Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, à "RMC" le 17 mai 2012, sur les priorités de son ministère, à savoir le redressement productif et la jsutice fiscale, sur la composition du gouvernement, sur les relations franco-allemandes.

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Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN Ministre de l’Economie, des Finances et du Commerce extérieur. Si je dis : ministre de l’Euro et de la crise, que me répondez-vous ?

PIERRE MOSCOVICI Ce n’est pas une mauvaise définition, parce que, effectivement, ce qui nous attend, c’est le combat contre la crise. La France a souffert, le chômage, la croissance qui est très faible, le commerce extérieur qui s’est dégradé, dont j’hérite aussi, dans ce grand ministère. La compétitivité, de la France qui est en baisse, et donc il faut affronter tout ça, mais avec en même temps, il y a quand même un mot que vous avez oublié…

JEAN-JACQUES BOURDIN Allez-y !

PIERRE MOSCOVICI C’est le mot « changement. » C'est-à-dire que le ministère des Finances, ou l’Economie et les Finances doit être aussi, celui qui est au service de tous les autres….

JEAN-JACQUES BOURDIN Mais on a coutume de dire qu’à Bercy, rien ne change jamais ?

PIERRE MOSCOVICI Non, parce que ce qu’il faut quand même comprendre, c’est qu’il faut une gestion sérieuse du pays, elle est nécessaire, il y a le sens de la responsabilité qui habite François HOLLANDE, il faut sauver l’euro, défendre l’euro, promouvoir l’euro, faire un euro qui soit une monnaie rayonnante, dans une européenne, qui elle-même est réorientée. Mais il faut aussi, que le projet de changement qui a été proposé par François HOLLANDE aux Français, qui a été validé par eux, le 6 mai, que ce projet de changement se mette en oeuvre. On attend dans ce pays, des réformes. Donc il faut tenir les deux bouts de la chaîne. Le sérieux et la responsabilité, mais aussi, la croissance, le changement, la justice, la justice et au ministère de l’Economie et des Finances, vous le savez, il y a aussi la justice fiscale.

JEAN-JACQUES BOURDIN La justice fiscale notamment, oui, on va en parler, Pierre MOSCOVICI, mais quelques mots sur ce nouveau Gouvernement. J’ai Elisabeth, qui est infirmière libérale, qui m’a écrit sur RMC, qui me dit : « il y a beaucoup de monde dans ce Gouvernement, cette histoire de parité, bon, pourquoi pas ! J’aurais préféré un Gouvernement d’attaque, beaucoup plus concentré. » C’était l’une des promesses d’ailleurs…

PIERRE MOSCOVICI Je pense que ce Gouvernement est tout à fait à l’image du changement, justement, qui a été promis par François HOLLANDE.

JEAN-JACQUES BOURDIN 17 femmes, 17 hommes…

PIERRE MOSCOVICI C'est-à-dire qu’il y a plusieurs choses, il y a d’abord, la parité, c’est la première fois, il faut quand même le souligner, je voyais Jeannette BOUGRAB, là, qui est UMP, qui le disait. C’est la première fois que dans un Gouvernement de la République, il y a la parité absolue. 17 à 17. C’est tout à fait fondamental, donc un Gouvernement qui est fortement féminisé. C’est un Gouvernement qui est rajeuni, c’est un Gouvernement où il y a un renouveau très fort. Enfin, on est, je crois, 4 ou 5 à avoir eu une expérience ministérielle…

JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.

PIERRE MOSCOVICI J’en fais partie.

JEAN-JACQUES BOURDIN Gouvernement inexpérimenté, dit-on ?

PIERRE MOSCOVICI Non ! Moi, je pense que c’est tout à fait autre chose. Je me souviens qu’en 97, quand Lionel JOSPIN était arrivé aux responsabilités, j’étais à l’époque le plus jeune ministre socialiste. Ca passe le temps…

JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.

