Texte intégral
Mesdames, Messieurs, merci beaucoup pour votre présence. Mille excuses pour mon retard mais nous avions une réunion qui vient de sachever entre collègues des Affaires européennes de lUnion sur des sujets dont vous imaginez limportance. Une réunion est dailleurs en train de reprendre sur les perspectives budgétaires 2014-2020. Je vous propose par conséquent daller à lessentiel des sujets que vous avez sur le métier et que nous avons aussi comme autant de préoccupations communes.
Dabord, quelques mots sur les questions que nous avons dores et déjà traitées ce matin et sur les questions que nous traiterons dans laprès-midi.
Ce matin, nous avons essentiellement traité de deux sujets.
Le premier sujet concernait le Monténégro. Nous avons donné notre accord à louverture des négociations. Nous avons souhaité que louverture de ces négociations se fassent dans un cadre de négociations qui soit strictement défini, avec des procédures précises qui nous garantissent la possibilité, étape après étape, de vérifier que les interrogations formulées par la Commission pourront faire lobjet dun suivi très attentif qui nous permettra de bien veiller à ce que, sur les sujets qui nous tiennent à cur, qui concernent essentiellement lÉtat de droit, la lutte contre le crime organisé, le blanchiment, le bon fonctionnement de la justice monténégrine, les choses puissent sorganiser convenablement. Nous lavons fait dans un esprit de consensus, au terme dune discussion avec la Commission qui a permis daboutir. Tout cela se passe conformément à ce que nous souhaitions, grâce à un travail de la présidence danoise que je veux saluer, qui a été de très grande qualité.
Le deuxième sujet que nous avons évoqué concernait les fonds de cohésion. Nous avons notamment évoqué la concentration thématique des fonds de cohésion, qui est un sujet sur lequel nous avons aussi abouti à un accord. La volonté qui était la nôtre de voir lensemble des régions qui bénéficient des fonds de cohésion et des fonds structurels traitées de façon identique a été prise en compte par la Commission et la Présidence danoise. Nous avons pu par conséquent adopter le texte qui nous était proposé sans trop de débats.
Bien entendu, nous avons un ordre du jour assez dense pour laprès-midi et qui concerne des sujets que nous avions déjà évoqués ensemble à loccasion de notre première rencontre à Bruxelles. Il sagit des perspectives budgétaires 2014-2020 et de la préparation du Sommet européen de la fin de la semaine.
Si vous en êtes daccord - les deux sujets étant assez liés puisque le «better spending» qui doit prévaloir à la réorientation éventuelle des perspectives budgétaires 2014-2020 permet de faire de la croissance, et par ailleurs la volonté qui est la nôtre de faire de la croissance à côté de la discipline budgétaire, cest-à-dire de réorienter la politique de lUnion, sera bien au cur des discussions qui auront lieu dans quelques jours entre les chefs dÉtat et de gouvernement -, je voudrais insister très rapidement pour pouvoir prendre le temps de répondre à vos questions sur quelque uns des sujets qui nous tiennent à cur, sur lesquels les choses sont en discussion et ont pour beaucoup dentre elles progressé.
Dabord, beaucoup des débats qui étaient pendants ont été tranchés positivement au cours des derniers jours, des dernières semaines grâce à la dynamique de négociation qui se poursuit, qui ne présage en rien du résultat mais qui témoigne de la capacité de cette dynamique de négociation dengranger des résultats positifs à mesure que les discussions se poursuivent. Il y avait ce débat entre discipline budgétaire et croissance : souvenez-vous dil y a de cela quelques semaines, on considérait que le traité qui portait essentiellement sur la discipline budgétaire, pour ne pas dire quasi-totalement, devait être ratifié sans autre considération touchant à la croissance. Nous avons souhaité une réorientation de la politique de lUnion qui permette de créer les conditions dun équilibre entre des mesures concrètes pour la croissance et le respect des disciplines budgétaires, parce que nous considérions quil ny aurait pas de possibilité de respecter la discipline budgétaire sans croissance, et quil ny aurait pas non plus de croissance avec des dettes et des déficits budgétaires qui minent la croissance dans les pays de lUnion, et notamment en France. Nous avons réussi à faire en sorte que dans lensemble des pays de lUnion, cet équilibre nouveau entre discipline budgétaire et croissance soit acté comme souhaitable et nous nous en réjouissons.
