Interview de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, à Europe 1 le 15 juin 2012, sur les relations entre la France et l'Allemagne dans le contexte de la crise de la zone euro, la politique budgétaire et la campagne pour le deuxième tour des élections législatives.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous nous recevez dans le bureau où maire de Nantes, vous avez régné pendant 23 ans. Elu dès le premier tour des élections législatives, vous le quittez – peut-être avec regret – pour Matignon ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, avec émotion, je dois tant aux Nantais, ils m’ont tant apporté. Et quelque part cette nomination à Matignon, c’est aussi une part… une contribution des Nantais et je leur exprime ma plus grande gratitude.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Monsieur le Premier ministre bonjour. Vous avez demandé sèchement hier à la Chancelière MERKEL de ne pas se laisser aller à des formules simplistes.
 
JEAN-MARC AYRAULT Non…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH D’abord pourquoi vous avez haussé le ton ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Je crois qu’il faut que l’Allemagne et la France, main dans la main, trouvent le 28 et 29 juin – avec les autres partenaires européens – une solution pour sortir l’Europe de la crise. C’est notre responsabilité, je suis sûr que nous la trouverons, je n’ai aucun doute là-dessus. Donc ça passe par un dialogue plus fort encore que ce qui a eu lieu jusqu’à présent.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est-à-dire que vous êtes plus net dans vos discussions, dans vos affirmations avec l’Allemagne. Par exemple, selon Hélène KOHL, vous avez entendu tout à l’heure notre correspondante à Berlin, la presse allemande de ce matin ne comprend pas à quoi vous faisiez allusion en parlant de formule simpliste.
 
JEAN-MARC AYRAULT Vous savez qu’il y a un débat parlementaire actuellement au Bundestag, et qu’il y a une majorité et il y a une opposition. Et si vous lisez les débats du Bundestag, vous verrez que les paroles sont parfois fortes entre la majorité et l’opposition. J’ai rencontré cette semaine les représentants du SPD, pourquoi ? Parce que nous approchons du sommet du 28 et 29 juin, et que l’exigence de réponse à la crise – et en particulier de mesures qui vont relancer la croissance en Europe – font partie du débat. Et Madame MERKEL y est confrontée comme nous…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais…
 
JEAN-MARC AYRAULT Et c’est bien normal que dans ce débat politique, dans ce débat (je dirai) démocratique, nous disions « allons à l’essentiel et évitons les polémiques inutiles ».
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais justement, Madame MERKEL avait prévenu devant le Bundestag que l’Allemagne (je la cite) ne pouvait se satisfaire de solutions de facilité, de médiocrité comme recette à la crise.
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle visait peut-être les Américains, elles visaient d’autres, pourquoi vous avez senti tout de suite que c’était la France qui était visée…
 
JEAN-MARC AYRAULT Le sommet…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et pourquoi vous avez dit « il faut prendre les choses au sérieux et avec courage » ? Est-ce que vous trouvez qu’elle manque de courage et de sérieux ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, ça ne s’adresse pas spécialement à Madame MERKEL, ça s’adresse à tous les Européens, tous les leaders européens. Et quand on voit la crise, les dangers, que va-t-il se passer en Grèce, l’Espagne est attaquée, l’Italie l’est aussi, vous voyez les taux d’intérêt auxquels les Etats empruntent, même l’Allemagne a vu son taux augmenter. Donc il y a bien nécessité d’un côté – et si c’est la question qui est posée par Madame MERKEL, il faut y répondre très clairement – la maîtrise des comptes publics, arrêter les déficits et la dette et la France s’y engage ; et de l’autre côté, il faut qu’on trouve les voies à la fois de la croissance – et ça c’est une priorité – et en même temps des mécanismes qui évitent de dépendre des marchés financiers qui font la loi.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle dit elle-même… elle dit elle-même « la croissance et la discipline budgétaire doivent marcher main dans la main ». Mais elle propose par exemple plus d’intégration pour arriver à l’union politique de l’Europe. Est-ce qu’elle a tort ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais la perspective d’une union plus forte, d’une union politique plus forte… et c’est une perspective souhaitable, mais il faut du temps pour y parvenir et il y a des préalables. Le préalable c’est aujourd’hui à la fois de maîtriser nos déficits et, d’autre part, de relancer la croissance. Donc le sommet de Bruxelles du 28-29 juin, je suis convaincu qu’il trouvera des réponses. Par exemple… aussi des recettes, pas seulement des dépenses, des recettes. La taxe sur les transactions financières, ça c’est un sujet qui fait l’objet d’un débat même en Allemagne…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Les Allemands se sont mois d’accord.
 
