Interview de M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, à RTL le 22 mai 2012, sur le recrutement d'enseignants pour la rentrée 2012 et la concertation engagée sur le rythme scolaire.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE Vous avez évoqué hier, lors d'un déplacement dans une école primaire, la mise en place d'un plan d'urgence, la formule est de vous, Vincent PEILLON, pour la prochaine rentrée scolaire, un plan d'urgence dans le primaire notamment, ça va si mal que ça dans l'Education nationale aujourd'hui ?
 
VINCENT PEILLON Oui, les 14.000 suppressions de postes qui sont prévues pour cette rentrée – c'est l'héritage, la dette éducative que nous laisse la droite – créent une situation extrêmement tendue, les parents le savent, on ne peut pas assurer les remplacements, les élèves handicapés qu'on a accueillis dans l'école ne sont plus aujourd'hui accompagnés comme ils devaient l'être, les jeunes professeurs qui vont être nommés ne sont pas formés, et on ne peut pas trouver quelques heures de décharge. Donc il y a beaucoup de difficultés, beaucoup de tensions, ces fameux réseaux d'aide en difficulté, j'étais hier dans une école de Seine-et-Marne dans une grande section maternelle où il y avait un enfant en difficulté, la maîtresse et la directrice d'ailleurs, des trésors de dévouement, me disaient : là, on a un problème parce que cet enfant-là, et on le voyait, perturbait la classe, il courait partout, etc., on n'a personne pour l'accompagner, puisque les réseaux RASED, les réseaux d'aide en difficulté, ont été supprimés. On ne peut pas tout faire, il ne faut pas laisser croire qu'on va tout faire, il faut essayer d'améliorer, essayer d'améliorer à la rentrée ce qui peut être amélioré, c'est l'idée du président de la République, il avait pris un engagement sur un plan d'urgence avec la création…
 
JEAN-MICHEL APHATIE De 1.000 enseignants, c'est ça ?
 
VINCENT PEILLON 1.000 postes pour le…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Le primaire…
 
VINCENT PEILLON Le primaire, 2.000 assistants d'éducation, sans doute un certain nombre de postes pour ce qui concerne les enfants handicapés, l'accompagnement, et puis, une préoccupation qui est la sienne depuis le début, ça avait été la première visite du président de la République en Seine-Saint-Denis durant la campagne, ces établissements dans lesquels il y a beaucoup de violence scolaire, des accidents répétés, et la nécessité de remettre un climat de sérénité et de confiance, et donc la création d'un nouveau corps, il ne pourra sans doute pas être sur le terrain dès septembre, mais nous l'espérons, dès novembre, il faut aussi former les personnels de telle sorte qu'ils assurent bien leur mission.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Au total, d'ici à la fin de l'année, vous prévoyez de recruter combien de personnes, alors ?
 
VINCENT PEILLON Ce qu'on va discuter en même temps, c'est quelque chose de beaucoup plus ambitieux, c'est sur cette fameuse loi de programmation sur les…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Non, mais d'ici à la fin de l'année, pour la rentrée 2012…
 
VINCENT PEILLON J'ai bien compris votre question, je pense quelques milliers, considérant…
 
JEAN-MICHEL APHATIE … 4-5.000 ?
 
VINCENT PEILLON On a annoncé 4.000, si vous considérez les assistants d'éducation, les personnels auxiliaires de vie scolaire qui accompagnent les enfants handicapés, le nouveau corps, et les enseignants du primaire. Mais je pense, et nous regardons très attentivement, avec tous ceux qui connaissent ces questions, elles sont délicates, mais une administration de l'Education nationale à laquelle je rends hommage, très mobilisée depuis quelques jours, avec l'ensemble des organisations syndicales, il y a aussi des tensions fortes dans les collèges et dans les lycées, et là aussi, il faut voir ce que l'on peut faire.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et pourtant, le budget total de l'Education nationale, c'est 60 milliards d'euros, et à vous écouter, il y a des besoins partout, il y a des problèmes partout, quelquefois, on se demande quand même, combien d'argent il faudrait pour faire face aux besoins de l'Education en France.
 
VINCENT PEILLON Vous savez, par exemple, sur le problème qu'on évoquait, là, le primaire, si vous regardez l'ensemble des pays développés, l'OCDE, nous avons le plus bas taux d'encadrement, c'est-à-dire le nombre de professeurs par élève de tous ces pays, c'est un professeur pour vingt élèves, généralement, c'est quinze. Donc il ne faut pas répéter sans cesse : on ne peut pas dire, on veut une économie de la connaissance, l'Europe, on pense que c'est le savoir, la qualification qui va faire la croissance de demain, et en même temps, investir moins dans son école. C'est un investissement, ça n'est pas un coût.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et comment concilier ces besoins avec la rigueur budgétaire qui s'annonce et les difficultés importantes qui sont devant nous, on nous dit : la croissance sera moins importante que prévu, les déficits seront plus importants que prévu, comment vous allez avoir toutes ces satisfactions de postes s'il n'y a pas d'argent ?
 
VINCENT PEILLON D'abord, il faut faire des choix politiques, vous voyez bien, et on l'a vu les dernières années que des choix politiques ont été faits, on a préféré, par exemple, si on prend les 60.000 postes, cela va coûter au budget de l'Etat entre 1,9 milliard et un peu plus de deux milliards, selon la nature des recrutements, le degré de qualification, c'est exactement le cadeau fiscal qui avait été fait avec l'impôt de solidarité sur la fortune. Donc il y a des choix à faire, mais c'est tout le débat que vous avez là, et on l'a vu encore hier sur la réorientation de la construction européenne, ou, plus globalement, la relance de l'économie mondiale, c'est que, bien entendu, il faut être économe des deniers de l'Etat, et la dette publique, elle pèse aussi sur les générations à venir, donc sur la jeunesse, qui est la priorité de François HOLLANDE. Mais en même temps, pour se sortir, il faut être capable de faire de la croissance, et là, la connaissance, la formation, c'est un des grands leviers de la compétitivité et de la croissance.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Ces 1.000 enseignants que vous allez embaucher pour la rentrée, ce sont des titulaires que vous mettrez là où il y a le plus de besoins ou des remplaçants ?
 
