Texte intégral
Mesdames et messieurs, merci dêtre présents cet après-midi au quai dOrsay. En liaison avec le président de la République et le premier ministre, jai souhaité vous faire une déclaration sur la situation en Syrie.
La Situation en Syrie a pris un tour encore plus grave et abominable que jusqualors. Nous sommes en particulier informés que des enfants servent désormais de boucliers humains au régime. Ils sont placés devant des camions et des chars, torturés, violés et assassinés. Tous les jours, des dizaines et des dizaines de Syriens meurent sous les coups du régime sanguinaire de M. Bachar Al-Assad. Dans ces conditions, la France a décidé de renforcer son dispositif et ses positions pour contrer ce régime de mort et de sang.
Ce dispositif passe en particulier par quatre séries de mesures.
Dabord, nous voulons renforcer la pression sur le régime de Damas en aggravant les sanctions. Je prends immédiatement contact avec mes collègues européens ainsi quavec Mme Ashton pour proposer que nous adoptions, dès la toute prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères, un nouveau train de sanctions qui soit encore plus dur. Il faut cette fois des sanctions qui touchent non seulement M. Bachar al-Assad et sa clique, mais aussi les cadres de larmée et lensemble des soutiens à Assad. Un message est donc passé, très clair, à ceux qui prêtent la main aux opérations de répression. Il faut quils sachent quau-delà des principaux responsables de la répression qui sont déjà visés - Assad et les différents chefs de service de la sécurité - une liste de responsables intermédiaires va être préparée, et quils devront être poursuivis devant la justice.
Prenant cette position, je veux lancer ici un appel à tous les Syriens qui doutent, ou qui sentent que cette politique criminelle ne peut que conduire à plus de chaos. Il faut quils comprennent que le seul avenir est dans la résistance à loppression, que lheure du choix est arrivée, quil faut quils quittent ce navire.
Deuxièmement, nous proposons de rendre obligatoires les dispositions du plan de Kofi Annan. Ce plan rencontre des difficultés évidentes. Nous avons aujourdhui entendu la Chine exprimer sa vive préoccupation. Il faut que le Conseil de sécurité passe à la vitesse supérieure, et place sous chapitre VII - cest-à-dire rende obligatoires - les dispositions du plan Annan.
Je rappelle que le plan Annan comprend notamment larrêt des violences, le retrait de larmée des villes, lacheminement de laide militaire ; en bref, tout ce qui rendra possible lamorce dune transition politique en Syrie et donc le départ de Bachar Al-Assad. Il faut que, désormais, les dispositions de ce plan soient rendues obligatoires.
Troisièmement, il faut aller plus loin dans le dialogue avec les puissances internationales qui sont capables dinfluence. Cest le sens de notre dialogue avec la Russie et de nos contacts avec les principaux partenaires du Conseil de sécurité, et de la région. Cest aussi le sens de nos efforts pour que lopposition, quelle soit extérieure ou intérieure, soit à la hauteur de lenjeu en sunissant et en offrant une alternative crédible.
Nous, Français, soutenons lidée dun Groupe de contact proposé par Kofi Annan. Nous sommes favorables à toutes les initiatives qui conduiront à la mise en uvre de ce plan. Ce qui compte, cest de faire cesser le massacre et dengager la transition.
Enfin, quatrième disposition, nous avons dores et déjà lancé les invitations à plus de 140 pays et groupes pour réunir le 6 juillet prochain la Conférence des Amis du peuple syrien, et nous multiplierons les contacts avec lopposition. Il faut montrer à lopposition quelle nest pas seule. En début de semaine, je me suis adressé au nouveau président du Conseil National Syrien, M. Sayda, et je lui ai apporté lappui de la France. Je suis et serai également en relation, dans les heures qui viennent, avec les opposants de lintérieur avec qui nous navons jamais perdu le contact, même si, en prenant ce contact, ils savent quils exposent leur vie.
Ce dont il sagit, mesdames et messieurs, cest dencourager lopposition à se structurer, à se fédérer, à sorganiser de manière à ce quelle constitue une force légitime, capable de préparer laprès Bachar Al-Assad.
Par ma voix cet après-midi, la France entend être à la pointe de laction contre Bachar Al-Assad et contre les crimes dont il aura à rendre compte.
