Déclaration de M. François Hollande, député PS et candidat à l'élection présidentielle 2012, sur l'enjeu du premier tour de l'élection présidentielle 2012, Cenon (Gironde) le 19 avril 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Mes chers amis, vous êtes là, rien ne vous a arrêtés, ni la pluie, ni le froid, ni la route, rien ! Et rien ne nous arrêtera jusqu'au 6 mai ! Je vous retrouve avec bonheur. J'étais au début du mois de janvier déjà ici, en Gironde, à Mérignac. La salle était trop petite, alors nous avons choisi le plein air pour terminer la campagne. Nous avions craint à un moment les nuages, nous les avons dissipés, écartés, repoussés, et nous sommes là avec un ciel tout rose pour le 6 mai !
Nous sommes à trois jours du premier tour. Un mouvement, je le sens, s'est levé, un mouvement sage, déterminé, puissant. Un mouvement qui veut changer de président et qui ne veut pas s'arrêter là. Un mouvement qui veut donner à la Gauche la responsabilité du pays. Une alternance part toujours de loin. Elle n'est jamais une surprise, une fantaisie, un caprice, un emballement d'un peuple. Non, une alternance est une somme de colères. Colère contre les injustices ! elles sont là, elles sont insupportables. Colère contre les désordres de la finance ! ils sont là, ils sont inacceptables. Colère aussi contre tant de manquements aux valeurs de la République. Et nous ne pouvons plus admettre que l'école de la République soit à ce point atteinte dans son identité.
Une alternance part de loin. Elle se bâtit autour d'une volonté. Une volonté qui va bien au-delà d'une candidature ; une volonté d'un peuple qui, à un moment, se lève et s'affirme ; une volonté de redresser notre Nation ; une volonté de lui donner du sens pour l'action à conduire ; une volonté de porter une espérance pour que demain soit différent d'aujourd'hui. Ce mouvement que j'ai lancé depuis des mois en votre nom, il n'est pas accompli, il n'est pas achevé. Il est en marche, et ce sont les Français eux-mêmes qui vont décider dimanche de son ampleur, de sa force, de son issue. Je vois votre enthousiasme ! Je mesure votre confiance ! Je devine votre attente ! Ça monte, ça monte, ça monte encore !
Nicolas Sarkozy avait voulu voir une vague. (Huées) C'est terrible, partout où je me déplace et que je cite son nom, ce sont les mêmes cris ! C'est la raison pour laquelle depuis des mois, pour ne pas créer de difficulté, je l'appelle « le candidat sortant ». Oui le candidat sortant, disais-je, avait voulu voir une vague. Pour une fois, il ne s'était pas trompé. Elle arrive, la vague ! Elle est haute, la vague ! Elle est puissante, la vague ! Et il va la prendre de face, la vague !
L'ambiance est bonne, mais je le savais en venant en Gironde et je ne prenais pas grand risque. L'accueil est chaleureux, la foule est nombreuse, les sondages, paraît-il, sont favorables. Alors méfiez-vous ! Méfiez-vous car ces enquêtes sont contradictoires. Gardez-vous des pronostics hasardeux. La démocratie n'est pas un jeu, et encore moins un pari. Protégez-vous de l'air du temps, de la mode. Faites attention, y compris à vous-mêmes. J'en connais toujours qui cèdent à l'euphorie. Je devine même certains empressements de ceux qui s'y voient déjà... Nous n'y sommes pas ! Nous n'y sommes pas encore ! Et ce sont souvent les mêmes qui cèdent à je ne sais quel enthousiasme, qui sont les premiers lorsque le vent se retourne à être les plus inquiets.
Moi, je vois bien l'intérêt de la Droite. Je la connais bien, la Droite, je la combats depuis tant d'années. Elle voudrait bien que ce climat provoque la démobilisation de la Gauche, parce que ce serait son seul ressort. Je vois bien aussi l'avantage que pourraient tirer d'autres candidats de laisser penser que notre victoire serait déjà là pour justifier la dispersion. Je vois bien aussi le risque de l'abstention qui s'entretiendrait de cette évidence : pourquoi se déplacer alors que tout serait déjà fait ?
Je suis venu ici, ce soir, à trois jours du premier tour, pour vous rappeler l'enjeu de dimanche. L'enjeu de dimanche, ce n'est pas un classement, ce n'est pas un ordre d'arrivée. L'enjeu de dimanche, ce n'est pas de savoir qui va arriver troisième, quatrième ou même dernier. L'enjeu de dimanche, c'est de placer au plus haut le candidat du changement. L'enjeu de dimanche, c'est de me donner la force nécessaire pour défier au second tour le candidat sortant. L'enjeu de dimanche, c'est de rendre la victoire irrésistible, irréversible dès le 22 avril, pour ne pas avoir à attendre quinze jours de plus. Non, c'est tout de suite qu'il faut créer le mouvement, la dynamique !
