Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale à Radio Classique le 12 janvier 2012, sur le climat politique et la campgne électorale des divers candidats à l'élection présidentielle d'avril 2012.

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Média : Radio Classique

Texte intégral


 
 
GUILLAUME DURAND Alors c’est vrai que l’on connait votre goût pour la musique, mais est-ce que vous participez du concert actuel, qui est un concert à base de massacre à la tronçonneuse, si c’est HOLLANDE, c’est la guerre. Est-ce que vous trouvez que c’est normal comme tonalité pour une campagne électorale ?
 
ROSELYNE BACHELOT Je suis déjà une politique aguerrie et je Remarque que la campagne présidentielle, est toujours le lieu d’un certain nombre d’attaques, et que je crois qu’il ne faut pas s’en effaroucher et s’en étonner. J’ai connu même des campagnes nettement plus violentes, ce n’est pas le pays des Bisounours, une campagne présidentielle. Ceci étant, ce n’est pas trop ma manière de procéder dans ce domaine. Je préfère privilégier les débats de fonds et attaquer plus les idées que les hommes.
 
GUILLAUME DURAND On va y revenir, sur le quotient familial notamment, puisque ça concerne aussi la politique familiale, donc ça vous concerne directement. Mais enfin, dire comme le dit ACCOYER, ou c’est SARKOZY ou alors si c’est HOLLANDE, c’est la guerre. Est-ce que c’est vraiment raisonnable ?
 
ROSELYNE BACHELOT Alors moi, ce que je veux dire, c’est que le terme peut apparaître inapproprié. Je crois que ce qu’a voulu dire Bernard ACCOYER, c’est que les propositions du Parti socialiste sont des propositions dangereuses. Et ça, effectivement, je le rejoins sur ce terrain, il aura l’occasion de s’exprimer sur ce qu’il a voulu dire. Moi, je veux, là encore, aller sur le fond, vous parliez du quotient familial, on va peut-être en parler ensemble.
 
GUILLAUME DURAND On y est !
 
ROSELYNE BACHELOT On y est, les propositions de François HOLLANDE sont marquées par l’impréparation et par l’inadéquation de ces propositions. C’est d’ailleurs très étonnant de voir qu’il propose dans un premier temps de le supprimer, puis il se rend compte qu’il a fait une faute. Donc ils proposent ensuite de plafonner ce quotient familial. Il se rend compte qu’il est déjà plafonné. Tout ça n’apparaît pas très sérieux. Je crois que la politique familiale dans notre pays, c’est quelque chose d’important qui fait consensus. J’ai été député européenne, chaque fois, on ne disait pas toujours du bien de la France, mais chaque fois qu’on mettait la France en exemple, c’était sur sa politique familiale. Il y a trois types de secteurs dans la politique familiale, il y a le versement de prestations, il y a des dispositions fiscales et la mise à disposition d’un certain nombre de services…
 
GUILLAUME DURAND Donc dans ce domaine, voter HOLLANDE, c’est voter pour une certaine forme de danger, concernant la politique familiale ? Je dis ça, avec un point d’interrogation.
 
ROSELYNE BACHELOT Ses propositions sont dangereuses, effectivement, pour notre politique familiale, qui résulte d’un équilibre qui permet à la France, à la fois de concilier un taux d’activité, des femmes de plus de 80 %. Et un taux de fécondité qui nous met en tête de l’Europe.
 
MICHAËL SZAMES Quand Nadine MORANO dit : François HOLLANDE est un homme dangereux. Nadine MORANO que vous connaissez bien ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ecoutez, je ne commente pas les déclarations des uns et des autres. Je suis en charge de ce secteur en tant que ministre des Solidarité et de la Cohésion sociale. J’explique ce qu’est notre politique familiale, c’est une politique très re-distributive vis-à-vis des plus fragiles d’entre nous, je vais vous prendre un exemple, je n’ai pas vous assassiner de chiffres, mais quand on regarde les différences de revenus de base, une famille monoparentale avec au moins deux enfants. Entre les plus riches et les plus pauvres, l’écart est de 82 fois le revenu de base pour les ménages les plus riches et les ménages les plus pauvres. Quand on met les allocations familiales, cette différence n’est plus que de 2,3. Est-ce que vous voyez l’effet de redistribution massif qui est entraîné par notre politique familiale, dont les dispositions fiscales ne sont qu’un des éléments.
 
MICHAËL SZAMES Donc il ne faut pas moduler comme a dit…
 
ROSELYNE BACHELOT Donc des services, des allocations, des dispositions fiscales qui sont évidemment destinées à ceux d’entre nous, qui paient des impôts sur le revenu, donc effectivement que la moitié des Français.
 
