Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur le plan Musées en région et l'inauguration du musée des Hussards, Tarbes le 3 mars 2012.

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Circonstance : Inauguration du musée des Hussards à Tarbes le 3 mars 2012

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Cher Géza SZÖCS, je suis très honoré et très heureux de votre présence parmi nous, qui marque une fois encore la qualité des relations culturelles franco-hongroises. Les liens qui unissent la France et la Hongrie sont anciens, ils sont riches, ils sont fraternels. J'ai eu récemment l'occasion, cher Géza SZÖCS, de coopérer avec vous de manière très fructueuse dans le cadre des célébrations de l'année Liszt. Nous partageons aujourd'hui le plaisir d'inaugurer le musée international des Hussards au coeur de la ville de Tarbes.
Les hussards et la Hongrie sont intimement liés à notre histoire militaire. Les succès de ces unités de cavalerie légère, créées en Hongrie au tournant des XVe et XVIe siècles, ont inspiré toutes les armées occidentales dans leur organisation. Avec le petit cheval tarbais nerveux, rapide, à l'origine de la race anglo-arabe et des élevages du haras national, un lien très fort les rattache à la ville de Tarbes où est implanté le 1er Régiment de hussards parachutistes, héritier du régiment de hussards levé à Constantinople en 1720, et mis au service de la France par un patriote hongrois réfugié, le comte de Bercheny, qui deviendra maréchal de France – sans doute, au XVIIIème siècle, le plus français des Hongrois, et le plus hongrois des Français.
Ce musée est né du désir et du rêve d'un Tarbais, Placide Massey. Horticulteur de talent, intendant des jardins de la cour de Hollande sous le règne de Louis Bonaparte et de Hortense de Beauharnais, puis directeur de l'Orangerie et des Parcs de Versailles, Placide Massey décida d'acheter au début du XIXe siècle plusieurs hectares de terrains à Tarbes pour y aménager un arboretum d'essences rares et une villa où il souhaitait abriter ses collections d'histoire naturelle. A sa mort en 1853, il lègue à la ville de Tarbes un jardin exceptionnel et le chantier inachevé d'une villa dominée par une tour d'observation sur la chaîne des Pyrénées.
Au cours de la même période, le patrimoine de la ville de Tarbes s'enrichit d'une partie de la collection, dont de très belles oeuvres des XVIe et XVIIe siècles, de l'amateur d'art et député des Hautes- Pyrénées, Achille Jubinal qui souhaitait que sa collection soit exposée dans la villa Massey. Toujours sous la direction de l'architecte Jean-Jacques Latour, les travaux se poursuivront permettant l'ouverture du musée en 1861. Il sera constamment enrichi de dons et legs et d'achats des collectivités publiques sous la IIIe République.
En 1955, Marcel Boulin, ethnologue, est nommé conservateur du musée Massey. Il rouvre la section Beaux-Arts en 1963 et commence un travail de prospection des documents et objets d'histoire et de traditions populaires bigourdanes. Dans cette recherche, il découvre l’importance du cheval dans la vie de la plaine de Tarbes et décide de consacrer une place à cette race merveilleuse connue dans l'Europe entière pour sa vivacité alliée à une résistance hors du commun.
Une rencontre fortuite va transformer l'avenir du musée Massey, celle de Marcel Boulin avec Olivier de Prat, chartiste, archiviste au Laboratoire central d'armement. C'est lui qui suggère de joindre à l'étude du cheval tarbais, celle de son cavalier habituel, le hussard. Ce thème a normalement sa place dans une ville de garnison de cavalerie qui après avoir vécu les départs en campagne du 10e Hussards en 1914 et du 2e en 1939 conserve toujours, comme je l'évoquais à l'instant, dans ces quartiers le 1er Régiment de cette subdivision d'armes. Le musée des hussards était né.
Aux XVII et XVIIIe siècles, en quittant leur pays, pour des motifs politiques ou pour s'engager dans d'autres armées, les Hongrois emportent des objets constitutifs de leur uniforme: bonnet, dolman, cette fameuse petite veste brodée de brandebourgs, pelisse, sabretache... En France, apparus assez tardivement, à la fin du XVIIe siècle, ils eurent un tel succès avec leur étrange costume, si différents des modes vestimentaires militaires d'Europe occidentale, qu'au siècle suivant, Louis XVI créait la charge de Colonel Général des Hussards. Après la Révolution, puis l'Empire, la mode hussarde se développe, les régiments se multiplient et leur costumes, leurs armes, leur sellerie « à la hongroise » sont adoptés par d'autres corps. Après 1870, tous les corps de notre armée de terre succombent à la tentation hussarde puisque tous les officiers sont vêtus du dolman jusqu'en 1900.
