Texte intégral
Cest la deuxième fois que je participe au Conseil national de linsertion par lactivité économique (CNIAE) et jen suis très heureuse.
Je suis en effet particulièrement sensible aux valeurs légalité, la justice et la cohésion sociale et à la philosophie de cette instance que vous composez et que je partage pleinement : la lutte contre toutes les formes dexclusion et linsertion par lactivité économique. Car, nous le savons bien, avoir un emploi, cest avoir une place dans la société ; cest se sentir utile pour soi-même comme pour les autres ; cest un facteur essentiel de réinsertion sociale.
Cest ce défi de lemploi que nous devons relever collectivement pour bâtir une société plus juste, plus harmonieuse et plus solidaire. En cela, linsertion par lactivité économique joue un rôle majeur. Elle fournit ainsi une réponse adaptée à la mise en oeuvre du volet insertion du rSa : plus de 60% des salariés en ateliers et chantiers dinsertion (ACI) sont des bénéficiaires du rSa et près de 40% en entreprises dinsertion
Au moment où la crise économique accroît les difficultés sur le marché de lemploi, je veux rappeler le rôle crucial de lIAE.
Il nous faut relever ce défi : prouver que lexclusion nest pas une fatalité et que chaque personne est capable de retourner à lemploi dès lors quon lui donne sa chance.
* La conférence nationale dévaluation du rSa, qui sest tenue en décembre dernier, a montré que nous étions en bonne voie mais que nous devions
poursuivre nos efforts, notamment sur le volet insertion. Cette conférence nous a dabord confirmé que lobjectif de réduction de la pauvreté visé par le dispositif du rSa est bien atteint. Le rSa a en effet joué véritable rôle damortisseur social. En 2010, ce sont ainsi 150 000 personnes qui sont sorties de la pauvreté grâce au rSa activité.
Pour autant, et cest là un deuxième enseignement important de cette conférence dévaluation, le rSa na pas augmenté le travail à temps partiel, subi ou choisi, comme certains le redoutaient. Au-delà de ces bonnes nouvelles, nous avons toutefois constaté que le rSa na pas répondu à toutes les attentes en matière de retour à lemploi et de politique dinsertion. Le taux de retour à lemploi na pas tellement progressé par rapport au RMI. Est-ce uniquement leffet de la crise ?
Ou, ny a-t-il pas dautres facteurs sur lesquels nous pouvons agir pour améliorer sensiblement et rapidement limpact sur le retour à lemploi ? Je constate que nous ne nous sommes pas donné toutes les chances daboutir à de bons résultats, quand je vois par exemple que 50% des bénéficiaires nont toujours pas de contrat dinsertion et que seulement 40% dentre eux déclarent avoir un référent unique ! Je constate également que les actions dinsertion et de professionnalisation restent encore beaucoup trop limitées. 9 Le taux dactions proposées rapportées au nombre de bénéficiaires est, là aussi, à peu près semblable à ce que nous faisions il y a trois ans avec le RMI. Vous connaissez en outre mon souhait de généraliser les pactes territoriaux pour linsertion. Je constate dailleurs que nous avons progressé depuis un an puisque désormais 8 départements sur 10 ont mis en place des PTI. Mais, ces outils doivent à présent être plus qualitatifs, cest-à-dire que le contenu des actions quils proposent et les stratégies quils détaillent doivent être mieux partagés et concertés entre tous les acteurs concernés afin davoir un impact plus important en termes de retour à lemploi.
Nous pouvons également améliorer laccompagnement, en favorisant une approche globale de la personne : il sagit de mieux articuler, au sein de son parcours, les problématiques sociales et professionnelles.
De cette évaluation, jai donc tiré ces conditions de réussite qui, je le crois, sont transposables à linsertion par lactivité économique, à savoir :
* bien se connaître, en premier lieu, pour que lexpertise de chacun soit pleinement mobilisée pour linsertion des bénéficiaires ;
* mais aussi simplifier et optimiser les organisations ;
* disposer, ensuite, doutils communs pour suivre et évaluer les actions ;
* partager les diagnostics dans le cadre des parcours et des politiques dinsertion ;
* sinscrire dans un pilotage concerté et partagé.
* Ces difficultés, vous en êtes dailleurs pleinement conscients.