Chacun ici aura compris la manœuvre du candidat sortant. D'abord ! et il en a bien le droit ! mobiliser son camp, une Droite sans complexe, sans retenue, sans limite, qui veut être vraiment la Droite, et qui voudrait l'être sans être empêchée pendant cinq ans encore. Mobiliser son camp, aller chercher les électeurs de l'extrême-droite en en empruntant les thèmes, sans forcément parler le même langage. Je l'entendais l'autre soir, il était à Arras. C'était un cri qu'il lançait, un peu désespéré et qui n'était pas le plus beau, un appel de détresse, un SOS : « Sauvez-moi » disait-il ! Et il demandait à ses électeurs qui pouvaient éventuellement aller vers l'extrême-droite de revenir, de le rejoindre. Tout était bon pour battre la Gauche, tout, sauf la Gauche ! Et il ne manquait pas de les effrayer : la régularisation des sans-papiers, la burqa, la viande halal, les cantines, tout y passait ! Au risque d'ailleurs, et je veux l'en prévenir, à force de tenir ces propos, de conforter encore le vote pour le Front national. Parce que c'est ça, le risque de la surenchère !
Le dernier acte de la manœuvre, c'est de diviser la Gauche. Je l'entendais même flatter le Front de Gauche pour mieux le stimuler. Nicolas Sarkozy n'était pas avare de compliments ! et pourtant, il n'est pas généreux ! à l'égard de Jean-Luc Mélenchon, qui n'avait rien demandé. Je vois bien quel est son objectif : grossir toutes les Gauches pour que la Gauche de gouvernement, celle qui peut le battre, ne soit pas dans la meilleure des situations. Il aime tellement la Gauche, Nicolas Sarkozy, qu'il voudrait la séparer, la diviser, la fragmenter, l'éclater ! Eh bien, je vous le dis ici, il n'y parviendra pas, parce que la Gauche sera rassemblée, rassemblée au premier tour, rassemblée au second tour ! La Gauche sera rassemblée derrière le candidat qui veut la faire gagner et qui veut la faire réussir !
Il n'y a pas deux Gauches. Il n'y a pas d'un côté la Gauche de la résistance et de l'autre la Gauche de la conquête ; d'un côté la Gauche de la rue et de l'autre la Gauche des urnes ; d'un côté la Gauche de l'idéalisme et de l'autre la Gauche de l'opportunisme. Non, il n'y a qu'une seule Gauche, celle qui veut poursuivre le grand combat pour la justice, pour l'égalité, pour la dignité humaine, pour les libertés. Il n'y a qu'une seule Gauche, celle qui s'inscrit dans la grande histoire de la République, qui appelle les Français à chaque époque, devant chaque épreuve, à se rassembler pour prendre la direction de la Nation. C'est toujours ainsi que la Gauche a été à la hauteur de sa mission historique, que ce fut avec Léon Blum au moment du Front populaire, avec Pierre Mendès France au moment de la décolonisation, avec François Mitterrand en 1981 ou avec Lionel Jospin en 1997. La Gauche qui veut agir, la Gauche qui veut transformer, la Gauche qui veut réformer, qui veut faire avancer son pays !
Mais je veux vous prévenir, la Droite ne libérera pas le pouvoir sans combattre. Le candidat sortant y joue sa vie. Il nous a dit que s'il n'y parvenait plus, à la présidence de la République, il arrêtait ! (Applaudissements) Je comprends que ça vous stimule ! Le candidat sortant joue son quinquennat, son honneur. Et la Droite elle-même y joue le pouvoir, cette Droite qui considère que l'Etat, le pouvoir lui appartiennent. Cette droite et ces parlementaires qui considèrent que c'est à eux de disposer de notre avenir. Eh bien non, dans notre pays c'est la démocratie, c'est l'alternance, c'est le peuple français qui choisit son destin !
Ne croyez pas qu'ils vont céder le pouvoir sans combattre. Regardez ces grandes fortunes qui se rassemblent, qui se regroupent où elles peuvent, dans des endroits de fortune ! c'est le cas de le dire -, dans des grands hôtels, dans des salons privés où elles viennent déposer des fonds, les leurs, pour soutenir la campagne du candidat sortant et éviter ainsi de payer plus d'impôts. Il m'a été dit que certains se préparaient à l'exil, comme des aristocrates de l'Ancien Régime. Aujourd'hui ce n'est plus Koblenz mais Genève ou Bruxelles, dans l'espoir peut-être que les gouvernements étrangers se coaliseraient pour mettre un terme à la Gauche au pouvoir.
