Texte intégral
Q - La Conférence de Tunis des amis de la Syrie peut-elle déboucher sur quelque chose de plus quune condamnation verbale du régime syrien, quelque chose de plus concret ?
R - Je lespère, cest un moment important. Dabord parce que de nombreux pays seront présents, les pays de la Ligue arabe, lensemble des pays de lUnion européenne, beaucoup de ceux qui ont voté la résolution au Conseil de sécurité plus dautres encore. La politique étrangère, cest aussi la force du symbole politique. Donc, de ce point de vue, le symbole sera très fort et participera à lisolement croissant du régime ainsi quà lisolement des pays qui continuent à bloquer toute solution au Conseil de sécurité.
Au-delà du symbole, nous nous fixons plusieurs objectifs : dabord réaffirmer très clairement notre soutien à linitiative de la Ligue arabe dans toutes ses composantes. Ensuite, essayer davancer sur la question de laide humanitaire, voir comment on peut faciliter laccès aux régions les plus frappées à lheure actuelle. Javais lancé lidée de corridors humanitaires. Il ne faut pas labandonner. Il faut voir comment la mettre en uvre. Nous allons à cette occasion essayer de recevoir des représentants de lopposition syrienne car il est fondamental quils sorganisent, se regroupent, quils se montrent plus inclusifs.
À lheure actuelle, on est dans une situation où il y a une opposition de lintérieur, une opposition de lextérieur, des structures militaires en vérité très peu organisées, et nous ne cessons de leur dire quils doivent être plus inclusifs, quils accueillent davantage de chrétiens, davantage dalaouites pour bien représenter lensemble des composantes. Ce sera à Tunis le message fort que nous leur enverrons.
On va aussi réfléchir à la façon de reprendre éventuellement linitiative au Conseil de sécurité, où je suis assez sceptique sur notre capacité à faire voter une résolution pour linstant, mais il faut y réfléchir. En tout cas, sil y a résolution, elle ne doit pas être seulement humanitaire, figeant le statu quo politique en Syrie. Jai plus que jamais la conviction que ce régime est totalement discrédité et que ses responsables ont trop de sang sur les mains pour se maintenir au pouvoir de quelque manière que ce soit. Jaurai un discours très ferme sur ce point à Tunis.
Q - Peut-on envisager des corridors humanitaires en Syrie sans protection militaire ou «no fly zone» si le régime sy oppose ?
R - Notre objectif, cest dobtenir laccord du régime pour faciliter laccès humanitaire, éventuellement par des corridors. Se situer dans lhypothèse dune intervention armée, cest changer complètement de cadre et dobjectif. Je continue à penser quune intervention militaire en Syrie nest ni souhaitable, ni possible. Nous ne sommes pas du tout dans le cas libyen. Et toute intervention extérieure quelle quelle soit, dabord naurait pas le feu vert des Nations unies dans le contexte actuel et, dautre part, risquerait daccélérer un processus de guerre civile qui est déjà malheureusement bien engagé.
Q - Vous parlez dune nécessité daccord du régime pour les couloirs humanitaires, comptez-vous sur les Russes pour lobtenir ?
R - Jen ai parlé avec Serguei Lavrov la semaine dernière, sa position a été globalement négative : toujours dans lidée que le régime est victime dune agression terroriste extérieure dont on ne voit pas dailleurs quelle elle serait. Quand jai parlé dhumanitaire, il ma dit «parlons-en à New York». Mais je suis assez peu optimiste sur la bonne volonté des Russes à ce stade.
Q - Pourquoi la Tunisie na pas invité officiellement le Conseil national syrien à la conférence ?
R - La Tunisie a invité le CNS et il sagit là dune bonne décision car le CNS a vocation à rassembler lopposition syrienne. Aujourdhui, ce processus nest pas encore finalisé : il ny a pas encore de porte-parole ou dorganisation qui puisse parler au nom de lopposition syrienne dans son ensemble comme cela a été le cas au Conseil national de transition en Libye. Ils sont éclatés, divisés, pas complètement organisés. Donc, tout ce que nous essayons de faire, cest de les mettre ensemble.