PIERRE MOSCOVICI Mais il avait expliqué, qu’il voulait faire comme ça. C'est-à-dire qu’il fallait quelques piliers dans le Gouvernement qui ait de l’expérience, des gens qui connaissent l’Etat, qui sont en plus à des postes qui sont des postes, je ne dirais pas stratégique, mais des postes qui sont des postes solides dans l’Etat. Le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Défense, le ministre de l’Economie et des Finances, mais il faut aussi, du renouveau. C’est comme ça que ça se passe dans tous les pays du monde. On ne demande pas aux Etats- Unis ou en Grande-Bretagne, surtout quand l’alternance intervient après 10 ans, à des gens, d’avoir fait, déjà, d’avoir un brevet de gouvernance, d’avoir été là, il y a 10 ans… n’oubliez pas que la gauche n’est plus là, aux responsabilités depuis 10 ans, donc nous sommes de retour, 2002/2012, il est logique et je trouve que c’est excellent, qu’il y ait une nouvelle génération qui entoure François HOLLANDE, Jean-Marc AYRAULT avec aussi des ministres qui ont un peu d’expérience.

JEAN-JACQUES BOURDIN Alors Pierre MOSCOVICI, tout ministre…

PIERRE MOSCOVICI Et donc quand on a les deux, la parité, le changement, le renouveau, je pense que c’est un Gouvernement qui tient les promesses de la campagne.

JEAN-JACQUES BOURDIN Bien, Pierre MOSCOVICI, tout ministre battu aux législatives ne pourra pas rester au Gouvernement. Est-ce que vous serez candidat dans le Doubs ?

PIERRE MOSCOVICI Je suis candidat dans le Doubs, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN Vous restez candidat ?

PIERRE MOSCOVICI Totalement, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN Si vous êtes battu, vous quittez le Gouvernement ?

PIERRE MOSCOVICI Bien sûr ! C’est la règle.

JEAN-JACQUES BOURDIN C’est la règle.

PIERRE MOSCOVICI Mais pourquoi être candidat aux législatives, quand on est ministre…

JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, oui ?

PIERRE MOSCOVICI Il faut comprendre ça ! D’abord parce qu’un ministre c’est un homme politique, ce n’est pas un haut fonctionnaire qui doit avoir un territoire, des électeurs, qui leur doit une fidélité et qu’il n’est pas là, d’ailleurs sans eux. Vous aurez remarqué que François HOLLANDE a fait un Gouvernement, qui est un Gouvernement constitué de responsables politiques. Et je pense qu’il y tient énormément, parce que la politique, pour lui, ce n’est pas quelque chose de mesquin, la politique c’est une chose noble. Et donc on doit avoir des électeurs, on doit leur rendre des comptes. Moi, je suis député sortant, je me représenterai, je dirais à mes électeurs : voilà, ce que j’ai fait pour vous. Je leur dirais aussi : voilà, ce que je peux faire pour vous. Ce que je peux vous apporter, je suis élu du Pays de Montbéliard, eh bien, ce pays sera écouté, entendu, en plus, je suis, moi, d’une zone industrielle, l’automobile, il y a une crise, le fait d’avoir le ministre de l’Economie et des Finances, ce n’est pas forcément une mauvaise chose pour ça, et j’aurais un suppléant. Et le jour, où je quitterai le Gouvernement, ça finira par arriver, eh bien, je reprendrai mon poste de député. C’est comme ça, que ça marche, ça s’appelle la démocratie. Dans toutes les grandes démocraties du monde, d’ailleurs vous l’observez, les ministres sièges aussi au Parlement, dans beaucoup de démocratie pardon !

JEAN-JACQUES BOURDIN Bien ! Pierre MOSCOVICI, on va parler de l’euro, on va parler de la crise, on va parler des rapports avec l’Allemagne, mais encore quelques mots de politique. D’abord, avec Arnaud MONTEBOURG, ça ne va pas être facile ! Voilà un homme qui défendait la démondialisation, vous êtes quand même aux antipodes… il y a une grande divergence économique ? Sur le regard, que vous portez sur le développement ?

PIERRE MOSCOVICI Ecoutez, on a, oui, on a une très bonne relation personnelle, on a beaucoup parlé de ça, avec Arnaud MONTEBOURG, pendant la campagne. Je pense que dans ce rôle qui est le sien, maintenant, il va avoir une fonction très importante, qui est de participer au Redressement productif du pays. Ca veut dire aussi, à sa réindustrialisation.