Eh bien non, nous n'avons pas besoin d'effrayer qui que ce soit. Nous sommes la Gauche de gouvernement, celle qui veut diriger la France, celle qui veut rassembler les Français sans avoir besoin de montrer qui que ce soit du doigt. Cela s'appelle le patriotisme. Nous sommes la Gauche qui défend une belle idée de la Nation où chacune et chacun, quelle que soit sa place, quel que soit son rang, quels que soient sa couleur de peau, son origine ou son parcours, est un citoyen comme les autres, à égalité de droits et de devoirs.
Trois jours encore et ensuite, si nous le méritons, deux semaines de campagne jusqu'au second tour. Ce sera un combat dur, âpre, parfois brutal. Nous aurons devant nous toutes les peurs qui seront agitées. J'en entendais une qui laissait penser que si nous gagnions l'élection présidentielle ! ce qui est bien l'objectif ! nous nous trouverions dans cette situation exceptionnelle, paraît-il, de disposer de tous les pouvoirs. Mais nous ne les avons pas pris par surprise ces pouvoirs, ils nous ont été confiés par le suffrage universel ! Et je salue tous les élus ici présents. Et si nous avons gagné le Sénat ! enfin ! -, nous l'avons reçu du suffrage. Eh bien nous, nous en serions interdits maintenant, d'accéder à la présidence de la République ! La Droite pendant des décennies a pu cumuler toutes les responsabilités, mais la Gauche non. Elle peut gérer des villes autant qu'elle voudrait ! encore que, il faut aller les chercher -, des départements, des régions. Mais l'Etat, vous n'y pensez pas, ce n'est pas pour vous, vous n'en avez pas le droit, la qualité, les compétences, les capacités ! Eh bien là encore, c'est le peuple français qui décidera à qui il veut confier son destin.
Mais vous entendrez tellement de peurs, de fantasmes, de spectres, de prévisions, de catastrophes ou de cataclysmes ! Je les entends déjà : « Si la Gauche revient, elle va vider les caisses ». C'est fait ! « Si la Gauche revient, nous disent-ils avec des sanglots dans la voix, La croissance va s'effondrer ». C'est fait ! « Le chômage va augmenter. » (C'est fait !) « Les déficits vont se creuser. » (C'est fait !) Alors, la Gauche peut revenir parce que la Droite, elle, a échoué !
Mais nous n'avions pas encore tout entendu. Voilà que maintenant si, comme certaines tendances le laissent penser, nous arrivions aux responsabilités du pays, la spéculation s'abattrait sur la France. Alors, Français, ne votez pas mal, sinon ce sont les marchés qui vous sanctionneront ! Cette spéculation, ils l'appellent, ils l'encouragent, ils l'espèrent. Pour l'instant, les marchés ne bougent pas. Terrible épreuve pour la Droite : nous ne faisons plus peur, et peut-être même que certains se disent : « Ce serait pire si c'était les autres » ! Ils vont bientôt menacer même les marchés. Terrible indécence, inacceptable responsabilité que d'entendre un candidat sortant, encore président de la République, espérer l'affaiblissement de son pays pour empêcher l'alternance. Ça ne marchera pas non plus ! La France est un peuple libre qui ne laisse pas déterminer son avenir sous la pression des marchés ou de la finance.
Mais tout dépendra de vous, de votre mobilisation dès le 22 avril.
De votre mobilisation dès le 22 avril. Je vous demande de ne leur laisser aucun répit, mais plutôt de leur accorder du repos ! Ne leur fournissez aucune occasion, dans ce premier tour, de reprendre confiance. Faites la différence tout de suite ! Donnez la victoire dès le 22 ! Et en plus, je vais vous faire cette confidence : faites-vous plaisir, cela ne gâchera rien !
Mes chers amis, nous sommes au terme de cette campagne de premier tour. Quel chemin avons-nous parcouru ensemble, les uns et les autres ! J'ai déclaré ma candidature - c'était il y a un an - dans mon département de la Corrèze. Je ne m'étais pas déterminé par rapport à tel ou tel autre candidat. Je m'étais moi-même engagé sur ce chemin parce que j'avais confiance dans l'attente des Français. Parce que j'avais conscience, aussi, que je pouvais correspondre en ce moment précis à ce que souhaitait notre peuple. Je considérais qu'il fallait un candidat normal pour un président normal. Oui, normal, parce que tout ce qui s'était passé depuis cinq ans avait été profondément anormal. Que voulais-je dire par là et qui, maintenant, est sous nos yeux ? Ce quinquennat a été celui de tous les excès : excès sur tout, excès de tout, excès partout. Cette présidence qui a été tellement présente et si peu efficace ! Ce pouvoir qui a été si fort et qui s'est terminé par l'impuissance.
