Extraits de l'entretien de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec "Canal Plus" le 21 février 2012, sur la conférence internationale sur la Syrie et l'élection présidentielle au Sénégal.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

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Q - Vous serez vendredi à la conférence internationale sur la Syrie à Tunis. Quel est l’objectif de cette conférence ?
R - Arrêter le massacre. Vous savez, on me reproche souvent de ne pas sourire sur les photos, c’est parce que, dans ma tâche, il m’arrive chaque jour de me demander comment arrêter cette répression sanglante et implacable.
Depuis le début, la France a pris une position très claire en condamnant la répression à laquelle se livre le régime de ce pays et nous n’arrivons pas à l’arrêter parce que nous sommes bloqués au Conseil de sécurité. Nous ne pouvons pas intervenir et, pendant ce temps-là, les massacres continuent.
Q - Et militairement, vous ne pouvez pas intervenir ?
R - Il est exclu que nous intervenions militairement sans un feu vert des Nations unies. On nous dit que nous l’avons fait en Libye, mais en Libye nous avons eu ce feu vert et les pays arabes nous le demandaient. Là, ils ne le demandent pas et je pense qu’une intervention militaire, sans feu vert des Nations unies, est inenvisageable.
Alors, que faire ? Nous essayons d’accentuer la pression, à la fois sur ceux qui se sont opposés, au Conseil de sécurité, à cette résolution qui offrait une perspective politique et, en même temps, sur le régime lui-même.
Ma conviction intime est que ce régime est condamné ; il tombera. On ne peut pas aujourd’hui continuer à tirer au canon sur les populations civiles sans être obligé, un jour, de rendre des comptes. Le drame, c’est que malheureusement, chaque jour, les morts s’additionnent.
Q - Et pourquoi ce feu vert n’arrive-t-il pas ?
R - Vous le savez très bien. Nous sommes bloqués au Conseil de sécurité par un veto russe qui s’explique par différentes considérations.
Q - Et les Russes ne seront pas à la conférence.
R - Nous les avons invités, mais ils ne viendront pas. Je voudrais quand même rappeler que 137 pays à l’Assemblée générale des Nations unies ont voté la résolution que nous avions soutenue avec les pays arabes ; 137, c’est-à-dire l’immense majorité. Et la Russie s’est retrouvée avec de «grandes démocraties» : Cuba, le Venezuela, le Zimbabwe, la Corée du Nord. Voilà la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Nous essayons de faire changer cela. Nous allons essayer de faire céder le régime sur l’aide humanitaire. La situation humanitaire est désastreuse dans beaucoup d’endroits, dont Homs mais pas uniquement. Nous allons donc essayer d’acheminer l’aide humanitaire dans de meilleures conditions.
Je voudrais dire aussi mon admiration au peuple syrien. Vous avez vu que maintenant la révolte gagne Damas et, qu’un jour ou l’autre, cette révolte de gens qui se battent à mains nues, pour la plupart d’entre eux, va emporter ce régime inqualifiable et insupportable.
Q - Il y a une élection présidentielle dimanche prochain au Sénégal. Le président Abdoulaye Wade se représente pour la troisième fois alors que, normalement, il n’y avait que deux mandats. Quelle est la position de la France ?
R - Je l’ai exprimée assez clairement et, d’ailleurs, si cela n’a pas été entendu à Paris, cela a été entendu à Dakar.
Q - Souhaitez-vous le changement ?
R - J’ai dit que nous n’avions pas à nous substituer aux Sénégalais pour choisir leur président ; il y a une tradition démocratique au Sénégal. J’ai dit, en second lieu, que nous souhaitions des élections transparentes et libres, que nous souhaitions que toutes les sensibilités puissent s’exprimer et j’ai même ajouté qu’à un certain moment, il fallait que la relève de générations se fasse ; c’est aux Sénégalais d’en décider.
Nous appelons évidemment à la cessation des violences, il faut que les manifestants puissent manifester librement sans être réprimés et que les élections se passent librement. Il y a d’ailleurs une mission d’observation de l’Union européenne pour s’assurer que les élections se déroulent bien.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2012