Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH Chaque candidat place léducation au coeur du débat présidentiel. Cest plus quune mode ou du mimétisme ? Est-ce regret de ne pas lavoir fait avant ? Est-ce hasard ou nécessité ?
LUC CHATEL Dabord nous avons fait beaucoup de choses. Je rappelle que la réforme du primaire qui a recentré les programmes sur les fondamentaux (lire, écrire, compter), laide personnalisée, laide à la lecture dès la maternelle avant le cour préparatoire, pour préparer la lecture, ce sont de grandes nouveautés. Ce que nous avons mis en place également dans le cadre de la formation initiale des enseignants une année de formation initiale supplémentaire contre une rémunération plus forte : 18 % daugmentation
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi cette place ? Et ce soir à Montpellier par exemple, le candidat Nicolas SARKOZY va prononcer un discours sur lécole. Est-ce quil va brutaliser les enseignants comme il la fait quelquefois ou enfin les chouchouter, peut-être les considérer ?
LUC CHATEL Je crois que le sujet nest pas celui-là, Jean-Pierre ELKABBACH. Pourquoi maintenant ? Parce que les Français aiment leur école et aujourd'hui, léducation cest un enjeu absolument considérable dans tous les grands pays, quils soient développés ou quils soient émergents. On se tourne vers lavenir, lécole représente un espoir pour les Français et cest important quelle sadapte au monde daujourd'hui donc il doit y avoir un grand débat. Il se trouve quil ny a pas eu de grand débat sur lécole dans les précédentes élections présidentielles.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais pourquoi ce sursaut tardif et maintenant urgent ?
LUC CHATEL Encore une fois ce nest pas un sursaut tardif puisque pendant cinq ans nous avons travaillé. Léconomie obligatoire pour tous, nous lavons mis en place. Les internats dexcellence, tout à l'heure Nicolas SARKOZY sera à Montpellier, cest aujourd'hui 10 000 élèves issus de milieux défavorisés qui ont une structure daccueil qui va leur permettre de réussir à lécole.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous laccompagnez, vous ?
LUC CHATEL Alors je ne laccompagne parce que cest le candidat qui est à Montpellier.
JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est le candidat, bon. Mais quand il déclare : « Lécole appartient à tous », il profère une évidence. Lécole appartient à tous !
LUC CHATEL Et cest parce quelle appartient à tous que le débat doit sengager devant les Français et aujourd'hui, il y a deux vraies visions de lécole. Il y a ceux qui ont une vision jallais dire exclusivement quantitative, une logique cantonnée sur les moyens.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous voulez dire on veut plus deffectifs.
LUC CHATEL Les socialistes pensent quon ne peut réussir quen mettant davantage de moyens. Or, lhistoire plaide contre cela. Ça fait vingt-cinq ans quon met davantage de moyens dans lécole sans malheureusement obtenir des résultats exceptionnels malgré lengagement et la qualité du travail de nos enseignants. Aujourd'hui le budget de léducation nationale par élève, cest 80 % de plus en euros constants quen 1980. Est-ce que ça nous a placés dans les meilleurs classements internationaux des performances dans le système éducatif ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous voulez dire que sil y en a beaucoup moins, on aura de meilleurs résultats ? Non, quand même pas !
LUC CHATEL Non. Ce que je veux dire, cest que le sujet aujourd'hui est moins la quantité que la capacité daffecter les moyens. Lécole a changé, il faut changer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Luc CHATEL, à Montpellier, le candidat va expliquer il la dit dans Le Midi Libre, quil faut dabord revaloriser durgence les enseignants.
LUC CHATEL Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comment ? Comment ?
LUC CHATEL Dabord nous sommes bien placés pour le proposer puisque nous lavons fait sans précédent. Je rappelle que les professeurs débutants ont vu leur fiche de paie le 1er février dernier passer la barre des 2 000 euros. Cest 18 % de plus quen 2007.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ça concerne combien ?
LUC CHATEL Ça concerne 120 000 personnes. Est-ce que vous connaissez beaucoup dentreprises qui, dans la crise que nous traversons, entre 2007 et 2012, ont augmenté leurs collaborateurs de plus de 18 %. Il ny en a pas et cest un signe très fort que nous avons voulu adresser aux enseignants. Et nous allons continuer, cest lobjectif de Nicolas SARKOZY.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais si vous êtes élu enfin, sil est élu est-ce que vous maintenez le non remplacement dun fonctionnaire sur deux ? Et en 2012, quest-ce que ça a représenté ? Et au total en cinq ans, Luc CHATEL ?
