Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'amélioration des perspectives économiques mondiales avec néanmoins une croissance économique prévisible faible et sur le rôle du FMI dans ce contexte de crise internationale, Washington le 21 avril 2012.

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Circonstance : 25ème réunion du COmité monétaire et financeir international à Washington, le 21 avril 2012

Texte intégral

Les perspectives économiques mondiales se sont améliorées depuis le début de l’année, notamment grâce aux importantes mesures économiques prises par l’Europe depuis l’automne dernier ; néanmoins, les risques n’ont pas complètement disparu.
Au cours des derniers mois, l’économie mondiale est sortie de la situation inquiétante dans laquelle elle se trouvait à la fin de l’année dernière.
Les perspectives de croissance se sont légèrement améliorées depuis le mois de janvier, le FMI prévoyant désormais une hausse de 3,5 % de la production mondiale en 2012 et de 4,1 % en 2013. Ces chiffres sont inférieurs à ceux que nous attendions lors de notre dernière réunion en septembre mais ils sont plus élevés que ce que nous redoutions cet hiver. Ils reflètent des prévisions de croissance plus fortes dans la plupart des pays avancés et émergents, y compris dans les principales économies de l’Union européenne comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la France. Des zones telles que l’Europe centrale et orientale ou le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont même vu leurs prévisions de croissance relevées de près d’un point de pourcentage depuis le mois de janvier.
Parallèlement, les tensions sur les marchés européens des obligations souveraines, bien que toujours présentes, se sont quelque peu atténuées, après les écarts de taux très élevés atteints sur la dette souveraine en novembre dernier. Nous devons bien sûr rester vigilants et nous préparer à toute nouvelle détérioration. Plus généralement, l’accès à la liquidité s’est amélioré, particulièrement en Europe, améliorant ainsi la situation des marchés bancaires.
Cette évolution positive résulte en grande partie des importantes mesures de politique économique prises depuis l’automne dernier, en particulier en Europe.
Dans la zone euro, plusieurs mesures essentielles ont été prises pour enrayer la crise. Les « pare-feu » de la zone – le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES) – ont été renforcés ; les capacités financières totales mises en place par l’Europe pour résoudre la crise dépasseront 1 000 milliards de dollars lorsque le MES entrera en vigueur. Au cours de ces derniers mois, les deux opérations de refinancement à long terme (LTRO) menées successivement par la Banque centrale européenne ont elles aussi fortement contribué à alléger les tensions sur les marchés financiers européens. Parallèlement, des réformes structurelles et des programmes d’assainissement des finances publiques ambitieux ont été adoptés dans plusieurs États membres et sont actuellement en cours de mise en oeuvre. La France, pour sa part, a également pris plusieurs nouvelles mesures destinées à stimuler la compétitivité et l’emploi, tout en maintenant ses objectifs de consolidation budgétaire. Enfin, la gouvernance budgétaire de la zone euro a été renforcée, avec la signature par les chefs d’État et de gouvernement du « pacte budgétaire ». Ce traité vient consacrer en Europe la « règle d’or » budgétaire, principe que la France défend de longue date.
Cependant, la situation reste fragile et les risques n’ont pas disparu.
Les perspectives de croissance demeurent relativement faibles, une très faible expansion voire une contraction de l’activité étant attendue dans plusieurs économies avancées cette année. La situation budgétaire de plusieurs grands pays développés demeure un sujet de préoccupation. De même, il conviendrait d’éviter que l’expansion du crédit dans certaines économies émergentes ne s’interrompe trop brutalement ; il est important d’agir pour assurer un atterrissage en douceur. Enfin, un nouveau risque a fait son apparition, celui d’une possible hausse importante du prix du pétrole, liée aux inquiétudes en matière d’approvisionnement. Nous devons tous être prêts à répondre à ce défi, qui souligne l’importance des travaux menés par le G20 sur la volatilité du prix des matières premières.
