Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à Europe 1 le 21 février 2012, sur la campagne présidentielle et le sauvetage de la délocalisation de Lejaby.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
BRUCE TOUSSAINT Tiens ! Ce matin il y a beaucoup d’articles dans la presse consacrés à cet album d’Iznogoud, notamment un dans Le Figaro, et tiens !, deux ministres – enfin deux ministres : un ancien, un actuel – témoignent, donnent leur avis et notamment vous, Laurent WAUQUIEZ. Je ne savais pas que vous étiez un fan de bande dessinée.
 
LAURENT WAUQUIEZ Ah ! Je suis un grand fan de bande dessinée. Je ne manque jamais le festival d’Angoulême et je dois avoir plus de trois mille BD chez moi.
 
BRUCE TOUSSAINT Ah, trois mille ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Et alors hier je relisais Iznogoud, et notamment Les vacances du calife qui est une des très, très bonnes bandes dessinées d’Iznogoud. Mais alors attention ! Je crains qu’il n’y ait pas qu’en bande dessinée qu’il y a des Iznogoud !
 
BRUCE TOUSSAINT Ah bon ? Des noms !
 
LAURENT WAUQUIEZ Peut-être même sur le plateau d’Europe 1. Faites attention, monsieur TOUSSAINT !
 
BRUCE TOUSSAINT Ah bon ? C’est Julie, ça, j’en suis sûr ! J’en étais sûr !
 
LAURENT WAUQUIEZ Il est temps de féminiser Iznogoud.
 
BRUCE TOUSSAINT Bon ! On va parler évidemment de ceux qui veulent être calife à la place du calife puisque c’est la campagne présidentielle – vous avez raison de le souligner, Laurent WAUQUIEZ – et puis aussi de l’affaire Borloo. Ce sera le fait du jour sur Europe 1 dans un instant avec donc notre invité. À tout de suite ! […] Laurent WAUQUIEZ, Nicolas SARKOZY est-il intervenu pour essayer d’installer Jean-Louis BORLOO à la tête du groupe VEOLIA ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Ah ! Comment faire une rumeur à partir de rien ? Pour moi, c’est un petit peu d’ailleurs comme l’histoire de la viande halal. On a en ce moment dans la République des affabulateurs, des créateurs de mythes : tant qu’on parle de ça, on ne parle pas d’autre chose. Vous avez un sujet qui a été démenti par les principaux intéressés, qui ne repose sur rien, aucun fait et qui est devenu le sujet majeur de l’actualité depuis deux jours. Alors je me demande juste pourquoi, et pourquoi à mon avis ? Ce mythe a une utilité. L’objectif pour le PS, c’est de raconter une histoire consistant à faire croire que bien entendu, à tous les échelons de l’Etat, toutes les personnes qui occupent des responsabilités ne l’occupent que sur volonté du pouvoir politique. Et pourquoi ? Parce que derrière, l’objectif c’est de faire une purge, c’est de couper les têtes. C’est d’essayer d’installer et de faire – parce que là pour le coup, ce n’est pas des rumeurs : c’est une déclaration gravée dans le marbre de François HOLLANDE – un travail qui est pour moi un travail sectaire, de faire un Etat qui soit à sa main.
 
BRUCE TOUSSAINT Jérôme CAHUZAC, qui n’est quand même pas un fantaisiste, président de la Commission des finances à l’Assemblée…
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est le président socialiste de la Commission des finances ; mais c’est vrai, ce n’est pas un fantaisiste.
 
BRUCE TOUSSAINT Non mais c’est vrai.
 
LAURENT WAUQUIEZ Ce n’est pas un fantaisiste.
 
BRUCE TOUSSAINT Ce n’est pas un fantaisiste, il déclare : « La vérité, c’est que Nicolas SARKOZY a téléphoné à certains actionnaires de référence de VEOLIA pour imposer son ami Jean-Louis BORLOO. »
 
LAURENT WAUQUIEZ Ben voilà, c’est ce que j’appelle de l’affabulation. Qu’on nous apporte des preuves. C’est quoi ? Enfin, moi je peux – on peut lancer l’idée qu’untel…
 
BRUCE TOUSSAINT Donc ils se sont levés hier matin, ils ont dit : « Tiens ! on va lancer un truc complètement faux et on va… » Enfin, c’est une drôle d’idée de la façon de faire de la politique.
 