JEAN-JACQUES BOURDIN Ca veut dire quoi « Redressement productif » d’ailleurs ?

PIERRE MOSCOVICI Ca veut dire, que nous sommes dans un pays qui souffre depuis maintenant, une dizaine d’années, d’un recul de son industrie. L’industrie représentait à peu près 20 % de la valeur ajoutée, il y a 10 ans, maintenant, c’est 13 %. Nous avons perdu 750 000 emplois industriels dans ce pays depuis 10 ans. 450 000 au cours des 5 dernières années. Et un pays qui n’a plus d’industrie est un pays qui n’a pas d’avenir. Et donc tout ce qui est innovation, tout ce qui est recherche, et d’ailleurs ça a une place très importante, dans le Gouvernement, il doit être promu, mais à côté de ça, il faut lutter contre les délocalisations, il faut aussi booster notre industrie. Il y aura par exemple la création d’une banque publique d’investissement, cela a été dit.

JEAN-JACQUES BOURDIN Mais vous reprenez certaines idées d’Arnaud MONTEBOURG ?!

PIERRE MOSCOVICI Mais, nous sommes maintenant, dans un Gouvernement. Les choses ne se passent pas comme ça, il faut comprendre…

JEAN-JACQUES BOURDIN Ca veut dire qu’Arnaud MONTEBOURG va devoir se plier à une règle Gouvernementale ?

PIERRE MOSCOVICI C’est très simple, il y a un projet qui est le projet présidentiel, qui est celui que François HOLLANDE a présenté aux Français, ses 60 engagements. C’est celui-là que nous allons mettre en oeuvre et on ne va pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN Et rien d’autres ?

PIERRE MOSCOVICI On ne va pas se demander quel a été notre sensibilité dans un congrès ou autre ! D’ailleurs, si vous voulez, ce projet, en plus, je crois qu’il est intelligemment fait, parce qu’il reprend un peu tout ça. Et quand on dit par exemple, qu’on va faire une Banque Publique d’Investissement, pour permettre à nos PME, PMI, innovantes qui ne trouvent pas d’argent, pour investir justement, eh bien, ça c’est une mesure, je ne sais pas, si elle est ceci ou cela, si elle est sociale démocrate ou démondialisatrice, elle est à la fois de gauche, progressiste et réaliste. C’est indispensable ! Moi, je vois dans ma circonscription ouvrière, dont je parlais tout à l’heure. On a besoin, beaucoup d’entreprises, des PME, PMI, qui embauchent, qui sont des sous-traitants à l’échelle mondiale, n’ont pas suffisamment de capital, de fonds propres. Elles ont besoin de ça. Je vous prends cela, mais il y a aussi toute une série de dossiers, sur lesquels il faudra se battre et en France, et en Europe, et nous ferons ça, avec Arnaud MONTEBOURG, dans les meilleures conditions. Croyez-le ! Parce que nous avons une très bonne entente personnelle. Et nous serons d’ailleurs dans le même ministère. Arnaud MONTEBOURG aurait pu aller s’installer, ailleurs. Il va rester à Bercy, je viens de l’avoir, il y a quelques instants…

JEAN-JACQUES BOURDIN Il sera chez vous, il sera à Bercy.

PIERRE MOSCOVICI Et donc nous serons à deux étages, ensemble !

JEAN-JACQUES BOURDIN Bien ! Vous avez été l’un des rares à critiquer François MITTERRAND. Et notamment, son amitié avec BOUSQUET, on s’en souvient. Vous avez aussi, dans votre carrière, j’ai vu, appartenu à la LCR, mais il y a bien longtemps…

PIERRE MOSCOVICI Dans ma jeunesse, il y a bien longtemps oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN Ami et proche de Dominique STRAUSS-KAHN.

PIERRE MOSCOVICI Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce qu’il vous a félicité ?

PIERRE MOSCOVICI Non, pas du tout ! Non !

JEAN-JACQUES BOURDIN Pas d’appel téléphonique ? Rien ?

