Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'insertion sociale par l'activité économique et le volet insertion du rSa, Paris le 2 février 2012.

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Circonstance : Réunion du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) à Paris le 2 février 2012

Texte intégral


C’est la deuxième fois que je participe au Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE) et j’en suis très heureuse.
Je suis en effet particulièrement sensible aux valeurs – l’égalité, la justice et la cohésion sociale – et à la philosophie de cette instance que vous composez et que je partage pleinement : la lutte contre toutes les formes d’exclusion et l’insertion par l’activité économique. Car, nous le savons bien, avoir un emploi, c’est avoir une place dans la société ; c’est se sentir utile pour soi-même comme pour les autres ; c’est un facteur essentiel de réinsertion sociale.
C’est ce défi de l’emploi que nous devons relever collectivement pour bâtir une société plus juste, plus harmonieuse et plus solidaire. En cela, l’insertion par l’activité économique joue un rôle majeur. Elle fournit ainsi une réponse adaptée à la mise en oeuvre du volet insertion du rSa : plus de 60% des salariés en ateliers et chantiers d’insertion (ACI) sont des bénéficiaires du rSa et près de 40% en entreprises d’insertion
Au moment où la crise économique accroît les difficultés sur le marché de l’emploi, je veux rappeler le rôle crucial de l’IAE.
Il nous faut relever ce défi : prouver que l’exclusion n’est pas une fatalité et que chaque personne est capable de retourner à l’emploi dès lors qu’on lui donne sa chance.
* La conférence nationale d’évaluation du rSa, qui s’est tenue en décembre dernier, a montré que nous étions en bonne voie mais que nous devions
poursuivre nos efforts, notamment sur le volet insertion. Cette conférence nous a d’abord confirmé que l’objectif de réduction de la pauvreté visé par le dispositif du rSa est bien atteint. Le rSa a en effet joué véritable rôle d’amortisseur social. En 2010, ce sont ainsi 150 000 personnes qui sont sorties de la pauvreté grâce au rSa activité.
Pour autant, et c’est là un deuxième enseignement important de cette conférence d’évaluation, le rSa n’a pas augmenté le travail à temps partiel, subi ou choisi, comme certains le redoutaient. Au-delà de ces bonnes nouvelles, nous avons toutefois constaté que le rSa n’a pas répondu à toutes les attentes en matière de retour à l’emploi et de politique d’insertion. Le taux de retour à l’emploi n’a pas tellement progressé par rapport au RMI. Est-ce uniquement l’effet de la crise ?
Ou, n’y a-t-il pas d’autres facteurs sur lesquels nous pouvons agir pour améliorer sensiblement et rapidement l’impact sur le retour à l’emploi ? Je constate que nous ne nous sommes pas donné toutes les chances d’aboutir à de bons résultats, quand je vois par exemple que 50% des bénéficiaires n’ont toujours pas de contrat d’insertion et que seulement 40% d’entre eux déclarent avoir un référent unique ! Je constate également que les actions d’insertion et de professionnalisation restent encore beaucoup trop limitées. 9 Le taux d’actions proposées rapportées au nombre de bénéficiaires est, là aussi, à peu près semblable à ce que nous faisions il y a trois ans avec le RMI. Vous connaissez en outre mon souhait de généraliser les pactes territoriaux pour l’insertion. Je constate d’ailleurs que nous avons progressé depuis un an puisque désormais 8 départements sur 10 ont mis en place des PTI. Mais, ces outils doivent à présent être plus qualitatifs, c’est-à-dire que le contenu des actions qu’ils proposent et les stratégies qu’ils détaillent doivent être mieux partagés et concertés entre tous les acteurs concernés afin d’avoir un impact plus important en termes de retour à l’emploi.
Nous pouvons également améliorer l’accompagnement, en favorisant une approche globale de la personne : il s’agit de mieux articuler, au sein de son parcours, les problématiques sociales et professionnelles.
De cette évaluation, j’ai donc tiré ces conditions de réussite qui, je le crois, sont transposables à l’insertion par l’activité économique, à savoir :
* bien se connaître, en premier lieu, pour que l’expertise de chacun soit pleinement mobilisée pour l’insertion des bénéficiaires ;
* mais aussi simplifier et optimiser les organisations ;
* disposer, ensuite, d’outils communs pour suivre et évaluer les actions ;
* partager les diagnostics dans le cadre des parcours et des politiques d’insertion ;
* s’inscrire dans un pilotage concerté et partagé.
