Texte intégral
Monsieur le Ministre, cher Jacques Toubon,
Madame l’administratrice générale de la Comédie-Française, chère Muriel Mayette,
Monsieur le délégué général à la langue française et aux langues de France, cher Xavier North,
Mesdames et Messieurs les enseignants qui sont parmi nous ce matin, ainsi que tous vos élèves, pour ce moment festif autour de notre langue,
Je suis profondément heureux, chère Muriel Mayette, que la Comédie-Française ait accepté de parrainer cette nouvelle édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie. C'est en réalité à un parrainage perpétuel que devrait prétendre la Comédie-Française, tant cette institution illustre la langue française depuis plus de trois cents ans, à travers un répertoire sans cesse renouvelé qu'elle donne à entendre en France et partout dans le monde.
Il faut s'en persuader : si elle n'est pas illustrée par des oeuvres, une langue n'existe pas, ou si peu. Ce sont les oeuvres qui font la grandeur d'une langue, qui « font » tout simplement une langue ; ce sont les concepts, les idées, les imaginaires qui portent la langue et non l'inverse, comme on a parfois tendance à le croire.
Pour rendre concrète et sensible cette approche, le choix est fait chaque année de choisir dix mots qui mettent l'accent sur une dimension particulière de notre langue. Cette année, le choix s'est porté sur la capacité expressive du français : dix mots illustrant chacun le registre de l'intime sont ainsi proposés au public.
La célébration du trois-centième anniversaire de la naissance de l'auteur des Confessions, Jean-Jacques Rousseau, n'a pas été étrangère à ce choix. Il était naturel que cette Semaine soit placée sous un autre parrainage - posthume celui-ci - d'un écrivain dont l'oeuvre est marquée par l'expression de la subjectivité, dans la sincérité et les masques de l'écriture.
Ce n'est pas pour autant à des exercices narcissiques d'exposition de soi que nous invitons nos concitoyens. « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous », écrivait Victor Hugo dans sa préface des Contemplations. Si l'expérience humaine est unique, elle parle aussi à tous et vaut par là même d'être partagée, surtout si la grâce ou la force des mots accompagnent cette expression du moi.
Cette année, la Semaine de la langue française passe à une autre échelle. Avec le parrainage exceptionnel des Comédiens français ; avec un partenariat renouvelé avec La Poste, qui diffusera les messages de notre politique de la langue dans 2000 bureaux de poste ; avec pour la première fois trois émissions phares de France Télévisions, « Questions pour un champion », « Slam » et « Des chiffres et des lettres », qui vont prendre appui sur les dix mots ; avec plus d’une centaine de villes partenaires ; avec par exemple l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, dont les étudiants vont exposer leurs travaux inspirés par les dix mots à la Bibliothèque nationale de France ; avec le partenariat de l’Express, de TV5 Monde, de Radio France, du Scérén-CNDP ; avec tous les établissements scolaires qui participent au concours des dix mots lancé avec l’Education Nationale, et dont le nombre a doublé. Vous êtes en effet quelque 500 collèges et lycées à y être inscrits.
Parce que l'intime rejoint l'universel, j'ai souhaité que cette nouvelle édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie mette l'accent sur l'expression personnelle. Donner la parole, donner l'accès à la parole : c'est selon moi le sens profond de cette manifestation. C’est ce qui explique qu'elle rencontre un écho grandissant chez nos concitoyens et tous les amoureux de la langue française. Elle met ces derniers dans un rapport de confiance avec la langue française, tout particulièrement ceux qui se sentent à tort ou à raison éloignés d'elle et de sa pratique quotidienne, ou bien ceux qu'elle intimide.
Autre trait singulier de cette Semaine : son irrigation du pays tout entier, des métropoles régionales aux communes les plus modestes, qui exprime une volonté de ne négliger aucun territoire, de n'ignorer aucune catégorie de citoyens. Avec RFI, avec le réseau culturel français à l’étranger, c’est le monde des francophones qui participera également à cette Semaine de notre langue, en Amérique Latine, en Chine, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Grèce
Je lance donc aujourd'hui cette 17ème édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie en invitant chacun à se confier, à se raconter, à créer les récits de soi qui sont toujours plus beaux quand le coeur rencontre les mots.
Avant de lancer la place aux Comédiens Français Christian Blanc, Suliane Brahim, Michel Favory, Adrien Gamba-Gontard et au pianiste Oswaldo Calo qui les accompagne, permettez-moi de vous proposer une liste alternative de mots qui me sont chers, et que je voudrais partager avec vous. Je les ai empruntés à Michel Leiris, dans son « Glossaire, j’y serre mes gloses » : ce sont les mots eux-mêmes qui s’y racontent.
Alphabet : l’étal des lettres, pas affublé de falbalas.
Calligramme : cage et gril des mots en flammes.
Signe : il singe.
Boussole : luciole bouleversée et tuée par le pétiole des pôles (qui troue la boule du sol).
Courtisane (car nous sommes au Palais Royal) : ourlet nu, elle satine les courtines.
Antiquité : temps inquiétant quitté, que hantait les Titans.
Sardanapale : il s’affala dans son palais en flammes, ardent d’opales et de sardoines.
Etymologie : homme (mythe, élégie), l’horloge des mots t’immole !
Hyperbole : périple des mots : je respire ces bolides.
Imaginaire : lime, à jamais innervée, immergée d’énergie.
Littérature : art de lutte et de râles ; ou bien raclure de littoral.
Métaphore : phare de phosphore ? forêt matée ? ou épitaphe du fort en thème ?
Rumeur : brume de bruits, remous qui meurent au fond des rues.
Vagabonds : gavés de vent, ils vont, par bonds hagards.
Et enfin, pour les plus jeunes d’entre vous :
Avenir : navire.
Mais revenons au premier de nos dix mots : l’âme, mal amical, lac à l’écume immaculée.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 13 mars 2012