Texte intégral
Je veux dabord vous dire que vous êtes ici chez vous. Nous nous trouvons en effet dans les anciens locaux de lEcole Polytechnique, cousine française du Technion, la prestigieuse école polytechnique dIsraël.
Le Technion illustre magistralement la tradition dexcellence scientifique israélienne. Je suis très honoré daccueillir lun de ses membres éminents, le professeur Dan Shechtmann, prix Nobel de chimie 2011 : nous devons beaucoup à votre découverte des quasi-cristaux, qui a totalement modifié notre approche de la matière solide.
La coopération scientifique et technologique entre nos deux pays est profonde et ancienne. Elle repose sur des liens damitié très forts entre nos deux peuples, des liens qui senracinent dans lhistoire, une culture partagée et un respect réciproque. En témoignent le voyage dEtat de 2008, au cours duquel le Président Nicolas Sarkozy a tenu à visiter le Technion ; mais aussi, en décembre dernier, le voyage dune vaste délégation de scientifiques français au Technion, à loccasion du 60e anniversaire de lAssociation du Technion France, dont je salue le dynamisme de la présidente, Muriel Touaty.
Je veux remercier la fondation France-Israël et sa présidente Nicole Guedj. Depuis sa création en 2005, à linitiative du président Jacques Chirac, la Fondation France-Israël est très engagée dans le domaine scientifique. Elle met à lhonneur lexcellence partagée par des chercheurs français et israéliens, notamment en remettant un prix scientifique chaque année. Elle est également un soutien majeur pour les recherches sur le cancer menées par lInstitut Gustave Roussy et lHôpital Hadassah de Jérusalem.
Je souhaite dabord revenir sur la manière dont la France peut sinspirer de linnovation israélienne pour alimenter les transformations profondes que connaît son paysage de recherche (I). Je préciserai ensuite les contours que prend la collaboration scientifique et technologique entre nos deux pays, pour le présent et pour lavenir (II).
I. A bien des égards, le travail mené par la communauté scientifique israélienne est pour nous un modèle, à un moment où notre paysage scientifique connaît une mutation profonde.
1. Israël est au premier rang mondial pour le nombre de chercheurs par habitant. Sa marque de fabrique, cest sa capacité à valoriser concrètement son extraordinaire culture scientifique et sa recherche dexcellence. Les exemples sont nombreux. Je pense bien sûr au Technion, qui concentre lessentiel du génie israélien et irrigue toute la société : les scientifiques et ingénieurs diplômés du Technion constituent 70 % des fondateurs et responsables des entreprises de lindustrie High Tech dans le pays. Sur 180 entreprises israéliennes cotées au NASDAQ, 85 % sont dirigées par danciens étudiants du Technion. Je pense aussi à la société Yeda Research and Development, fondée par lInstitut Weizmann en 1959 pour collecter et commercialiser les fruits de la recherche et assurer les transferts de technologies. Je pense à luniversité Ben Gourion, qui a su développer des allers-retours très féconds entre luniversité et lindustrie : la société de valorisation BGN assure le transfert de nouvelles technologies de luniversité vers le marché de la consommation ; et réciproquement, elle génère de la recherche, en accord avec les besoins de lindustrie et des fonds de développement. Enfin, je pense aussi à luniversité hébraïque de Jérusalem, fondée en 1925 sous les auspices de Chaïm Weizmann, Lord Balfour et Albert Einstein, et qui a breveté plus de 400 technologies depuis 40 ans, dont la commercialisation représente aujourdhui près dun milliard de dollar par an.
2. Ces partenariats très forts sont pour nous une source dinspiration pour aller plus loin dans le travail de décloisonnement que nous menons actuellement. Avec lautonomie des universités et les investissements davenir, nous navons jamais investi aussi massivement pour donner un coup daccélérateur à linnovation en faisant tomber les murs entre la recherche publique et la recherche privée.
Nous avons multiplié les fondations universitaires : elles sont à présent près de 40. Dans le Pôle de recherche et denseignement supérieur de Bordeaux par exemple, Sanofi-Aventis a créé une chaire « campus Biotech » et GDF-Suez une chaire « Partenariat public-privé » ; sept châteaux se sont réunis dans un « Fonds des Grands Crus de Bordeaux ».