Deuxièmement, il y avait des débats, des considérations sur croissance et approfondissement du marché intérieur ; croissance, ce sont des investissements davenir. Nous, nous considérions quil fallait les deux, approfondissement du marché intérieur avec volonté de mettre laccent sur la compétitivité et des investissements davenir autour des enjeux importants que sont la transition énergétique, les interconnexions de transport et le réseau dénergie et autres sujets. Je crois que ce débat est désormais là aussi derrière nous : nous considérons quil ny aura pas de croissance sil ny a pas à la fois approfondissement du marché intérieur et sil ny a pas des mesures particulières, des signes à favoriser les investissements davenir, nous avons obtenu de ce point de vue là un bon équilibre.
Troisièmement, il y avait ce débat entre intégration politique comme préalable aux mesures durgence ou mesures durgence sans intégration politique. Nous, nous disons que nous voulons les deux dans le cadre dune feuille de route, cest-à-dire que nous voulons des mesures urgentes pour la croissance parce que les marchés nattendent pas, parce que les peuples souffrent, parce quil faut donner un projet politique, un nouvel horizon à lUE qui fasse sens. En même temps, nous acceptons tout à fait lidée que les outils dont nous nous dotons pour atteindre ces objectifs puissent justifier dun pilotage politique plus intégré. Nous nopposons pas les deux, nous lions les deux démarches dans une même méthodologie, dans une même feuille de route.
Nous avons des discussions en cours, la copie de M. Van Rompuy a été communiquée aux différents partenaires dans la nuit. Que souhaitons-nous ? Parce que cest cela la question, que souhaitons nous ? Quels sont les objectifs auxquels nous essayons de concourir dans la négociation, dans la perspective du Sommet de la fin de la semaine ?
Dabord les mesures pour la croissance, et notamment pour la croissance par les investissements davenir. Nous souhaitons que ces mesures soient concrètes. Elles doivent être consolidées et validées à 27. Les choses ont été mises positivement sur le métier à Rome et tout cela mérite dêtre approfondi ; ces mesures, cest la recapitalisation de la BEI qui permet dengager 50 milliards deuros dinvestissements ; ces 50 milliards deuros de fonds structurels susceptibles dêtre mobilisés sur précisément les investissements davenir, et cest une phase pilote de «project bonds» à hauteur de 4 - 5 milliards deuros, ce qui fait un total de 120 milliards deuros, ce qui correspond à 1 % du PIB de lUE. Tout cela a été discuté à Rome, les fondements ont été jetés. Une consolidation doit être faite, cest lobjet des négociations qui se poursuivront jusquà jeudi ; il faut consolider à 27 ce que nous avons décidé de mettre sur le métier en terme de réflexion à quatre.
Deuxième élément : lunion bancaire, qui est indispensable pour consolider le système bancaire européen sans lequel il ne peut pas y avoir de croissance, repose sur trois piliers qui ont été clairement posés là aussi sur le métier à Rome et que M. Van Rompuy reprend dans ses propositions : garantie des dépôts, supervision et résolution des crises bancaires.
Sur ces trois sujets, la discussion se poursuit. Il faut regarder les conditions dans lesquelles nous pouvons consolider cette copie en sachant que, pour nous, la consolidation du système bancaire est une bonne manière de rompre le cercle vicieux qui, dans un même mouvement de déclin et de difficulté, unit crise bancaire et crise de la dette souveraine.
Dernier point et ensuite je répondrai à vos questions, si vous le souhaitez, si vous en avez, cest la question de lavenir, et notamment de la stabilisation financière, de lutilisation de tous les instruments financiers dont nous disposons, le FESF, le MES, que nous souhaitons utiliser et conforter en vue davoir une action efficace sur les taux et qui permette denvoyer un signal aux marchés. Nous comprenons bien que ce sujet-là implique une expertise et que cette expertise peut justifier dun approfondissement du calendrier, dun affinement du calendrier entre la nécessité, encore une fois, dintégrer davantage politiquement et de conforter ces outils. Nous souhaitons, sur cette question, une feuille de route qui nous permette, avec nos partenaires, dexaminer lensemble des considérants techniques et politiques qui permettraient de décliner ce calendrier en actions concrètes dans les mois qui viennent, parce que nous sommes déjà au mois de juin, quil reste six mois avant la fin de lannée et que nous souhaitons quune copie avant la fin de lannée permette de profiler lensemble de ces questions.