GUILLAUME DURAND Mais Roselyne BACHELOT, tout ça, est parti des attaques de François HOLLANDE contre le bilan du président de la République, notamment à Tulle. Enfin à la fin de la semaine dernière, quand il dit que c’est le président de la dette, du chômage, du pouvoir d’achat qui s’effondre, du commerce extérieur qui engrange des résultats effrayants. Les chiffres sont là ! Je ne suis pas le porte-parole de François HOLLANDE, mais il a le droit de dire qu’un certain nombre de résultats de l’exercice du pouvoir du président de la République sont des résultats décevants ?
 
ROSELYNE BACHELOT Il aurait dû d’abord dire, que nous…
 
GUILLAUME DURAND Et la réplique c’est : il est dangereux.
 
ROSELYNE BACHELOT Nous traversons une crise sans précédent. Moi, ce que je veux dire, c’est que Nicolas SARKOZY a été un des présidents de la République dont le bilan social est le plus important. Et ceci, il faudrait que quand même la gauche le reconnaisse et que François HOLLANDE le reconnaisse. Car dans la situation que nous avons vécu, arriver à protéger notre modèle social, faire en sorte que sur tous les secteurs du social, Guillaume DURAND, allocation d’adulte handicapé augmentée de 25 %, minimum vieillesse augmenté de 25 %, la politique familiale…
 
GUILLAUME DURAND Et le chômage !
 
ROSELYNE BACHELOT La politique familiale qui représentait 4,7 %, du Produit Intérieur Brut, au début du quinquennat de Nicolas SARKOZY, maintenant 5,1 % du Produit Intérieur Brut. Création du revenu de solidarité active, oui, nous sommes dans une crise mondiale, qui a effectivement entraîné des souffrances pour les Français, mais si nous avons mieux résisté que d’autres pays, c’est que Nicolas SARKOZY, son gouvernement et sa majorité, ont décidé de protéger ce modèle social.
 
GUILLAUME DURAND Alors madame BACHELOT, il y a évidemment des choses qui ont été faites. Personne ne dit que le président de la République n’a rien fait. Mais quand on lit par exemple dans…
 
ROSELYNE BACHELOT Excusez-moi, merci de le dire, mais quand on lit la déclaration de monsieur HOLLANDE dans LIBERATION, c’est des propos excessifs.
 
GUILLAUME DURAND D’accord, mais on lit, par exemple, Jean-Paul DELEVOYE, président du Conseil Economique et Social qui dit qu’il y a 11 millions de Français qui sont dans une situation épouvantable. Il y a peut-être des choses qui ont été faites, mais le résultat, c’est qu’il y a le chômage et il y a l’extrême précarité pour une dizaine de millions de Français.
 
ROSELYNE BACHELOT Mais c’est vrai, vous avez raison, et Jean-Paul DELEVOYE…
 
GUILLAUME DURAND Donc des mesures qui n’aboutissent pas à des résultats…
 
ROSELYNE BACHELOT Vous avez raison de dire et Jean-Paul DELEVOYE a eu raison de le souligner, qu’il y a des Français qui souffrent bien entendu. Et la crise, la crise a tout à fait eu un impact, a eu un impact certain sur ce sujet. Mais nous avons mis en place des politiques sociales qui ont constitué un amortisseur considérable à cette crise et c’est ça qu’il faut voir.
 
MICHAËL SZAMES Roselyne BACHELOT, président de la politique sociale, vous avez dit. Pourtant la réforme importante du quinquennat, qui était celle de la dépendance, finalement, elle n’aura pas lieu ?
 
ROSELYNE BACHELOT La r??forme de la dépendance est lancée, Michaël SZAMES, il faut savoir que nous avons renoncé aux mesures les plus lourdes et comment n’aurait-il pu en être autrement, avec les difficultés que nous traversons. Mais d’ores et déjà, j’ai obtenu un arbitrage qui fait que les dépenses destinées aux personnes âgées vont augmenter de plus de 6 %, dans les lois de financement que nous avons voté à la fin de l’année. Nous allons médicaliser plus de 80 000 places nouvelles en maison de retraite. C'est-à-dire non seulement faire de l’investissement, mais donner des moyens supplémentaires à ces maisons de retraite. J’ai obtenu la création d’un fond d’urgence de 50 millions d’euros, pour aider les services à domicile, je mets en place un certain nombre de réformes structurelles….
 
MICHAËL SZAMES Mais elle sera mise en place cette réforme ?
 