Q - Quelle est votre analyse de ce qui se passe aujourdhui en Syrie, faut-il parler oui ou non de guerre civile, le régime affirme que non, le représentant à lONU, M. Ladsous affirme que oui, quelle est votre position, quelle est la partie de la Syrie qui est occupée par le régime et lautre par lopposition, et par ailleurs sur les ventes darmes, est ce que les Russes continuent à vendre des armes comme laffirme Mme Clinton et en particulier, des hélicoptères, qui pourraient être évidemment une nouvelle menace pour lopposition et qui pourraient aggraver encore la situation ?
R Sur la question de la guerre civile, il ny pas lieu de mener de querelles de vocabulaire. Lorsque, sous la pression du régime, des groupes appartenant à un même peuple se déchirent et sentretuent, le risque est évident : on appelle cela guerre civile, sauf à ne pas comprendre ce qui se passe. Ce quil faut, précisément pour éviter la guerre civile et quelle saccentue encore, cest faire en sorte que M. Bachar Al Assad quitte le pouvoir, et trouver les moyens pour que lopposition, les oppositions, puissent fournir une solution alternative et maîtrisée, avec des communautés en paix. Mais il est clair aujourdhui que cest, avec son cortège dexactions, dune guerre civile quil sagit. La deuxième question que vous avez posée, celle des ventes darmes, est extrêmement difficile. Chacun de vous le comprend, si on alimente en armes les belligérants - et dans notre cas, évidemment, les rebelles - on entretient le conflit, on lexacerbe ; si on ne le fait pas, il y a risque, et même certitude, que du côté du régime, il y ait des forces massives bien équipées, et du côté de lopposition des poitrines nues. Je dirais que de toutes les manières, cette question est un peu dépassée, puisquil y a des livraisons darmes, des deux côtés. Sagissant de la Russie, nous avons bien entendu une série de déclarations officielles. Mais nos informations, directes et indirectes, attestent quil y a des livraisons darmes.
Q Vous avez annoncé des mesures qui passent encore dans le cadre de lONU, pour le moment elles ont été quand même, compliquées par lopposition en particulier par la Russie et la Chine, est-ce que vous avez des éléments qui vous laissent penser que cette fois, ça pourrait bouger au niveau de lONU, ou est ce quà un moment, il faudrait passer de cette étape là ?
R - Cest vrai que jusquà présent, il y a eu un blocage de la Russie et de la Chine à toute action qui pourrait être décisive dans le cadre des Nations unies. Ce qui est envisagé, à la fois par Kofi Annan, par dautres partenaires et par nous-mêmes, cest davoir recours au chapitre VII pour rendre obligatoires les dispositions du plan Annan dans la mesure où il permet, ce qui est essentiel, darrêter les combats et daller vers une transition politique. Nous avons des contacts en ce sens, avec nos collègues du Conseil de sécurité et en particulier avec la Russie, dont chacun sait quelle joue un rôle important dans cette matière. Et nous pensons, nous espérons quà mesure que le drame syrien malheureusement saggrave, à mesure que M. Bachar Al-Assad montre quil nest quun prébendier à la tête dun groupe dassassins, les Russes pourront accompagner notre effort en direction de lutilisation du chapitre VII en vue de lapplication du plan Annan. Nous travaillons en ce sens, et nous espérons que cette mesure interviendra rapidement.
Q Vous avez évoqué linitiative du M. Annan et apparemment vous avez ignoré celle de la Russie, celle de votre homologue Lavrov, qui aujourdhui est à Téhéran. Est-ce que vous êtes toujours à la même position en refusant que LIran participe à cette conférence internationale et si cétait le cas est ce que la France boycotterait une telle réunion ?
R Je nignore pas les initiatives de mon collègue Serguei Lavrov, que jai rencontré lorsque le président de la République française a reçu le président Poutine, et qui est un homme qui connaît admirablement cette région et les problèmes internationaux. Je lui ai dit, ma collègue Hillary Clinton lui a dit, et dautres encore, que nous étions favorables à un groupe de contact qui permettrait davancer et de trouver des solutions en amont du Conseil de sécurité, mais que nous ne pensions pas que la présence de lIran pourrait aider à dénouer ce conflit. Non que lIran nait pas dinfluence sur la Syrie ; lIran en a, malheureusement, de toutes sortes. Mais dans une autre négociation, entre dun côté le groupe des 5+1 et de lautre côté lIran, lIran demande que, plutôt que de parler du nucléaire iranien, on parle de la question syrienne. Au lieu de clarifier la situation, nous irions vers un imbroglio total, et nous navancerions ni sur la Syrie, ni sur la question de larmement nucléaire. Hillary Clinton, moi-même, mon collègue britannique, dautres encore, ne sommes pas favorables à cette solution. En revanche, nous sommes favorables à linitiative prise par Kofi Annan, sur laquelle des discussions existent aussi avec les Russes, pour quil y ait un groupe de contact qui pourrait le cas échéant se tenir à la fin du mois à un très haut niveau, et qui permettrait entre puissances du Conseil de sécurité et peut-être quelques autres davancer sur ce point.
