Interview de M. Benoît Hamon, ministre délégué à l'économie sociale et solidaire, à "France Info" le 22 mai 2012, sur ses attributions ministérielles.

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN Ministre délégué chargé de l’Economie sociale et solidaire. Que recouvre exactement votre ministère ? C’est vous le ministre du vrai travail ?

BENOIT HAMON Si Nicolas SARKOZY me faisait ce compliment là, j’en serais ravi, mais je ne pense pas qu’on ait la même définition du vrai travail. L’économie sociale et solidaire c’est le champ de toutes ces entreprises aujourd’hui qui ont, ou une finalité sociale, ou des statuts qui les amènent à avoir une gouvernance démocratique, un système de répartition de la richesse qui est totalement différent d’une société classique, mais en tout cas - pour faire vite – c’est ce que les Français connaissent à travers leur mutuelle, ce sont les associations, ce sont les coopératives, à peu près 13% des emplois en France, 10% de la richesse créée en France et un secteur qui est extrêmement dynamique et pour lequel nous voulons avoir une vraie stratégie de croissance.

RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est le contraire de l’économie de marché ?

BENOIT HAMON Non ! Ce n’est pas le contraire, parce que beaucoup d’entreprises de l’économie sociale et solidaire interviennent dans l’économie de marché dans le secteur concurrentiel avec de vrais succès. Cela étant dit, on concilie dans l’économie sociale et solidaire deux notions - qu’on a tendance à opposer aujourd’hui - dans le débat européen notamment, la performance économique parfois et l’utilité sociale, on peut être aujourd’hui parfaitement capable d’être dans le secteur concurrentiel et, en même temps, utile socialement, se préoccuper de l’intérêt général. Mais au-delà de ça, ce sont aussi des associations qui n’ont aucun but lucratif, qui rendent un service, qui créent de l’emploi et le programme « Emplois d’avenir » qui a été voulu par le président de la République sera l’un des programme qui permettra de doper ce secteur-là, de lui donner les moyens d’agir, de mieux rendre un service aux Français, mais en même temps de mettre le pied à l’étrier à des jeunes qui ont besoin d’emploi.

RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous le disiez ça recouvre plein de secteurs différents (les associations, les mutuelles), il y a d’autres ministres qui sont chargés, et des associations, et des mutuelles, comment vous allez travailler avec vos collègues ? Ca va être un peu compliqué j’ai l’impression, ça recouvre, quand même, plein de ministères votre secteur ?

BENOIT HAMON Eh bien ça nécessite de travailler et de coopérer ! Eh bien il y a…

RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est un vrai ministère à part entière ministère…

BENOIT HAMON C’est le cas…

RAPHAËLLE DUCHEMIN Votre ministère ?

BENOIT HAMON Enfin c’est un ministère à part entière, qui sera... dont les compétences seront confirmées par le décret d’attribution qui me sera donné, mais qui a évidemment vocation à travailler avec les autres : avec Arnaud MONTEBOURG, sur les conditions de reprise par les salariés d’une entreprise en scop quand il y a un plan social ; avec Madame FOURNEYRON, sur le financement de la vie associative ; avec Michel SAPIN, sur la mise en oeuvre du programme « Emplois d’avenir » ; avec Pierre MOSCOVICI, sur toute la stratégie de croissance que nous allons avoir pour ce secteur ; avec Marisol TOURAINE, sur l’aspect mutuelle et Sécurité Sociale. Donc, oui, ça sera un ministère qui travaillera avec ses collègues, comme tous les autres, c’est assez logique. Le choix du président de la République est de dire qu’il faut aujourd'hui faire de la croissance et faire de la croissance c’est s’appuyer sur ce qui marche et, en France, l’économie sociale et solidaire ça marche, ça crée de l’emploi, ça rend des services et c’est pour ça que nous allons non seulement organiser cette stratégie-là à partir de ce ministère, mais lui donner des moyens en termes de politique publique.

RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est aussi un secteur où les rémunérations sont plus faibles que dans le reste de l’économie, ça veut dire que c’est un secteur où ce sont des emplois au rabais ?

BENOIT HAMON Il y a dans le secteur associatif beaucoup de contrats précaires, pourquoi ? Parce qu’il y a d’abord eu une volonté politique - hélas et je la regrette – d’assécher le secteur associatif, de ne plus lui donner les moyens de pouvoir faire face à ce que sont ces missions aux demandes sociales et nous voulons, là aussi, dé-précariser, c’est pour ça que le programme « Emploi d’avenir » sera un moyen justement de professionnaliser le secteur associatif, au-delà observer la vertu de ces entreprises de l’économie sociale et solidaire où on met en oeuvre des échelles de salaires de 1 à 10 entre le chef de l’entreprise et les salariés au plus bas de l‘échelle sociale et, même avec des échelles de salaires de 1 à 10, on est performant, on est performant sur ce que sont les missions de ces entreprises mais aussi quand on est dans le secteur concurrentiel. Donc on voit aujourd’hui qu’on peut être à la fois vertueux sur le plan social mais performant dans l’économie de marché, c’est une chance qu’a la France d’avoir un secteur comme celui-là et c’est pour ce secteur que François HOLLANDE a voulu qu’il y ait un ministère et une stratégie de croissance.

RAPHAËLLE DUCHEMIN Et il a voulu aussi qu’il y ait une banque publique d‘investissement, le secteur l’attend beaucoup, elle va être créée quand cette banque ?