LAURENT WAUQUIEZ Vous savez quoi ? C’est ce que j’appelle : « La rumeur court. » Je me lève, je dis : « Ben tiens, oui, moi je sais. » Comment est-ce que monsieur CAHUZAC sait que le président de la République a appelé untel ou untel ? Mais sur quoi est-ce que ça repose ?
 
BRUCE TOUSSAINT Quand on est président de la Commission des finances, on a peut-êtrede des informations.
 
LAURENT WAUQUIEZ Vous voulez dire qu’il a mis le président sur écoute ? C’est peut-être effectivement…
 
BRUCE TOUSSAINT Non ! Ce n’est pas ce que je voulais sous-entendre. Alors peut-être qu’il y a eu maladresse tout simplement.
 
LAURENT WAUQUIEZ Je pense surtout que tout ceci n’a absolument aucun intérêt et j’en reviens à ce que je disais au début : c’est ces mythes qui sont très utiles parce que tant qu’on parle de ça, on ne parle pas d’autre chose.
 
BRUCE TOUSSAINT Du coup, oui, quand Nicolas SARKOZY dit : « Je suis le candidat du peuple contre le candidat de l’élite », avec cette histoire, cette affaire, même si vous la démentez ce matin ça fait un peu désordre, non ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Je vais vous dire, de quoi est-ce qu’on ne parle pas d’autre chose. Est-ce que vous avez regardé, parlons du peuple et des classes moyennes, sujet qui m’intéresse : dans le programme du PS, il y a un thème qui est je vais revenir sur 12 milliards de déductions fiscales qui bénéficient aux classes moyennes. Monsieur TOUSSAINT, je vous fixe un défi : essayez d’obtenir d’un des représentants de François HOLLANDE le détail de ce qu’il y a dans ces 12 milliards. Vous n’aurez rien. Essayez de savoir si par exemple on va revenir sur les déductions fiscales pour les emplois à domicile. Ça, c’est des sujets qui à mon avis intéressent beaucoup plus vos auditeurs. Et vous n’aurez rien comme réponse, et c’est là où j’en reviens à ce que je disais : quand on parle de ça, on ne parle pas d’autres choses.
 
BRUCE TOUSSAINT Que peut faire le candidat du peuple pour les ARCELORMITTAL de Florange en Moselle ? Ils ont dit hier : l’État a sauvé les LEJABY – vous êtes bien placé pour le savoir – il doit intervenir pour nous.
 
LAURENT WAUQUIEZ Effectivement, je suis bien placé pour le savoir parce que le dossier des LEJABY, c’est un dossier sur lequel je me suis moi-même beaucoup investi. J’ai vu l’action qui a été celle du président. Je crois que sur ces dossiers, on peut beaucoup le caricaturer, on peut beaucoup le critiquer ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il s’est toujours impliqué. Donc s’agissant de Florange, je sais que Xavier BERTRAND et Éric BESSON sont en train de se battre. Il n’y a pas de fermeture définitive, il y a un carnet de commandes qu’il faut absolument regarnir, il faut y aller. C'est des dossiers qui sont toujours difficiles, on n’est jamais sûr de l’issue : il faut toujours le tenter.
 
BRUCE TOUSSAINT Il y avait une promesse quand même pour ARCELORMITTAL.
 
LAURENT WAUQUIEZ Vous savez monsieur TOUSSAINT, les promesses c’est surtout la promesse de se battre sur chaque dossier.
 
BRUCE TOUSSAINT « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient », c’est ça ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, non. Moi je vais vous donner aussi une promesse que j’avais eue.
 
BRUCE TOUSSAINT Oui.
 
LAURENT WAUQUIEZ Sur le dossier de LEJABY. J’ai entendu François HOLLANDE qui avait dit : « Je vais me battre pour apporter une solution » ; j’ai vu Arnaud MONTEBOURG qui était venu en disant : « Moi évidemment j’ai une solution pour vous. » Cette solution, heureusement que je ne l’ai pas attendue et heureusement qu’on a constitué tout de suite une solution alternative. Sur ces dossiers, bien sûr on peut dire : « Attention ! sur tel sujet le président a échoué il y a trois ans, il y a quatre ans. » Ce que moi je vois surtout, c’est qu’il a toujours été présent sur ces dossiers là où souvent par le passé, il y avait un travail d’esquive. Prenons du concret : RENAULT Flamanville. Il s’est battu, l’entreprise elle est toujours là. ALSTOM, il s’est battu : l’entreprise est toujours là.
 