Q - Donc, si je vous comprends, leur reconnaissance nest pas dactualité ?
R - Nous nen sommes pas encore là. Le Conseil national syrien lui-même ne nous la pas formellement demandé.
Q - Vous avez demandé au Premier ministre libanais, M. Mikati, que le Liban ne soppose pas à la décision de la Ligue arabe, et son ministre des Affaires étrangères sy est opposé, et il nira pas à Tunis. Quen pensez-vous ?
R - On peut comprendre, car on voit bien aujourdhui que le Liban, pour des raisons que vous connaissez mieux que moi, a une marge de manuvre très faible vis-à-vis de la Syrie, nous le regrettons. Jai redit au Premier ministre Mikati lattachement de la France à lindépendance, à lintégrité territoriale, à la souveraineté du Liban. Il a fait des gestes qui méritent dêtre salués. En particulier, la décision quil a prise de continuer à financer le Tribunal spécial pour le Liban. Il est dans une situation politique évidemment complexe mais sa visite sest bien passée à Paris. On sent que nous devons continuer à travailler avec lui. Nous lui avons confirmé que la France resterait présente dans la FINUL, même sil faut maintenant adapter le format de notre participation à la lumière de la revue stratégique qui est en cours. Nous souhaitons aussi, je le lui ai dit très vivement, que les forces armées libanaises jouent pleinement leur rôle. Et nous sommes prêts à les y aider en termes de formation et déquipements.
Q - Il dirige un gouvernement où cest le Hezbollah, cest-à-dire lallié syrien, qui domine
R - On ne peut pas dire les choses comme cela. Il est soucieux de garder une marge de manuvre. Je crois quil la gardée malgré le rapport de forces politiques que vous évoquez.
Q - Le Premier ministre irakien, M. Maliki, appuie le régime syrien et il est lallié de lIran, quel jugement portez-vous sur ce gouvernement ?
R - Nous souhaitons que lIrak évolue et lattitude qui était la sienne au sein de la Ligue arabe - il na pas été le seul - était très réticente par rapport au plan proposé. Évidemment, elle nest pas faite pour nous satisfaire. Mais nous sommes bien conscients de la difficulté des choses en Irak. Nous souhaitons que le processus de réconciliation nationale puisse se poursuivre. Nous en mesurons bien la difficulté, nous sommes inquiets sur la situation de lIrak.
Q - Sur le Yémen, que pensez-vous des élections ?
R - Le processus qui a été mis en place, même sil nest pas pleinement satisfaisant, même si je comprends la position de certains opposants qui regrettent limpunité accordée aux principaux dirigeants du régime, a permis déviter une guerre civile et denclencher un processus de solution et de transition politique. Jespère que le Yémen pourra retrouver une stabilité et une paix civile si fortement menacées.
Q - La situation en Syrie peut-elle finir sur le mode yéménite ? Craignez-vous que la Syrie aille à la guerre civile ?
R - Le risque de guerre civile en Syrie est très élevé. Si on laisse se poursuivre la répression qui dépasse toute imagination, pratiquée par le régime à lheure actuelle, on va aller vers la guerre civile. Les dernières manifestations qui se sont déroulées à Damas montrent que tout ceci nest pas limité à quelques villes syriennes, et quil y a une vraie aspiration du peuple syrien à une démocratie authentique. Aujourdhui, le risque de guerre civile existe, cest la raison pour laquelle, à Tunis nous allons essayer daccroître la pression sur le régime.
Je vous rappelle quon peut considérer, même si les situations sont différentes, que le plan de la Ligue arabe sinspire un peu de ce qui sest passé au Yémen puisquil ne demande pas formellement le départ de Bachar el Assad mais sa mise à lécart et le passage de la compétence et de la responsabilité de la mise en uvre du processus de transition à une autre personnalité qui serait son vice-président. Ce nest pas entièrement satisfaisant mais il y a des moments où il faut des compromis. Si ce compromis pouvait être accepté par Damas, il nous permettrait sans doute de sortir de la crise en évitant la guerre civile. Cest pourquoi nous le soutenons.
Q - Pensez-vous que la guerre civile en Syrie aura des conséquences au Liban ?