Chaque année, en France, plus de 20.000 chercheurs publics et privés (près d1 chercheur sur 10) sassocient pour présenter des projets de R&D collaboratifs. Les laboratoires public-privé sont de plus en plus nombreux. Sur les 220 laboratoires public-privé français, plus de la moitié ont moins de 6 ans. Je pense notamment aux « i-labs » ouverts par lINRIA pour les PME.
Nous avons accéléré le transfert des brevets publics vers le privé. En 2009, les publications de brevets publics ont progressé de 35%. Et la tendance se confirme en 2010. Le CNRS a décidé de céder dans leur intégralité 1000 brevets aux PME et toute la communauté scientifique va profiter de ce cercle vertueux. Cest du jamais vu en France et cest un actif stratégique en temps de crise pour la croissance de nos PME.
II. Ces développements vont rendre les partenariats internationaux encore plus importants, dans une compétition internationale de la connaissance qui na jamais été aussi forte. Dans ce cadre, le potentiel de collaboration entre nos deux pays est extraordinaire.
1. Nos communautés scientifiques ont depuis longtemps lhabitude de travailler ensemble.
La France est le 4ème partenaire scientifique dIsraël, avec des travaux communs qui font la part belle aux sciences de la vie, à la médecine et à la chimie, et de nombreux accords de coopération universitaire entre le Technion et des centres de Recherche en France, et notamment lEcole Polytechnique.
Nos liens reposent sur laccord de 2003 qui a instauré un Haut conseil franco-israélien pour la science et la technologie. Depuis sa création, il a permis de nouer 9 partenariats dans limagerie médicale et biologique, la génétique humaine, les mathématiques, lagriculture et développement durable, la bioinformatique, lastrophysique, les neurosciences et la robotique. Récemment, deux nouveaux thèmes ont été lancés : la Biologie marine, et les nanomatériaux fonctionnels innovants.
2. Il est de notre intérêt commun de continuer à renforcer nos liens. Je tiens à partager avec vous les perspectives que je souhaite aborder avec le Ministre de la Science et de la Technologie de lEtat dIsraël, M. Daniel HERSHKOWITZ, que je recevrai ici le 21 mars prochain.
En nanotechnologies, des partenariats existent avec le Commissariat à lénergie atomique (CEA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Mais il nous manque encore un accord global et stratégique.
Il en va de même en recherche biomédicale. Le potentiel de coopération et les applications industrielles sont considérables. Le secteur médicament et dispositifs médicaux va connaître une croissance de 10% par an dans les prochaines années. Nous avons noué dimportants accords de partenariats en biotechnologies pour échanger des savoir-faire technologiques : entre le pôle dinnovation israélien « Bio Negev » dédié à la médecine régénérative et Sophia Antipolis sur la Côté dAzur ; et entre Israël et le « Life Science Corridor » français constitué autour des pôles de compétitivité Alsace Biovalley, Lyon Biopôle et Cancer Bio Santé. Il serait utile de nouer un accord plus global et stratégique impliquant plus largement les acteurs du secteur.
Je voudrais pour terminer revenir sur une initiative de la fondation France Israël qui a pour moi une résonance très personnelle et qui me paraît particulièrement emblématique des liens qui unissent nos deux pays.
En mai dernier, à loccasion des cérémonies de commémoration de la Shoah, vous avez organisé un voyage pour de jeunes descendants de Justes parmi les Nations. Une bonne partie venait de chez moi, en Haute-Loire (fait unique en France et très rare en Europe, le plateau du Lignon a reçu collectivement la distinction de Justes parmi les Nations pour avoir caché des enfants juifs pendant la Seconde guerre mondiale). Ces jeunes sont bien sûr allés se recueillir au mémorial de Yad Vashem, où ils ont pu échanger avec des rescapés et où ils ont eu la fierté de découvrir le nom de leurs grands-parents sur le mur des Justes parmi les Nations. Mais vous avez aussi voulu quils aillent à Haifa rencontrer des jeunes qui étudient les sciences au Technion. Je crois que cest ce type dinitiative, ancrée dans la mémoire, mais aussi tournée vers linnovation, que nous devons veiller à développer pour inscrire non seulement dans le passé, mais aussi dans lavenir, lamitié et les valeurs partagées entre nos deux pays.
Je vous remercie.
Source http://www.france-israel.org, le 28 février 2012