BRUCE TOUSSAINT À propos de promesses et de LEJABY, Laurent WAUQUIEZ, c’est vrai que ça vous a coûté le poste de porte-parole de la campagne cette histoire ? Vous avez été… LAURENT WAUQUIEZ Alors ça aussi, ça fait partie des rumeurs que j’ai lues : le président serait fâché qu’on se soit impliqué sur LEJABY.
 
BRUCE TOUSSAINT Oui. Il n’a pas apprécié la manière dont vous vous êtes comporté. « Il a trop tiré la couverture à lui » estime un proche du dossier – c’est ce qu’on a pu lire dans la presse récemment.
 
LAURENT WAUQUIEZ Voilà. C'est-à-dire peut-être aussi un proche du dossier qui a mis aussi le président sur écoute ! Visiblement c’est très courant en ce moment dans la République. C’est dans mon département, c’est chez moi la Haute Loire. Ces filles, ça fait depuis trois ans que je m’en occupais et on s’était notamment battu pour…
 
BRUCE TOUSSAINT Personne ne le met en cause mais c’est vrai que, bon, peut-être qu’à ce moment-là pour la campagne, ça aurait été bien que ce soit lui qui aille les sauver.
 
LAURENT WAUQUIEZ Mais c’est lui 1/ qui les a reçues et il n’y a jamais eu d’ambigüité. Heureusement qu’il a notamment pu construire les solutions pour la formation de ces salariés. C’est une belle leçon d’ailleurs aussi, l’histoire des LEJABY. C’est qu’au fond, ce sont quand même des filles qui acceptent pour certaines d’entre elles à plus de 55 ans d’apprendre un nouveau métier. Elles étaient dans le textile, elles se reconvertissent : elles vont faire des sacs en cuir.
 
BRUCE TOUSSAINT Ça aurait été un beau métier d’être porte-parole.
 
LAURENT WAUQUIEZ Je ne suis pas sûr parce que notamment ça ne me permettrait pas de répondre en toute liberté sur le micro de Bruce TOUSSAINT et ça, ce serait vraiment dommage. Je préfère répondre avec mes convictions.
 
BRUCE TOUSSAINT Seuls 37 % des Français dans un sondage publié par Le Nouvel Observateur estiment que Nicolas SARKOZY fait une bonne entrée en campagne. Comment est-ce que vous analysez ce chiffre ? Est-ce qu’il n’y a pas un problème de flou dans cette campagne ? Quel est le message, l’idée principale de la campagne de Nicolas SARKOZY ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Alors pour moi, elle est très simple. Vous avez un Etat et un système de dépenses publiques dans lequel il faut qu’on remette de l’ordre. Il y a deux voies pour le faire. La première, c’est celle de François HOLLANDE et qui est clairement assumée, consistant à dire : « Je ne fais pas d’économies sur la dépense publique et donc dans mon programme, j’affiche que je prendrai 44 milliards d’euros d’impôts en plus. » Ça c’est la proposition de François HOLLANDE. La nôtre, en tous cas moi c’est mon obsession, si on veut réussir à répondre à ces défis, il faut qu’on change notre mode de fonctionnement. Ça veut dire pour moi d’abord remettre les classes moyennes au coeur de notre projet, donc pas d’impôt supplémentaire. On ne sort pas de la crise, on ne répond pas aux déficits publics avec des impôts supplémentaires sur les classes moyennes et deuxièmement, se poser les bonnes questions notamment sur qu’est-ce que c’est aujourd'hui faire du social. Et c’est ce que je résume par : il faut passer d’un social assistanat à un social responsable. Le social assistanat, ce n’est pas du social ; le social responsable, on peut en parler à votre micro.
 
BRUCE TOUSSAINT Vous saluerez le calife pour nous.
 
LAURENT WAUQUIEZ [rires] C’est qui le calife ici ?
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 24 février 2012