Je voulais également montrer les contradictions qui avaient été celles du candidat sortant. Avoir défini une politique puis en avoir changé. Ne pas avoir tenu un cap. Avoir annulé à la fin de son mandat les mesures qu'il avait fait voter au début. Cette présidence zigzag qui s'est terminée par un tête-à-queue - et qui viendrait encore nous donner la leçon ? Je l'entendais se demander ce qui se serait passé s'il n'avait pas été élu en 2007. Mais comment peut-il faire cette comparaison ? Nous, nous savons ce qui va se passer en 2012 !
Je voulais également mettre un terme à ces confusions permanentes entre l'intérêt général qui doit être le seul mobile de l'action de l'Etat et les intérêts privés qui sont, hélas, interpénétrés dans l'intérêt général aujourd'hui, à travers ces relations, ces réseaux où l'on ne sait pas si l'Etat décide pour les Français ou décide pour certaines entreprises ou certains dirigeants. Cela en sera terminé !
Je voulais également condamner ce manque de respect. Manque de respect aux promesses qui avaient été, à un moment, affichées dans une campagne. Manque de respect à l'égard des Français - cette manière de diviser, d'opposer, de chercher partout un bouc émissaire pour excuser une irresponsabilité. Voilà ce qu'a été une présidence, pendant cinq ans. Et voilà ce que je veux faire maintenant : c'est une présidence qui redeviendrait normale !
Une présidence normale, c'est refuser de promettre ce que je ne serai pas capable de tenir. J'ai pris la mesure de la crise : économique, financière, sociale, morale. Je veux répondre aux urgences. Je veux réformer profondément mon pays, engager une réforme fiscale pour la justice, une réforme bancaire pour dominer la finance, une réforme territoriale pour faire un nouvel acte de décentralisation, une réforme de la justice pour la rendre indépendante. Mais en même temps, je ne peux pas répondre à toutes les demandes qui me sont adressées. Je ne veux pas mentir ! Et je ne veux pas qu'un jour, un de mes concitoyens puisse me dire : « Vous nous avez déçus car vous n'avez pas tenu votre promesse ». Je veux pouvoir circuler comme je le fais aujourd'hui, librement, partout en France, sans avoir besoin d'être protégé, d'avoir des cortèges de forces de l'ordre. Dans cette campagne, quel plaisir je prends à circuler dans toutes les villes de France ! Je le plains, le candidat sortant : il ne voit plus personne. Il s'abrite. Il reste entre amis complaisants. Eh bien moi, demain, je veux être un président qui puisse assumer ses choix et continuer à pouvoir rencontrer les Français !
Un président normal, c'est celui qui aura la hauteur de vue nécessaire pour appeler le pays, notre pays, notre grand pays, à redresser son économie, ses finances, son industrie, sa recherche. Et demander un effort sera justifié. Mais toute demande d'effort devra être juste. Et c'est ceux qui auront le plus et qui auront reçu le plus du président sortant qui seront appelés les premiers à la contribution, à la solidarité !
Etre un président normal, c'est rassembler les Français. Oui, les rassembler sur une grande cause - et je l'ai dit, cette plus belle cause qui soit, c'est la jeunesse de France. C'est son avenir ! C'est réconcilier les générations, les classes sociales, les territoires autour de ce grand enjeu : permettre à la génération qui vient de vivre mieux que la nôtre.
Etre un président rassembleur, c'est faire de la laïcité, là encore, le principe de la République et pas un langage de circonstance avec des façons de s'adresser aux religions qui ne sont pas dignes. Moi, quand je regarde un citoyen, je ne juge pas son apparence. Je ne fais pas de supposition de sa couleur pour connaître sa religion. Je ne connais pas des citoyens d'apparence, je ne connais que des citoyens d'appartenance à la communauté nationale !
Etre un président normal, c'est revenir au caractère exceptionnel de la France. C'est réinventer le rêve français, celui qui a fait avancer la République à chaque étape, à chaque époque et devant chaque épreuve. C'est être capable d'offrir à la génération qui arrive un sort meilleur que celui qui a pu être le nôtre. Serons-nous dignes, nous-mêmes, de nos parents et de nos grands-parents qui nous ont transmis ce message, cette promesse ? Et quelle plus belle fierté pour la génération que je représente, et si je suis demain votre président, que de pouvoir me dire au terme de ma vie politique : « Oui, j'aurai fait en sorte que nos enfants et nos petits-enfants vivent mieux que nous » !