ROSELYNE BACHELOT Mais la réforme est commencée, la réforme est commencée avec des mesures financières déjà substantielles, et qui sont tout à fait remarquables dans les circonstances que nous traversons.
 
MICHAËL SZAMES La TVA sociale, oui, Roselyne BACHELOT, jusqu’à quel niveau ?
 
ROSELYNE BACHELOT Alors le sommet social va avoir lieu…
 
GUILLAUME DURAND Le 18.
 
ROSELYNE BACHELOT Le 18 janvier, il faut réfléchir au mode de financement de notre protection sociale qui repose massivement sur les salaries. Regardez, nous parlions de politique familiale. La politique familiale, elle s’adresse vraiment à tous les Français. C’est une politique globale, c’est une politique universelle, faire reposer le financement de cette politique familiale, pratiquement exclusivement sur les salaires, je pense que les produits importés pourraient participer à ce financement, ça me paraitrait une question de justice.
 
MICHAËL SZAMES Il y a des interrogations au sein même de la majorité, notamment un ministre, Bruno LE MAIRE ou même encore des députés, qui disent : ce n’est le moment en période électorale ?
 
ROSELYNE BACHELOT Il faut que cette fin de quinquennat, soit une fin de quinquennat utile et le président de la République a raison d’utiliser tous les 3 mois qui nous séparent de l’élection présidentielle, pour faire avancer les choses.
 
GUILLAUME DURAND Le président de la République que vous connaissez très bien. J’allais presque dire que vous l’aimez beaucoup. Est-ce que vous arrivez à lui parler ? Parce qu’on a évoqué dans la presse, il y a un certain temps, l’idée qu’il pourrait donner une interview, écrire un livre, faire un papier dans LE MONDE, ou dans un autre journal, pour revenir sur le début contesté du quinquennat qui expliquerait les mauvais reports de voix d’aujourd’hui. Parce que l’écart se resserre entre lui et HOLLANDE, mais en termes de report de voix, on arrive toujours à 54-46. Alors est-ce qu’il faut qu’il fasse une sorte d’acte de contribution sur ce que fut le…
 
ROSELYNE BACHELOT D’abord, moi, je peux dire que je parle au président de la République. On a passé 2 heures quasiment en tête à tête, au début de la semaine justement quand il est allé présenter ses voeux à la France des solidarités. Et je dois dire que le président de la République, je l’ai trouvé entièrement déterminé et très concentré, il fera les déclarations qu’il jugera bon.
 
GUILLAUME DURAND Mais est-ce que ce projet dont on a parlé, est un projet qui est avorté, qui n’a aucun sens, qu’il repousse ?
 
ROSELYNE BACHELOT Je ne suis absolument pas informé de cette affaire, il ne m’a pas fait de confidence de ce type.
 
GUILLAUME DURAND Et quand Luc FERRY, que vous connaissez bien aussi, qui est un ami de François FILLON, qui est aussi votre ami, écrit dans LE PARISIEN, il y a 15 jours, qu’avec le même bilan, FILLON serait élu les doigts dans le nez ! Sous-entendu, le problème de la personnalité du président de la République est le problème central pour la majorité aujourd’hui ?
 
ROSELYNE BACHELOT Je ne partage pas l’avis de Luc, qui, vous avez raison de le souligner, est un ami. Le bilan qui est celui-là, c’est le bilan de Nicolas SARKOZY, c’est d’avoir tenu la France protégée dans une situation de crise incroyable, je rappelle qu’il y a des pays, par exemple le Portugal, dans lequel on est en train d’étudier une baisse des salaires des fonctionnaires de 25 %. Le Royaume-Uni a sabré de 12 milliards ses budgets sociaux, partout en Europe, les systèmes de protection sont en train de craquer. Nous, dans notre pays, on a réussi à conserver ce modèle social, grâce à une politique extrêmement volontariste, c’est ça le bilan de Nicolas SARKOZY.
 
MICHAËL SZAMES Alors pourquoi dans LE PARISIEN, aujourd’hui, titre : « Pourquoi faire durer le suspense ? » Pour sa candidature ? Est-ce que pour vous, il n’y a pas de suspense ?
 
GUILLAUME DURAND Il vous en a parlé, puisque vous l’avez vu ?
 
ROSELYNE BACHELOT En tout cas, moi, ce que je sais, c’est que je souhaite que Nicolas SARKOZY se présente…
 
MICHAËL SZAMES Vous dites ça, avec un léger sourire, vous en savez peut-être un peu plus ?
 
GUILLAUME DURAND Mais quand !
 
ROSELYNE BACHELOT Que je souhaite que Nicolas SARKOZY se présente.
 