PIERRE MOSCOVICI Non, malheureusement depuis quelques années, on le sait, nos relations politiques et même personnelles, sont un peu distendues. Mais bon ! Il y a eu…

JEAN-JACQUES BOURDIN Parce que vous lui succédez à Bercy, il a marqué Bercy, Dominique STRAUSSKAHN…

PIERRE MOSCOVICI Il y a toutes les péripéties que l’on sait, donc laissons-les de côté, ce sont des affaires personnelles, dont certaines ont un volet judiciaire, il y a aussi le travail qui a été le sien à Bercy, en 1997, les Français s’en souviennent, et pas de façon défavorable. D’ailleurs, ce que je note et il faut le noter aussi, c’est que depuis 2007, jusqu’en 2012, le ministère a été scindé. C'est-à-dire qu’il y avait d’un côté un ministère des Comptes publics, de l’autre côté un ministre de l’Economie et des Finances, il y avait BAROIN et PECRESSE, maintenant le ministère est réuni. Et à la passation de pouvoir dans laquelle, je vais me rendre dans quelques minutes. Eh bien, je vais d’abord aller voir François BAROIN, puis j’irais voir Valérie PECRESSE, ça, c’est important, et on retrouve ce qui se passait dans les années 90, à la fin des années 90, un ministère uni, qui est justement, je dirais sans doute, une tour de pilotage de l’économie française.

JEAN-JACQUES BOURDIN Pierre MOSCOVICI, nouveau ministre de l’Economie et des Finances est avec nous, ce matin. La tranche d’imposition à 75 % sur tous les revenus supérieurs à 1 million d’euros par an, est-ce que le texte de loi sera présenté cet été à l’Assemblée nationale ?

PIERRE MOSCOVICI Ecoutez, Jean-Jacques BOURDIN, là, je vais vous quitter dans quelques minutes et j’irai au ministère des Finances, où je ne suis pas. J’ai été nommé, hier après-midi. Ce que je peux dire, plus sérieusement, c’est que nous sommes là pour mettre en oeuvre un projet. Et qu’on en connait les piliers. Il y a le Redressement productif, je viens d’en parler, il y a quelques minutes avec l’industrie au coeur. Et la justice, avec la justice…

JEAN-JACQUES BOURDIN Et la justice fiscale ?

PIERRE MOSCOVICI Fiscale et les propositions qui ont été mises sur la table par François HOLLANDE seront mises en oeuvre, évidemment. Et donc, on va discuter de ça, tout à l’heure, avec Jérôme CAHUZAC qui est le ministre délégué au Budget et on va aussi, provoquer ce qui a été dit par François HOLLANDE, un audit de la COUR DES COMPTES sur l’état général des finances…

JEAN-JACQUES BOURDIN Ah ! J’allais vous en parler. J’allais vous en parler.

PIERRE MOSCOVICI Donc, si vous voulez, évidemment tout cela sera mis… je ne vais pas vous dire, aujourd’hui, la date, la semaine, etc. parce que permettez qu’on se mette au travail. Et puis, il y a quand même deux autres piliers qui sont très importants…

JEAN-JACQUES BOURDIN Allez-y !

PIERRE MOSCOVICI Il y a tout ce qui concerne la jeunesse ! Avec l’Education et vous avez remarqué la place que le ministère de l’Education a, dans ce Gouvernement, très importante… JEAN-JACQUES BOURDIN Troisième, le troisième ministère.

PIERRE MOSCOVICI Le troisième, deuxième ministère, donc c’est dire qu’il …

JEAN-JACQUES BOURDIN Derrière les Affaires étrangères.

PIERRE MOSCOVICI Qu’il y a là, un effort très important qui sera fait. Et enfin, la réorientation de la construction européenne. Nous sommes là, je le répète, pour bien gérer le pays, de manière sérieuse, dans la justice, pour le redresser et avec un souci, qui est celui du changement.

JEAN-JACQUES BOURDIN Alors nous verrons donc sur cette tranche d’imposition…

PIERRE MOSCOVICI Non, mais je veux dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN On ne va pas entrer dans le détail.