JEAN-MARC AYRAULT Tant mieux, ce qui prouve que…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et le SPD sont d’accord.
 
JEAN-MARC AYRAULT Ben oui ! Ce qui prouve que ce débat, y compris en Allemagne, est utile.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais au même moment, le président de la République passe la journée hier à Rome avec Mario MONTI, et il répète qu’entre la France et l’Italie il y a de fortes convergences sur l’euro et la croissance. Est-ce qu’au fond, vous ne cherchez pas une coalition anti-MERKEL ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Absolument pas, ça serait une mauvaise voie…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Un front anti-MERKEL ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, ce n’est absolument pas ma position et ce n’est pas celle de la France.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que le tête à tête France Allemagne vous pèse, il est trop pesant…
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, non…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Trop déséquilibré ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Il est essentiel, il a un sens et une portée historique, il doit se poursuivre. Mais en même temps, nous discutons avec les autres grands pays, l’Italie fait partie des pays fondateurs de l’Europe, ne l’oublions pas. Donc l’Italie, c’est à la fois plus que l’Italie et en même temps Mario MONTI, le président du Conseil italien, constate comme nous un certain nombre de problèmes graves notamment par rapport aux marchés financiers…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais vous ne cherchez pas…
 
JEAN-MARC AYRAULT Et nous faisons… nous avons des convergences.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais vous ne cherchez pas Jean-Marc AYRAULT, Monsieur le Premier ministre, de réunir les pays du Sud qui sont le club des mauvais élèves et affaiblis de l’Europe, pour isoler la Chancelière et la faire plier ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, je trouve que ce serait une grave faute politique qui n’aboutirait à aucune solution. Par contre, discuter d’abord à 4 avant le sommet, c’est ce qui va se faire puisque François HOLLANDE rencontrera Madame MERKEL avec Monsieur MONTI, Monsieur RAJOY, le président du gouvernement espagnol le 22. Donc l’idée, c’est d’avancer avant le sommet…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Henri GUAINO…
 
JEAN-MARC AYRAULT Vers des convergences…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH GUAINO disait tout à l’heure à Bruce TOUSSAINT que vous étiez tous en train de mettre en scène l’inimitié avec l’Allemagne, et que vous avez choisi une stratégie de l’attention.
 
JEAN-MARC AYRAULT Si Monsieur GUAINO fait la leçon sur les relations avec l’Allemagne, il est très mal placé parce que c’est souvent lui qui a mal conseillé Monsieur SARKOZY sur les relations avec l’Allemagne. Moi je suis convaincu, comme François HOLLANDE, que nous avons un destin commun, comme François MITTERRAND et Helmut KOHL – qui n’étaient pas du même bord politique – et ont su face au défi de l’histoire, en particulier lorsque le mur de Berlin est tombé et que l’Union soviétique s’est effrondrée, trouver les bonnes réponses. Je suis convaincu parce que c’est notre responsabilité…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et dans votre bureau, il y a…
 
JEAN-MARC AYRAULT Que nous trouverons les bonnes réponses.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Dans votre bureau, il y a des photos de Jean JAURES, de François MITTERRAND et de la cohabitation, vous étiez avec le Chancelier SCHROEDER…
 
JEAN-MARC AYRAULT Absolument.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Avec Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN.
 
JEAN-MARC AYRAULT Pour le sommet franco-allemand qui avait eu lieu à Nantes.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous êtes germaniste, est-ce que vous avez une phrase à dire aujourd’hui directement à Madame MERKEL en allemand ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Je lui dis : wir haben die eingemeinsame Verantwortung, Europa eine Zukunft zu geben. Und wie MITTERRAND und KOHL, François HOLLANDE und MERKEL sind davon überzeugt.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH On traduit…
 
JEAN-MARC AYRAULT C'est-à-dire que…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Nous avons la responsabilité commune… allez-y.
 