* Ces difficultés, vous en êtes d’ailleurs pleinement conscients.
Vous avez tenté d’y apporter des réponses en identifiant deux grands axes stratégiques pour mener votre action et faire encore progresser l’IAE :
1. d’abord en développant une offre adaptée aux hommes et aux territoires ;
2. ensuite par un renforcement de la gouvernance.
Avant d’en évoquer le contenu, je voudrais saluer la méthodologie que vous avez retenue, Monsieur le président, cher Yves Censi.
Je me félicite de votre choix de créer au sein du CNIAE deux commissions pour coconstruire des préconisations.
J’adresse tous mes encouragements aux personnes qui se sont portées candidates pour présider ces instances, pour proposer une feuille de route et se donner les moyens de la mettre en oeuvre. Comme vous, je suis convaincue de la nécessité de mieux articuler les aspects opérationnels et les enjeux stratégiques du secteur.
Premier axe, donc : le développement d’une offre d’insertion adaptée aux hommes et aux territoires. Sur ce volet, nous avons déjà progressé en 2011, mais il faut aller encore plus loin.
Ainsi, je souhaite que vous fassiez des propositions concrètes pour sécuriser les parcours.
L’enjeu est simple, mais il nous oblige : faire en sorte que la personne concernée ne revienne pas au point de départ après son passage dans l’IAE.
Je sais qu’il existe des débats sur la question des indicateurs de sortie des structures de l’insertion par l’activité économique.
Mais, ce que je veux redire très clairement, c’est que l’objectif de l’IAE reste et restera l’insertion professionnelle : même si vous vous occupez d’abord de personnes rencontrant des difficultés sociales, votre rôle consiste à leur offrir une véritable étape vers l’emploi.
Cette étape peut prendre, bien sûr, des formes variées : formation, remise à niveau, validation de compétences.
Mais, cet accompagnement doit permettre au final d’acquérir des savoir-faire et des savoir-être nouveaux, organisés autour d’un projet professionnel individualisé.
Dans cette perspective, la DGEFP a lancé en juillet dernier des expérimentations territoriales qui devraient permettre d’identifier différentes voies pour mieux organiser les parcours d’insertion et renforcer les actions de formation et de rapprochement avec les entreprises. Pour mesurer les progrès accomplis par les bénéficiaires, même si ils ne retrouvent pas tout de suite un emploi, et donc évaluer votre action, j’ai missionné un groupe de travail qui est actuellement chargé d’identifier des critères de performance sur le champ social et socioprofessionnel.
Plus largement, je vous propose de réfléchir à la mise en place de parcours par secteurs d’activité.
Ces parcours pourraient intégrer des étapes de formation ou de professionnalisation. Ils permettraient d’acquérir progressivement des certificats de qualification professionnelle par exemple, dont les contenus seraient conçus au niveau national avec les organismes finançant la formation professionnelle.
A plus long terme, ces parcours pourraient constituer un cadre adaptable selon le territoire.
Cette proposition pourrait être évoquée dans le cadre de la journée du 9 mars dédiée à la formation et organisée par la DGEFP avec l’appui de l’Avise.
L’étude que vous envisagez sur l’intervention des régions en matière de formation devrait aussi permettre de dégager des pistes dans ce sens. Enfin, pour mieux organiser les parcours, la durée des contrats constitue un élément essentiel.
Cette durée doit être suffisante pour que chacun puisse reprendre des habitudes de travail, retrouver de la confiance et l’estime de soi, surmonter les obstacles à l’insertion et acquérir certaines qualifications. En un mot, il ne faut pas que les difficultés actuelles sur le marché de l’emploi imposent de nouvelles contraintes sur la durée des contrats aidés risquant de remettre en cause la vocation des SIAE.
Je l’ai vérifié sur le terrain : un contrat de 6 ou 7 mois, c’est beaucoup trop court pour se professionnaliser.
C’est pourquoi les préfets ont été invités à personnaliser et à allonger, le cas échéant, la durée des contrats lorsqu’il y a une période de professionnalisation.
Pour tester les effets de cet allongement de la durée des contrats aidés en termes d’insertion, j’ai initié une expérimentation en Rhône-Alpes avec le Secours catholique et le réseau Cocagne.
Cette expérimentation prévoit de nouveaux outils d’accompagnement adaptés à des publics en très grande difficulté ayant effectué 24 mois en contrat aidé.
