Texte intégral
PATRICK COHEN Alors on ne peut pas dire que la question de l'avenir de l'école a dominé le débat présidentiel, c'est une litote, on a surtout retenu la promesse de François HOLLANDE de recréer 60 000 postes, l'engagement de Nicolas SARKOZY de mettre fin à la règle du 1 sur 2 ans le primaire, ainsi que la possibilité qui serait donnée aux enseignants de travailler 26 heures par semaine pour gagner davantage. Vincent PEILLON, est-ce que votre projet est centré sur la question des effectifs et des moyens ?
VINCENT PEILLON Non, pas du tout. D'abord, je ne suis pas d'accord avec vous, c'est la première fois depuis 20 ans que la préoccupation d'éducation est constante dans la campagne, reconnue comme telle dans toutes les études d'opinion par les Français et qu'elle a été la priorité, celle de François HOLLANDE, affirmée à travers la jeunesse, réaffirmée encore émission après émission, la priorité d'un candidat. Alors, la question des moyens, non. On est dans un pays unique, c'est le seul pays qui a supprimé 80 000 postes d'enseignants dans les cinq dernières années, ça pose quelques problèmes, les professeurs ne sont pas remplacés, on ne peut pas accueillir les enfants de 3 ans, il n'y a plus de formation, donc cette question des moyens elle est nécessaire. Mais les moyens, ça le dit, les moyens c'est pour atteindre un certain nombre de fins, de finalités, de buts, d'objectifs. Nous, ce que nous voulons, c'est refonder le système éducatif français. Et là, vous avez trois priorités fondamentales, que nous attendons d'ailleurs depuis très longtemps. Un, il faut mettre le paquet sur le primaire et la maternelle, car, vous savez, ceux qui sont en échec scolaire au début du collège, ou après, ça s'est fait dès la grande section CP/ CE1, priorité au primaire et à la maternelle, en France nous avons le taux d'encadrement en primaire le plus faible de tous les pays de l'OCDE. Deuxièmement, remettre en place une formation initiale et continue des enseignants, seul métier que l'on n'apprendrait plus alors que l'on doit enseigner. C'est le grand projet des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, ça a été vu par les Français. Troisièmement, les rythmes scolaires, vous savez que les journées de classe sont surchargées en France, il n'y a plus que 144 jours d'école, la droite a supprimé une demi-journée de classe pour le primaire et la maternelle, et donc il faut repenser ces rythmes scolaires et ce sont donc des réformes de structure, pas une énième réforme, une refondation républicaine de l'école, c'est ça notre but, les moyens doivent permettre de la réussir.
PATRICK COHEN Alors, on va essayer de discuter de ces thèmes les uns après les autres, mais d'abord Luc CHATEL, sur la question des moyens, et plus globalement sur le projet de Nicolas SARKOZY pour l'école et le milieu éducatif.
LUC CHATEL D'abord je me réjouis moi aussi que l'école fasse partie d'un débat présidentiel, c'est vrai que ça n'avait pas été le cas au cours des précédents rendez-vous que nous avons connus ces dernières années, et je pense que c'est important parce que nous sommes à un cap, à un moment important de l'histoire de notre école. Vous savez, il y a eu plusieurs étapes dans la construction de notre école républicaine, il y a eu l'époque de la fin du 19ème siècle avec les lois FERRY, l'école gratuite laïque obligatoire, il y a eu la fin des années 70 et les années 80 avec la massification du système éducatif, et nous abordons maintenant une nouvelle étape qui est capitale, qui est celle de la personnalisation. Si vous voulez, aujourd'hui, ce qui a changé en 20 ans, c'est que nous accueillons 100% d'une génération au collège, nous accueillons 70% d'une génération au lycée, et donc les classes sont totalement hétérogènes. Pourtant, il faut apporter une solution à chaque élève, il faut faire en sorte qu'on ait moins d'élèves qui quittent le système éducatif sans qualification, il faut faire en sorte d'élever le niveau général de connaissance de nos élèves, et il faut que l'école, qui est là bien sûr pour instruire, bien sûr pour éduquer, prépare l'insertion professionnelle de nos jeunes. Et la réponse, de Nicolas SARKOZY, celle que nous avons commencé à engager depuis quelques années, c'est la personnalisation tout au long des parcours. C'est-à-dire, bien sûr qu'il faut des programmes communes, c'est-à-dire, il y a un ministère de l'Education nationale en France, moi je suis très attaché à l'aspect national de nos programmes, de notre recrutement des enseignants, de la façon dont les concours, les diplômes sont organisés, mais à partir de ce cadre national il faut une adaptation, plus de marges de manoeuvre aux acteurs locaux, plus d'autonomie aux établissements locaux, aux établissements scolaires, plus de responsabilisation des enseignants, et à la fin une personnalisation pour chaque élève, faire en sorte qu'il y ait bien une solution pour chaque élève en sortant du système éducatif.