Vous avez tenté dy apporter des réponses en identifiant deux grands axes stratégiques pour mener votre action et faire encore progresser lIAE :
1. dabord en développant une offre adaptée aux hommes et aux territoires ;
2. ensuite par un renforcement de la gouvernance.
Avant den évoquer le contenu, je voudrais saluer la méthodologie que vous avez retenue, Monsieur le président, cher Yves Censi.
Je me félicite de votre choix de créer au sein du CNIAE deux commissions pour coconstruire des préconisations.
Jadresse tous mes encouragements aux personnes qui se sont portées candidates pour présider ces instances, pour proposer une feuille de route et se donner les moyens de la mettre en oeuvre. Comme vous, je suis convaincue de la nécessité de mieux articuler les aspects opérationnels et les enjeux stratégiques du secteur.
Premier axe, donc : le développement dune offre dinsertion adaptée aux hommes et aux territoires. Sur ce volet, nous avons déjà progressé en 2011, mais il faut aller encore plus loin.
Ainsi, je souhaite que vous fassiez des propositions concrètes pour sécuriser les parcours.
Lenjeu est simple, mais il nous oblige : faire en sorte que la personne concernée ne revienne pas au point de départ après son passage dans lIAE.
Je sais quil existe des débats sur la question des indicateurs de sortie des structures de linsertion par lactivité économique.
Mais, ce que je veux redire très clairement, cest que lobjectif de lIAE reste et restera linsertion professionnelle : même si vous vous occupez dabord de personnes rencontrant des difficultés sociales, votre rôle consiste à leur offrir une véritable étape vers lemploi.
Cette étape peut prendre, bien sûr, des formes variées : formation, remise à niveau, validation de compétences.
Mais, cet accompagnement doit permettre au final dacquérir des savoir-faire et des savoir-être nouveaux, organisés autour dun projet professionnel individualisé.
Dans cette perspective, la DGEFP a lancé en juillet dernier des expérimentations territoriales qui devraient permettre didentifier différentes voies pour mieux organiser les parcours dinsertion et renforcer les actions de formation et de rapprochement avec les entreprises. Pour mesurer les progrès accomplis par les bénéficiaires, même si ils ne retrouvent pas tout de suite un emploi, et donc évaluer votre action, jai missionné un groupe de travail qui est actuellement chargé didentifier des critères de performance sur le champ social et socioprofessionnel.
Plus largement, je vous propose de réfléchir à la mise en place de parcours par secteurs dactivité.
Ces parcours pourraient intégrer des étapes de formation ou de professionnalisation. Ils permettraient dacquérir progressivement des certificats de qualification professionnelle par exemple, dont les contenus seraient conçus au niveau national avec les organismes finançant la formation professionnelle.
A plus long terme, ces parcours pourraient constituer un cadre adaptable selon le territoire.
Cette proposition pourrait être évoquée dans le cadre de la journée du 9 mars dédiée à la formation et organisée par la DGEFP avec lappui de lAvise.
Létude que vous envisagez sur lintervention des régions en matière de formation devrait aussi permettre de dégager des pistes dans ce sens. Enfin, pour mieux organiser les parcours, la durée des contrats constitue un élément essentiel.
Cette durée doit être suffisante pour que chacun puisse reprendre des habitudes de travail, retrouver de la confiance et lestime de soi, surmonter les obstacles à linsertion et acquérir certaines qualifications. En un mot, il ne faut pas que les difficultés actuelles sur le marché de lemploi imposent de nouvelles contraintes sur la durée des contrats aidés risquant de remettre en cause la vocation des SIAE.
Je lai vérifié sur le terrain : un contrat de 6 ou 7 mois, cest beaucoup trop court pour se professionnaliser.
Cest pourquoi les préfets ont été invités à personnaliser et à allonger, le cas échéant, la durée des contrats lorsquil y a une période de professionnalisation.
Pour tester les effets de cet allongement de la durée des contrats aidés en termes dinsertion, jai initié une expérimentation en Rhône-Alpes avec le Secours catholique et le réseau Cocagne.
Cette expérimentation prévoit de nouveaux outils daccompagnement adaptés à des publics en très grande difficulté ayant effectué 24 mois en contrat aidé.
Plus largement, nous devons inventer des outils toujours mieux adaptés aux besoins des bénéficiaires.