Plus largement, nous devons inventer des outils toujours mieux adaptés aux besoins des bénéficiaires.
C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que j’ai lancé l’expérimentation du contrat unique d’insertion (CUI) de 7 heures. Ce dernier s’adresse aux bénéficiaires qui ne peuvent accéder à un contrat de plus de 20 heures, à un emploi en atelier et chantier d’insertion.
C’est un nouvel outil pour les conseils généraux. Il constitue une nouvelle marche vers l’insertion.
16 conseils généraux se sont engagés pour le moment pour utiliser cet outil d’insertion.
Comme pour les CUI de plus de 20h, chaque bénéficiaire dispose d’un tuteur et d’un accompagnement individualisé pour l’aider à retrouver le chemin de l’emploi et construire la suite de son parcours.
Pour autant, ne nous voilons pas la face. Dans une situation où les emplois sont plus rares, de nombreux salariés de l’IAE ne parviennent pas, au terme de leur parcours d’insertion, à intégrer le marché du travail. Sécuriser les parcours, c’est donc, aussi, trouver des solutions qui permettent la progression de ces personnes sans solution à la sortie de l’IAE.
Une complémentarité avec Pôle emploi doit être mise en oeuvre pour que ces bénéficiaires puissent voir leurs acquis maintenus et qu’une progressivité soit assurée pour apporter de l’efficience au dispositif d’insertion.
Là encore, je vous demande d’y réfléchir. Pourquoi ne pas oeuvrer en complémentarité pour que ce point soit aussi un axe du PTI, que des actions soient prévues même si elles réinterrogent les choix et les organisations ?
Je viens d’évoquer les pactes territoriaux pour l’insertion et ma transition est donc toute trouvée pour aborder à présent votre deuxième axe stratégique, à savoir : la gouvernance. Pour être plus performants nous avons développé une nouvelle régulation des politiques d’insertion avec la mise en place des PTI.
Trois enseignements se dégagent des 80 pactes territoriaux déjà signés ou en passe de l’être :
* Premier enseignement : la politique d’insertion doit faire l’objet d’une réelle volonté politique, et le retour à l’emploi doit être une priorité partagée.
* Deuxième enseignement : la politique d’insertion doit s’adapter aux besoins des bénéficiaires et des territoires. _Pour cela, il faut « décloisonner » le social, l’emploi, la santé, le logement, pour que toutes les expertises soient complémentaires et efficientes.
Il faut également poursuivre le rapprochement entre les entreprises et tous les acteurs de l’insertion, et créer des synergies avec les autres structures de l’économie sociale et solidaire.
Pour cela, nous pourrons nous appuyer sur les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), présentés par Christophe Chevallier, afin de faciliter les dynamiques de coopération.
* Troisième enseignement : la politique d’insertion doit être évaluée avec les bénéficiaires, à partir de leur retour d’expérience, comme ce qui est prévu dans le dispositif du rSa.
Comme l’a proposé Marc-Philippe Daubresse, je souhaite que les PTI comportent dorénavant un axe obligatoire sur l’IAE.
A cet égard, j’ai prévu le 23 mars prochain une journée d’échange avec les conseils généraux sur ce thème pour établir des recommandations et identifier des exemples.
Outre le PTI, nous disposons d’un autre outil important : le conseil départemental d’insertion par l’activité économique (CDIAE), dont les travaux doivent s’articuler avec ceux du PTI.
En définitive, vous l’aurez compris, nous avons encore beaucoup à faire ! Je compte sur le CNIAE, précisément, pour favoriser un dialogue fécond entre l’Etat, les Conseils généraux – dont je salue l’implication dans l’IAE et le rôle de chef de file de la politique d’insertion –, Pôle emploi, les collectivités locales et les acteurs de l’insertion.
Je vous demande également de veiller à valoriser ce qui se fait sur les territoires, à diffuser les bonnes pratiques et les solutions innovantes, comme vous le souhaitez – n’est-ce pas ? –, cher René- Paul Savary.
Dans cette perspective, le CNIAE sera beaucoup plus qu’une simple enceinte de réflexion.
J’attends de vous que vous puissiez nous faire, à Xavier Bertrand et à moi-même, des propositions concrètes pour améliorer le plus rapidement possible l’efficience de l’IAE.
Dans le combat pour l’emploi, je sais pouvoir compter sur votre engagement au service de nos concitoyens.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 8 février 2012