Le rapport de M. Van Rompuy est une base de départ intéressante qui a fait lobjet de discussions. Chacun a dit ce quil avait à dire. Nous ne construisons pas les bons compromis autrement que dans lexpression des orientations de chacun dans la plus grande clarté. Le compromis, ce nest pas le filet deau tiède. Le compromis, cest la nécessité de parvenir avec nos partenaires dans lexpression claire de ce que nous pensons les uns et les autres, dadosser le compromis à des pensées clairement énoncées, à des conditions clairement formulées, à des mises en perspective qui donnent du sens. Cest ce que nous essayons de faire, cest ce que nous avons essayé de faire. M. Van Rompuy a intégré ces éléments et ce quil propose constitue une base de discussion pour le Conseil européen qui peut être approfondie utilement dici jeudi et vendredi, et au-delà. Voilà ce que je voulais vous dire, est-ce que vous avez des questions ?
Q - À propos du rapport de M. Van Rompuy (inaudible), est-ce que vous approuvez, ou quelle réaction suscite de votre côté la suggestion faite dans le rapport Van Rompuy de donner à la Commission le dernier mot en matière budgétaire, cest-à-dire (inaudible) en dehors de tout contrôle parlementaire ? Deuxième : est-ce que la France est acquise à lidée de la BCE comme étant (chargée de la supervision bancaire - inaudible) ? Troisième question, plus anecdotique, est-ce que lon a oui ou non un accord sur le siège de la future instance des brevets ? (Inaudible - ce pourrait être à Paris à en croire les dernières rumeurs, est ce quon va aboutir ?).
R - Je commence par la dernière question : si la proposition est Paris, cest-à-dire la proposition consensuelle à laquelle est arrivée la Présidence polonaise, cela aura notre accord. Si cest un tout autre dispositif, cela suscitera des discussions, cest-à-dire la poursuite de ce qui est en cours. Voilà ce que je peux vous dire pour lheure sur ce sujet, la position de Paris est bien connue, nous souhaitons aboutir sur les brevets parce que cest un facteur de compétitivité doté dun outil commun qui permet dapporter linnovation. Nous avons fait beaucoup de concessions dans la discussion, au point que nous sommes arrivés sous Présidence polonaise à un bon consensus qui avait fait lobjet dun accord large et dont lapplication a été remise en cause. Nous souhaitons aboutir sur cette affaire, nous souhaitons revenir à ce qui a déjà fait lobjet dun accord, cest-à-dire la proposition de nos amis polonais. Si ce nétait pas le point auquel nous étions susceptibles darriver en termes de consensus, la discussion se poursuivrait.
Pour ce qui concerne la BCE, pour lunion bancaire, notre position est très pragmatique : ce quil faut, cest que nous puissions avec nos partenaires cheminer vers un dispositif de supervision efficace. Dailleurs, si lon veut vraiment avoir de lefficacité en termes de supervision, il faudra dabord que nous essayions de coordonner lensemble des dispositifs de supervision qui sont susceptibles davoir un impact sur les marchés financiers. Il y a la supervision des marchés financiers, des banques, des assurances et vous comprenez bien que si lon veut optimiser le dispositif de supervision, il y a des discussions techniques qui doivent sapprofondir et qui vont bien au-delà de la question de savoir si cest la BCE ou pas. Il y a des avantages à ce que ce soit la BCE mais il y a aussi quelques inconvénients. Je pense que ce qui compte, cest que nous arrivions avec nos partenaires - et les discussions qui sont en cours peuvent le favoriser - à un dispositif qui nous permette dêtre encore une fois le plus efficace possible. En termes de supervision, nous ne sommes fermés à aucune hypothèse dès lors que lon parvient dans la discussion avec les partenaires à un accord qui permette doptimiser le dispositif de supervision des marchés financiers.
