tourner la page des petites caricatures et elle nous oblige à faire une campagne intelligente. Et une campagne intelligente qui, pour moi, doit être centrée sur trois thèmes. Un, comment faire du social responsable dans ce pays, pas du social assistanat mais du social responsable. Deux, la question des classes moyennes, sur la sortie de crise, et trois, comment réaffirmer une France républicaine, dans un pays qui est devenu beaucoup plus multiculturel. Et je trouve que ça doit être la ligne que l’on doit tenir. Le président a demandé hier une campagne intelligente.
 
CHRISTOPHE BARBIER Pourquoi parler de soulagement pour cette entrée en campagne, comme s’il avait hâte de finir ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, j’ai trouvé juste, moi, il y a deux impressions qui sont ressorties pour moi, d’abord un président qui l’a fait simplement. Ce n'est pas un exercice facile, il la fait simplement, et je crois que c'est la meilleure réponse à toutes les caricatures qui peuvent être faites. Et puis la deuxième chose, je crois qu’il y a pour lui un soulagement à être à nouveau libre, libre de parler, libre de s’expliquer, libre de répondre aux attaques.
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais il n’a pas arrêté d’aller sur le terrain, ces derniers mois, il était toujours libre.
 
LAURENT WAUQUIEZ Un candidat, c'est quelqu’un qui redevient beaucoup plus libre dans sa parole. Un président, il incarne le pays, il incarne la République, il n’y a pas la même forme de liberté. Et mon souhait aussi, c'est que ça sonne l’heure de vérité, et que ça oblige tout le monde à sortir de l’esquive. Il y a du côté des socialistes, une stratégie de campagne d’esquive. Vous recevez tout à l'heure Pierre MOSCOVICI, vous êtes un excellent intervieweur, monsieur BARBIER, je vous fixe un défit : est-ce que vous arrivez à faire expliquer par Pierre MOSCOVICI, ce qu’ils mettent dans les 12 milliards d’impôts supplémentaires qu’ils proposent, sur les ménages ? C’est 12 milliards de remise en cause de dispositifs fiscaux. Demandez-lui de détailler, qu'est-ce qui est mis dedans ? Vous n’aurez sans doute pas de réponse, sauf ce que je sais, à ce que vous soyez vraiment un intervieweur remarquable.
 
CHRISTOPHE BARBIER Eh ben on va essayer tout à l'heure avec Pierre MOSCOVICI. Quand le président SARKOZY en appelle au référendum, il dit : « Voilà, je procèderai par référendum ». Est-ce que ce n'est pas se défausser, un petit peu ? On avait l’hyper président, on aura maintenant un président qui ne prend plus de décisions ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non. Je pense que... Qu’est-ce qu’a souligné le président ? On est face à des choix qui sont des choix majeurs, difficiles à faire pour notre pays. Par exemple, cette conception du social, est-ce que l’on continue à défendre une vision qui est quand même une vision où le social consiste à verser des prestations sociales, à faire de l’assistanat ? Ou est-ce qu’on est collectivement d’accord pour passer sur cette vision d’un social responsable ? Il y a un moment où ce type de sujets, c'est aux Français de les trancher, sur des questions de fond, qui engagent notre pays sur un profond changement de son approche, ça suppose que les Français soient consultés directement.
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais cette révolution du système du chômage et de formations, il faudra des années pour la mener, notre système de formations n'est pas du tout prêt.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, raison de plus pour commencer, et c'est d’ailleurs dans ce sens-là que j’avais plaidé très rapidement avec la droite sociale, en disant : il faut qu’on se pose sur cette sortie de crise, les bonnes questions. Des pays comme l’Allemagne, comme la Grèce, comme les pays nordiques ont, sont amenés à se poser cette question, est-ce que nous on peut y échapper ?
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que ça ne va pas, d’abord, brutaliser des chômeurs faibles, avant que dans quelques années ça se mette à marcher ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je pense que ce qui brutalise surtout les chômeurs, c'est précisément qu’on ne leur offre aucune solution, qu’on soit uniquement sur des prestations sociales. Aider un chômeur à s’en sortir, c'est beaucoup plus par exemple, l’aider à passer un permis de conduire, qui va lui permettre de prendre un travail qui est à 15 km, c'est l’aider à passer une formation qui lui permettra de se repositionner sur des métiers qui sont en croissance, c'est l’aider à créer son entreprise, c'est ça la question qui se pose. Notre système de protection sociale est un système qui ne raisonne que prestations, qui du coup a dérivé vers l’assistanat et la, une des questions de fond de cette campagne, c'est comment repartir sur cette idée d’un social responsable.
 