PIERRE MOSCOVICI Non, ma réponse n’est pas évasive, tout cela sera fait ! Simplement, je ne veux pas aujourd’hui, vous donner des détails, sur le calendrier maintenant ?

JEAN-JACQUES BOURDIN Plafonnement des niches fiscales, durcissement des droits de succession, annulation de la TVA sociale, fiscalité des entreprises, doublement du plafond du Livret A, tout cela, ce sont des promesses de François HOLLANDE…

PIERRE MOSCOVICI Oui, ce sont les engagements de François HOLLANDE.

JEAN-JACQUES BOURDIN La COUR DES COMPTES certifiera ou pas, les comptes 2011 de l’Etat, le 30 mai. Le 30 mai. Est-ce que, vous me confirmez, vous allez demander un audit, des comptes publics ?

PIERRE MOSCOVICI Cela sera fait, François HOLLANDE l’a dit. Et j’aurais, je pense aujourd’hui, d’ailleurs, un contact avec le premier président de la COUR DES COMPTES, dont je suis d’ailleurs, comme François HOLLANDE un membre pour voir avec lui, dans quelle condition, la certification se fait. Il faut aussi que je parle avec Valérie PECRESSE de l’état des comptes publics. Nous allons le faire dans quelques minutes.

JEAN-JACQUES BOURDIN Impôt à la source au passage ? Est-ce que vous y êtes favorable ?

PIERRE MOSCOVICI Ecoutez, encore une fois, je vais rester, c’est… tous les engagements seront tenus.

JEAN-JACQUES BOURDIN Bon d’accord ! Bon. Parlons des Grecs qui retirent leur argent des banques. Vous avez vu ça ?

PIERRE MOSCOVICI Oui, oui, j’ai vu…

JEAN-JACQUES BOURDIN Et au G20, vous allez partir au G20 ?

PIERRE MOSCOVICI Alors demain, ce n’est pas le G20, c’est le G8. Donc la réunion des 8 plus grands pays économiques de la planète. Si le président de la République me demande d’y aller, j’irais bien sûr ! Parce qu’il y a quelque chose de très important, qui se discute là-bas. C’est la question de la croissance. Je note d’abord, d’ailleurs, qu’avec les Etats-Unis, nous avons la préoccupation commune de relancer la croissance mondiale. Parce que sans croissance, tout est plus difficile, c’est la croissance qui permet de générer de la production. Et la production d’ailleurs, qui permet d’engendrer la croissance. C’est la croissance qui permet de redistribuer mieux. C’est la croissance qui permet de créer des emplois. Donc c’est une réunion internationale, marquante, importante, au cours de laquelle d’ailleurs, François HOLLANDE va rencontrer ses homologues. Le matin, il sera reçu par Barack OBAMA, donc nous devons avoir tout ça. Mais puisque vous me posez la question de la Grèce, moi, je...
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, la zone euro doit choisir vite et prendre des mesures pour sécuriser les membres les plus faibles, c’est David CAMERON qui dit cela. Les Grecs qui retirent leur argent, des banques, est-ce que vous souhaitez toujours le maintien de la Grèce, dans la zone euro ?

PIERRE MOSCOVICI Mais je réponds exactement, comme François HOLLANDE l’a fait dans sa conférence de presse, avec Angela MERKEL. C'est-à-dire que la France et l’Allemagne souhaitent le maintien de la Grèce, dans la zone euro. C’est souhaitable.

JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, une sortie coûterait chère à la France ?

PIERRE MOSCOVICI Ecoutez, encore une fois, nous le souhaitons…

JEAN-JACQUES BOURDIN Parce que le maintien coûte cher à la France aussi ?

PIERRE MOSCOVICI Nous le souhaitons fortement.

JEAN-JACQUES BOURDIN Vous le souhaitez fortement. Vous souhaitez que le maintien ?

PIERRE MOSCOVICI Oui, parce que la Grèce est un pays membre de l’Union européenne. Parce que la zone euro est une zone qui est unique, elle ne peut pas se défaire. Et aussi, il y a des questions…

JEAN-JACQUES BOURDIN Parce que l’Europe a bien montré qu’elle n’était pas capable de gérer le problème grec, jusqu’à maintenant, Pierre MOSCOVICI ?