LUC CHATEL Ce sera au candidat de sexprimer sur ce sujet. Ce qui est certain, cest que nous sommes dans un contexte de maîtrise de la dépense publique et que nous navons pas remplacé effectivement 150 000 fonctionnaires en cinq ans, environ 60 000 enseignants mais cest ce qui nous a permis aussi de revaloriser les fonctionnaires. Sur les économies réalisées, la moitié ont été redistribuées en pouvoir dachat, 1,4 milliard pour les enseignants.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Quand vous terminerez avec une poignée denseignants, quest-ce quils toucheront comme argent à la fin du mois !
LUC CHATEL Je ne dirais pas une poignée, et cest un peu dévalorisant par rapport à leur travail. Je rappelle quil y a 850 000 enseignants aujourd'hui, il y en a 35 000 de plus quil y a vingt ans.
JEAN-PIERRE ELKABBACH En 2013 si la gauche gagne et on entend Vincent PEILLON, François HOLLANDE cen serait fini de votre règle dun fonctionnaire sur deux qui part à la retraite non remplacé.
LUC CHATEL Écoutez, cest très intéressant de poser la question à monsieur HOLLANDE et quil réponde enfin sur ce sujet parce que cest le flou artistique. Monsieur HOLLANDE nous explique quil veut ne pas enfin, il veut remplacer 100 % des départs en retraite, ça voudrait dire quil faudrait recruter le double denseignants chaque année. Nous en recrutons environ 12 000 par an, ça ferait 24 000 et il veut en plus recruter 60 000 postes supplémentaires, c'est-à-dire 12 000 par an de plus, ça voudrait dire au total 36 000 enseignants recrutés. Juste pour lanecdote : il y a 40 000 candidats aux concours chaque année, ça veut dire que monsieur HOLLANDE va recruter 100 % des candidats ? Cest ça lécole de la République ? celle qui est basée sur lexcellence ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH François HOLLANDE refuse, refuse aussi cest ce quil dit dentrer dans la discussion du statut. En tous cas il est prêt à discuter, selon ses mots, du métier pour le faire évoluer. Comment vous projetez, vous, de réformer le statut des professeurs, des enseignants ?
LUC CHATEL Mais comment peut-on discuter du métier sans parler du statut ? Aujourd'hui la mission des enseignants est encadrée par un texte qui date de 1950, Jean-Pierre ELKABBACH. Est-ce que le monde na pas changé depuis 1950 ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors il sagit de textes qui imposent, si jai bien lu, des obligations de services de 18 heures.
LUC CHATEL Voilà.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que le candidat va proposer de revoir ce statut bien sûr, et daugmenter les heures de présence et les heures de cours ?
LUC CHATEL Le candidat va proposer dadapter les missions de lécole au monde daujourd'hui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ça veut dire quoi ?
LUC CHATEL Ça veut dire quen 1950, la principale mission de lécole cétait dinstruire, transmettre le savoir. Donc les professeurs, leur statut était basé sur le temps dinstruction, 18 heures de cours par semaine. Aujourd'hui, nous accueillons 100 % dune classe dâge au collège, 70 % dune classe dâge au lycée. Les classes ont changé, les enfants ont changé, chaque enfant est différent. Il faut donc sadapter et lenseignant il nest pas uniquement un instructeur : cest un éducateur, il doit accompagner les enfants, du temps daccompagnement individuel, du soutien scolaire, de la présence dans létablissement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais pardon, quand il corrige les copies et quil le fait chez lui, comment vous comptez ses heures ? Ou alors vous lui créez, vous lui construisez des bureaux dans les lycées et les écoles pour
LUC CHATEL Et pourquoi pas ? et pourquoi pas ? Jai vu Jean-Pierre ELKABBACH, quand je suis allé en Finlande à Copenhague des lycées du futur, des lycées où les professeurs auront des bureaux, où il y a un vrai lieu de vie, où on ne part pas quand le cours est terminé. Je ne dis pas que cest limmense majorité des enseignants mais il faut faire de la présence des adultes dans létablissement un choix, une présence qui doit accompagner les élèves tout au long de leur scolarité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais Luc CHATEL, est-ce que vous imaginez si vous êtes élu, ou votre candidat est élu, une loi donc générale ou une forme plus souple et plus ouverte dabord aux volontaires ?