L'armée française a certes été influencée par des modes étrangères, les armures à l'italienne, les casques à l'antique, l'épée à la suédoise, le sabre à l'orientale, les turbans et les vestes à la turque, mais jamais elle n'a subi d'influence comparable à celle de ces cavaliers venus de Hongrie.
Le musée des Hussards inauguré en 1965 par Pierre Messmer, ministre des Armées, présente ces régiments de hussards à travers le monde du XVe siècle à nos jours. De 1955 à 1980, Marcel Boulin n'a jamais cessé de s'y consacrer, collectant des milliers de nouveaux objets, ouvrant en 1975 deux nouvelles salles.
Après son départ, le musée perd progressivement de son rayonnement, plusieurs projets architecturaux et muséographiques seront étudiés sans succès. Le musée ferme ses portes au public en 1997. Il faudra tout votre enthousiasme et toute votre ténacité, cher Gérard TRÉMÈGE, pour que ce projet voit le jour.
Depuis, la ville a poursuivi le rêve du jardinier : le jardin aux essences rares possède aujourd'hui le label "jardin remarquable" ouvert au plaisir de chacun, et le musée un musée qui a reçu l'appellation "Musée de France" vient de faire l'objet de cette magnifique rénovation.
Même si la restauration minutieuse de son apparence extérieure a été conduite avec la volonté de préserver le caractère de l'édifice et du site, sa nouvelle dénomination – « musée international des Hussards » - symbolise sa transformation en un grand équipement culturel moderne et fonctionnel.
En préalable au lancement de ces travaux, les trois collections du musée, le fonds Beaux Arts, le fonds Historique des Hussards et la collection ethnologique Bigorre et Quatre Vallées, inventoriées, conditionnées et protégées, ont été déménagées en mars 2009 sur le site du bâtiment 103 de l'Arsenal. Ce bâtiment totalement rénové abrite par ailleurs aujourd'hui les archives municipales. Vous avez, Monsieur le Maire, avec ce centre de conservation, d’étude et de diffusion des collections patrimoniales de la ville de Tarbes, non seulement souhaité protéger le patrimoine de la ville et les éléments de son histoire mais également voulu ouvrir ce patrimoine à la connaissance de chercheurs amateurs et professionnels qui disposent d’une salle de lecture pour la consultation d'oeuvres et de documents qui n'étaient pas jusqu'alors consultables.
Je tiens à saluer la qualité architecturale de la rénovation du musée international des Hussards confiée au cabinet d'architecture Dubois et Associés dont les références prestigieuses attestent d'une solide expérience en matière de restructurations de musées, comme celles des musées des Beaux- Arts de Lyon et de Limoges ou du musée Toulouse Lautrec à Albi. Le bâtiment et sa façade ont été rénovés de manière remarquable dans le respect des méthodes anciennes.
Cette exigence patrimoniale n'était pas incompatible avec l'ambition de renouveler totalement la présentation des collections. L'architecture intérieure du musée affirme sa modernité par la création de volumes simples, aux dessins sobres et élégants, la mise en oeuvre de matériaux contemporains et l'intégration discrète des équipements techniques.
Pour marquer l'ouverture du musée sur la ville, sa nouvelle entrée est installée dans l'axe de sa façade nord tournée vers l'ancien site de l'Arsenal.
Sur 1400m2, le parcours de visite des collections permanentes réparties sur les deux niveaux principaux du bâtiment existant, a été complètement repensé depuis les nouveaux espaces d'accueil pour offrir clarté et cohérence dans la découverte des oeuvres. Le rez-de-jardin est consacré à la présentation de l'essentiel de la collection des uniformes hussards qui se poursuit au premier étage où se déploient également les belles salles des collections de Beaux-arts qui rassemblent 1200 peintures, sculptures et estampes dans la lumière diffuse de grandes verrières. À chaque niveau des échappées sur l'extérieur ménagent des vues privilégiées sur le jardin.
Je tiens à saluer la belle scénographie, didactique et accessible, qui intègre harmonieusement les équipements audiovisuels et multimédias. Elle a donné lieu à une réflexion minutieuse. Une présentation optimale des collections a été particulièrement étudiée pour offrir un accès à tous les publics grâce à des systèmes ludiques et éducatifs multimédia, vitrines interactives, cartels électroniques, bornes audiovisuelles, audio-guides….