Voilà pourquoi je me suis présenté il y a un an. Et je n'ai jamais dévié de ligne. Ces thèmes, je les ai présentés aux Français dans la primaire citoyenne. Ces priorités, je les ai précisées au Bourget à travers mes 60 engagements. Ces 60 engagements, je les ai détaillés dans mon discours de Dijon, pour montrer la méthode qui serait la mienne, c'est-à-dire la confiance que j'accorderai aux territoires, aux partenaires sociaux, aux syndicats. Parce qu'on ne transforme pas un pays simplement de l'Etat, on le transforme en mobilisant tous les acteurs, toutes les forces vives, tous ceux qui veulent contribuer à faire avancer la France. Ces mesures, j'ai dit aussi quand et comment je les mettrai en œuvre, l'agenda qui sera le nôtre, les premières décisions que j'aurai à prendre au lendemain de l'élection présidentielle puis, ensuite, lorsque l'Assemblée nationale aura été renouvelée. Vous savez tout ! Je n'ai rien caché. Tout a été évalué, chiffré, précisé. Et donc face à un candidat sortant qui ne peut pas présenter un bilan - mettez-vous à sa place, oui, mettez-vous à sa place ! (Non !) Vous avez tort, nous nous mettrons à sa place ! (On va gagner, on va gagner !) - si j'ai pu mener cette campagne avec cette clarté, cette cohérence, cette constance, cette confiance, je le dois à l'esprit d'unité et de rassemblement qui a été le nôtre pendant ces derniers mois.
J'ai été premier Secrétaire du Parti socialiste pendant dix ans. J'ai connu beaucoup de campagnes, de toute sorte et de tout niveau. Je peux vous assurer ici que jamais, sans doute jamais depuis plusieurs décennies - sans doute depuis 1981 -, il n'y a jamais eu de rassemblement aussi fort qu'aujourd'hui ! (On va gagner, on va gagner !) Rassemblement de tous ceux qui avaient été candidats aux primaires, rassemblement des Socialistes, rassemblement de la Gauche puisque des forces nous ont rejoints, rassemblement des citoyens, rassemblement des grandes personnalités de notre Parti, des anciens Premiers ministres - Laurent Fabius, Pierre Mauroy pour lequel j'ai une pensée, Lionel Jospin. Oui, tous ont voulu - avec la première Secrétaire, avec les candidats aux primaires - oui, tous ont voulu la victoire et cet esprit d'unité ! Et notre force sera également indispensable si nous franchissons les épreuves du suffrage universel pour réussir la transformation de notre pays. Rien ne nous sera épargné, après. Ne pensez pas que ce sera simple de redresser notre pays, que ce sera facile de répondre à toutes les urgences, toutes les sollicitations. Et puis nous aurons à combattre la finance, à renégocier le traité européen - vous vous rendez compte, tout ce qui nous attend ! Eh bien c'est ce même esprit d'unité, de cohésion, de cohérence, de rassemblement qui nous donnera pour l'avenir la force de réussir pour notre pays.
Nous avons dans cette campagne, c'est vrai, affronté bien des polémiques, bien des attaques, bien des dénigrements. On a voulu nous attirer dans un pugilat. Et encore maintenant ! J'entendais le candidat sortant - toujours inquiet, je le comprends ! - me proposer pour un second tour dont nous ne connaissons pas d'ailleurs les qualifiés, non plus un débat mais deux débats ! J'ai dit mais pourquoi pas un débat tous les soirs ? Et puis même un débat après le 6 mai ! Pourquoi pas ? Eh bien on aura un beau débat, un grand débat, un débat au second tour. Mais faites en sorte que le débat soit là ! Permettez-moi d'être au second tour et faites en sorte que le débat soit gagné d'avance dès le 22 avril ! (François, président ! On va gagner !)
Mes chers amis, je ne voudrais pas que les nuages viennent sur nous et nous menacent. Je compte sur votre clameur pour les retenir. Pour l'instant, le soleil est à gauche ! Pendant tous ces mois, je suis allé à la rencontre des Françaises et des Français. J'ai mesuré leurs souffrances, leurs inquiétudes, leurs espoirs aussi. J'ai entendu ces habitants des quartiers populaires qui en ont assez des discriminations de tous les jours et des relégations pour toujours. Nous devons agir pour l'égalité, l'égalité territoriale !
J'ai entendu ces femmes qui veulent l'égalité salariale dans les entreprises, qui s'inquiètent pour leur retraite inférieure à celle des hommes, qui voudraient que l'accueil de la petite enfance soit un service public. J'ai entendu ces familles monoparentales qui n'en peuvent plus. Eh bien nous devrons agir pour l'égalité femmes-hommes et pour la petite enfance !
J'ai entendu la colère des ouvriers devant leurs usines fermées ou sur le point de l'être. Ces ouvriers d'Arcelor qui ont, hélas, la vérification des promesses non tenues. Oui j'ai même rencontré à l'instant les salariés de Cofinoga qui sont confrontés eux aussi à des plans sociaux. Eh bien ces ouvriers-là, ces salariés-là doivent savoir que demain, ils seront soutenus, protégés et qu'il y aura une politique industrielle qui leur permettra d'avoir confiance dans leur avenir !