R - Sil y a une guerre civile en Syrie, il est à craindre quelle aura des conséquences au Liban. Il y a déjà eu des affrontements dans le Nord. Nous avons protesté contre les incursions de larmée syrienne en territoire libanais, nous avons en sens inverse demandé au gouvernement libanais quil protège les réfugiés syriens qui sont déjà assez nombreux au Liban. Donc, il est évident que lensemble de la région risquerait dêtre embrasée si la guerre civile se déclenchait en Syrie.
Q - À Genève, le 27 février, à la Conférence des Nations Unies sur les droits de lHomme, allez-vous demander une condamnation du régime syrien pour crimes contre lhumanité ?
R - J'ai dit que ce qui se passait en Syrie est un crime contre lhumanité : plus de 6.000 morts, des centaines denfants massacrés, la torture... De ce point de vue, Mme Pillay a été tout à fait explicite dans ses rapports au Conseil de sécurité, le Conseil des droits de lHomme la été aussi. Nous plaiderons sans doute pour la désignation dun représentant spécial qui pourrait continuer à instruire les charges contre les responsables syriens.
Q - Les navires de guerre iraniens au large des côtes syriennes vous inquiètent-ils ?
R - Cest une provocation supplémentaire de lIran.
Q - Est-ce quune opération militaire israélienne contre lIran est inéluctable à votre avis ? Les Américains peuvent-ils empêcher les Israéliens dattaquer lIran ?
R - Nous faisons tout pour léviter. Je partage le sentiment de ladministration américaine tel que le président Obama la exprimé sur les conséquences imprévisibles dune option militaire face à lIran. Cest bien la raison pour laquelle la France, avec le Royaume-Uni, est la plus ferme sur les sanctions contre lIran. Si ce nétait pas aussi grave, lattitude de lIran prêterait à sourire avec leur décision hier de ne plus livrer du pétrole à la France et à la Grande-Bretagne. Je rappelle que nous avions décidé de ne plus en acheter.
Donc, nous avons une position de grande fermeté. Ils ont fait une ouverture à liranienne, cest-à-dire habile mais sans doute ambiguë, en répondant à la lettre de Mme Ashton. On est en train de réfléchir avec nos partenaires 3+3, les six pays, à la réponse quon peut apporter. Il est vraisemblable quil faut accepter de reprendre des négociations à condition de bien en clarifier les données : pas de préconditions iraniennes et on parle du vrai sujet qui est le programme nucléaire iranien et pas de la situation de la région.
Q - Pensez-vous que cest de la manipulation iranienne ?
R - On verra, je suis en tout cas sceptique sur leur bonne volonté. On va décider cela ensemble et on verra comment conduire des négociations. Aujourdhui, des inspecteurs de lAIEA sont sur place. On va voir sil y a une réelle bonne volonté de la part des Iraniens ou si cest tout au plus une gesticulation.
Q - Sarkozy a quand même au début reçu Assad, Kadhafi, Ben Ali
R - Cest un très mauvais procès. Est-ce que les États-Unis nont pas reçu Moubarak six mois avant la chute du régime égyptien ? La France a reçu Kadhafi au moment où ce dernier voulait réintégrer la communauté internationale et alors que le président essayait de tout faire pour libérer ces malheureuses infirmières bulgares violées et torturées depuis huit ans. Quant à Bachar al Assad, il y a un moment où effectivement, on a considéré quil pouvait être un interlocuteur valable. Je vous rappelle que lorsque jai proposé la première vague de sanctions sur la Syrie, certains de mes collègues européens ne voulaient pas quon inscrive Bachar el Assad sur la liste, au prétexte que cest un «type bien». Et puis on a vu comment il se comportait face au mouvement de liberté de son peuple. Je naccepterai jamais quon mette sur le même plan ses milices, son armée, et des gens en face qui, dans leur immense majorité, se battent à mains nues. Si certains ont des armes, il nest pas incompréhensible quils cherchent à se défendre et à protéger les civils. Donc, cette idée quil y a dun côté le pouvoir et de lautre des terroristes à mettre sur le même plan, cest lidée russe, je me battrai avec beaucoup dénergie pour ne pas laccepter.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 février 2012
R - Je lespère, cest un moment important. Dabord parce que de nombreux pays seront présents, les pays de la Ligue arabe, lensemble des pays de lUnion européenne, beaucoup de ceux qui ont voté la résolution au Conseil de sécurité plus dautres encore. La politique étrangère, cest aussi la force du symbole politique. Donc, de ce point de vue, le symbole sera très fort et participera à lisolement croissant du régime ainsi quà lisolement des pays qui continuent à bloquer toute solution au Conseil de sécurité.