J'adresse toutes mes félicitations à Madame Nicole ZAPATA, directrice des musées de Tarbes, qui s'est beaucoup investie pour que cette belle aventure aboutisse. Le travail exemplaire et considérable de Nicole ZAPATA et de ses collaborateurs depuis des mois, sans oublier les années passées à inventorier et protéger des collections menacées a permis de mener à terme cette opération d'envergure.
La réussite de ce projet, nous la devons à la volonté et au soutien financier des collectivités, la Ville, le Département des Hautes-Pyrénées, mais aussi la Région Midi-Pyrénées que je tiens à remercier très chaleureusement, auxquels se sont ajoutés des fonds européens.
Je salue tout particulièrement, l'action de la Municipalité qui a porté ce projet avec détermination et enthousiasme. Je connais, Monsieur le Maire, votre volonté pour redonner à cet ensemble exceptionnel la place qui est la sienne dans le cadre de la villa du botaniste Placide Massey Je suis convaincu que ce musée qui présente des collections uniques au monde constituera assurément un nouveau pôle d'attractivité pour la ville de Tarbes.
Vous avez, cher Gérard TRÉMÈGE, une véritable ambition pour votre ville. Ce projet fait partie des grands chantiers initiés par la Municipalité avec la rénovation de la Halle Brauhauban dont le marché vient tout juste de rouvrir et le réaménagement du quartier de l'Arsenal. Il était difficile d'imaginer qu'en si peu de temps, sur les ruines de l'ancien site de Giat Industries, la ville allait se réinventer, faire renaître ces espaces et ces bâtiments dont certains sont de pures merveilles architecturales.
En bordure de ce nouveau quartier, dans cette ville en pleine mutation, l'inauguration du musée International des Hussards est un événement qui prend un sens particulièrement fort pour les Tarbais. La réalisation de cet équipement culturel de haut niveau renforce leurs liens avec une histoire marquée par la présence de garnisons et l'existence d'une industrie d'armement.
L’Etat s’est volontiers engagé dès le début dans ce programme en apportant son soutien financier mais également la compétence de ses services : ceux de la direction générale des patrimoines et tout particulièrement du service des musées de France, mais aussi ceux de la direction régionale des affaires culturelles qui ont été très présents et attentifs. Ils ont assuré un suivi régulier de cette opération dans ces phases d'élaboration et l'ont accompagné de leur expertise technique tout au long de sa réalisation. Je suis très heureux que nous ayons été à vos côtés afin que cette belle réalisation puisse voir le jour.
Enfin, permettez moi de saluer les représentants du 1er Régiment de hussards parachutistes de Tarbes qui nous font l'honneur d'être parmi nous aujourd'hui. Je sais combien, engagés dans des conflits récents, ils ont payé un lourd tribut, notamment dans les combats en Afghanistan.
Je tiens à rendre hommage tout particulièrement au Général Jean COMBETTE qui a commandé ce Régiment et qui aujourd'hui préside l'Association des amis du musée international des Hussards. L'association apporte au musée un soutien indéfectible et sa contribution a été significative dans la réalisation de cette réalisation.
Les hussards inspirèrent notamment Jean Giono, à travers le Colonel Angelo Pardi, qui du haut des toits de Manosque observe la folie des hommes. Avec Le Hussard bleu de Roger Nimier, ils donnèrent leur nom à un mouvement littéraire. Ils influencèrent aussi avec succès la collection de Jean-Paul Gaultier en 2002. Leur bel uniforme, auquel est associée une attitude de courage et de témérité, que le couturier avait choisi de distinguer, séduit depuis des siècles.
En France, le témoignage du Père Gabriel nous en livre une description précise en 1721 dans un curieux traité, Histoire de la milice française, qui suppose de la part de cet historiographe jésuite une connaissance approfondie de l’art militaire. Il décrit également la tactique de ces soldats dont la mission première est d'« aller à la découverte », parce que c'est une troupe légère, rapide, habile à manier les chevaux, comme l'ont bien compris les grands stratèges. Ainsi Napoléon pénétrant en Saxe, au début de 1806, donne l'ordre célèbre au prince Murat :« Avec votre cavalerie inondez la plaine de Leipzick ». En tête de ce déferlement, galopent les hussards des 5e et 7e régiments, la fameuse brigade infernale du Général Lasalle.
