Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative à RTL le 20 mars 2012, sur la campagne électorale des différents candidats à l'élection présidentielle d'avril 2012 et l'attentat meurtrier dans une école juive de Toulouse.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
JEAN-MICHEL APHATIE Avez-vous des éléments d’information concernant l’enquête sur le tueur de Toulouse ?
 
LUC CHATEL Je n’ai pas d’éléments nouveaux de la nuit, le ministre de l’Intérieur, le président de la République ont eu l’occasion d’évoquer hier soir l’enquête, en indiquant qu’il y avait un certain nombre de points communs entre cette agression épouvantable, cette tragédie de l’école de Toulouse hier, et les agressions auprès des militaires français. L’enquête suit son cours, j’ai pu constater hier, avec le président de la République, qu’il y avait une mobilisation exceptionnelle des services de police autour de la justice, pour retrouver ce meurtrier.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Le plan Vigipirate a été hissé au niveau « écarlate » en Midi- Pyrénées, cela veut dire, concrètement pour la protection des écoles, quoi ?
 
LUC CHATEL Alors, ça veut dire une protection, j’allais dire, sans précédent, puisque c’est la première fois qu’est activé ce plan « écarlate », ça veut dire présence policière devant ces établissements, ça veut dire : mesures de contrôle à l’entrée, filtrages, et ça veut dire généralisation également devant toutes les écoles du plan Vigipirate avec, là encore, mesures de renforcement, c’était le devoir de la République que de faire face, de lutter, de montrer qu’elle était présente pour que l’école continue à fonctionner.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Est-ce un plan limité dans le temps, Luc CHATEL ou prévoyez-vous que ce plan puisse durer autant de temps que par exemple le tueur sera en liberté ?
 
LUC CHATEL J’allais dire que la réponse est dans votre question, c’est-à-dire que c’est par définition un plan qui est amené à évoluer, en fonction de la situation, tous les moyens sont mis en oeuvre pour retrouver l’assassin, en fonction de ces résultats, le gouvernement décidera de la suite du plan Vigipirate.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Uniquement en Midi-Pyrénées, ce niveau « écarlate », pourquoi ne pas l’étendre peut-être à la France entière, puisque des écoles juives, il y en a sur tout le territoire, et étant donné la menace qui pèse aujourd’hui, on se dit que peut-être le danger peut se déplacer très rapidement ?
 
LUC CHATEL Vous me permettrez de ne pas répondre à cette question, c’est une réponse qui touche particulièrement au contenu de l’enquête, je ne suis pas ministre de l’Intérieur ni ministre de la Justice, et je pense que ce qui est important, c’est que tous les moyens soient mobilisés pour que dans les meilleurs délais, on retrouve cet assassin, auteur de cet acte, ce crime ignoble.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous serez tout à l’heure, Luc CHATEL, avec le président de la République, dans un collège, à Paris, à 11h, pour observer avec les personnes qui se trouveront dans cet établissement une minute de silence, qui se déroulera dans l’ensemble des écoles en France. Pourquoi avoir voulu cette minute de silence aujourd’hui ?
 
LUC CHATEL D’abord, parce que, en s’attaquant hier à l’école Ozar Hatorah de Toulouse, l’assassin en question s’est attaqué à une communauté, la communauté juive, et il s’est attaqué à des enfants, il s’est attaqué à l’école de la République. Et c’est important que tous les républicains soient soudés face à cela, et réagissent, et c’était l’esprit du déplacement du président de la République hier matin, auprès des familles, bien sûr, auprès des victimes, auprès de la communauté juive, mais aussi auprès de l’ensemble des familles de France qui ont été bouleversées par ce drame. C’est donc important que ce matin, nous fassions face, que nous rendions hommage aux victimes, c’est d’abord un moment de recueillement, et puis, c’est peut-être l’occasion aussi d’évoquer ce drame, d’évoquer ces questions d’insécurité, l’évolution de la société, simplement, la liberté pédagogique est laissée à chaque établissement, à chaque enseignant, qui, en fonction de leurs élèves, en fonction des situations, déterminera du meilleur moyen d’exprimer ce moment de recueillement.
 