PATRICK COHEN La personnalisation ça passe aussi par la fin du collège unique, puisque Nicolas SARKOZY défend l'idée d'une professionnalisation anticipée dès la classe de 4ème ?
LUC CHATEL Alors, entendons-nous bien sur les mots, il ne s'agit pas de supprimer l'idée que 100% d'élèves, 100% d'une génération, aillent au collège, il s'agit de faire en sorte que chacun y trouve sa place. La loi HABY a été une grande avancée, c'est-à-dire l'idée que chaque élève de France aille au collège jusqu'à 14 ans, maintenant, c'est un peu paradoxal au moment où on parle de personnalisation des parcours, de parler d'unicité de collège. Nous nous pensons qu'il faut un collège pour tous, mais il faut, au sein du collège, des parcours qui permettent une différenciation, une diversification, sans qu'elle soit une orientation définitive, et ça c'est très important. Ne revenons pas à un système qu'on a connu il y a une vingtaine ou il y a une trentaine d'années, où on orientait à 12 ans les élèves dans des filières professionnelles, non, ce n'est pas ce que nous voulons, ce que nous voulons c'est une différenciation des parcours, à partir de la 4ème, pour faire en sorte que des enfants qui s'ennuient à l'école, qui ne se retrouvent pas dans les programmes généraux, puissent trouver leur voie, mais l'orientation elle doit bien avoir lieu à la fin du collège, au moment où on s'oriente vers le lycée général ou technologique, ou vers le lycée professionnel.
PATRICK COHEN Vincent PEILLON, on a l'impression que vous, la gauche plus généralement, vous faites du collège unique une sorte de totem.
VINCENT PEILLON Non, ni totem, ni tabou. Quand on veut refonder c'est qu'on constate, et c'est ce qui a changé dans le pays, c'est ce dont je me réjouis, à la fois chez les parents d'élèves, les élèves, parce qu'il y en a trop qui sont sans qualification, effectivement, parents d'élèves qui vivent l'anxiété des parcours, les professeurs, qu'il faut changer le système. Donc il n'y a pas de totem, il n'y a pas de tabou, mais il y a des analyses qui doivent être objectives, et fondées quand même sur une certaine cohérence. Comment soutenir, ce que vient de faire le ministre, la personnalisation, ça veut dire une solution pour chacun, lorsqu'on supprime les moyens et on supprime les personnels qui précisément, les fameux RASED, Réseaux d'Aides Spécialisées, devaient accompagner les élèves en difficulté, pour leur apporter une solution. Car, je ne sais pas si vous faites faire vos costumes sur mesure, la personnalisation, c'est quand même plus cher que la confection, et cela suppose plus de moyens. Donc, comment à la fois dire je veux une solution différente pour chacun et chaque année faire que Bercy gouverne, depuis quelques années en réalité, le ministère de l'Education ? Contradiction majeure. Si on veut du sur-mesure il faut comprendre que c'est plus de moyens. Deuxièmement l'orientation, sujet majeur pour la France, on oriente négativement. J'avais eu l'occasion d'ailleurs, chez vous, de rappeler ce dont on ne parle jamais, qu'il y a 1 million d'élèves dans les lycées professionnels, qui sont des élèves qui se retrouvent en très grande difficulté après, 90% d'échecs dans les premiers cycles universitaires, ils ont été orientés précocement, ils ont été orientés précocement, et sortis, d'une certaine façon déjà, du système. Orientations négatives, c'est-à-dire par défaut, ce n'est pas ce que je souhaite. La grande réforme du système que nous devons mettre en place c'est les orientations positives, ça supposera des moyens. Ce n'est pas de prendre les élèves, ce seront toujours les mêmes, les plus en difficulté en fin de 5ème, et dire « écoutez, on a fait l'apprentissage à 14 ans », fameuse loi CHERPION, que nous allons d'ailleurs abroger, faite par la droite, « et on va vous mettre déjà et précocement dans une filière qui est dévalorisée. » C'est l'inverse qu'il faut faire. J'évoquais tout à l'heure les systèmes qui réussissent, eh bien on a quand même quelques critères objectifs partagés par tous ceux qui connaissent ces sujets. Un, l'effet maître, c'est pour ça qu'il faut quand même une formation des enseignants
PATRICK COHEN On va en parler un peu plus tard.