Vous me posez une question sur le dispositif de supervision budgétaire : est-ce que nous sommes daccord pour dire que la Commission supervise sans le concours des parlements nationaux ? Nous avons dabord une doctrine générale qui est extrêmement lisible : nous considérons que lintégration politique ne peut pas être considérée comme le préalable à tout ce qui relève de lurgence en termes doutils dont nous devons nous doter, doutils plus efficaces en termes de régulation, en termes dintervention sur les marchés. En même temps, nous considérons aussi que dès lors que nous nous dotons doutils supplémentaires qui améliorent lefficacité de nos interventions sur les marchés, qui améliorent lunité de la politique monétaire, tout cela peut justifier de dispositifs de pilotage politique, notamment sur le plan budgétaire, plus intégrés. Nous considérons que les deux doivent aller de pair, il ny a pas lintégration politique comme préalable aux mesures durgence parce que sinon nous prenons le risque de navoir ni lintégration politique ni les mesures urgentes. Dès lors que nous nous engageons sur le chemin des mesures urgentes pour surmonter les difficultés que la crise nous impose comme autant de défis, alors il ny a aucune raison de ne pas accepter dengager la réflexion sur lintégration des dispositifs de pilotage politique.
Voilà notre doctrine générale, elle est très pragmatique, ce nest pas lintégration politique versus mesures urgentes pour faire face à la crise, cest les deux. Cest-à-dire que si les bonnes mesures urgentes pour faire face à la crise justifient un dispositif dintégration politique supplémentaire, alors faisons-le à proportion de ce que les outils nous dictent dintégration. Voilà quelle est notre doctrine. À partir de ce moment-là, très concrètement, moi, je ne suis pas pour ce qui concerne le rôle de la Commission, il est déjà significativement renforcé par lensemble des dispositifs qui ont été récemment mis sur le métier par le Parlement européen lui-même, «six-pack», «two-pack», etc Dailleurs, tout nest pas encore entré en vigueur puisquon a un dispositif de codécision législatif et que le Conseil aura à se prononcer sur la manière dont ces dispositifs doivent se mettre en uvre.
Je ne veux pas, par des déclarations qui pourraient apparaître comme conceptuelles, dogmatiques, bloquer les discussions qui auront lieu dans les jours qui viennent. Ce que je peux dire au plan des principes, cest que lon ne peut pas envisager un niveau de mutualisation et de confortement des outils de politique monétaire et de stabilisation financière sans quà un moment donné, encore une fois, on accepte un dispositif dintégration politique, qui peut justifier dans un certain nombre de domaines que lon accepte un droit de regard de la Commission et, par conséquent, une nouvelle articulation des responsabilités entre Parlements nationaux, Parlement européen, Commission et Conseil. Cest précisément ce sur quoi nous travaillons techniquement. Je ne peux pas vous dire aujourdhui quelle est lissue technique de la discussion, parce que si je vous le disais aujourdhui ces discussions, alors que lobjectif est de les faire aboutir, je ne veux pas les crisper et les gripper par des déclarations qui laisseraient présager ce qui sera peut être lissue de cette discussion.
Q - Mais ce que propose H. Van Rompuy, cest daller bien au-delà dun simple droit de regard ?
R - Aujourdhui, la Commission est en droit de regarder concrètement - si on se réfère au six pack et au two pack - les conditions dans lesquelles les États, notamment ceux qui sont en déficit excessif, conduisent leur politique budgétaire. Il y a donc dores et déjà un droit de regard qui peut sexercer de la part des institutions européennes, de la part de la Commission : ce nest pas un phénomène nouveau, nous ne sommes pas devant un dispositif nouveau qui arriverait sur la table, comme un jaune duf sur une toile cirée, sans que personne ne lait vu arriver. On est sur un dispositif qui est déjà établi. Si ce dispositif doit faire lobjet dun approfondissement dune consolidation, au terme de lintégration politique, économique, monétaire, il faudrait en discuter les modalités. Vous me demandez si je suis choqué de ce qui existe déjà ; ce dont vous parlez existe déjà.
Q - Mais jusquà présent cest le parlement français qui a le dernier mot sur le budget de la France, là on parle bien dun pouvoir supplémentaire ?