Il est donc encore nécessaire d’agir sur plusieurs fronts, afin d’assurer une consolidation budgétaire compatible avec la croissance dans les économies avancées, la poursuite du rééquilibrage de la croissance mondiale et une forte coordination des politiques économiques au niveau mondial.
La légère amélioration de la situation économique et financière, qui offre un moment de répit, doit être mise à profit pour conduire les réformes nécessaires et non nous inciter à relâcher nos efforts.
Parmi ces réformes, la consolidation budgétaire à moyen terme doit se poursuivre dans les économies avancées, non seulement en Europe mais aussi aux États-Unis et au Japon. Elle doit toutefois être le plus favorable possible à la croissance, et les pays qui disposent encore de marges de manoeuvre budgétaire doivent laisser jouer pleinement les stabilisateurs automatiques.
Les réformes structurelles sont également nécessaires. Pour améliorer les perspectives de croissance de long-terme, il est essentiel de préserver et d’augmenter notre croissance potentielle ; sans croissance, il n’y aura pas d’issue à la crise actuelle. Dans certains États, ces réformes structurelles constituent la principale option disponible pour favoriser la croissance à court terme.
Il est également nécessaire de poursuivre le rééquilibrage de la croissance mondiale, dont le rythme va vraisemblablement ralentir dans les années à venir : les pays avancés et émergents qui enregistrent actuellement des excédents de leur balance courante devraient stimuler leur demande intérieure et ceux connaissant des déficits s’efforcer d’accroître leur taux d’épargne intérieur.
Par ailleurs, la poursuite des interventions du FMI dans tous ses États membres dont la situation le nécessite est également essentielle pour permettre un retour à un environnement économique stable.
Enfin, la coordination et le dialogue international en matière de politique économique doivent se poursuivre et être approfondis. C’est pour cette raison que nous nous réunissons aujourd’hui et que le Cadre du G-20 pour une croissance forte, durable et équilibrée doit continuer de servir de lieu où concevoir, mettre en oeuvre et suivre les politiques économiques au niveau mondial.
Afin d’aider ses États membres à faire face aux difficultés actuelles, le FMI doit rester un acteur de premier plan de l’économie mondiale
En 2011, la présidence française du G20 s’est efforcée de mettre en avant le rôle central du FMI dans le système monétaire international. Je souhaite que la dynamique que nous avons tâché de créer perdure dans les années à venir.
Afin de surmonter les conséquences déstabilisantes de la crise pour les soldes extérieurs, l’activité de prêt du Fonds s’est accrue de manière considérable au cours de ces dernières années. Pour venir en aide à ses membres, le FMI a accru le montant total de ses engagements de prêts de 144 milliards de DTS en juillet 2010 à 202 milliards de DTS aujourd’hui. Cette hausse reflète à la fois les nouveaux programmes d’aide et l’augmentation des prêts de précaution accordés dans le cadre de nouveaux instruments, la Ligne de crédit modulable (LCM) et la Ligne de crédit de précaution (LCP). Ces chiffres illustrent les difficultés auxquelles est confrontée l’économie mondiale mais aussi la réactivité et l’engagement du FMI à apporter son appui à tous ses membres.
Il nous appartient de veiller à ce que l’action du FMI continue de bénéficier à tous ses membres. C’est pourquoi il est essentiel de continuer à adapter les instruments et les ressources du Fonds aux enjeux de l’économie mondiale.