« Aller à la découverte » : c'est aussi l'invitation que ce grand musée fait aujourd'hui aux Tarbais et à tous les visiteurs, aller à la découverte de l'histoire des hussards en France et dans le monde, aller à la découverte d'une collection unique offrant une vision d'ensemble sur l'un des phénomènes militaires les plus insolites et les plus séduisants.
Un mot, pour finir, sur le partenariat entre l’Etat et les collectivités locales pour la réalisation de ce projet auquel je suis très attaché.
Lorsque j’ai lancé le Plan Musées en région en septembre 2010, en mobilisant sur 3 ans 70 millions d’euros pour 79 projets muséographiques et architecturaux sur l’ensemble de nos territoires, j’ai voulu redynamiser l’extraordinaire maillage territorial de nos musées en France, en affirmant la volonté de mon ministère de développer une politique et une stratégie nationale pour les musées de France en contribuant au rééquilibrage entre Paris et nos régions ; la volonté également de conforter le partenariat scientifique, culturel et financier que l’Etat conduit avec les collectivités locales, notamment à travers le rôle moteur des villes moyennes ; sans oublier enfin la volonté de favoriser la proximité et l’accessibilité de l’offre culturelle à tous les publics, y compris ceux qui en sont le plus éloignés.
Où en sommes-nous 18 mois plus tard ? 55 musées ont déjà vu leur projet se mettre en route, et 80% des crédits ont été engagés sur des projets qui ont été sélectionnés en fonction de leur qualité scientifique, de leur ambition architecturale – je citerais quelques exemples : Rudy Ricciotti à Menton, Bernard Tschumi à Alesia, Catherine Frenak et Béatrice Jullien à Chambéry, Yves Lion à Dijon, sans oublier l’équipe londonienne de Stanton et Williams à Nantes - de leur capacité à contribuer au développement culturel de nos territoires. L’engagement financier soutenu de l’Etat a permis dans bien des cas de produire un fort effet de levier, avec un taux de participation moyen de l’Etat de 20%. L’Etat joue ainsi pleinement son rôle d’initiateur et de soutien du développement des projets culturels en région.
8 des musées inclus dans le Plan Musées en Région ont été déjà inaugurés ou vont l’être ce moi-ci, à l’instar du musée Massey : le musée Courbet à Ornans, le musée de la Grande Guerre à Meaux, le musée Cocteau de Menton que j’ai inauguré en novembre dernier, le musée d’Ennery à Paris, le musée des Beaux-Arts de Chambéry, le muséoparc d’Alésia, le musée Toulouse Lautrec d’Albi…
16 autres projets se poursuivent avec le musée Soulages à Rodez, le musée des Beaux Arts de Nantes, celui de Dijon, le Palais Longchamp à Marseille et le musée d’histoire de cette même ville qui, vous le savez, sera capitale européenne de la Culture en 2013. 31 opérations sont en phase d’études de projet.
J’ai voulu avec le Plan Musées en Région pérenniser le rôle central tenu par les musées dans l’aménagement culturel de nos territoires, avec l’ambition de servir la démocratisation culturelle. Le Musée des Hussards en est un magnifique représentant : il va jouer à l’évidence un rôle majeur pour l’attractivité du territoire bigourdan. Il démontre que le musée n’est pas une institution du passé. Par la qualité muséographique, l’exigence architecturale, la réflexion sur les collections que mènent les conservateurs qui conduisent aussi une politique ambitieuse en faveur des publics – les 56 millions de visiteurs que les 1200 musées de France ont accueilli en 2011 en témoignent – le musée est un lieu pleinement inscrit dans la vie culturelle de nos contemporains. C’est un des vecteurs de l’excellence française dans le monde : l’expertise de nos professionnels est recherchée et appréciée d’Abu Dhabi aux Etats-Unis. Toulouse accueillera en juin un magnifique projet d’exposition autour des Caravagesques français, organisé par le réseau Franco-américain d’échanges entre les musées de région FRAME.
Le musée est en même temps profondément inscrit dans des projets de territoire, au service de cette belle idée du patrimoine qui veut que la mémoire soit le terreau de l’avenir, que les générations futures doivent recevoir ce dont nous avons hérité. C’est cette idée de la culture que je défends, dans le contexte de crise et d’incertitudes que nous connaissons, c’est cette idée que nous célébrons ensemble aujourd’hui.
Je vous remercie.
Source Http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 13 mars 2012