J'ai vu ces universitaires, ces chercheurs qui donnent le meilleur d'eux-mêmes pour l'élévation de la connaissance, des progrès scientifiques de notre pays et qui vivent une déconsidération dont certains tirent les conclusions en partant à l'étranger. Eh bien cette université et cette recherche doivent avoir la confiance des dirigeants et doivent être la première priorité !
J'ai vu ces enseignants qui n'acceptent pas la casse méthodique de l'école : formations supprimées, rythmes scolaires saccagés, déréglés. Eh bien nous ferons de l'école, dès la rentrée, la première exigence, le premier devoir du président de la République ! Nous rétablirons les moyens des RASED ! Nous recréerons des postes dans le primaire ! Et nous ferons la réforme de l'éducation !
J'ai rencontré ces infirmières, ces aides-soignantes, ces médecins qui tiennent à l'hôpital public. Eh bien l'hôpital public sera un service public et ne sera plus considéré comme une entreprise !
J'ai parcouru ces territoires ruraux pour qui le service public est essentiel et qui cherchent eux aussi un parapluie pour se protéger.
J'ai dialogué avec la jeunesse pleine d'énergie et si souvent maltraitée. Eh bien nous créerons les emplois d'avenir, le contrat de génération et le contrat d'autonomie pour les jeunes ! La jeunesse, c'est ma priorité ! C'est pour elle que je me suis engagé.
J'ai beaucoup appris dans cette campagne, beaucoup compris aussi. Je ne veux pas d'un pays qui se désespère. Je ne veux pas d'une génération qui se sépare d'une autre. Je ne veux pas d'un pays qui doute de son avenir. Je ne veux pas de huit millions de pauvres en France, dans la cinquième puissance économique du monde ! Je ne veux pas que les handicapés puissent penser qu'ils n'ont pas leur place dans la République. Je ne veux pas quatre millions de chômeurs. Je ne veux pas du temps partiel, des stages non rémunérés. Eh bien vous non plus ? Alors faites en sorte, faites en sorte le 22 avril puis le 6 mai, de vous battre pour convaincre tous ces citoyens qui vivent ces souffrances de venir voter et de venir voter pour le changement !
Allez les chercher ! Ne les laissez pas dériver ! Quand on est un jeune, comment peut-on donner sa voix à des idées xénophobes, démagogiques ? Comment, quand on est un ouvrier, peut-on accorder un suffrage à ceux qui le prennent ensuite pour faire la politique des patrons ? Quand on est citoyen de France, héritier de l'histoire de la République, comment peut-on se détourner de l'idéal qui a fait notre fierté ?
Merci à tous de m'avoir accompagné jusque-là ! Merci de m'avoir soutenu quels que soient le climat, les vents et les pluies ! Il nous reste trois jours. Trois jours ! Trois jours encore ! Chaque voix va compter. En démocratie, un citoyen pèse le même poids qu'un autre. Un bulletin a la même valeur qu'un autre. Et ce qui fait la différence, ce n'est pas l'argent, la fortune, la richesse ou la puissance. Ce qui fait la différence, en démocratie, c'est d'être les plus nombreux. Nous devons être les plus nombreux dimanche ! (On va gagner, on va gagner !)
Le 22 avril - dimanche - ne sera pas un jour comme les autres. Cette élection n'est pas non plus une élection comme les autres. Beaucoup se joue : pour la Gauche, pour la France et pour l'Europe.
Pour la Gauche d'abord ! (Oui !) La dernière fois - ici, beaucoup s'en souviennent -, la dernière fois que nous avons remporté une élection présidentielle, c'était il y a 24 ans - 24 ans ! - avec François Mitterrand pour son second mandat. Il serait temps, je vous le dis ici, d'en terminer avec cette exception ! Il serait temps de donner à la France un successeur à François Mitterrand ! (François, président ! François, président !) Cette élection est décisive pour la Gauche parce qu'elle doit lui permettre de diriger dans la durée. Pas simplement quelques mois et même un mandat, non ! Dans la durée, car il faudra de la constance et de la persévérance pour redresser notre pays.
Cette élection est exceptionnelle aussi pour la France. Chaque fois que la Gauche arrive au pouvoir - ce n'est pas une malédiction, c'est en définitive un honneur qui nous est fait -, chaque fois que la Gauche arrive au pouvoir, c'est que le pays connaît des difficultés et qu'il est plongé dans la crise. C'était vrai déjà entre les deux guerres, au moment du Front populaire. C'était vrai après la guerre, quand les Résistants se sont coalisés pour redresser le pays. Et je pense ici à une grande figure qui vient de disparaître, Raymond Aubrac, qui nous a rappelé la dignité qui s'attache au combat de ces hommes ou de ces femmes qui ont donné parfois leur vie pour nos libertés et qui n'ont jamais rien cédé après ! Je l'avais rencontré. Il m'avait dit il y a trois semaines : « Faites en sorte d'appliquer encore le programme du Conseil national de la Résistance ». Oui, c'était vrai aussi en 1981 quand François Mitterrand est devenu président. L'inflation était à 14 %, le chômage avait dépassé plusieurs centaines de milliers de personnes, la crise était là, l'appareil productif était délabré. Et c'est la Gauche qui a redressé la France, encore !