De nombreux progrès ont été réalisés au cours de ces dernières années pour permettre au FMI de répondre aux différents besoins de ses membres. De nouveaux instruments ont été créés pour accroître le rôle de l’institution dans la prévention des crises et la réduction des risques. En 2011, nous avons notamment créé la Ligne de précaution et de liquidité (LPL), qui vise à renforcer les filets de sécurité financière mondiaux, après la Ligne de crédit modulable en 2009 et la Ligne de crédit de précaution en 2010. L’adaptation des outils du FMI était nécessaire pour lutter contre la crise et prévenir toute contagion. La panoplie des instruments du Fonds a aussi été élargie par la création de la Facilité de crédit rapide (FCR), qui permet d’apporter une aide d’urgence aux États dans de nombreuses situations : chocs sur le prix des produits de base, catastrophes naturelles, périodes post-conflit, situations d’urgence résultant de fragilités structurelles. Nous devons continuer de veiller à ce que les instruments du Fonds restent adaptés et à les faire évoluer en fonction de nos besoins à tous.
Le FMI doit être doté de ressources supplémentaires pour continuer à jouer son rôle et prévenir l’émergence de nouveaux risques.
Notre intérêt commun est maintenant clair. Nous devons être à même de garantir que les ressources financières disponibles au niveau mondial soient suffisantes, non seulement pour résoudre la crise mais aussi pour assurer la stabilité économique mondiale.
Nous avons adopté des mesures importantes depuis la décision prise en 2009 de tripler la capacité de prêt du FMI. Depuis plus d’un an, nous sommes parvenus à maintenir la capacité d’intervention du Fonds, en particulier en veillant à ce que les Nouveaux Accords d’emprunt soient pleinement activés. Au niveau régional, les pays de la zone euro ont conçu un plan global démontrant leur détermination à apporter toutes leurs ressources et leurs capacités institutionnelles pour rétablir la confiance et la stabilité financière et assurer le bon fonctionnement des marchés monétaires et financiers. À Copenhague en mars, nous avons décidé d’accroître de manière substantielle le montant des pare-feu européens, qui constituent une contribution essentielle à cette stratégie globale.
Néanmoins, dans le monde interconnecté actuel, aucune économie ne sera épargnée si les risques s’intensifient et que des scénarios négatifs se concrétisent. Stopper toute contagion et assurer la stabilité économique mondiale en dotant le FMI des ressources nécessaires pour remplir son rôle systémique doit rester notre priorité. En cette période critique pour l’économie mondiale, il nous appartient à tous de faire en sorte que le FMI dispose de ressources supplémentaires substantielles, au bénéfice de tous ses membres, afin que ceux-ci puissent affronter des risques de ralentissement dans un avenir proche. Le FMI a annoncé un besoin d’augmentation de ses ressources de plus de 400 milliards de dollars et nous saluons les offres de contribution faites jusqu’à présent, qui viennent compléter l’engagement de 200 milliards de dollars déjà annoncé par les États membres de la zone euro. Nous devons réaffirmer notre engagement, dans un esprit de solidarité et de compromis communs, à assurer au FMI la capacité de résoudre la crise actuelle et de garantir la stabilité mondiale à long terme.
Il est également nécessaire de veiller à ce que tous les membres du Fonds aient accès à l’aide de ce dernier : le FMI ne doit pas être un instrument utile aux seules économies émergentes ou avancées. Nous devons donc veiller à ce que la capacité du Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) reste suffisante, afin d’offrir une aide aux pays à faible revenu. La France a déjà donné son accord pour le transfert de sa part des 0,7 milliards de DTS issus des surprofits des ventes d’or. Faire en sorte que le FRPC devienne un instrument autofinancé devrait rester une priorité, afin d’assurer que le FMI continue d’apporter son aide aux pays à faible revenu. J’attends avec intérêt les débats à venir sur ce sujet, qui doivent avoir lieu dans le courant de cette année.
La capacité d’adaptation du Fonds s’est avérée d’une importance cruciale pour aider les pays à faible revenu à surmonter les effets de la récession mondiale. L’action du FMI dans les pays à faible doit être poursuivie ; elle revêt la forme de conseils, d’une assistance technique et d’un soutien financier. Je me réjouis du maintien, pendant une année supplémentaire, du taux d’intérêt de 0 % sur les prêts accordés dans le cadre du Fonds fiduciaire RPC, qui offre une marge de manoeuvre à ces pays, dans un contexte économique encore incertain. Le prochain examen des instruments de prêt du FMI en faveur des pays à faible revenu sera également déterminant et devra être global.
