Déclaration de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la coopération scientifique et technologique entre la France et Israël, Paris le 9 février 2012.

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Je veux d’abord vous dire que vous êtes ici chez vous. Nous nous trouvons en effet dans les anciens locaux de l’Ecole Polytechnique, cousine française du Technion, la prestigieuse école polytechnique d’Israël.
Le Technion illustre magistralement la tradition d’excellence scientifique israélienne. Je suis très honoré d’accueillir l’un de ses membres éminents, le professeur Dan Shechtmann, prix Nobel de chimie 2011 : nous devons beaucoup à votre découverte des quasi-cristaux, qui a totalement modifié notre approche de la matière solide.
La coopération scientifique et technologique entre nos deux pays est profonde et ancienne. Elle repose sur des liens d’amitié très forts entre nos deux peuples, des liens qui s’enracinent dans l’histoire, une culture partagée et un respect réciproque. En témoignent le voyage d’Etat de 2008, au cours duquel le Président Nicolas Sarkozy a tenu à visiter le Technion ; mais aussi, en décembre dernier, le voyage d’une vaste délégation de scientifiques français au Technion, à l’occasion du 60e anniversaire de l’Association du Technion France, dont je salue le dynamisme de la présidente, Muriel Touaty.
Je veux remercier la fondation France-Israël et sa présidente Nicole Guedj. Depuis sa création en 2005, à l’initiative du président Jacques Chirac, la Fondation France-Israël est très engagée dans le domaine scientifique. Elle met à l’honneur l’excellence partagée par des chercheurs français et israéliens, notamment en remettant un prix scientifique chaque année. Elle est également un soutien majeur pour les recherches sur le cancer menées par l’Institut Gustave Roussy et l’Hôpital Hadassah de Jérusalem.
Je souhaite d’abord revenir sur la manière dont la France peut s’inspirer de l’innovation israélienne pour alimenter les transformations profondes que connaît son paysage de recherche (I). Je préciserai ensuite les contours que prend la collaboration scientifique et technologique entre nos deux pays, pour le présent et pour l’avenir (II).
I. A bien des égards, le travail mené par la communauté scientifique israélienne est pour nous un modèle, à un moment où notre paysage scientifique connaît une mutation profonde.
1. Israël est au premier rang mondial pour le nombre de chercheurs par habitant. Sa marque de fabrique, c’est sa capacité à valoriser concrètement son extraordinaire culture scientifique et sa recherche d’excellence. Les exemples sont nombreux. Je pense bien sûr au Technion, qui concentre l’essentiel du génie israélien et irrigue toute la société : les scientifiques et ingénieurs diplômés du Technion constituent 70 % des fondateurs et responsables des entreprises de l’industrie High Tech dans le pays. Sur 180 entreprises israéliennes cotées au NASDAQ, 85 % sont dirigées par d’anciens étudiants du Technion. Je pense aussi à la société Yeda Research and Development, fondée par l’Institut Weizmann en 1959 pour collecter et commercialiser les fruits de la recherche et assurer les transferts de technologies. Je pense à l’université Ben Gourion, qui a su développer des allers-retours très féconds entre l’université et l’industrie : la société de valorisation BGN assure le transfert de nouvelles technologies de l’université vers le marché de la consommation ; et réciproquement, elle génère de la recherche, en accord avec les besoins de l’industrie et des fonds de développement. Enfin, je pense aussi à l’université hébraïque de Jérusalem, fondée en 1925 sous les auspices de Chaïm Weizmann, Lord Balfour et Albert Einstein, et qui a breveté plus de 400 technologies depuis 40 ans, dont la commercialisation représente aujourd’hui près d’un milliard de dollar par an.
2. Ces partenariats très forts sont pour nous une source d’inspiration pour aller plus loin dans le travail de décloisonnement que nous menons actuellement. Avec l’autonomie des universités et les investissements d’avenir, nous n’avons jamais investi aussi massivement pour donner un coup d’accélérateur à l’innovation en faisant tomber les murs entre la recherche publique et la recherche privée.
Nous avons multiplié les fondations universitaires : elles sont à présent près de 40. Dans le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Bordeaux par exemple, Sanofi-Aventis a créé une chaire « campus Biotech » et GDF-Suez une chaire « Partenariat public-privé » ; sept châteaux se sont réunis dans un « Fonds des Grands Crus de Bordeaux ».