VINCENT PEILLON Et deuxièmement, les systèmes qui réussissent c'est ceux dans lesquels il y a ça va contre toutes les idées reçues du MEDEF et de la droite ceux dans lesquels il y a le plus large tronc commun, et le plus long, entre tous les enfants. L'école elle doit faire la différence, mais elle doit aussi faire du commun, et elle doit permettre à ceux qui n'ont pas les mêmes moyens que les autres, de rattraper. Dernière chose, ayez en tête, quand on dit ça, que la France c'est le pays où les conditions d'origine économique et sociale pèsent le plus sur les destins scolaires, pour la République c'est quand même un peu ennuyeux et cela suppose de retisser du commun et de redonner des moyens aux enfants de France.
PATRICK COHEN Luc CHATEL vous répondez à cela et aussi sur la question des moyens, puisque Vincent PEILLON vous dit, pour personnaliser il faut des moyens, des effectifs.
LUC CHATEL Je vais venir aux moyens. Sur la question du tronc commun, c'est un peu paradoxal les propos de Vincent PEILLON, puisque nous avons mis en place ce qu'on appelle le socle commun de connaissances et de compétences dans la loi de 2005, dite loi FILLON, qui permet à chaque élève, à la sortie de sa scolarité obligatoire, de maîtriser ce qu'on appelle « 7 piliers fondamentaux », dans son système, dans son éducation. Vos amis politiques n'ont pas voté cette loi, et s'y sont opposés. Nous nous pensons qu'il faut un socle commun, que chaque élève doit acquérir, mais pour l'acquérir chaque enfant est différent, et il faut donc un système éducatif qui s'adapte à la diversité de ces élèves. Il ne faut pas plaquer un cours sur une classe uniforme. Aujourd'hui les classes elles ne sont plus uniformes, vous avez dans une classe des enfants qui ont du potentiel, qui ont du talent, qui vont aller très loin, et qu'il faut détecter, et ça c'est l'école de la République. Moi je crois à l'école de l'excellence. Et puis en même temps il y a 6 ou 7 élèves, si on n'y prend pas garde, qui risquent de décrocher et de sortir du système éducatif sans qualification. Donc on voit bien que le rôle, le métier des enseignants a changé, et c'est ce que propose Nicolas SARKOZY, c'est d'adapter le métier au 21ème siècle, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on ne soit plus en 1950 je rappelle que les décrets qui encadrent la mission des enseignants datent de 1950 mais on s'adapte à ce métier qui a changé, qui est plus difficile, mais qui est aussi, quelque part, plus passionnant parce qu'il s'agit d'adapter sa pédagogie à cette diversité des situations. Alors maintenant, revenons aux moyens, je m'inscris totalement en faux dans ce que dit Vincent PEILLON, ce n'est pas parce qu'on personnalise qu'on a besoin davantage de moyens, ça c'est une idée socialiste qui date depuis 25 ans, à chaque fois que les socialistes ont une idée en matière éducative c'est de créer des postes et des moyens supplémentaires. Si ça marchait, nous serions les champions du monde dans les performances de notre système éducatif, mais malheureusement ce n'est pas le cas, et malgré l'engagement, la qualité, la compétence de nos enseignants. Donc il y a un moment il faut se poser la question, pourquoi est-ce qu'il y a des pays qui au total investissent moins que nous dans leur système éducatif, et qui ont de meilleurs résultats ? Pourquoi la France investit plus que la moyenne des pays de l'OCDE, plus que la moyenne des pays de l'Union européenne, et se retrouve un peu dans le ventre moi des classements internationaux ? Ça doit nous interpeller, ça doit vous interpeller, parce que, oui, nous défendons un système éducatif, nous voulons améliorer ses performances, mais en même temps nous sommes les garants des choix politiques qui sont faits et de l'investissement de la nation dans son système éducatif.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er juin 2012