JEAN-MARC AYRAULT De préparer… donner un avenir à l’Europe parce qu’aujourd’hui l’Europe est en crise et doute de son avenir, et le monde doute de son avenir, et que je suis sûr que comme MITTERRAND et KOHL, François HOLLANDE et Madame MERKEL trouveront ensemble la réponse parce qu’ils en sont convaincus.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Und das ist nicht heute morgen, kein Frankreich gegen Deutschland.
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, ça serait une faute politique grave dans l’intérêt non seulement de nos deux pays mais de l’Europe.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et quand le président et vous-même, vous recevez les 3 dirigeants du SPD, vous en parliez tout à l’heure, qui rêvent de succéder à Madame MERKEL, vous pensez que la Chancelière et la presse allemande peuvent considérer ça comme des signes d’entente…
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui mais…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et d’élégance ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, ce n’est pas de l’inélégance, je suis très clair là-dessus parce que les sociaux-démocrates en Allemagne ont la même aspiration que nous, c'est-à-dire sortir de la crise, redonner de… je dirai de l’air à la croissance. Et eux, ils débattent au Bundestag puisque Madame MERKEL va devant le Parlement allemand…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ça sera…
 
JEAN-MARC AYRAULT Va revenir le 29 devant le Parlement allemand, et elle sait qu’elle a besoin du concours des sociaux-démocrates pour avoir une majorité sur le traité budgétaire parce qu’il faut une majorité des deux tiers. Donc c’est bien normal qu’on discute à la fois avec Madame MERKEL et son parti, qu’on discute aussi avec son opposition.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Pourquoi l’activité de l’économie française est en train de se dégrader aujourd’hui…
 
JEAN-MARC AYRAULT Parce que…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH D’après tous les chefs d’entreprise !
 
JEAN-MARC AYRAULT Pour toutes les raisons que je vais indiquer là, c’est que la crise ne dépend pas que de nous, elle dépend aussi de l’Europe parce qu’elle est partout. La récession est à nos portes…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH La récession est à nos portes !
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui mais dans l’Europe…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH De la France, de la France ?
 
JEAN-MARC AYRAULT En Europe, en Europe…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais pas de la France ou de la France si on continue ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Toute l’Europe est confrontée à la même question, et donc vous voyez ! Les perspectives de croissance – même en Allemagne – sont faibles. Donc une croissance de 0,4 – 0,5 ce n’est pas suffisant, donc il faut aller plus loin parce que si la croissance est trop faible, alors c’est les rentrées fiscales qui sont plus faibles, c’est les comptes sociaux qui se dégradent. Donc nous n’avons aucun intérêt à cela…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH En 5 semaines Jean-Marc AYRAULT de vous à Matignon, les experts de l’Assemblée Gilles CARREZ et du Sénat Philippe MARINI estiment que vous avez distribué, redistribué et dépensé l’équivalent de 20 milliards d’euros…
 
JEAN-MARC AYRAULT Eh bien…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et que rien n’est rentré.
 
JEAN-MARC AYRAULT Eh bien ! Ils n’ont pas le droit de tromper ainsi les Français, c’est un mensonge…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ça fait combien ?
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est un mensonge complet parce que tout ce que nous avons décidé a été entièrement financé. Je vais prendre un exemple, la retraite à 60 ans est non pas pour tout le monde mais pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes, qui ont leurs années de cotisations, c’est 100 à 110, 120.000 personnes par an. Donc ces personnes, c’est une mesure de justice…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais est-ce que ce matin…
 
JEAN-MARC AYRAULT Eh bien ! C’est financé…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous confirmez…
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est financé…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Votre récente promesse que toute réforme sera gagée sur des économies…
 
JEAN-MARC AYRAULT Absolument, absolument.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et quelles économies ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Eh bien ! Sur le budget lui-même, c’est vrai pour la loi de finance rectificative qui va être présentée en juillet prochain. L’objectif, c’est de contenir notre déficit dans les 4,5 % pour le contenir dans les 3 % en 2013, l’équilibre en 2017, ça c’est un engagement qui a été pris…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et ça fait… et quel effort…
 
JEAN-MARC AYRAULT Et donc je vous annonce qu’il n’y a qu’une seule mesure de dépense supplémentaire qui va être décidée et qui sera couverte par des diminutions, c’est les 1 000 postes pour la rentrée scolaire et c’est la seule dépense nouvelle qu’il y aura…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que la…
 
JEAN-MARC AYRAULT Dans cette loi de finance rectificative.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que la question de la réduction des dépenses publiques est pour vous une vraie question ?
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est la question de la maîtrise… enfin écoutez, quand je vous dis que nous allons descendre en dessous de 4,5 % de déficit, puis 3 ensuite, ça veut dire qu’il y aura à la fois un effort sur la dépense mais sauf sur les priorités, je pense à l’Education, je viens de le dire, sur la politique de l’emploi. Mais en même temps, il y aura effectivement des prélèvements fiscaux sur les plus riches, et ce n’est pas les classes moyennes avec les classes populaires qui vont payer la facture. Donc rétablir (je prends cet exemple pour bien me faire comprendre) l’impôt sur la fortune qui concerne 1 % des contribuables…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH D’accord.
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est un effort fiscal mais c’est un effort de justice.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais les patrons redoutent pourtant que toutes les charges frappent les plus riches et les entreprises, ce qui affaiblirait la compétitivité !
 