BENOIT HAMON Eh bien elle sera créée… nous allons… assez rapidement, nous allons nous mettre au travail….

RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est-à-dire avant la fin de l’année ?

BENOIT HAMON L’objectif c’est qu’on dispose d’un instrument de soutien aux politiques industrielles le plus tôt possible pour soutenir les PME innovantes, pour opérer la transition énergétique et soutenir le secteur des énergies renouvelables, mais aussi, comme vous l’avez noté, pour contribuer au financement de l’innovation sociale - et c’est aujourd’hui un instrument dont nous aurons bien besoin dans l’économie sociale et solidaire – parce qu’il nous permettra d’avoir un partenaire financier là où parfois des prises de risque, des investissements ne sont pas suivis par le secteur bancaire privé.

RAPHAËLLE DUCHEMIN Qui sont vos interlocuteurs ? Parce que ce secteur, on le disait, est quand même très vaste, ça recouvre plein de domaines d’activités différents, vous avez… il y a, je ne sais pas, des syndicats ou des représentants, qui sont vos interlocuteurs dans ce secteur ?

BENOIT HAMON Il y a des représentants de l’économie sociale et solidaire, des entrepreneurs sociaux, il y a évidemment les salariés de ce secteur-là, mais nous discuterons avec l’ensemble du monde associatif, l’ensemble du monde…

RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous n’avez pas fini de multiplier les réunions alors, parce qu’il y en a quand même beaucoup ?

BENOIT HAMON Eh bien, écoutez, on va multiplier les réunions, en tout cas on va prendre le temps de la campagne électorale pour rencontrer les acteurs institutionnels et puis après je serai sur le terrain d’une manière plus…- ce sera plus difficile le temps de la campagne électorale, mais après je serai sur le terrain, mais il y a beaucoup d’acteurs, mais ces acteurs ont été regroupés, ont des moyens aujourd’hui d’être entendus institutionnellement et ils auront évidemment voix au chapitre auprès de moi dans les semaines qui viennent.

RAPHAËLLE DUCHEMIN Des plans sociaux, beaucoup de plans sociaux ont été suspendus au début de l’année, votre collègue Arnaud MONTEBOURG dit que le gouvernement risque d’encaisser certains échecs dans ce domaine-là, est-ce que vous êtes d’accord avec lui ?

BENOIT HAMON Eh bien il ne pourra pas empêcher tous les licenciements ! D’abord il y a des licenciements qui sont liés au fait qu’une activité économique s’est éteinte, et là l’obligation des pouvoirs publics est de favoriser le reclassement, le fait que les salariés retrouvent du travail ; il y a ensuite des licenciements qui sont liés à des plans sociaux ou à des stratégies financières d’un certain nombre de grands groupes, qui se débarrassent d’un site parce qu’on va chercher meilleure fortune ailleurs. Dans ce type de situation, ce que nous avons dit c’est que la réponse qui sera celle du gouvernement ne relèvera pas du fait du prince, ce ne sera pas en cognant à la porte du président de la République qu’on obtiendra satisfaction ou pas, nous donnerons des instruments aux salariés pour pouvoir faire face…

RAPHAËLLE DUCHEMIN Lesquels ?

BENOIT HAMON Eh bien comme l’avait annoncé le président de la République, l’obligation en tout cas pour une entreprise quand elle se débarrasse – parce que c’est comme ça - qu’elle se débarrasse d’un site rentable, de ne pas s’opposer à une reprise quand il y a un projet de reprise viable, même mis en oeuvre par un concurrent, ce projet de reprise doit permettre de maintenir l’outil industriel, doit permettre de maintenir l’emploi et nous lutterons contre ces stratégies qui sont des stratégies prédatrices qui consistent à ouvrir un site ici, en fermer un autre, uniquement pour des logiques financières. Nous ne voulons pas sacrifier l’emploi industriel à des stratégies financières, c’est un engagement fort du président de la République, il sera tenu.

RAPHAËLLE DUCHEMIN Benoît HAMON ! Vous êtes candidat aux Législatives dans les Yvelines, c’est une circonscription qui est pour le moment à Droite, c’est un risque pour vous, si vous perdez vous perdez votre place de ministre, pourquoi ne pas avoir renoncé ?

BENOIT HAMON Eh bien parce que je pense que c’est important d’aller gagner des sièges si on veut avoir une majorité pour François HOLLANDE.

RAPHAËLLE DUCHEMIN Il y a certains de vos collègues qui ont renoncé.

BENOIT HAMON Oui ! Mais moi je souhaite m’investir dans les Yvelines (à Trappes, Elancourt, Saint-Cyr l’Ecole) et c’est le territoire dans lequel je veux représenter les Français, mes compatriotes, et donc je souhaite être député.

RAPHAËLLE DUCHEMIN Et si vous perdez, qu’est-ce qui vous reste ?

BENOIT HAMON Eh bien il me restera la vie, plein de choses, l’engagement, les convictions, elles ne s’éteignent pas avec une défaite électorale, mais je ne bats pas pour perdre, je me bats pour gagner et j’espère avoir la confiance de mes concitoyens pour être à la fois leur député mais aussi toujours ministre au gouvernement et travailler pour l’économie sociale et solidaire encore dans un mois.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 24 mai 2012