GUILLAUME DURAND Pas avant la fin du mois de février !
 
ROSELYNE BACHELOT Mais je sais aussi une chose, c’est que le pays traverse de telles difficultés, qu’il faut être concentré sur l’action et sur l’action que nous devons mener au service des Français, et que vraiment rien ne doit venir perturber cette action, à la fois du président et du gouvernement.
 
GUILLAUME DURAND C’est un secret de polichinelle, Roselyne BACHELOT ?
 
ROSELYNE BACHELOT Justement ! Alors…
 
GUILLAUME DURAND Alors pourquoi maintenir une fiction ? Pourquoi faire une sorte de meeting…
 
ROSELYNE BACHELOT Le sujet des Français…
 
GUILLAUME DURAND Regardez le meeting de Toulon, ce n’est pas un meeting !
 
ROSELYNE BACHELOT Le sujet des Français, c’est d’agir à leur service, c’est de mener une action européenne, c’est de mener une action mondiale. Et ça, Nicolas SARKOZY le fait très bien, il agira comme il le souhaitera et comme il le jugera bon. Je lui fais toute confiance.
 
MICHAËL SZAMES François FILLON à Paris…
 
GUILLAUME DURAND Voilà François FILLON à Paris…
 
MICHAËL SZAMES Est-ce que c’est pour vous une bonne nouvelle ?
 
ROSELYNE BACHELOT De toute façon est mon ami, il a pris donc la décision de se présenter à Paris, dans une nouvelle circonscription. Eh bien entendu, il a tout mon appui.
 
GUILLAUME DURAND Il ferait un bon maire, si la situation politique est appropriée ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ecoutez, la décision de François FILLON concerne les élections législatives. Il n’a pris aucune décision en ce qui concerne les élections municipales, qui je vous le rappelle, se dérouleront dans plus de deux ans. Donc il a le temps d’y réfléchir et je ne vais certainement pas décider à sa place.
 
MICHAËL SZAMES Il aura quand même fort à faire avec Rachida DATI, aussi, non ?
 
ROSELYNE BACHELOT Je crois que les choses sont jouées.
 
GUILLAUME DURAND L’avantage d’avoir la télévision et la radio. Parce qu’à la radio, on n’entend rien. A la télévision, on…
 
MICHAËL SZAMES On voit quand même le léger sourire.
 
GUILLAUME DURAND Léger sourire. Qu’est-ce que vous pensez des propositions de madame JOLY, qui fait encore parler d’elle après le 14 juillet, vous savez sur les journées pour Kippour et pour l’Aïd ?
 
ROSELYNE BACHELOT Ça part d’un sentiment sympathique, mais en même temps que Eva JOLY fait cette proposition, un certain nombre d’études sortent, montrant que la France est le pays qui travaille le moins en Europe, ce n’est peut-être pas la peine de rajouter deux jours de congés en ce moment, alors que cette question est posée.
 
GUILLAUME DURAND Qu’est-ce que vous pensez de la situation politique de François BAYROU, puisque vous êtes une politique expérimentée dans le prochain numéro du FIGARO MAGAZINE, on annonce une explosion de sa côte de popularité, qui ne sont pas donc des intentions de votes. Alors c’est quoi ? C’est la protestation chic qu’il incarnerait contre une protestation plus populaire, qui serait celle de Marine LE PEN…
 
ROSELYNE BACHELOT Je crois que le courant centriste, est un vrai courant politique dans notre pays. Je suis moi-même d’un département, le Maine-et-Loire où la culture centriste, où les élus centristes sont nombreux, où cet électorat est important. Cet électorat existe dans notre pays, il est évidemment un peu occulté en dehors des périodes électorales parce que le débat se fait entre la majorité et l’opposition parlementaire. Mais il est tout à fait normal, qu’au moment des élections présidentielles, ce courant ressurgisse, il représente une tradition historique dans notre pays.
 
GUILLAUME DURAND Et ils vous rejoignent, point d’interrogation ? Parce que c’est ça, aussi, une des interrogations du double…
 
ROSELYNE BACHELOT Moi, ce que je note, c’est que les propositions de monsieur BAYROU sont tout à fait compatibles avec les nôtres. Elles ne sont pas équivalentes, mais c’est un homme qui vient de notre famille politique au sens large. Moi, j’ai toujours travaillé avec les personnes qui sont avec François BAYROU, au Parlement européen, au Parlement national, dans les collectivités territoriales, ils sont parfaitement compatibles avec le programme de Nicolas SARKOZY. Ils ne sont pas compatibles avec le programme de François HOLLANDE.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 16 janvier 2012