R - Oui, mais je réponds très précisément à cette question. Nous sommes très soucieux de lexercice par le Parlement de sa souveraineté en matière budgétaire. Il ny a aucune raison pour le Parlement de renoncer à cette souveraineté en matière budgétaire si aucune évolution nintervient pour conforter les outils de politique monétaire et dintervention financière dont lUnion européenne est dotée. Mais il ny a aucune raison de ne pas réfléchir à des dispositifs dintégration politique supplémentaire si nous devions faire évoluer ces instruments. Cest notre position et, quelle que soit la question que vous me posez, cette cohérence sexprimera parce que la caractéristique dune cohérence cest que quelque soit la question elle se réaffirme, elle sexprime.
Il y a donc un dispositif qui existe aujourdhui, auquel nous tenons en létat actuel de lintégration politique économique et monétaire. Si nous devions, pour faire face à la crise, accepter une évolution des outils pour les conforter, nous devrions bien entendu réfléchir politiquement à la manière dont nous améliorons, dont nous faisons lintégration des dispositifs de pilotage politique. Cela inclurait, bien entendu, la réflexion sur les sujets que vous venez dévoquer, et le niveau dévolution acceptable dépendra du niveau dévolution des outils acceptés par nos partenaires.
Q - La France accepterait elle de changer les Traités, daller vers un saut fédéral ?
R - La France a dit non seulement quelle était ouverte mais quelle souhaitait une feuille de route. Nous ne sommes pas dans un débat conceptuel, nous sommes dans un débat concret, marqué par le pragmatisme. Nous voulons que lEurope se dote dans lurgence des outils dont elle a besoin pour faire face à la crise.
Nous comprenons très bien quun certain nombre dévolutions, que sont susceptibles de subir ces outils, pourraient justifier de mettre en place une feuille de route qui pourrait nous conduire à examiner un certain nombre de questions juridiques et de calendrier dévolution des institutions ; tout cela doit faire lobjet dune feuille de route. Cette feuille de route, nous la demandons et nous laccepterons sil y a des étapes significatives qui permettent à lEurope de surmonter la crise par des outils politiques et monétaires renforcés. Et nous accepterons les dispositifs dintégration à hauteur de lambition que porteront ces outils que nous appelons de nos vux. Sil y a une petite évolution, il y aura une petite intégration ; sil y a une grande évolution, il y aura une intégration plus importante. Cest la proportionnalité entre lintégration acceptée et lambition des outils dont on se dote ; cela sappelle du pragmatisme.
Q - Aurez-vous des dates précises dans cette feuille de route ?
R - Cest toujours mieux dans une feuille de route sil y a un début, une fin et des étapes. Plus la feuille de route sera précise, plus elle sera engageante, plus elle témoignera dune volonté commune. Plus elle témoignera dune volonté commune en étant engageante, plus elle rendra des évolutions possibles.
Q - Sur lidée davoir recours à la BCE vous avez parlé davantages et dinconvénients, pourriez vous préciser les inconvénients ? Par ailleurs, on a limpression quil ny a pas de grande nouvelle à attendre de ce sommet, est ce que vous nêtes pas inquiet de la réaction des marchés ?
R - Je crois que vous commettez une petite erreur de parallaxe, cest-à-dire que vous regarder le sujet à partir dun angle, peut être de vos désirs, de vos passions, de votre regard critique sur une réalité dont vous considérez quelle navance pas suffisamment vite. Mais moi, depuis un mois, je suis ministre des Affaires européennes et je trouve que cela va infiniment plus vite que je pouvais limaginer moi-même au moment où jai pris mes fonctions.
On peut toujours regarder un sommet en fonction du chemin qui reste à parcourir, sans pour autant que ni vous ni moi ne connaissions exactement les conclusions de ce sommet, on peut aussi regarder un sommet à partir du chemin qui a été parcouru du moment où les problématiques ont été posées jusquau moment où les conclusions seront rendues.
Je pense que beaucoup de débats semblaient difficiles, voire même pour un certain nombre dentre eux tabous : limportance accordée par certains gouvernements aux déficits, à la dette, à lexigence de rétablissement des comptes publics comme une nécessité absolue - ce qui est dailleurs loption du gouvernement français -, le rétablissement sans faiblir à aucun moment des comptes publics, mais cet objectif éloignait à tout jamais du spectre des possibles des actions concrètes pour la croissance. Aujourdhui, tous les gouvernements disent que cela va ensemble.