Q Votre homologue américaine, Hillary Clinton a déclaré récemment que la livraison imminente dhélicoptères de combat par la Russie à la Syrie, allait je cite dramatiquement escalader le conflit en Syrie. Est-ce que vous adhérez à cette analyse, pourquoi est ce que vous semblez ménager la Russie à propos de ces livraisons darmes à la Syrie, par ailleurs, votre homologue britannique William Hague a répondu lors dune question parlementaire quil allait procéder à une révisions des accords passés entre des entreprises britanniques et Rosoboronexport.
Est-ce que vous avez lintention de procéder à une révision similaire des accords passés entre des entreprises françaises et Rosoboronexport, le principal fournisseur du régime Assad ?
R Non. Nous ne ménageons personne, ni les Russes, ni dautres, cette expression ne peut pas être utilisée. Dès lors quil y a livraison darmes qui peuvent alimenter le drame qui se passe en Syrie, nous ne pouvons évidemment quy être opposés. Cette position est dailleurs commune à la plupart des partenaires du Conseil de sécurité. Pour nous Français, nous veillons toujours étroitement à ce que nos ventes darmes ne puissent pas être utilisées, directement ou indirectement, dans des conflits ce type. Si nous avions connaissance du fait que ces armes puissent être utilisées, nous réagirions immédiatement.
Une dernière question.
Q - Est-ce que sur cette résolution possible aux Nations unies, est ce que vous pensez quune zone dexclusion aérienne est envisageable et deuxièmement aujourdhui on a vu les Russes dirent que les États-Unis armaient les rebelles, les Etats-Unis accusaient les Russes hier de vendre des hélicoptères, ça montre que la diplomatie est en train de craquer un petit peu entre lOuest et le Russie, donc où est-ce que vous voyez le développement de cette situation ?
R Oui, sur le deuxième point, cest-à-dire les accusations réciproques de ventes darmes, jai exprimé tout à lheure un point de vue : les ventes darmes ont lieu, directement ou indirectement. La France nalimente pas ces ventes darmes en direction de la Syrie, que ce soit de manière directe ou indirecte. Mais on comprend bien - et cest pourquoi il faut aller vers une autre solution - quaucune des deux branches de lalternative ne peut conduire à une diminution du conflit. Même si des armes sont livrées par un certain nombre de pays aux forces insurgées, cest en proportion inférieure à la puissance du régime. Les forces insurgées se font tuer sur place, et on alimente le conflit. Sur cet aspect des choses, sil doit y avoir une modification, elle peut être décidée au Conseil de sécurité. Car le Conseil de sécurité peut, parmi les dispositions applicables à travers le chapitre VII, décider dun embargo sur les armes. Cest une des possibilités qui sont ouvertes. Quant à votre interprétation de la diplomatie, je suis pas diplomate depuis assez longtemps pour me prononcer sur ce plan, mais les mises en cause réciproques et la recherche de solutions, cest une certaine forme de diplomatie
Q Même sur la zone aérienne ?
R - Cela fait partie des possibilités. Il sagit de prendre toutes les dispositions utiles pour quon arrête les massacres et je reviens, en vous quittant, au début de mon propos. Ce régime est un régime de massacreur, mais dans lhorreur, il passe maintenant, si lon peut dire, un degré supplémentaire lorsquil utilise des enfants, qui ont parfois huit ou neuf ans - vous imaginez ce que cela signifie placés de part et dautre des camions et des cars qui permettent aux soldats de Bachar Al Assad dentrer dans les villes pour massacrer les habitants. Quand un régime place des enfants près des vitres pour empêcher les tirs, car si lon veut tirer sur les soldats, il faut dabord tuer les enfants, lorsquil met les enfants devant ces cars, lorsquil les massacre, lorsque quil les torture, lorsque des enfants sont violés, alors ce régime ne mérite pas de continuer à vivre.