En 1997, après une dissolution, c'est Lionel Jospin qui a permis, avec son gouvernement, de qualifier la France et de lui permettre de rejoindre la monnaie unique et la zone euro parce que les autres avaient échoué. Eh bien, c'est encore la même épreuve qui nous attend en 2012. C'est à nous, à nous la Gauche, de redresser la France, redresser ses finances, redresser son économie, redresser sa production. C'est à la Gauche de remettre la société française sur le chemin du progrès. C'est à la Gauche de montrer qu'il y a une autre voie que l'austérité, celle de la croissance, qu'il y a une autre façon de diriger un pays que de le soumettre au tout argent, au tout marché au tout privé !
Voilà, c'est notre destin ! Soyez-en fiers, hommes et femmes de Gauche ou ceux qui nous rejoignent ! puisque j'ai su que d'autres nous rejoignaient. Certains étaient partis, ils sont revenus, expérience faite... Mais ne les blâmez pas, ils sont revenus - pas tous, heureusement ! Et puis, il y en a d'autres qui nous arrivent et qui n'étaient pas de gauche. Acceptez-les ! Parce que s'il n'y avait que des électeurs de gauche, ceux qui ont voté pour Ségolène Royal en 2007, qui revenaient voter pour nous en 2012, faites vos calculs : cela ne suffirait pas. Il faudra bien qu'il y ait des électeurs de Nicolas Sarkozy de 2007 - ils ne diront pas qu'ils l'ont fait, mais ils l'auront fait quand même - qui viennent voter pour nous en 2012. Nous les accepterons ! Ils seront les bienvenus ! Nous avons besoin de tous les concours. Parce que pour redresser la France, il faudra la rassembler. Il n'y a pas deux France. Il n'y a pas la France éternelle et la France venue plus récemment dans notre pays. Il y a la France capable de se réconcilier avec elle-même et de se donner un idéal qui nous dépasse, de porter une grande cause, une grande espérance. Il n'y a pas deux France qui s'affrontent, y compris à l'occasion d'une élection. Il y a une France qui, au lendemain de l'élection, devra avoir suffisamment de force et d'énergie pour assumer son destin.
Le rôle du président de la République, c'est bien sûr de rester lui-même ! et je suis un socialiste, un homme de gauche profondément attaché aux valeurs de la République ! et en même temps d'être capable de parler à ceux qui n'auront pas voté pour nous ! et qui peut-être le regretteront ! ! pour les faire participer à l'élan national et à l'effort que nous allons engager.
L'enjeu, c'est l'avenir de la France. C'est aussi de faire de nouvelles conquêtes. Conquêtes de droits sociaux, présence des salariés dans les conseils d'administration des entreprises. Conquêtes également éducatives, pour permettre que beaucoup plus d'enfants d'ouvriers, d'employés, de paysans puissent accéder à l'université, que même les enfants des quartiers puissent aller dans les grandes écoles. Oui, conquêtes aussi de partage des profits pour que les revenus du travail et les revenus du capital soient imposés de la même manière et que quand il y a de la croissance, elle soit répartie justement. Conquêtes aussi de droits nouveaux, parce qu'à chaque fois que la Gauche arrive aux responsabilités du pays, elle fait avancer la belle idée de la liberté et de l'égalité.
Une fois encore, nous le ferons avec le droit de vote des étrangers aux élections locales, avec le droit pour tous les couples qui s'aiment de se marier et avec le droit aussi, dans certaines conditions, de pouvoir terminer sa vie dans la dignité. Je sais bien les résistances, là encore, les peurs et les fantasmes que certains veulent soulever. Mais je sais aussi, comme cela a été le cas avec le PACS, comme cela a été le cas avec la parité, que ces nouveaux droits, une fois qu'ils auront été adoptés, apparaîtront comme naturels. On se demandera même comment ils ont pu mettre si longtemps à s'imposer ! Et même ceux qui les auront combattus en seront demain les défenseurs les plus acharnés. Ainsi en a été pour notre pays, de voir des avancées au départ contestées et ensuite partagées. Ce fut le cas pour l'abolition de la peine de mort, aujourd'hui reconnue comme un principe qui s'impose dans toutes les conventions internationales, même s'il n'est pas appliqué, hélas, partout.