VINCENT PEILLON Non, pas du tout. D'abord, je ne suis pas d'accord avec vous, c'est la première fois depuis 20 ans que la préoccupation d'éducation est constante dans la campagne, reconnue comme telle dans toutes les études d'opinion par les Français et qu'elle a été la priorité, celle de François HOLLANDE, affirmée à travers la jeunesse, réaffirmée encore émission après émission, la priorité d'un candidat. Alors, la question des moyens, non. On est dans un pays unique, c'est le seul pays qui a supprimé 80 000 postes d'enseignants dans les cinq dernières années, ça pose quelques problèmes, les professeurs ne sont pas remplacés, on ne peut pas accueillir les enfants de 3 ans, il n'y a plus de formation, donc cette question des moyens elle est nécessaire. Mais les moyens, ça le dit, les moyens c'est pour atteindre un certain nombre de fins, de finalités, de buts, d'objectifs. Nous, ce que nous voulons, c'est refonder le système éducatif français. Et là, vous avez trois priorités fondamentales, que nous attendons d'ailleurs depuis très longtemps. Un, il faut mettre le paquet sur le primaire et la maternelle, car, vous savez, ceux qui sont en échec scolaire au début du collège, ou après, ça s'est fait dès la grande section CP/ CE1, priorité au primaire et à la maternelle, en France nous avons le taux d'encadrement en primaire le plus faible de tous les pays de l'OCDE. Deuxièmement, remettre en place une formation initiale et continue des enseignants, seul métier que l'on n'apprendrait plus alors que l'on doit enseigner. C'est le grand projet des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, ça a été vu par les Français. Troisièmement, les rythmes scolaires, vous savez que les journées de classe sont surchargées en France, il n'y a plus que 144 jours d'école, la droite a supprimé une demi-journée de classe pour le primaire et la maternelle, et donc il faut repenser ces rythmes scolaires et ce sont donc des réformes de structure, pas une énième réforme, une refondation républicaine de l'école, c'est ça notre but, les moyens doivent permettre de la réussir.
PATRICK COHEN Alors, on va essayer de discuter de ces thèmes les uns après les autres, mais d'abord Luc CHATEL, sur la question des moyens, et plus globalement sur le projet de Nicolas SARKOZY pour l'école et le milieu éducatif.
LUC CHATEL D'abord je me réjouis moi aussi que l'école fasse partie d'un débat présidentiel, c'est vrai que ça n'avait pas été le cas au cours des précédents rendez-vous que nous avons connus ces dernières années, et je pense que c'est important parce que nous sommes à un cap, à un moment important de l'histoire de notre école. Vous savez, il y a eu plusieurs étapes dans la construction de notre école républicaine, il y a eu l'époque de la fin du 19ème siècle avec les lois FERRY, l'école gratuite laïque obligatoire, il y a eu la fin des années 70 et les années 80 avec la massification du système éducatif, et nous abordons maintenant une nouvelle étape qui est capitale, qui est celle de la personnalisation. Si vous voulez, aujourd'hui, ce qui a changé en 20 ans, c'est que nous accueillons 100% d'une génération au collège, nous accueillons 70% d'une génération au lycée, et donc les classes sont totalement hétérogènes. Pourtant, il faut apporter une solution à chaque élève, il faut faire en sorte qu'on ait moins d'élèves qui quittent le système éducatif sans qualification, il faut faire en sorte d'élever le niveau général de connaissance de nos élèves, et il faut que l'école, qui est là bien sûr pour instruire, bien sûr pour éduquer, prépare l'insertion professionnelle de nos jeunes. Et la réponse, de Nicolas SARKOZY, celle que nous avons commencé à engager depuis quelques années, c'est la personnalisation tout au long des parcours. C'est-à-dire, bien sûr qu'il faut des programmes communes, c'est-à-dire, il y a un ministère de l'Education nationale en France, moi je suis très attaché à l'aspect national de nos programmes, de notre recrutement des enseignants, de la façon dont les concours, les diplômes sont organisés, mais à partir de ce cadre national il faut une adaptation, plus de marges de manoeuvre aux acteurs locaux, plus d'autonomie aux établissements locaux, aux établissements scolaires, plus de responsabilisation des enseignants, et à la fin une personnalisation pour chaque élève, faire en sorte qu'il y ait bien une solution pour chaque élève en sortant du système éducatif.