Chaque année, en France, plus de 20.000 chercheurs publics et privés (près d’1 chercheur sur 10) s’associent pour présenter des projets de R&D collaboratifs. Les laboratoires public-privé sont de plus en plus nombreux. Sur les 220 laboratoires public-privé français, plus de la moitié ont moins de 6 ans. Je pense notamment aux « i-labs » ouverts par l’INRIA pour les PME.
Nous avons accéléré le transfert des brevets publics vers le privé. En 2009, les publications de brevets publics ont progressé de 35%. Et la tendance se confirme en 2010. Le CNRS a décidé de céder dans leur intégralité 1000 brevets aux PME et toute la communauté scientifique va profiter de ce cercle vertueux. C’est du jamais vu en France et c’est un actif stratégique en temps de crise pour la croissance de nos PME.
II. Ces développements vont rendre les partenariats internationaux encore plus importants, dans une compétition internationale de la connaissance qui n’a jamais été aussi forte. Dans ce cadre, le potentiel de collaboration entre nos deux pays est extraordinaire.
1. Nos communautés scientifiques ont depuis longtemps l’habitude de travailler ensemble.
La France est le 4ème partenaire scientifique d’Israël, avec des travaux communs qui font la part belle aux sciences de la vie, à la médecine et à la chimie, et de nombreux accords de coopération universitaire entre le Technion et des centres de Recherche en France, et notamment l’Ecole Polytechnique.
Nos liens reposent sur l’accord de 2003 qui a instauré un Haut conseil franco-israélien pour la science et la technologie. Depuis sa création, il a permis de nouer 9 partenariats dans l’imagerie médicale et biologique, la génétique humaine, les mathématiques, l’agriculture et développement durable, la bioinformatique, l’astrophysique, les neurosciences et la robotique. Récemment, deux nouveaux thèmes ont été lancés : la Biologie marine, et les nanomatériaux fonctionnels innovants.
2. Il est de notre intérêt commun de continuer à renforcer nos liens. Je tiens à partager avec vous les perspectives que je souhaite aborder avec le Ministre de la Science et de la Technologie de l’Etat d’Israël, M. Daniel HERSHKOWITZ, que je recevrai ici le 21 mars prochain.
En nanotechnologies, des partenariats existent avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Mais il nous manque encore un accord global et stratégique.
Il en va de même en recherche biomédicale. Le potentiel de coopération et les applications industrielles sont considérables. Le secteur médicament et dispositifs médicaux va connaître une croissance de 10% par an dans les prochaines années. Nous avons noué d’importants accords de partenariats en biotechnologies pour échanger des savoir-faire technologiques : entre le pôle d’innovation israélien « Bio Negev » dédié à la médecine régénérative et Sophia Antipolis sur la Côté d’Azur ; et entre Israël et le « Life Science Corridor » français constitué autour des pôles de compétitivité Alsace Biovalley, Lyon Biopôle et Cancer Bio Santé. Il serait utile de nouer un accord plus global et stratégique impliquant plus largement les acteurs du secteur.
Je voudrais pour terminer revenir sur une initiative de la fondation France Israël qui a pour moi une résonance très personnelle et qui me paraît particulièrement emblématique des liens qui unissent nos deux pays.
En mai dernier, à l’occasion des cérémonies de commémoration de la Shoah, vous avez organisé un voyage pour de jeunes descendants de Justes parmi les Nations. Une bonne partie venait de chez moi, en Haute-Loire (fait unique en France et très rare en Europe, le plateau du Lignon a reçu collectivement la distinction de Justes parmi les Nations pour avoir caché des enfants juifs pendant la Seconde guerre mondiale). Ces jeunes sont bien sûr allés se recueillir au mémorial de Yad Vashem, où ils ont pu échanger avec des rescapés et où ils ont eu la fierté de découvrir le nom de leurs grands-parents sur le mur des Justes parmi les Nations. Mais vous avez aussi voulu qu’ils aillent à Haifa rencontrer des jeunes qui étudient les sciences au Technion. Je crois que c’est ce type d’initiative, ancrée dans la mémoire, mais aussi tournée vers l’innovation, que nous devons veiller à développer pour inscrire non seulement dans le passé, mais aussi dans l’avenir, l’amitié et les valeurs partagées entre nos deux pays.
Je vous remercie.
Source http://www.france-israel.org, le 28 février 2012