Interview de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, à "RTL" le 12 juin 2012, sur le deuxième tour des élections législatives dans certaines circonscriptions (La Charente maritime ou Le Vaucluse), sur le rôle des sociétés coopératives et de production (Scop), sur l'échec de Jean-Luc Mélenchon à Henin-Beaumont.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

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JEAN-MICHEL APHATIE Pour le second tour des élections législatives l’UMP a choisit sa stratégie « nini », ni Front National, ni Parti socialiste. Un commentaire ?

ARNAUD MONTEBOURG Ecoutez, je crois que sur le terrain la stratégie de l’UMP, c’est une stratégie de recherche d’alliance sans le dire. Pourquoi ils ne peuvent pas passer d’alliance ? Parce que l’électorat modéré du Centre droit n’accepte pas les valeurs du Front National, il y a une adhésion aux valeurs de la République dans ce pays, y compris au sein de l’UMP, donc c’est une stratégie qui ne fonctionne pas dans certains endroits où finalement l’UMP et le Front National ont déjà fusionné dans les têtes et notamment de leurs élus.

JEAN-MICHEL APHATIE Les travaux pratiques sont toujours difficiles dans le Vaucluse, c’est le député sortant Jean-Michel FERRAND, que vous connaissez peut-être, député UMP, qui tente de battre la candidate du Front National, Marion MARECHAL LE PEN, conseilleriez-vous ce matin, Arnaud MONTEBOURG, aux électeurs de gauche de voter pour le député UMP Jean-Michel FERRAND ?

ARNAUD MONTEBOURG Nous demandons à notre candidate de se retirer.

JEAN-MICHEL APHATIE Et ?

ARNAUD MONTEBOURG Elle n’a pas pour l’instant accepté de le faire.

JEAN-MICHEL APHATIE Ce qu’elle refuse de faire oui.

ARNAUD MONTEBOURG Et nous souhaitons en effet éviter les élus du Front National, donc nous souhaitons que les électeurs se déterminent en fonction de l’UMP et le Front National, nous avons évidemment une préférence pour le parti qui respecte les valeurs de la République UMP.

JEAN-MICHEL APHATIE Ségolène ROYAL est en difficulté à la Rochelle face au candidat socialiste dissident Olivier FALORNI, que vous connaissez tous très bien, si je puis dire, les dirigeants du Parti socialiste puisqu’il est premier secrétaire fédéral de ce département. Vous souhaitez la victoire de qui ? De Ségolène ROYAL parachutée sur ce territoire ou de FALORNI qui est légitime sur le terrain ?

ARNAUD MONTEBOURG D’abord Ségolène ROYAL n’est pas tout à fait parachutée, car elle est la présidente depuis très longtemps de la région de la Rochelle, elle est une femme courageuse. Elle a ouvert le chemin d’idées nouvelles, nous lui devons, la gauche lui doit d’abord le respect et l’amitié. Donc moi je souhaite qu’Olivier FALORINI écoute son parti, je crois qu’il n’est pas honorable d’entrer dans les guerres fratricides.

JEAN-MICHEL APHATIE Mais il n’est pas prêt à se retirer lui non plus, et il faut noter que Ségolène ROYAL est la seule candidate qui n’est pas passée par le stade des primaires, c'est dire les militants locaux n’ont pas voté pour désigner leur candidat, rétrospectivement c’est une erreur d’avoir procédé comme ça ?

ARNAUD MONTEBOURG Je crois que si c’était à refaire, je crois qu’il eut été préférable qu’en effet on organise une discussion et un vote, comme nous sommes des adeptes des primaires, qu’elles ont fonctionné pour l’élection présidentielle, nous n’avons aucune raison d’ailleurs de les éviter pour les élections locales, en tout cas législatives qui se déroulent sur un terrain local…

JEAN-MICHEL APHATIE C’est ce qui avait été décidé pour Ségolène ROYAL à la demande d’ailleurs de Ségolène ROYAL.

ARNAUD MONTEBOURG De toute façon, on ne peut pas refaire le passé, mais c’est vrai que cela aurait été préférable.

JEAN-MICHEL APHATIE Vous avez toujours eu de la sympathie pour Jean-Luc MELENCHON, Arnaud MONTEBOURG ?

ARNAUD MONTEBOURG Je lui rends hommage…

JEAN-MICHEL APHATIE Gros échec.

ARNAUD MONTEBOURG … d’un combattant. Nous lui devons cet hommage d’un combattant qui a eu le courage de ses idées, qui a pris des risques, qui est allé sur un terrain qui n’était pas le sien et je crois que la gauche toute entière doit lui reconnaitre ces qualités. Il a porté dans le débat des présidentielles un certain nombre d’idées, elles sont radicales pour certaines, certaines, je crois de toute façon font leur chemin, d’autres mettront plus de temps, mais je crois que c’est un homme dont la République a besoin.