PATRICK COHEN La personnalisation ça passe aussi par la fin du collège unique, puisque Nicolas SARKOZY défend l'idée d'une professionnalisation anticipée dès la classe de 4ème ?
LUC CHATEL Alors, entendons-nous bien sur les mots, il ne s'agit pas de supprimer l'idée que 100% d'élèves, 100% d'une génération, aillent au collège, il s'agit de faire en sorte que chacun y trouve sa place. La loi HABY a été une grande avancée, c'est-à-dire l'idée que chaque élève de France aille au collège jusqu'à 14 ans, maintenant, c'est un peu paradoxal au moment où on parle de personnalisation des parcours, de parler d'unicité de collège. Nous nous pensons qu'il faut un collège pour tous, mais il faut, au sein du collège, des parcours qui permettent une différenciation, une diversification, sans qu'elle soit une orientation définitive, et ça c'est très important. Ne revenons pas à un système qu'on a connu il y a une vingtaine ou il y a une trentaine d'années, où on orientait à 12 ans les élèves dans des filières professionnelles, non, ce n'est pas ce que nous voulons, ce que nous voulons c'est une différenciation des parcours, à partir de la 4ème, pour faire en sorte que des enfants qui s'ennuient à l'école, qui ne se retrouvent pas dans les programmes généraux, puissent trouver leur voie, mais l'orientation elle doit bien avoir lieu à la fin du collège, au moment où on s'oriente vers le lycée général ou technologique, ou vers le lycée professionnel.
PATRICK COHEN Vincent PEILLON, on a l'impression que vous, la gauche plus généralement, vous faites du collège unique une sorte de totem.
VINCENT PEILLON Non, ni totem, ni tabou. Quand on veut refonder c'est qu'on constate, et c'est ce qui a changé dans le pays, c'est ce dont je me réjouis, à la fois chez les parents d'élèves, les élèves, parce qu'il y en a trop qui sont sans qualification, effectivement, parents d'élèves qui vivent l'anxiété des parcours, les professeurs, qu'il faut changer le système. Donc il n'y a pas de totem, il n'y a pas de tabou, mais il y a des analyses qui doivent être objectives, et fondées quand même sur une certaine cohérence. Comment soutenir, ce que vient de faire le ministre, la personnalisation, ça veut dire une solution pour chacun, lorsqu'on supprime les moyens et on supprime les personnels qui précisément, les fameux RASED, Réseaux d'Aides Spécialisées, devaient accompagner les élèves en difficulté, pour leur apporter une solution. Car, je ne sais pas si vous faites faire vos costumes sur mesure, la personnalisation, c'est quand même plus cher que la confection, et cela suppose plus de moyens. Donc, comment à la fois dire je veux une solution différente pour chacun et chaque année faire que Bercy gouverne, depuis quelques années en réalité, le ministère de l'Education ? Contradiction majeure. Si on veut du sur-mesure il faut comprendre que c'est plus de moyens. Deuxièmement l'orientation, sujet majeur pour la France, on oriente négativement. J'avais eu l'occasion d'ailleurs, chez vous, de rappeler ce dont on ne parle jamais, qu'il y a 1 million d'élèves dans les lycées professionnels, qui sont des élèves qui se retrouvent en très grande difficulté après, 90% d'échecs dans les premiers cycles universitaires, ils ont été orientés précocement, ils ont été orientés précocement, et sortis, d'une certaine façon déjà, du système. Orientations négatives, c'est-à-dire par défaut, ce n'est pas ce que je souhaite. La grande réforme du système que nous devons mettre en place c'est les orientations positives, ça supposera des moyens. Ce n'est pas de prendre les élèves, ce seront toujours les mêmes, les plus en difficulté en fin de 5ème, et dire « écoutez, on a fait l'apprentissage à 14 ans », fameuse loi CHERPION, que nous allons d'ailleurs abroger, faite par la droite, « et on va vous mettre déjà et précocement dans une filière qui est dévalorisée. » C'est l'inverse qu'il faut faire. J'évoquais tout à l'heure les systèmes qui réussissent, eh bien on a quand même quelques critères objectifs partagés par tous ceux qui connaissent ces sujets. Un, l'effet maître, c'est pour ça qu'il faut quand même une formation des enseignants
PATRICK COHEN On va en parler un peu plus tard.