Au-delà du symbole, nous nous fixons plusieurs objectifs : dabord réaffirmer très clairement notre soutien à linitiative de la Ligue arabe dans toutes ses composantes. Ensuite, essayer davancer sur la question de laide humanitaire, voir comment on peut faciliter laccès aux régions les plus frappées à lheure actuelle. Javais lancé lidée de corridors humanitaires. Il ne faut pas labandonner. Il faut voir comment la mettre en uvre. Nous allons à cette occasion essayer de recevoir des représentants de lopposition syrienne car il est fondamental quils sorganisent, se regroupent, quils se montrent plus inclusifs.
À lheure actuelle, on est dans une situation où il y a une opposition de lintérieur, une opposition de lextérieur, des structures militaires en vérité très peu organisées, et nous ne cessons de leur dire quils doivent être plus inclusifs, quils accueillent davantage de chrétiens, davantage dalaouites pour bien représenter lensemble des composantes. Ce sera à Tunis le message fort que nous leur enverrons.
On va aussi réfléchir à la façon de reprendre éventuellement linitiative au Conseil de sécurité, où je suis assez sceptique sur notre capacité à faire voter une résolution pour linstant, mais il faut y réfléchir. En tout cas, sil y a résolution, elle ne doit pas être seulement humanitaire, figeant le statu quo politique en Syrie. Jai plus que jamais la conviction que ce régime est totalement discrédité et que ses responsables ont trop de sang sur les mains pour se maintenir au pouvoir de quelque manière que ce soit. Jaurai un discours très ferme sur ce point à Tunis.
Q - Peut-on envisager des corridors humanitaires en Syrie sans protection militaire ou «no fly zone» si le régime sy oppose ?
R - Notre objectif, cest dobtenir laccord du régime pour faciliter laccès humanitaire, éventuellement par des corridors. Se situer dans lhypothèse dune intervention armée, cest changer complètement de cadre et dobjectif. Je continue à penser quune intervention militaire en Syrie nest ni souhaitable, ni possible. Nous ne sommes pas du tout dans le cas libyen. Et toute intervention extérieure quelle quelle soit, dabord naurait pas le feu vert des Nations unies dans le contexte actuel et, dautre part, risquerait daccélérer un processus de guerre civile qui est déjà malheureusement bien engagé.
Q - Vous parlez dune nécessité daccord du régime pour les couloirs humanitaires, comptez-vous sur les Russes pour lobtenir ?
R - Jen ai parlé avec Serguei Lavrov la semaine dernière, sa position a été globalement négative : toujours dans lidée que le régime est victime dune agression terroriste extérieure dont on ne voit pas dailleurs quelle elle serait. Quand jai parlé dhumanitaire, il ma dit «parlons-en à New York». Mais je suis assez peu optimiste sur la bonne volonté des Russes à ce stade.
Q - Pourquoi la Tunisie na pas invité officiellement le Conseil national syrien à la conférence ?
R - La Tunisie a invité le CNS et il sagit là dune bonne décision car le CNS a vocation à rassembler lopposition syrienne. Aujourdhui, ce processus nest pas encore finalisé : il ny a pas encore de porte-parole ou dorganisation qui puisse parler au nom de lopposition syrienne dans son ensemble comme cela a été le cas au Conseil national de transition en Libye. Ils sont éclatés, divisés, pas complètement organisés. Donc, tout ce que nous essayons de faire, cest de les mettre ensemble.
Q - Donc, si je vous comprends, leur reconnaissance nest pas dactualité ?