JEAN-MARC AYRAULT Alors… mais là encore, il faut dire les choses avec précision. Il ne s’agit pas de toucher aux PME ou aux TPE qui sont souvent celles qui créent de l’emploi ; mais par contre les grandes entreprises seront appelées aussi à participer à l’effort national de redressement.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais quel dosage vous faites par exemple entre la hausse des impôts et la réduction des dépenses publiques ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Il y aura un équilibre entre les deux, c’est exactement…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH C’est quoi, 50 50 ou 60 10 30 pour les dépenses publiques ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Ce qui… c’est 50 50, c’est toujours ce qui a été écrit, y compris dans le projet de François HOLLANDE, il faut toujours se le rappeler.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Jean-Marc AYRAULT, ce matin le sondage du PARISIEN confirme la défaite de Ségolène ROYAL à La Rochelle. Si elle perd, au-delà de Ségolène ROYAL, est-ce que c’est l’échec de tous ceux qui l’ont soutenue, donc une défaite collective ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Non mais non, je pense que ce dimanche prochain… enfin dimanche 17…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Après-demain.
 
JEAN-MARC AYRAULT Ce qui compte c’est de donner une majorité claire, solide et forte au président de la République pour mettre en oeuvre son projet. Je suis confiant dans le sens politique et de la responsabilité des Français, ils ne veulent pas l’instabilité politique. On parle de la crise en Europe, vous croyez que le désordre politique en France, le déséquilibre politique, la confusion politique rendraient la France plus forte ?
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais vous allez avoir la majorité, mais quand vous réclamez comme ce matin une large majorité, vous voulez dire la majorité absolue, c'est-à-dire qu’aujourd’hui à gauche, le vote utile c’est donc le PS et le gouvernement AYRAULT ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Ce qui est utile, c’est de donner au président de la République une majorité absolue effectivement pour mettre en oeuvre ses propositions, oui avec nos alliés…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Pour ne rien devoir à personne ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Avec nos alliés, avec nos alliés… ce n’est pas le fait de ne rien devoir à personne, c’est la cohérence, c’est la stabilité pour engager les réformes. On sait que ça sera difficile, donc pas d’instabilité politique, solidité politique…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous ne m’avez pas répondu sur Ségolène ROYAL.
 
JEAN-MARC AYRAULT Pour faire face…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comment expliquez-vous que l’intervention du président de la République, du Premier ministre, du numéro 1 du PS ne parviennent pas à éviter la défaite…
 
JEAN-MARC AYRAULT Jean-Pierre ELKABBACH c’est très simple, il y a un sondage qui est sorti qui demande à ceux qui sont sondés qu’en fonction de leur vote du premier tour, pour qui ils vont voter au deuxième. 85 % des électeurs votent pour le concurrent de Ségolène ROYAL, vous avez tout compris.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ségolène ROYAL est d’ores et déjà…
 
JEAN-MARC AYRAULT La droite vote pour FALORNI contre Ségolène ROYAL.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH D’accord.
 
JEAN-MARC AYRAULT Elle veut battre Ségolène ROYAL, mais moi j’appelle les électeurs de La Rochelle à ne pas se laisser faire et à résister à cette alliance absurde, je dirai même presque indécente du candidat dissident avec la droite locale.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ségolène ROYAL est d’ores et déjà victime du fameux tweet qui avait une dimension et une résonnance politique. Vous, vous avez dit : chacun doit être à sa place Monsieur le Premier ministre, et vous avez recommandé à l’auteur du tweet d’être plus discrète, qu’est-ce que ça veut dire ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Ça veut dire qu’il y a effectivement une personnalité qui est la compagne du président de la République, qui est quelqu’un de très respectable et qui a sa place, qui a une place… qui doit la trouver pleinement…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Quelle place ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais qui n’est pas une place politique.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH C'est-à-dire qu’elle n’intervienne plus dans le débat public politique ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais ça a toujours été comme ça et ça le sera, moi j’ai tout à fait confiance, donc on ne va pas faire un feuilleton tous les jours de ce tweet.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH A plusieurs reprises…
 
JEAN-MARC AYRAULT Il y a des choses plus importantes.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Sans doute et on en a parlé. A plusieurs reprises, vous en avez parlé peut-être avec le président en HOLLANDE, on le dit en colère ou affecté par cette histoire.
 