LUC CHATEL Pardon, nous navons pas forcément besoin de loi puisquen loccurrence ce texte est un décret. Par contre, plusieurs solutions soffrent à nous et ce sera à Nicolas SARKOZY de sexprimer sur le sujet, savoir si nous décidons dun volontariat, c'est-à-dire dune formule suffisamment incitative
JEAN-PIERRE ELKABBACH Votre préférence à vous qui êtes ministre depuis trois ans ?
LUC CHATEL Moi si vous voulez, lexpérience de lautonomie des universités a montré que lorsquon rend les choses très incitatives, tout naturellement on y vient. Lautonomie des universités elle na pas été décrétée pour les universités : elle a été rendue incitative. Aujourd'hui 90 % des universités sont autonomes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Justement Luc CHATEL, vous parlez de lautonomie des universités. Est-ce que vous allez généraliser lautonomie des établissements scolaires ?
LUC CHATEL Je le souhaite. Jai expérimenté une formule où dans 300 collèges en France, les 300 collèges les plus difficiles, il y a une autonomie de recrutement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et ça marche ?
LUC CHATEL C'est-à-dire que cest le chef détablissement, le principal, qui sur la base du projet pédagogique et du collège recrute ses propres enseignants, qui partage le projet.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et cest lui qui promeut ? Les promotions, cest lui ?
LUC CHATEL Absolument. Les professeurs sont candidats, sont volontaires, et sont choisis. Si vous voulez, quand vous êtes dans un collège très difficile, il faut partager le projet pédagogique, il faut sengager sur la durée. Il ne faut pas quil y ait des changements déquipes pédagogiques de 50 % chaque année.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Daccord. Mais qui évalue les profs à lintérieur de létablissement ? Qui ?
LUC CHATEL Alors actuellement, javance sur un dossier extrêmement important qui est lévaluation des enseignants, qui dépasse lexpérimentation que jévoquais à linstant, dont lobjectif est de passer dun système qui est passéiste, où tous les sept ans lenseignant était évalué par une inspection qui était très artificielle, à un système où cest celui qui porte le projet pédagogique de létablissement, le chef détablissement, qui évalue lenseignant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais est-ce que cest
LUC CHATEL Cest lui qui au quotidien mesurera lengagement et la qualité du travail de lenseignant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais est-ce que cest pour enlever du pouvoir aux syndicats ou pour en rendre aux enseignants, aux parents, aux familles ?
LUC CHATEL Cest pour moderniser notre école, Jean-Pierre ELKABBACH. Cest pour en sorte que ceux qui sengagent davantage le voient dans les résultats, les perspectives pour leur carrière. Cest ça notre vision de lécole.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Eh bien voilà. Le débat part. On va entendre le discours du candidat Nicolas SARKOZY à Montpellier ce soir. Hier soir Luc CHATEL, dernière question : François HOLLANDE a fait la proposition dimposer à 75 % les revenus dun million deuros par an. Quest-ce que ça vous a fait ? Est-ce que vous êtes daccord ? Un million deuros par an.
LUC CHATEL Est-ce que je suis daccord ? Écoutez, dabord on est toujours un petit peu dans limprovisation permanente avec François HOLLANDE, y compris chez ses propres amis puisque jai compris que monsieur CAHUZAC, qui est quand même président de la commission des finances socialiste de lAssemblée nationale nétait même pas au courant de cette proposition. Moi je trouve quelle illustre assez bien la différence entre François HOLLANDE et Nicolas SARKOZY. Vous avez François HOLLANDE qui en gros veut quil y ait moins de riches ; Nicolas SARKOZY, lui, veut quil y ait moins de pauvres. Voilà, ça cest une grosse différence et cest un vrai choix pour les Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais en fait ce qui vous fait peur, cest quil veut changer les choses. Il veut changer, comme il dit dans son slogan, maintenant. Il veut le changement maintenant et ça, ça vous dérange.
LUC CHATEL Ce nest pas que ça me dérange, cest quil nous explique que le changement cest maintenant mais à chaque fois quil propose une idée, cest pour une nouvelle commission en disant quil va prendre son temps donc ça na pas lair pour maintenant, le changement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous êtes en train de nous dire que cest un faux slogan.
LUC CHATEL Ce nest pas pour maintenant le changement, Jean-Pierre ELKABBACH.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 13 mars 2012