PIERRE MOSCOVICI Ecoutez, c’est un défi qui nous attend, mais nous le faisons avec beaucoup de volontés. Et je rappelle d’ailleurs, qu’il y a aussi, des échéances qui sont importantes en Grèce, qui auront un impact sur tout ça, ce sont les échéances électorales. Puisqu’ils vont revoter.

JEAN-JACQUES BOURDIN Vous confirmez, vous ne voulez pas faire ratifier le traité de discipline budgétaire signé par la France, en mars ?

PIERRE MOSCOVICI Ce qu’a dit François HOLLANDE, et il l’a redit d’ailleurs à madame MERKEL, dans un entretien, qui a été à la fois, je pense amical et ferme. C’est ce qui était attendu. C'est-à-dire que nous allons demander, qu’il y ait un nouveau volet dans la construction européenne, une nouvelle orientation, qui est celle de la croissance. Nous y tenons très fermement. Après, on va discuter de la façon dont cette négociation se fera.

JEAN-JACQUES BOURDIN Si il y a ce volet, à ce moment-là, et ce traité amélioré, à vos yeux, vous ratifierez, vous demanderez la ratification ?

PIERRE MOSCOVICI François HOLLANDE va rencontrer, la semaine prochaine, ce sera le 23 mai, ses homologues au conseil européen, ce sera un conseil européen informel, qui sera cette prise de contacts, pour discuter de ces choses. Ce qui a été dit de manière claire, c’est que le traité, ne serait pas ratifié en l’état et qu’il faudrait ajouter, compléter, par un volet qui soit un volet de croissance, par une stratégie de croissance. Et quand je dis ça, c’est une stratégie de croissance ambitieuse, que nous voulons. D’ailleurs François HOLLANDE a fait des propositions sur la table. J’ai noté que madame MERKEL, de son côté, s’était déclarée intéressée par un certain nombre de ses propositions, par l’augmentation du capital de la BEI, par aussi, tout ce qui concerne la mobilisation des fonds structurels européens. Donc il y a une volonté commune, par des « Projects Bonds » c'està- dire des obligations européennes qui sont ciblées sur des grands projets. Qu’il y a d’autres sujets qui sont sur la table, comme la taxe des transactions financières, que l’on peut prendre soit à l’échelle Union européenne, soit à l’échelle de l’euro, soit à travers une coopération renforcée, de quelques-uns. Les propositions de François HOLLANDE, elles sont sur la table, ce qui est clair, en tout cas, c’est que pour nous, qui sommes des gens très Européens, François HOLLANDE est très européen, Jean-Marc AYRAULT est très européen, je suis très européen, il faut aussi, réorienter la construction européenne. Non pas, pour tourner le dos à la responsabilité budgétaire, je veux dire les choses de manière très claire, François HOLLANDE l’a toujours dit, il faut et c’est là aussi, une des tâches qui seront les miennes avec les ministres qui m’entourent, que nous combattions la dette publique, que nous réduisions les déficits, que nous sécurisions la situation de la France, ça c’est fondamental. Un pays qui s’endette, c’est un pays qui s’appauvrit. Mais pour nous, responsabilités et croissance ne s’opposent pas. Et François HOLLANDE pendant sa campagne a parlé d’un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance, nous voulons poursuivre les trois ensembles. Et c’est de cela, dont François HOLLANDE a déjà parlé avec madame MERKEL. C’est de cela, donc nous allons continuer à parler, avec nos amis allemands. C’est de cela, donc nous parlerons avec nos amis européens. Il y a un processus qui s’ouvre et qui est un processus d’autre part résolu, et fort.

JEAN-JACQUES BOURDIN Vous serez un ministre rigoureux ? Sur le terrain budgétaire ? Sur le terrain…

PIERRE MOSCOVICI Si c’est au sens de la maîtrise des finances publiques, si c’est au sens de la réduction de la dette et des déficits, mais ça s’impose. Je dirais qu’un ministre de l’Economie et des Finances, qui se respecte est un ministre sérieux. Je serais aux côtés du président de la République, aux côtés du Premier ministre Jean-Marc AYRAULT, un ministre sérieux.