R - Nous nen sommes pas encore là. Le Conseil national syrien lui-même ne nous la pas formellement demandé.
Q - Vous avez demandé au Premier ministre libanais, M. Mikati, que le Liban ne soppose pas à la décision de la Ligue arabe, et son ministre des Affaires étrangères sy est opposé, et il nira pas à Tunis. Quen pensez-vous ?
R - On peut comprendre, car on voit bien aujourdhui que le Liban, pour des raisons que vous connaissez mieux que moi, a une marge de manuvre très faible vis-à-vis de la Syrie, nous le regrettons. Jai redit au Premier ministre Mikati lattachement de la France à lindépendance, à lintégrité territoriale, à la souveraineté du Liban. Il a fait des gestes qui méritent dêtre salués. En particulier, la décision quil a prise de continuer à financer le Tribunal spécial pour le Liban. Il est dans une situation politique évidemment complexe mais sa visite sest bien passée à Paris. On sent que nous devons continuer à travailler avec lui. Nous lui avons confirmé que la France resterait présente dans la FINUL, même sil faut maintenant adapter le format de notre participation à la lumière de la revue stratégique qui est en cours. Nous souhaitons aussi, je le lui ai dit très vivement, que les forces armées libanaises jouent pleinement leur rôle. Et nous sommes prêts à les y aider en termes de formation et déquipements.
Q - Il dirige un gouvernement où cest le Hezbollah, cest-à-dire lallié syrien, qui domine
R - On ne peut pas dire les choses comme cela. Il est soucieux de garder une marge de manuvre. Je crois quil la gardée malgré le rapport de forces politiques que vous évoquez.
Q - Le Premier ministre irakien, M. Maliki, appuie le régime syrien et il est lallié de lIran, quel jugement portez-vous sur ce gouvernement ?
R - Nous souhaitons que lIrak évolue et lattitude qui était la sienne au sein de la Ligue arabe - il na pas été le seul - était très réticente par rapport au plan proposé. Évidemment, elle nest pas faite pour nous satisfaire. Mais nous sommes bien conscients de la difficulté des choses en Irak. Nous souhaitons que le processus de réconciliation nationale puisse se poursuivre. Nous en mesurons bien la difficulté, nous sommes inquiets sur la situation de lIrak.
Q - Sur le Yémen, que pensez-vous des élections ?
R - Le processus qui a été mis en place, même sil nest pas pleinement satisfaisant, même si je comprends la position de certains opposants qui regrettent limpunité accordée aux principaux dirigeants du régime, a permis déviter une guerre civile et denclencher un processus de solution et de transition politique. Jespère que le Yémen pourra retrouver une stabilité et une paix civile si fortement menacées.
Q - La situation en Syrie peut-elle finir sur le mode yéménite ? Craignez-vous que la Syrie aille à la guerre civile ?
R - Le risque de guerre civile en Syrie est très élevé. Si on laisse se poursuivre la répression qui dépasse toute imagination, pratiquée par le régime à lheure actuelle, on va aller vers la guerre civile. Les dernières manifestations qui se sont déroulées à Damas montrent que tout ceci nest pas limité à quelques villes syriennes, et quil y a une vraie aspiration du peuple syrien à une démocratie authentique. Aujourdhui, le risque de guerre civile existe, cest la raison pour laquelle, à Tunis nous allons essayer daccroître la pression sur le régime.
Je vous rappelle quon peut considérer, même si les situations sont différentes, que le plan de la Ligue arabe sinspire un peu de ce qui sest passé au Yémen puisquil ne demande pas formellement le départ de Bachar el Assad mais sa mise à lécart et le passage de la compétence et de la responsabilité de la mise en uvre du processus de transition à une autre personnalité qui serait son vice-président. Ce nest pas entièrement satisfaisant mais il y a des moments où il faut des compromis. Si ce compromis pouvait être accepté par Damas, il nous permettrait sans doute de sortir de la crise en évitant la guerre civile. Cest pourquoi nous le soutenons.
Q - Pensez-vous que la guerre civile en Syrie aura des conséquences au Liban ?