Ensuite, encore une fois, nous avons eu ce débat sur la croissance : croissance - marché intérieur / croissance - investissements. Aujourdhui, on considère que cela va ensemble, intégration politique versus mesures urgentes. Il semblait que nous étions confrontés à un débat théologiques, les uns prenaient prétexte de lunion politique pour ne rien avancer et les autres refusaient lunion politique pour naccepter que ce quils voulaient. Il sagissait de débats conceptuels qui ne correspondaient pas à la réalité. Tout cela a été déverrouillé. Aujourdhui, il y a un pacte de croissance dans lequel il y a des mesures concrètes pour faire en sorte que lon puisse, sur des investissements significatifs, engager une dynamique. Il y a une perspective sur lunion bancaire, sur lunion économique et monétaire, la possibilité dune feuille de route et, tout cela, autour dun pacte de croissance qui réconcilie lobjectif de réduction des comptes publics et la nécessité de refaire de lemploi et de lindustrie. Voilà le chemin qui a été parcouru, ce nest pas rien. Tout nest pas encore sûr et acté, mais cela doit lêtre si nos discussions aboutissent. Si nos discussions aboutissent, nous pourrions avoir cela, et cela nest pas rien par rapport à ce que nous avions.
Nous avons aussi une responsabilité collective parce que nous sommes en situation de décider, parce que vous êtes en situation de commenter ce que nous décidons, et les marchés parce que ils peuvent par leur réaction conduire léconomie à se développer ou créer des difficultés supplémentaires. Voilà le pragmatisme, la lucidité, le principe de réalité. Une grande rigueur intellectuelle dans la manière dont on aborde ces sujets doit aussi conduire à ne pas surévaluer ou à survendre ce que nous pouvons obtenir, mais pas non plus à sous estimer ce que nous avons obtenu, qui peut être équilibré. Cest aussi comme cela que lon avance vers les objectifs que lon sest assigné à soi-même.
Les grands avantages de la BCE, cest la force de lexpertise technique, la puissance de la capacité de cette machine extrêmement efficace qui a une capacité et une pertinence en termes dexpertise que personne ne conteste.
Q - et les désavantages ?
R - Cest le reste Ce nest pas mon raisonnement, notez bien, mais certains peuvent considérer quavec un organisme indépendant cela rendrait plus difficile le contrôle politique. Je ne suis pas dans cette théorie mais jai lu cela. Ce nest pas ce que nous pensons au gouvernement français mais je lai lu, cest donc est un élément du débat. La position française nest pas bloquée sur cette question. Ce qui compte, cest lefficacité de la supervision, si nous arrivons, dans le dialogue avec nos partenaires, à trouver un dispositif de supervision efficace, au terme de la discussion que nous avons engagée. Nous ne sommes pas hermétiques. Il ny a pas de dogmatisme dans nos positions, il y a une volonté datteindre les objectifs.
Q - Pour être clair, sur le brevet, si la proposition de M. Van Rompuy cest que ce soit à Paris, mais avec certaines fonctions à Munich, est-ce que vous serez daccord ?
R - Ne lai-je pas été ? Je vous ai répondu à cette question et vous voulez que jy réponde en me fâchant avec mes amis . Ce que je vous ai dit cest que le bon équilibre avait été trouvé par la Présidence polonaise, au terme de concessions mutuelles - et dans les concessions qui ont été faites, la France navait pas été la moins prompte à en faire. Nous considérons que le bon équilibre était celui-ci. Quand je vous dis cela, je vous dis tout et je vous le dis clairement, mais je vous le dis sans nécessairement blesser quiconque parce quà un moment donné il faudra bien trouver une solution, voilà.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2012
Dabord, quelques mots sur les questions que nous avons dores et déjà traitées ce matin et sur les questions que nous traiterons dans laprès-midi.
Ce matin, nous avons essentiellement traité de deux sujets.