VINCENT PEILLON Non, ce sont des titulaires que nous allons d'ailleurs essayer de former un peu, c'était une des équations les plus complexes que nous avons à traiter dans l'été, ce sont… vous savez, aujourd'hui, et vous l'avez d'ailleurs, les uns et les autres, relayé, on assiste à des choses quand même étranges, on recrute les professeurs par petites annonces, il y a Pôle Emploi, mais il y a aussi des sites Internet qui ont recruté des professeurs. Nous, nous allons allonger de 1.000 les listes de recrutement, nous allons former ces professeurs, et ce seront des professeurs titulaires. Il y a d'ailleurs globalement, et c'est une réflexion pour nous tous, vous parlez du gâchis de l'argent public, aujourd'hui, ceux qui s'occupent des enfants handicapés, c'est trois ans plus trois ans, six ans, après, ils vont dehors. Donc on a formé des gens pendant six ans, et ce sont des situations individuelles et collectives qui sont compliquées, et après, on les met à la rue. Là aussi, quand on fait ça, on gâche de l'argent public. Et parfois, la résorption de la précarité, ça peut être de l'argent bien géré, c'est aussi un des sujets qu'on a devant nous.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Pour la rentrée 2013, Vincent PEILLON, vous avez dit ceci jeudi dernier : nous reviendrons dans le primaire à la semaine des cinq jours, ce ne sera pas facile, mais nous le ferons. Donc c'est un engagement ?
 
VINCENT PEILLON Ça a été un engagement du président de la République, je le réitère, dans ce qu'a fait le gouvernement précédent et mon prédécesseur, Luc CHATEL, le mieux, c'était la très longue consultation sur les rythmes scolaires, il semble que certains ont oublié qu'elle vient d'avoir lieu. Elle a amené à un consensus, parce que…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Pas besoin de la refaire ?
 
VINCENT PEILLON Il y a une concertation qui est annoncée, je suis en concertation depuis le mois de novembre, à la demande du président de la République, c'est une méthode qui n'a jamais été employée…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Avant de prendre vos fonctions donc…
 
VINCENT PEILLON Absolument. Et nous continuerons, juste après les législatives, il y aura au ministère une très grande concertation, mais pour que les gens y comprennent quelque chose, vous me laissez une seconde, il y a une particularité française…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Allez-y…
 
VINCENT PEILLON Nos élèves travaillent 140 jours par an, la moyenne européenne, c'est 180, nous avons volé les enfants de quarante jours d'apprentissage, et nous passons notre vie à dire : le système ne va pas, on accumule des "réformites" sur des "réformites", des petites choses, mais les vrais sujets, nous ne les traitons pas, ils ont 140 jours, et ça veut dire qu'ils ont des journées très chargées, six heures plus en plus maintenant l'aide individualisée. Même l'Académie de médecine a dit : c'est incroyable, au-delà de quatre heures trente, un élève de CP ou de CE1 ne peut pas enregistrer – donc il faut poser – et apprendre. Il faut poser ce problème, il faut essayer de le résoudre. Au lieu d'améliorer les choses, qui n'étaient déjà pas très bonnes, on les a empirées il y a deux, trois ans. Qui défend la semaine de quatre jours ? Personne. Il y a un consensus pour en sortir. Alors, nous allons le faire en concertant les uns et les autres, on a commencé, il y a eu la plus longue concertation, on va continuer. Mais l'intérêt général, la décision, l'intérêt des élèves, la refondation du système français, c'est déterminant. La mission que m'a confiée le président de la République, c'est de faire que le niveau de nos élèves s'améliore, que notre jeunesse ait une chance, il faut aussi que les adultes prennent leurs responsabilités.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Donc semaine de cinq jours plutôt le mercredi matin que le samedi matin, pour préserver par exemple la vie de famille, les parents divorcés, etc. ?
 
VINCENT PEILLON Bien sûr, dans la plupart du temps, mais on ne peut pas demander à la fois la concertation…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Plutôt le mercredi matin…
 
VINCENT PEILLON Ce que préfèrent ceux qui aiment les élèves et veulent leur réussite, c'est le mercredi matin, et ce serait le plus juste. Après, il y a les collectivités locales…
 
JEAN-MICHEL APHATIE Les vacances, les grandes vacances…
 
VINCENT PEILLON Il y a des choix à faire sur le terrain.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Des grandes vacances raccourcies ?
 
VINCENT PEILLON Ça fera partie de la discussion, mais il n'y a pas assez de jours de classe par an pour les élèves de France, ils sont pénalisés, et comme ils sont l'avenir de la France, c'est la France qui est pénalisée.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Donc moins de grandes vacances. Le bac dans un mois, tout est prêt ? Ça va bien fonctionner ?
 
VINCENT PEILLON Ah, ça va bien fonctionner, j'ai rencontré hier ceux qui ont la dure tâche de gérer ce bac, c'est une belle épreuve, normalement, tout est préparé, et je souhaite la meilleure réussite à tous ceux qui s'y présentent.
 Source : Service d'Information du Gouvernement, le 22 mai 2012