R - Sil y a une guerre civile en Syrie, il est à craindre quelle aura des conséquences au Liban. Il y a déjà eu des affrontements dans le Nord. Nous avons protesté contre les incursions de larmée syrienne en territoire libanais, nous avons en sens inverse demandé au gouvernement libanais quil protège les réfugiés syriens qui sont déjà assez nombreux au Liban. Donc, il est évident que lensemble de la région risquerait dêtre embrasée si la guerre civile se déclenchait en Syrie.
Q - À Genève, le 27 février, à la Conférence des Nations Unies sur les droits de lHomme, allez-vous demander une condamnation du régime syrien pour crimes contre lhumanité ?
R - J'ai dit que ce qui se passait en Syrie est un crime contre lhumanité : plus de 6.000 morts, des centaines denfants massacrés, la torture... De ce point de vue, Mme Pillay a été tout à fait explicite dans ses rapports au Conseil de sécurité, le Conseil des droits de lHomme la été aussi. Nous plaiderons sans doute pour la désignation dun représentant spécial qui pourrait continuer à instruire les charges contre les responsables syriens.
Q - Les navires de guerre iraniens au large des côtes syriennes vous inquiètent-ils ?
R - Cest une provocation supplémentaire de lIran.
Q - Est-ce quune opération militaire israélienne contre lIran est inéluctable à votre avis ? Les Américains peuvent-ils empêcher les Israéliens dattaquer lIran ?
R - Nous faisons tout pour léviter. Je partage le sentiment de ladministration américaine tel que le président Obama la exprimé sur les conséquences imprévisibles dune option militaire face à lIran. Cest bien la raison pour laquelle la France, avec le Royaume-Uni, est la plus ferme sur les sanctions contre lIran. Si ce nétait pas aussi grave, lattitude de lIran prêterait à sourire avec leur décision hier de ne plus livrer du pétrole à la France et à la Grande-Bretagne. Je rappelle que nous avions décidé de ne plus en acheter.
Donc, nous avons une position de grande fermeté. Ils ont fait une ouverture à liranienne, cest-à-dire habile mais sans doute ambiguë, en répondant à la lettre de Mme Ashton. On est en train de réfléchir avec nos partenaires 3+3, les six pays, à la réponse quon peut apporter. Il est vraisemblable quil faut accepter de reprendre des négociations à condition de bien en clarifier les données : pas de préconditions iraniennes et on parle du vrai sujet qui est le programme nucléaire iranien et pas de la situation de la région.
Q - Pensez-vous que cest de la manipulation iranienne ?
R - On verra, je suis en tout cas sceptique sur leur bonne volonté. On va décider cela ensemble et on verra comment conduire des négociations. Aujourdhui, des inspecteurs de lAIEA sont sur place. On va voir sil y a une réelle bonne volonté de la part des Iraniens ou si cest tout au plus une gesticulation.
Q - Sarkozy a quand même au début reçu Assad, Kadhafi, Ben Ali
R - Cest un très mauvais procès. Est-ce que les États-Unis nont pas reçu Moubarak six mois avant la chute du régime égyptien ? La France a reçu Kadhafi au moment où ce dernier voulait réintégrer la communauté internationale et alors que le président essayait de tout faire pour libérer ces malheureuses infirmières bulgares violées et torturées depuis huit ans. Quant à Bachar al Assad, il y a un moment où effectivement, on a considéré quil pouvait être un interlocuteur valable. Je vous rappelle que lorsque jai proposé la première vague de sanctions sur la Syrie, certains de mes collègues européens ne voulaient pas quon inscrive Bachar el Assad sur la liste, au prétexte que cest un «type bien». Et puis on a vu comment il se comportait face au mouvement de liberté de son peuple. Je naccepterai jamais quon mette sur le même plan ses milices, son armée, et des gens en face qui, dans leur immense majorité, se battent à mains nues. Si certains ont des armes, il nest pas incompréhensible quils cherchent à se défendre et à protéger les civils. Donc, cette idée quil y a dun côté le pouvoir et de lautre des terroristes à mettre sur le même plan, cest lidée russe, je me battrai avec beaucoup dénergie pour ne pas laccepter.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 février 2012