Mercisource http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2012
La Situation en Syrie a pris un tour encore plus grave et abominable que jusqualors. Nous sommes en particulier informés que des enfants servent désormais de boucliers humains au régime. Ils sont placés devant des camions et des chars, torturés, violés et assassinés. Tous les jours, des dizaines et des dizaines de Syriens meurent sous les coups du régime sanguinaire de M. Bachar Al-Assad. Dans ces conditions, la France a décidé de renforcer son dispositif et ses positions pour contrer ce régime de mort et de sang.
Ce dispositif passe en particulier par quatre séries de mesures.
Dabord, nous voulons renforcer la pression sur le régime de Damas en aggravant les sanctions. Je prends immédiatement contact avec mes collègues européens ainsi quavec Mme Ashton pour proposer que nous adoptions, dès la toute prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères, un nouveau train de sanctions qui soit encore plus dur. Il faut cette fois des sanctions qui touchent non seulement M. Bachar al-Assad et sa clique, mais aussi les cadres de larmée et lensemble des soutiens à Assad. Un message est donc passé, très clair, à ceux qui prêtent la main aux opérations de répression. Il faut quils sachent quau-delà des principaux responsables de la répression qui sont déjà visés - Assad et les différents chefs de service de la sécurité - une liste de responsables intermédiaires va être préparée, et quils devront être poursuivis devant la justice.
Prenant cette position, je veux lancer ici un appel à tous les Syriens qui doutent, ou qui sentent que cette politique criminelle ne peut que conduire à plus de chaos. Il faut quils comprennent que le seul avenir est dans la résistance à loppression, que lheure du choix est arrivée, quil faut quils quittent ce navire.
Deuxièmement, nous proposons de rendre obligatoires les dispositions du plan de Kofi Annan. Ce plan rencontre des difficultés évidentes. Nous avons aujourdhui entendu la Chine exprimer sa vive préoccupation. Il faut que le Conseil de sécurité passe à la vitesse supérieure, et place sous chapitre VII - cest-à-dire rende obligatoires - les dispositions du plan Annan.
Je rappelle que le plan Annan comprend notamment larrêt des violences, le retrait de larmée des villes, lacheminement de laide militaire ; en bref, tout ce qui rendra possible lamorce dune transition politique en Syrie et donc le départ de Bachar Al-Assad. Il faut que, désormais, les dispositions de ce plan soient rendues obligatoires.
Troisièmement, il faut aller plus loin dans le dialogue avec les puissances internationales qui sont capables dinfluence. Cest le sens de notre dialogue avec la Russie et de nos contacts avec les principaux partenaires du Conseil de sécurité, et de la région. Cest aussi le sens de nos efforts pour que lopposition, quelle soit extérieure ou intérieure, soit à la hauteur de lenjeu en sunissant et en offrant une alternative crédible.
Nous, Français, soutenons lidée dun Groupe de contact proposé par Kofi Annan. Nous sommes favorables à toutes les initiatives qui conduiront à la mise en uvre de ce plan. Ce qui compte, cest de faire cesser le massacre et dengager la transition.
Enfin, quatrième disposition, nous avons dores et déjà lancé les invitations à plus de 140 pays et groupes pour réunir le 6 juillet prochain la Conférence des Amis du peuple syrien, et nous multiplierons les contacts avec lopposition. Il faut montrer à lopposition quelle nest pas seule. En début de semaine, je me suis adressé au nouveau président du Conseil National Syrien, M. Sayda, et je lui ai apporté lappui de la France. Je suis et serai également en relation, dans les heures qui viennent, avec les opposants de lintérieur avec qui nous navons jamais perdu le contact, même si, en prenant ce contact, ils savent quils exposent leur vie.
Ce dont il sagit, mesdames et messieurs, cest dencourager lopposition à se structurer, à se fédérer, à sorganiser de manière à ce quelle constitue une force légitime, capable de préparer laprès Bachar Al-Assad.
Par ma voix cet après-midi, la France entend être à la pointe de laction contre Bachar Al-Assad et contre les crimes dont il aura à rendre compte.