Cette élection sera décisive pour la France et décisive pour l'Europe. Jamais un scrutin dans notre pays n'aura autant pesé dans l'avenir du continent européen. Beaucoup au-delà de nos frontières nous regardent, nous observent, nous attendent, nous espèrent, se disant : « Que vont faire les Français ? Est-ce qu'ils vont continuer et nous imposer l'austérité, ou est-ce qu'ils vont changer ici pour changer en Europe ? ». C'est votre responsabilité ! C'est votre devoir. Vous êtes attendus. Les progressistes partout en Europe disent : « Pourvu que la Gauche passe en France ». Alors, il faut le faire ! Il faut le faire pour vous, il faut le faire pour la France, il faut le faire pour l'Europe!
J'ai même reçu quelques confidences ! je ne les trahirai pas ! de gouvernements conservateurs qui se disent : « Si seulement la Gauche pouvait passer ! ». Parce que ces gouvernements-là savent bien que si l'austérité continue de s'imposer partout en Europe, ces pays, ces Etats ne pourront pas se désendetter et réduire leurs déficits. Sans croissance, il n'y aura pas de maîtrise de la dette. Et sans maîtrise de la dette, il n'y aura pas de croissance. Alors il faut agir, et agir vite ! C'est pourquoi j'ai prévenu : si je suis le prochain président de la République, le traité budgétaire sera renégocié et nous y ajouterons la dimension de croissance qui lui manque. Nous demanderons à l'Europe, aussi, de lutter contre la spéculation, de se protéger de la finance. Parce que si on a fait l'Europe ! et c'est quand même une des plus belles aventures humaines qui soient -, ce n'est pas simplement pour faire un marché, pour permettre que les marchandises circulent, que les capitaux voyagent. Non, nous avons voulu une monnaie unique pour maîtriser notre destin, harmoniser notre fiscalité, harmoniser les droits sociaux, permettre les normes environnementales. Et nous ne pouvons pas accepter qu'il puisse y avoir dans l'Europe, celle que nous aimons, des produits spéculatifs qui mettent en danger les Etats. Ces produits doivent être purement et simplement interdits en Europe !
Voilà mon message ici, à Cenon. Je remercie le Maire de nous avoir accueillis dans cet endroit exceptionnel. J'ai peine à vous quitter. Mais j'ai encore à faire demain ! Et nous avons tant à faire dimanche !
Le temps s'est remis au beau. Mais je veux protéger votre santé ! J'ai besoin de vous ! Je ne vous demande pas de m'aider, je laisse cela à d'autres ! Je vous demande d'aider la France, d'aimer la France, de lui permettre de reprendre confiance en elle et de choisir son destin. Voilà ma mission. Voilà votre responsabilité historique. Faire en sorte que nous puissions permettre le changement. Souvent, et je termine souvent mes propos ainsi car à chaque fois j'en suis saisi, partout où je vais, on me dit : « Courage ! ». Je m'en défends et je dis : « Mais, je n'en manque pas ! J'en suis chargé, de courage, par tout l'accueil, tout ce que vous me donnez, toute l'énergie que vous me confiez ! ». Après, les mêmes ou d'autres me disent : « Tenez bon ». Je me suis longtemps interrogé sur cette phrase, en me disant : « Qu'est-ce qu'ils craignent ? ». J'ai réfléchi. Oui, il y a toujours le doute chez nous que quelque chose vienne contrarier la marche, nous empêcher d'arriver, qu'une épreuve surgisse. Nous en avons connues, dramatiques. Elles viennent rendre confuse l'élection. C'est un risque. Nous ne sommes pas seuls dans ce scrutin. Nous savons bien les forces qui sont contre nous ! elles sont puissantes. Et je vous l'ai dit, ils ne lâcheront rien. Donc, préparez-vous à tout. La meilleure façon d'y parvenir, c'est de faire que dimanche, ce soit fait. Tenez bon ! Mais cela ne s'adresse pas à moi, cela s'adresse à vous ! Tenez bon ! Enfin, j'entends la clameur dans toutes les réunions, et même après, me dire : « Alors maintenant, il faut aller jusqu'au bout ! ». Mais on va aller jusqu'au bout ! En vous disant ceci : le bout, ce n'est pas seulement le 22 avril ; le bout, ce n'est pas seulement le 6 mai. Le bout, nous ne le verrons jamais : c'est le combat humain, c'est la grande bataille, c'est l'idéal que nous portons. Il n'est jamais achevé. Nous devons toujours être sur le chemin. Et après nous, d'autres se lèveront et se rappelleront, comme je l'ai fait à cette tribune, de notre combat. Ils diront que si en 2012 nous avons été capables de le faire, alors bien plus tard, ils le feront aussi.
Mesdames, Messieurs, chers amis, voulez-vous l'alternance ? (Oui !) Alors c'est maintenant ! Voulez-vous le changement ? (Oui !) Alors c'est tout de suite ! Voulez-vous la victoire ? (Oui !) Alors c'est dimanche !
Source http://francoishollande.fr, le 25 avril 2012