JEAN-JACQUES BOURDIN Un ministre rigoureux, sérieux.

PIERRE MOSCOVICI Sérieux, parce que les Français ont besoin de sérieux.

JEAN-JACQUES BOURDIN Mais ce mot fait peur. Rigoureux…

PIERRE MOSCOVICI Grammaticalement, ce n’est pas honteux. Mais je préfère moi, parler, du sérieux de gauche, c’est ainsi, d’ailleurs que François HOLLANDE parlait. C'est-à-dire qu’encore une fois, nous allons gérer ce pays, sérieusement, avec responsabilité, mais nous voulons le changement. Qu’on ne croit pas que c’est une simple continuité. Ce n’est pas une continuité. Il y a un changement qui doit être marqué, les réformes portées par François HOLLANDE seront mises en oeuvre. Mais dans le sérieux.

JEAN-JACQUES BOURDIN Alors une bonne nouvelle, la France a emprunté hier, à 5 ans, au taux le plus bas, de son histoire depuis la mise en place de l’euro, Pierre MOSCOVICI, c’est un succès pour Nicolas SARKOZY ça ?

PIERRE MOSCOVICI Il me semble que depuis maintenant, quelques heures, ce n’est plus Nicolas SARKOZY qui est à l’Elysée, quelques jours, même. Non, mais écoutez, ça prouve surtout une chose, c’est que toutes les rumeurs qui laissaient à penser que tout à coup, se produirait je ne sais quelle tourmente ! Eh bien, ces rumeurs, ne sont pas fondées. La France, est un pays qui est un pays solide, qui a des ressources, mais en même temps, qui est un pays qui a des difficultés. Et il faut à la fois valoriser les atouts de la France et en même temps, traiter les difficultés du pays.

JEAN-JACQUES BOURDIN J’ai une dernière question !

PIERRE MOSCOVICI Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce que vous pensez que François HOLLANDE est soulagé de ne pas avoir Martine AUBRY au Gouvernement ?

PIERRE MOSCOVICI Je pense que les choses ce sont passées, entre eux. Je ne sais pas exactement comment, mais je crois qu’elles se sont bien passées. C'est-à-dire que Martine AUBRY, avec qui j’ai parlé à plusieurs reprises, est dans un état d’esprit très serein, et très constructif. Elle souhaite mener la bataille des législatives…

JEAN-JACQUES BOURDIN Elle voulait être Premier ministre ?

PIERRE MOSCOVICI Je pense qu’elle n’en a pas fait totalement mystère. Aussi, Martine AUBRY est une femme, très responsable, elle a été numéro deux du Gouvernement, il y a 15 ans. Elle a probablement estimé que ce n’était pas dans cette situation-là, qu’elle souhaitait se mettre aujourd’hui. Mais tout ça, je lisais, je ne sais quel commentaire ici ou là, n’est pas un problème, il n’y a pas de guerre, au contraire ! Je pense qu’il y a une complémentarité forte entre le Gouvernement et le parti. Et que Martine AUBRY est dans le meilleur état d’esprit, comme nous sommes dans le meilleur état d’esprit. C’est d’ailleurs ce qui nous a permis de l’emporter. Vous savez ! Cette unité des socialistes. On l’a peut-être longtemps cherchée, mais elle est là. Et elle est un talisman de la victoire passée, elle est un talisman des victoires futures, moi, je sais que Martine AUBRY est dans cet état d’esprit. Et je m’en réjouis et François HOLLANDE aussi, est dans cet état d’esprit, et Jean-Marc AYRAULT aussi, et le Gouvernement tout entier. Parce que je veux quand même rajouter une chose, c’est qu’il faut que les 10 et 17 juin, il y ait une majorité pour le changement. Sinon, il n’y a pas de changement.

JEAN-JACQUES BOURDIN Nous, vous jugerons au résultat…

PIERRE MOSCOVICI Absolument !

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 25 mai 2012