Q - Quelle est votre analyse de ce qui se passe aujourdhui en Syrie, faut-il parler oui ou non de guerre civile, le régime affirme que non, le représentant à lONU, M. Ladsous affirme que oui, quelle est votre position, quelle est la partie de la Syrie qui est occupée par le régime et lautre par lopposition, et par ailleurs sur les ventes darmes, est ce que les Russes continuent à vendre des armes comme laffirme Mme Clinton et en particulier, des hélicoptères, qui pourraient être évidemment une nouvelle menace pour lopposition et qui pourraient aggraver encore la situation ?
R Sur la question de la guerre civile, il ny pas lieu de mener de querelles de vocabulaire. Lorsque, sous la pression du régime, des groupes appartenant à un même peuple se déchirent et sentretuent, le risque est évident : on appelle cela guerre civile, sauf à ne pas comprendre ce qui se passe. Ce quil faut, précisément pour éviter la guerre civile et quelle saccentue encore, cest faire en sorte que M. Bachar Al Assad quitte le pouvoir, et trouver les moyens pour que lopposition, les oppositions, puissent fournir une solution alternative et maîtrisée, avec des communautés en paix. Mais il est clair aujourdhui que cest, avec son cortège dexactions, dune guerre civile quil sagit. La deuxième question que vous avez posée, celle des ventes darmes, est extrêmement difficile. Chacun de vous le comprend, si on alimente en armes les belligérants - et dans notre cas, évidemment, les rebelles - on entretient le conflit, on lexacerbe ; si on ne le fait pas, il y a risque, et même certitude, que du côté du régime, il y ait des forces massives bien équipées, et du côté de lopposition des poitrines nues. Je dirais que de toutes les manières, cette question est un peu dépassée, puisquil y a des livraisons darmes, des deux côtés. Sagissant de la Russie, nous avons bien entendu une série de déclarations officielles. Mais nos informations, directes et indirectes, attestent quil y a des livraisons darmes.
Q Vous avez annoncé des mesures qui passent encore dans le cadre de lONU, pour le moment elles ont été quand même, compliquées par lopposition en particulier par la Russie et la Chine, est-ce que vous avez des éléments qui vous laissent penser que cette fois, ça pourrait bouger au niveau de lONU, ou est ce quà un moment, il faudrait passer de cette étape là ?
R - Cest vrai que jusquà présent, il y a eu un blocage de la Russie et de la Chine à toute action qui pourrait être décisive dans le cadre des Nations unies. Ce qui est envisagé, à la fois par Kofi Annan, par dautres partenaires et par nous-mêmes, cest davoir recours au chapitre VII pour rendre obligatoires les dispositions du plan Annan dans la mesure où il permet, ce qui est essentiel, darrêter les combats et daller vers une transition politique. Nous avons des contacts en ce sens, avec nos collègues du Conseil de sécurité et en particulier avec la Russie, dont chacun sait quelle joue un rôle important dans cette matière. Et nous pensons, nous espérons quà mesure que le drame syrien malheureusement saggrave, à mesure que M. Bachar Al-Assad montre quil nest quun prébendier à la tête dun groupe dassassins, les Russes pourront accompagner notre effort en direction de lutilisation du chapitre VII en vue de lapplication du plan Annan. Nous travaillons en ce sens, et nous espérons que cette mesure interviendra rapidement.
Q Vous avez évoqué linitiative du M. Annan et apparemment vous avez ignoré celle de la Russie, celle de votre homologue Lavrov, qui aujourdhui est à Téhéran. Est-ce que vous êtes toujours à la même position en refusant que LIran participe à cette conférence internationale et si cétait le cas est ce que la France boycotterait une telle réunion ?
R Je nignore pas les initiatives de mon collègue Serguei Lavrov, que jai rencontré lorsque le président de la République française a reçu le président Poutine, et qui est un homme qui connaît admirablement cette région et les problèmes internationaux. Je lui ai dit, ma collègue Hillary Clinton lui a dit, et dautres encore, que nous étions favorables à un groupe de contact qui permettrait davancer et de trouver des solutions en amont du Conseil de sécurité, mais que nous ne pensions pas que la présence de lIran pourrait aider à dénouer ce conflit. Non que lIran nait pas dinfluence sur la Syrie ; lIran en a, malheureusement, de toutes sortes. Mais dans une autre négociation, entre dun côté le groupe des 5+1 et de lautre côté lIran, lIran demande que, plutôt que de parler du nucléaire iranien, on parle de la question syrienne. Au lieu de clarifier la situation, nous irions vers un imbroglio total, et nous navancerions ni sur la Syrie, ni sur la question de larmement nucléaire. Hillary Clinton, moi-même, mon collègue britannique, dautres encore, ne sommes pas favorables à cette solution. En revanche, nous sommes favorables à linitiative prise par Kofi Annan, sur laquelle des discussions existent aussi avec les Russes, pour quil y ait un groupe de contact qui pourrait le cas échéant se tenir à la fin du mois à un très haut niveau, et qui permettrait entre puissances du Conseil de sécurité et peut-être quelques autres davancer sur ce point.