Une réforme de la surveillance du FMI est indispensable afin de renforcer la crédibilité et la légitimité des recommandations du Fonds, ainsi que son impact sur les décideurs.
La surveillance bilatérale, régionale et mondiale est une composante clé de la mission du FMI et doit permettre à ce dernier de veiller à la stabilité du système monétaire international. La crise a déjà permis de tirer des enseignements en ce sens. La surveillance du Fonds a été modernisée par la création des rapports consacrés aux « effets de débordement », qui ont été réalisés sur les économies d’importance systémique. La surveillance du secteur financier a été renforcée. Des avancées importantes ont également été réalisées pour informer les membres du CMFI des risques systémiques du moment, à travers l’Exercice d’alerte précoce.
Il nous appartient désormais de consolider ces progrès et de permettre de nouvelles améliorations. Il est important de replacer la surveillance du FMI sur des bases juridiques solides reflétant davantage que l’objectif du Fonds doit être la stabilité financière et économique mondiale. Le cadre juridique de la surveillance bilatérale, tout en conservant l’accent mis aujourd’hui sur les politiques de change, doit mieux prendre en compte les politiques internes pertinentes ; le cadre actuel de la surveillance multilatérale peut, au mieux, être qualifié d’incomplet ; et il n’existe qu’une faible articulation entre ces deux cadres. Par ailleurs, le FMI compte sur la coopération volontaire de ses membres pour élaborer les rapports sur les « effets de débordement ». Pour une institution comme le FMI, qui est fondée sur des normes, cet état de fait pose problème et risque, à terme, de nuire à la crédibilité et à la légitimité de la surveillance. Je soutiens donc pleinement les efforts déployés en vue de l’adoption d’une nouvelle décision intégrée sur la surveillance, qui devra être à la fois ambitieuse et consensuelle et prévoir un traitement plus équilibré des différentes politiques économiques. J’attends avec intérêt les prochaines étapes qui conduiront à l’adoption de cette décision.
Toutefois, un renforcement ambitieux de la surveillance du FMI n’aurait pas de sens si dans le même temps nous ne faisions pas en sorte d’accroître l’influence des recommandations du Fonds. Le CMFI a un rôle clef à jouer pour une supervision efficace de l’action du FMI par les ministres, et c’est à son niveau que les recommandations de politique économique peuvent être abordées. Le Comité pourrait notamment adopter chaque année la Déclaration sur les axes prioritaires de la surveillance. L’obligation du FMI de rendre compte de son action à ses États membres pourrait également être renforcée par un examen annuel des résultats de la surveillance du Fonds, au regard de cette Déclaration.
Il est nécessaire non seulement de communiquer plus d’informations au CMFI mais aussi de doter celui-ci d’un pouvoir de décision. Je suis favorable à ce qu’un rôle prépondérant soit attribué au CMFI dans la supervision stratégique des activités du FMI.
Conclusion
Afin de remplir ses missions dans de bonnes conditions, le FMI doit conserver sa légitimité aux yeux de ses membres. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de mettre en oeuvre rapidement la réforme des quotes-parts et de la gouvernance décidée en 2010, qui rééquilibrera la gouvernance du FMI au vu de l’émergence de nouvelles puissances économiques mondiales.
L’accord conclu en 2010 sur la gouvernance et les quotes-parts du fonds a constitué une étape décisive dans notre volonté commune d’adapter le FMI aux réalités d’une économie mondialisée et en pleine évolution. La ratification de ce texte doit être notre priorité à tous, conformément à l’accord que nous avons trouvé l’an dernier. La France, pour sa part, a désormais ratifié l’ensemble des volets de cette réforme.
Source http://www.imf.org, le 23 avril 2012