VINCENT PEILLON Et deuxièmement, les systèmes qui réussissent c'est ceux dans lesquels il y a ça va contre toutes les idées reçues du MEDEF et de la droite ceux dans lesquels il y a le plus large tronc commun, et le plus long, entre tous les enfants. L'école elle doit faire la différence, mais elle doit aussi faire du commun, et elle doit permettre à ceux qui n'ont pas les mêmes moyens que les autres, de rattraper. Dernière chose, ayez en tête, quand on dit ça, que la France c'est le pays où les conditions d'origine économique et sociale pèsent le plus sur les destins scolaires, pour la République c'est quand même un peu ennuyeux et cela suppose de retisser du commun et de redonner des moyens aux enfants de France.
PATRICK COHEN Luc CHATEL vous répondez à cela et aussi sur la question des moyens, puisque Vincent PEILLON vous dit, pour personnaliser il faut des moyens, des effectifs.
LUC CHATEL Je vais venir aux moyens. Sur la question du tronc commun, c'est un peu paradoxal les propos de Vincent PEILLON, puisque nous avons mis en place ce qu'on appelle le socle commun de connaissances et de compétences dans la loi de 2005, dite loi FILLON, qui permet à chaque élève, à la sortie de sa scolarité obligatoire, de maîtriser ce qu'on appelle « 7 piliers fondamentaux », dans son système, dans son éducation. Vos amis politiques n'ont pas voté cette loi, et s'y sont opposés. Nous nous pensons qu'il faut un socle commun, que chaque élève doit acquérir, mais pour l'acquérir chaque enfant est différent, et il faut donc un système éducatif qui s'adapte à la diversité de ces élèves. Il ne faut pas plaquer un cours sur une classe uniforme. Aujourd'hui les classes elles ne sont plus uniformes, vous avez dans une classe des enfants qui ont du potentiel, qui ont du talent, qui vont aller très loin, et qu'il faut détecter, et ça c'est l'école de la République. Moi je crois à l'école de l'excellence. Et puis en même temps il y a 6 ou 7 élèves, si on n'y prend pas garde, qui risquent de décrocher et de sortir du système éducatif sans qualification. Donc on voit bien que le rôle, le métier des enseignants a changé, et c'est ce que propose Nicolas SARKOZY, c'est d'adapter le métier au 21ème siècle, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on ne soit plus en 1950 je rappelle que les décrets qui encadrent la mission des enseignants datent de 1950 mais on s'adapte à ce métier qui a changé, qui est plus difficile, mais qui est aussi, quelque part, plus passionnant parce qu'il s'agit d'adapter sa pédagogie à cette diversité des situations. Alors maintenant, revenons aux moyens, je m'inscris totalement en faux dans ce que dit Vincent PEILLON, ce n'est pas parce qu'on personnalise qu'on a besoin davantage de moyens, ça c'est une idée socialiste qui date depuis 25 ans, à chaque fois que les socialistes ont une idée en matière éducative c'est de créer des postes et des moyens supplémentaires. Si ça marchait, nous serions les champions du monde dans les performances de notre système éducatif, mais malheureusement ce n'est pas le cas, et malgré l'engagement, la qualité, la compétence de nos enseignants. Donc il y a un moment il faut se poser la question, pourquoi est-ce qu'il y a des pays qui au total investissent moins que nous dans leur système éducatif, et qui ont de meilleurs résultats ? Pourquoi la France investit plus que la moyenne des pays de l'OCDE, plus que la moyenne des pays de l'Union européenne, et se retrouve un peu dans le ventre moi des classements internationaux ? Ça doit nous interpeller, ça doit vous interpeller, parce que, oui, nous défendons un système éducatif, nous voulons améliorer ses performances, mais en même temps nous sommes les garants des choix politiques qui sont faits et de l'investissement de la nation dans son système éducatif.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er juin 2012