JEAN-MARC AYRAULT Le président HOLLANDE vous savez… vous avez vu cette cérémonie magnifique des Invalides où la France était rassemblée à la mémoire de nos soldats…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais on ne savait pas ce qu’il avait dans la tête en même temps !
 
JEAN-MARC AYRAULT Ce qu’il avait dans la tête, c’est le discours qu’il a prononcé. C’était un grand discours républicain d’un homme d’Etat, et c’est ça l’essentiel. Et je peux vous dire que lorsqu’il y a eu ensuite la rencontre avec les familles, c’était un moment extrêmement poignant…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc l’essentiel…
 
JEAN-MARC AYRAULT La dignité des familles était impressionnante, mais parce que justement les hommes qui sont morts là-bas au nom de la France représentaient aussi la nation toute entière, et c’était important que François HOLLANDE puisse incarner la nation.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Au Zénith l’autre soir, vous vous êtes adressé à tous les électeurs français, vous avez déclaré : je ne confonds pas le Front National et ses électeurs. Pourquoi vous n’acceptez pas que Messieurs FILLON, COPE, JUPPE disent la même chose ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Ils ne disent pas la même chose, ils ne font pas la même chose, regardez… vous êtes en Loire-Atlantique ici, il y a un député sortant, Monsieur BOENNEC, député-maire de Pornic qui lui est allé négocier avec le Front National, et réponse : la secrétaire départementale du Front National… appelle à voter pour le candidat UMP, il y a un a accord politique. Donc c’est ça que je dénonce, c’est la tartuferie des dirigeants de l’UMP…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais dans Le FIGARO de ce matin, Jean-François COPE confirme ou réaffirme qu’il n’y a aucun accord, aucune alliance avec le Front National, et que les élus UMP tentés par les rapprochements avec le Front National seront vite exclus. Est-ce que…
 
JEAN-MARC AYRAULT Moi je mets en…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ce n’est pas un argument électoraliste ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Je mets en garde parce que je vais vous dire pourquoi ce n’est pas qu’un argument électoraliste. C’est parce que depuis 5 ans, nous avons assisté à une dérive politique où celui qui dirigeait la France et ses amis, de plus en plus, sont allés sur le terrain des idées du Front National. Et est-ce que ça a fait reculer le Front National ? Ça l’a fait monter. Quand vous courez derrière, il est toujours plus fort, donc il faut résoudre…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Justement…
 
JEAN-MARC AYRAULT Les problèmes.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Justement…
 
JEAN-MARC AYRAULT Moi je suis responsable du gouvernement, non pas pour trier entre les Français mais pour écouter ce qu’ils disent et ce qu’ils attendent, et trouver…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et justement…
 
JEAN-MARC AYRAULT Les solutions aux problèmes qu’ils expriment.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Depuis 30 ans, depuis François MITTERRAND qui est en photo ici, le Front National prospère et (on a envie de dire) sur les insuffisances de tous les gouvernements…
 
JEAN-MARC AYRAULT Hélas !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comme si la responsabilité était partagée…
 
JEAN-MARC AYRAULT Vous savez, le…
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Pourquoi vous n’attaquez pas le Front National sur les questions qu’ils posent et tous, pourquoi vous ne le rendez pas inutile une fois pour toute ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais écoutez, quand j’entends des jeunes qui ont 20 ans et quelques et qui votent Front National parce qu’ils ont l’impression d’être abandonnés, parce qu’ils sont en situation d’échec, parce qu’ils n’ont pas de perspectives, je vous dis, c’est leurs problèmes qu’il faut que je résolve. Avant de leur dire « vous faites mal », moi j’ai envie de leur dire « on va faire ensemble ». La question de l’emploi des jeunes, de la dignité des jeunes, de leur avenir, c’est une question qui est au coeur du projet de François HOLLANDE, moi j’ai envie de les convaincre non pas par des paroles ou par un cours de morale, mais par des solutions.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 15 juin 2012