Cest dans cet esprit, dailleurs, que jai lancé lexpérimentation du contrat unique dinsertion (CUI) de 7 heures. Ce dernier sadresse aux bénéficiaires qui ne peuvent accéder à un contrat de plus de 20 heures, à un emploi en atelier et chantier dinsertion.
Cest un nouvel outil pour les conseils généraux. Il constitue une nouvelle marche vers linsertion.
16 conseils généraux se sont engagés pour le moment pour utiliser cet outil dinsertion.
Comme pour les CUI de plus de 20h, chaque bénéficiaire dispose dun tuteur et dun accompagnement individualisé pour laider à retrouver le chemin de lemploi et construire la suite de son parcours.
Pour autant, ne nous voilons pas la face. Dans une situation où les emplois sont plus rares, de nombreux salariés de lIAE ne parviennent pas, au terme de leur parcours dinsertion, à intégrer le marché du travail. Sécuriser les parcours, cest donc, aussi, trouver des solutions qui permettent la progression de ces personnes sans solution à la sortie de lIAE.
Une complémentarité avec Pôle emploi doit être mise en oeuvre pour que ces bénéficiaires puissent voir leurs acquis maintenus et quune progressivité soit assurée pour apporter de lefficience au dispositif dinsertion.
Là encore, je vous demande dy réfléchir. Pourquoi ne pas oeuvrer en complémentarité pour que ce point soit aussi un axe du PTI, que des actions soient prévues même si elles réinterrogent les choix et les organisations ?
Je viens dévoquer les pactes territoriaux pour linsertion et ma transition est donc toute trouvée pour aborder à présent votre deuxième axe stratégique, à savoir : la gouvernance. Pour être plus performants nous avons développé une nouvelle régulation des politiques dinsertion avec la mise en place des PTI.
Trois enseignements se dégagent des 80 pactes territoriaux déjà signés ou en passe de lêtre :
* Premier enseignement : la politique dinsertion doit faire lobjet dune réelle volonté politique, et le retour à lemploi doit être une priorité partagée.
* Deuxième enseignement : la politique dinsertion doit sadapter aux besoins des bénéficiaires et des territoires. _Pour cela, il faut « décloisonner » le social, lemploi, la santé, le logement, pour que toutes les expertises soient complémentaires et efficientes.
Il faut également poursuivre le rapprochement entre les entreprises et tous les acteurs de linsertion, et créer des synergies avec les autres structures de léconomie sociale et solidaire.
Pour cela, nous pourrons nous appuyer sur les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), présentés par Christophe Chevallier, afin de faciliter les dynamiques de coopération.
* Troisième enseignement : la politique dinsertion doit être évaluée avec les bénéficiaires, à partir de leur retour dexpérience, comme ce qui est prévu dans le dispositif du rSa.
Comme la proposé Marc-Philippe Daubresse, je souhaite que les PTI comportent dorénavant un axe obligatoire sur lIAE.
A cet égard, jai prévu le 23 mars prochain une journée déchange avec les conseils généraux sur ce thème pour établir des recommandations et identifier des exemples.
Outre le PTI, nous disposons dun autre outil important : le conseil départemental dinsertion par lactivité économique (CDIAE), dont les travaux doivent sarticuler avec ceux du PTI.
En définitive, vous laurez compris, nous avons encore beaucoup à faire ! Je compte sur le CNIAE, précisément, pour favoriser un dialogue fécond entre lEtat, les Conseils généraux dont je salue limplication dans lIAE et le rôle de chef de file de la politique dinsertion , Pôle emploi, les collectivités locales et les acteurs de linsertion.
Je vous demande également de veiller à valoriser ce qui se fait sur les territoires, à diffuser les bonnes pratiques et les solutions innovantes, comme vous le souhaitez nest-ce pas ? , cher René- Paul Savary.
Dans cette perspective, le CNIAE sera beaucoup plus quune simple enceinte de réflexion.
Jattends de vous que vous puissiez nous faire, à Xavier Bertrand et à moi-même, des propositions concrètes pour améliorer le plus rapidement possible lefficience de lIAE.
Dans le combat pour lemploi, je sais pouvoir compter sur votre engagement au service de nos concitoyens.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 8 février 2012