JEAN-MICHEL APHATIE Il a eu tort d’aller affronter Marine LE PEN à Hénin Beaumont ?

ARNAUD MONTEBOURG En tout cas nous devons gagner et je crois que l’ensemble des électeurs de gauche…

JEAN-MICHEL APHATIE Ce n’était pas ma question.

ARNAUD MONTEBOURG L’ensemble des électeurs de gauche se regrouperont derrière monsieur KEMEL qui est notre candidat face à madame LE PEN.

JEAN-MICHEL APHATIE D’accord. Le tribunal de Commerce de Paris a autorisé hier EUROTUNNEL à reprendre trois navires de la société SEAFRANCE, ces navires seront exploités désormais par une Scop et 500 des 800 emplois d’origine pourront être sauvés, est-ce une solution qui vous parait viable ou simplement satisfaisante ?

ARNAUD MONTEBOURG Si elle n’était pas viable, nous ne l’aurions pas soutenue et je ne crois pas qu’EUROTUNNEL aurait confié l’exploitation de la ligne qu’EUROTUNNEL a reprise à une Scop. Ce qui est intéressant pour nous, c’est qu’il y a là des salariés, des marins qui ont décidé d’organiser la poursuite de leur activité. Nous considérons que la Scop est une forme de performance parce qu’une Scop, c’est une entreprise sur un marché, avec des concurrents, qui réalise des bénéfices, mais ces bénéfices sont reversés aux actionnaires, les actionnaires sont les salariés. Donc nous pensons que les coopératives qui sont très performantes dans notre pays, en Italie, en Espagne, dans de nombreux pays européens ont une place importante parce que c’est un capitalisme en quelque sorte à visage humain, non délocalisable. Et le gouvernement, je m’en félicite, avec le ministre des Transports, moi-même, avons soutenu la solution de reprise de SEAFRANCE par la Scop et je remercie la SNCF, les créanciers, tous ceux qui ont fait un effort pour que cette solution voit le jour.

JEAN-MICHEL APHATIE Un gros effort oui des créanciers, c’est un exemple qui pourrait être reproduit dans d’autres circonstances, l’idée des Scops est une idée que vous allez essayer de développer Arnaud MONTEBOURG ?

ARNAUD MONTEBOURG Cela ne peut fonctionner que s’il y a une volonté sur le terrain et si les salariés ont suffisamment de ressources en eux-mêmes, de capacités de direction d’eux-mêmes de gestion pour le faire. Et il y a des tas d’endroits où c’est le cas. Je voudrais signaler par exemple une grande entreprise qui s’appelle Chèque Déjeuner qui est connu de beaucoup de salariés, c’est une Scop et où les écarts de salaires sont très réduits, de 1 à 3 ou 4, où les bénéfices considérables sont ré-engrangés dans l’entreprise et où on se consacre à l’investissement, l’innovation. Donc c’est un modèle économique performant et très humain. Nous en avons besoin et je suis toujours à l’avant pointe du soutien de solutions alternatives.

JEAN-MICHEL APHATIE L’activité économique se dégrade, toute la presse économique fait état de difficultés à respecter les engagements financiers que nous avons pris, réduction des déficits à 3 % en 2013 par exemple, qu’est-ce qu’il faudra privilégier à l’avenir, la parole donnée pour réduire les déficits ou bien gérer la situation économique différemment ?

ARNAUD MONTEBOURG Il faut privilégier la bataille diplomatique avec nos partenaires européens et notamment nos amis allemands, pour les inciter à faire autre chose qu’une politique « austéritaire », où on multiplie partout dans la zone euro des plans d’austérité qui nous ruinent et nous plombent. Il y a déjà 7 pays sur 17 pays de la zone euro qui sont en récession, la politique de remboursement de dettes n’a aucun sens, pendant que nous remboursons nos dettes, pendant 10 ans, nous aurons dans les pays asiatiques, en Amérique du Sud, eux, des pays qui investissent et fabriquent les produits de demain, l’industrie de demain, et nous serons les consommateurs des produits fabriqués par les autres.

JEAN-MICHEL APHATIE 3 % de déficit en 2013, ce n’est pas une obligation ?

ARNAUD MONTEBOURG C’est une nécessité que d’avoir un chemin de redressement des comptes publics, le pays est dans un état lamentable, il nous est légué quand même sur le plan des comptes publics dans une situation très difficile, nous ferons les efforts nécessaires, ils seront justement répartis. Mais notre bataille, elle est d’abord celle de la croissance au plan européen.

JEAN-MICHEL APHATIE L’équipe de France a inauguré l’Euro, un partout contre l’Angleterre, les joueurs français ne chantent toujours pas la Marseillaise, le ministre de la République que vous êtes s’en émeut ou pas ?

ARNAUD MONTEBOURG Oui, je crois que la Marseillaise est un de nos éléments du patrimoine national, il va falloir que nous fassions du redressement productif sur le terrain de foot monsieur APHATIE.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 19 juin 2012