JEAN-MICHEL APHATIE On imagine que c’est difficile dans les écoles primaires par exemple, avec des enfants qui sont jeunes, qui ne comprennent pas bien, qui peuvent être un peu angoissés par ce type de situation, qu’il est difficile d’observer une minute de silence dans ces établissements-là.
 
LUC CHATEL C’est difficile, mais vous savez, les enseignants savent trouver les mots, d’abord, c’est leur métier que de transmettre les valeurs à nos enfants, et dès le plus jeune âge, ils savent trouver les mots pour faire passer un message, une émotion, rendre hommage à des camarades qui nous ont quittés, et rappeler quelles sont les valeurs qui doivent être enseignées au sein des écoles de la République.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et donc cette minute de silence sera observée dans toutes les écoles sans exception.
 
LUC CHATEL Absolument, elle sera observée dans toutes les écoles, je pense que c’est un moment républicain très important, je vous disais tout à l’heure, en s’attaquant à une école, on s’attaque à une institution, aujourd’hui, l’école est sans doute la dernière incarnation des institutions de la République, des valeurs de la République. Donc c’est très important de faire face, de répondre, de riposter, la République n’est pas à genoux face à ce crime odieux, la République, elle fait face, la République va retrouver cet assassin, et l’école de la République continue, parce que c’est elle qui permet d’élever le savoir, de transmettre les valeurs, d’éduquer nos enfants, et c’est l’esprit de cette minute de silence.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Ce drame pose beaucoup de questions à la société française, certains candidats ont mis leur campagne présidentielle entre parenthèses, François BAYROU a fait hier toutefois, hier soir, une déclaration que je voudrais vous soumettre, Luc CHATEL : « le fait de montrer du doigt les uns et les autres, a dit François BAYROU, en fonction de leur origine, c’est faire flamber les passions, et on le fait parce qu’il y a dans ce feu-là des voix à prendre. »
 
LUC CHATEL Je crois que dans ce type de tragédie, lorsqu’on rencontre dans un pays ce type de tragédie, ce qu’on attend d’abord des responsables politiques, c’est de la retenue, du sang-froid, d’éviter toute récupération, d’abord, nous verrons – nous verrons en fonction des résultats de l’enquête – qui est exactement ce tueur, de quel profil s’agit-il. Ensuite, nous pourrons effectuer toutes les analyses que l’on veut, je voudrais simplement observer deux inexactitudes dans ce qu’a dit François BAYROU hier, premièrement : il faisait référence à une évolution de la société française, c’est inexact, la France avait jusqu’à présent échappé à ce type de drame, et c’était tant mieux, qui malheureusement s’était déroulé – des fusillades dans des établissements scolaires – dans beaucoup de grands pays développés, en Allemagne, dans les pays nordiques ou aux Etats-Unis, deuxième élément : il sous-entendait que ce type de crime était en augmentation dans notre pays, et je rappelais que grâce à la mobilisation du gouvernement, des services de police et de gendarmerie, de l’excellente coopération que nous entretenons avec la communauté juive, eh bien, nous avons fait baisser depuis deux ans les actes et les insultes, les injures antisémites, nous les avons fait baisser de 17%. Donc le gouvernement est pleinement mobilisé face à ce fléau, mais c’est un combat de tous les jours, c’est un combat de tous les instants.
 
 JEAN-MICHEL APHATIE On lance des sujets dans le débat, a dit aussi François BAYROU, on prononce des mots qui roulent comme une avalanche, et qui tombent parfois sur des fous ; vous pensez que le gouvernement, par certains des aspects de son action, est visé par ce type de phrases, Luc CHATEL ?
 
LUC CHATEL Vous savez, quand on refuse de parler, quand on refuse d’exprimer certains mots, c’est le début de la dictature, lorsqu’on s’interdit de prononcer telle ou telle parole, lorsqu’on s’interdit de parler de tel ou tel problème, c’est le début du reniement, du renoncement, donc ça n’est pas la façon dont nous considérons les choses ; et encore une fois, je pense que ce moment mérite un moment de concorde, d’unité nationale, comme nous l’avons vu tout au long de la journée d’hier, qui était, je crois, la bonne réponse face à ce drame épouvantable.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 26 mars 2012