Q Votre homologue américaine, Hillary Clinton a déclaré récemment que la livraison imminente dhélicoptères de combat par la Russie à la Syrie, allait je cite dramatiquement escalader le conflit en Syrie. Est-ce que vous adhérez à cette analyse, pourquoi est ce que vous semblez ménager la Russie à propos de ces livraisons darmes à la Syrie, par ailleurs, votre homologue britannique William Hague a répondu lors dune question parlementaire quil allait procéder à une révisions des accords passés entre des entreprises britanniques et Rosoboronexport.
Est-ce que vous avez lintention de procéder à une révision similaire des accords passés entre des entreprises françaises et Rosoboronexport, le principal fournisseur du régime Assad ?
R Non. Nous ne ménageons personne, ni les Russes, ni dautres, cette expression ne peut pas être utilisée. Dès lors quil y a livraison darmes qui peuvent alimenter le drame qui se passe en Syrie, nous ne pouvons évidemment quy être opposés. Cette position est dailleurs commune à la plupart des partenaires du Conseil de sécurité. Pour nous Français, nous veillons toujours étroitement à ce que nos ventes darmes ne puissent pas être utilisées, directement ou indirectement, dans des conflits ce type. Si nous avions connaissance du fait que ces armes puissent être utilisées, nous réagirions immédiatement.
Une dernière question.
Q - Est-ce que sur cette résolution possible aux Nations unies, est ce que vous pensez quune zone dexclusion aérienne est envisageable et deuxièmement aujourdhui on a vu les Russes dirent que les États-Unis armaient les rebelles, les Etats-Unis accusaient les Russes hier de vendre des hélicoptères, ça montre que la diplomatie est en train de craquer un petit peu entre lOuest et le Russie, donc où est-ce que vous voyez le développement de cette situation ?
R Oui, sur le deuxième point, cest-à-dire les accusations réciproques de ventes darmes, jai exprimé tout à lheure un point de vue : les ventes darmes ont lieu, directement ou indirectement. La France nalimente pas ces ventes darmes en direction de la Syrie, que ce soit de manière directe ou indirecte. Mais on comprend bien - et cest pourquoi il faut aller vers une autre solution - quaucune des deux branches de lalternative ne peut conduire à une diminution du conflit. Même si des armes sont livrées par un certain nombre de pays aux forces insurgées, cest en proportion inférieure à la puissance du régime. Les forces insurgées se font tuer sur place, et on alimente le conflit. Sur cet aspect des choses, sil doit y avoir une modification, elle peut être décidée au Conseil de sécurité. Car le Conseil de sécurité peut, parmi les dispositions applicables à travers le chapitre VII, décider dun embargo sur les armes. Cest une des possibilités qui sont ouvertes. Quant à votre interprétation de la diplomatie, je suis pas diplomate depuis assez longtemps pour me prononcer sur ce plan, mais les mises en cause réciproques et la recherche de solutions, cest une certaine forme de diplomatie
Q Même sur la zone aérienne ?
R - Cela fait partie des possibilités. Il sagit de prendre toutes les dispositions utiles pour quon arrête les massacres et je reviens, en vous quittant, au début de mon propos. Ce régime est un régime de massacreur, mais dans lhorreur, il passe maintenant, si lon peut dire, un degré supplémentaire lorsquil utilise des enfants, qui ont parfois huit ou neuf ans - vous imaginez ce que cela signifie placés de part et dautre des camions et des cars qui permettent aux soldats de Bachar Al Assad dentrer dans les villes pour massacrer les habitants. Quand un régime place des enfants près des vitres pour empêcher les tirs, car si lon veut tirer sur les soldats, il faut dabord tuer les enfants, lorsquil met les enfants devant ces cars, lorsquil les massacre, lorsque quil les torture, lorsque des enfants sont violés, alors ce régime ne mérite pas de continuer à vivre.
Mercisource http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2012