CHRISTOPHE BARBIER Dans le social responsable, est-ce qu’il faut mettre aussi la fin de l’emploi à vie pour les fonctionnaires ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, personnellement, je n’y suis pas favorable. Ça fait partie de ma vision de ce qu'est la place de l‘Etat, la place de la Fonction publique. En revanche, il y a évidemment toute une réflexion à mener sur comment est-ce que l’Etat peut être plus stratège, peut être en partenariat avec ses acteurs privés autour de lui, c'est ce que l’on fait autour de l’université. Dans le domaine de l’université, on a tout changé. L’autonomie des universités a permis d’avoir des relations avec les entreprises, plus fortes, de réinvestir sur nos campus universitaires, donc de changer la vision de l’Etat. Et un des reproches, quand même, que je fais par rapport à la vision du Parti socialiste, c'est que c'est une vision où on nous dit : « Ma seule approche de l’Etat, c'est 60 000 fonctionnaires de plus ». C’est un peu pauvre. Cette campagne présidentielle mérite de l’imagination.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-il vrai que Nicolas SARKOZY a été agacé par votre gestion trop personnelle de l’affaire LEJABY ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je vais vous dire, dans une campagne présidentielle, il y a beaucoup de rumeurs, et dans la vie politique, il y en a beaucoup, mais alors celle-ci elle est parfaitement ridicule. Le président s'est investi sur ce dossier, je l’ai souligné, c'est dans mon département. C'est un enjeu qui était extrêmement important, et d’ailleurs auquel il a fait référence hier, qui nous a permis de sauver beaucoup d’emplois. Vous croyez franchement que le président aurait été agacé du fait que l’on ait réussi à sauver les emplois de ces filles ? C’est ridicule.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que vous lui conseillez d’aller sur le site LEJABY pendant sa campagne ? Est-ce que vous lui conseillez d’aller à Gandrange ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je lui ai non seulement conseillé... ce n'est pas à moi de conseiller, mais les salariées de LEJABY...
 
CHRISTOPHE BARBIER Sont venues à l'Elysée.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, elles sont venues à l'Elysée et l’ont invité, et elles savent le rôle qu’il a joué.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce qu’il ira à Gandrange ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Et je pense... Vous savez, sur ces dossiers-là, quelle est la marque de fabrique du président ? C’est : il ne s’est pas caché. Oui il s’est impliqué sur Gandrange, oui il s'est impliqué sur PhotoWatt, oui il s'est impliqué sur LEJABY. Ce ne sont pas des dossiers où la réussite est toujours au rendez-vous, mais ce qui me semble important c'est de ne pas les fuir. Et il y a une chose qu’on ne peut pas lui reprocher, il n’a jamais fuit ses responsabilités sur ces dossiers, il ne s'est jamais dérobé.
 
CHRISTOPHE BARBIER Hervé MORIN retire sa candidature. C'est la fin d’une pantalonnade ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, je ne dirais pas ça. Hervé MORIN est quelqu’un pour qui j’ai de l’estime, je trouve qu’il tire les conséquences qui sont responsables. C'est une campagne dans laquelle on voit bien que notre pays est face à des gros défis, la question simple c'est comment est-ce qu’on se prépare au monde de demain, eh bien il considère que la logique la plus efficace c'est d’être avec le président plutôt que dans une candidature qui aurait fait de l’émiettage. Et je crois que de ce point de vue, il y a quand même une différence, qui est intéressante à noter, du côté du PS on a MELENCHON, on a Eva JOLY, de notre côté, on sent progressivement une dynamique, un pack qui se soude autour du président.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il y a parfois des francs-tireurs gênants, faut-il exclure Christian VANNESTE rapidement de l'UMP ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je crois que la décision a été prise par Jean-François COPE, il faut lui rendre hommage. Il a pris une bonne décision, courageuse, rapidement, voilà.
 
CHRISTOPHE BARBIER Le conseil constitutionnel se prononce aujourd'hui sur l’anonymat des parrainages d’élus. Est-ce que vous souhaitez le rétablissement de cet anonymat, ce qui permettra de qualifier Marine LE PEN sans problème ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Moi je ne souhaite pas que l’on fonctionne dans la République, avec des masques, et je ne souhaite pas que l’on fonctionne dans la République de façon cachée. Et je vais même vous dire mon sentiment : si le FN aujourd'hui a des difficultés, n'est-ce pas parce que finalement il ne s’est pas suffisamment occupé à temps de ce sujet ? Si le FN a des difficultés aujourd'hui, n'est-ce pas parce que ce parti fonctionne trop sur les plateaux télévisés, sur les émissions, et pas assez sur le terrain ? C’est peut-être aussi des questions à se poser.
 
CHRISTOPHE BARBIER Tant pis pour lui donc.
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, mais en tout cas je pense que ça doit l’amener à se poser les bonnes questions sur son fonctionnement dans la République.
 
CHRISTOPHE BARBIER Avancer sans masque, c'est dire qu’il faudra la proportionnelle pour plaire aux centristes ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Moi, ce n'est pas mon souhait, je l’ai toujours dit, mais je suis un élu du suffrage universel direct. Moi je considère que la relation elle est entre un élu et le peuple, sans intermédiaire, mais c'est une vision très gaulliste.
 
CHRISTOPHE BARBIER Laurent WAUQUIEZ merci, bonne journée.
 
DENIS GIROLAMI Merci à tous les deux. Christophe, dans un instant, vous recevrez l’un des principaux lieutenants de François HOLLANDE, Pierre MOSCOVICI.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 16 février 2012