Le premier sujet concernait le Monténégro. Nous avons donné notre accord à louverture des négociations. Nous avons souhaité que louverture de ces négociations se fassent dans un cadre de négociations qui soit strictement défini, avec des procédures précises qui nous garantissent la possibilité, étape après étape, de vérifier que les interrogations formulées par la Commission pourront faire lobjet dun suivi très attentif qui nous permettra de bien veiller à ce que, sur les sujets qui nous tiennent à cur, qui concernent essentiellement lÉtat de droit, la lutte contre le crime organisé, le blanchiment, le bon fonctionnement de la justice monténégrine, les choses puissent sorganiser convenablement. Nous lavons fait dans un esprit de consensus, au terme dune discussion avec la Commission qui a permis daboutir. Tout cela se passe conformément à ce que nous souhaitions, grâce à un travail de la présidence danoise que je veux saluer, qui a été de très grande qualité.
Le deuxième sujet que nous avons évoqué concernait les fonds de cohésion. Nous avons notamment évoqué la concentration thématique des fonds de cohésion, qui est un sujet sur lequel nous avons aussi abouti à un accord. La volonté qui était la nôtre de voir lensemble des régions qui bénéficient des fonds de cohésion et des fonds structurels traitées de façon identique a été prise en compte par la Commission et la Présidence danoise. Nous avons pu par conséquent adopter le texte qui nous était proposé sans trop de débats.
Bien entendu, nous avons un ordre du jour assez dense pour laprès-midi et qui concerne des sujets que nous avions déjà évoqués ensemble à loccasion de notre première rencontre à Bruxelles. Il sagit des perspectives budgétaires 2014-2020 et de la préparation du Sommet européen de la fin de la semaine.
Si vous en êtes daccord - les deux sujets étant assez liés puisque le «better spending» qui doit prévaloir à la réorientation éventuelle des perspectives budgétaires 2014-2020 permet de faire de la croissance, et par ailleurs la volonté qui est la nôtre de faire de la croissance à côté de la discipline budgétaire, cest-à-dire de réorienter la politique de lUnion, sera bien au cur des discussions qui auront lieu dans quelques jours entre les chefs dÉtat et de gouvernement -, je voudrais insister très rapidement pour pouvoir prendre le temps de répondre à vos questions sur quelque uns des sujets qui nous tiennent à cur, sur lesquels les choses sont en discussion et ont pour beaucoup dentre elles progressé.
Dabord, beaucoup des débats qui étaient pendants ont été tranchés positivement au cours des derniers jours, des dernières semaines grâce à la dynamique de négociation qui se poursuit, qui ne présage en rien du résultat mais qui témoigne de la capacité de cette dynamique de négociation dengranger des résultats positifs à mesure que les discussions se poursuivent. Il y avait ce débat entre discipline budgétaire et croissance : souvenez-vous dil y a de cela quelques semaines, on considérait que le traité qui portait essentiellement sur la discipline budgétaire, pour ne pas dire quasi-totalement, devait être ratifié sans autre considération touchant à la croissance. Nous avons souhaité une réorientation de la politique de lUnion qui permette de créer les conditions dun équilibre entre des mesures concrètes pour la croissance et le respect des disciplines budgétaires, parce que nous considérions quil ny aurait pas de possibilité de respecter la discipline budgétaire sans croissance, et quil ny aurait pas non plus de croissance avec des dettes et des déficits budgétaires qui minent la croissance dans les pays de lUnion, et notamment en France. Nous avons réussi à faire en sorte que dans lensemble des pays de lUnion, cet équilibre nouveau entre discipline budgétaire et croissance soit acté comme souhaitable et nous nous en réjouissons.
Deuxièmement, il y avait des débats, des considérations sur croissance et approfondissement du marché intérieur ; croissance, ce sont des investissements davenir. Nous, nous considérions quil fallait les deux, approfondissement du marché intérieur avec volonté de mettre laccent sur la compétitivité et des investissements davenir autour des enjeux importants que sont la transition énergétique, les interconnexions de transport et le réseau dénergie et autres sujets. Je crois que ce débat est désormais là aussi derrière nous : nous considérons quil ny aura pas de croissance sil ny a pas à la fois approfondissement du marché intérieur et sil ny a pas des mesures particulières, des signes à favoriser les investissements davenir, nous avons obtenu de ce point de vue là un bon équilibre.
Troisièmement, il y avait ce débat entre intégration politique comme préalable aux mesures durgence ou mesures durgence sans intégration politique. Nous, nous disons que nous voulons les deux dans le cadre dune feuille de route, cest-à-dire que nous voulons des mesures urgentes pour la croissance parce que les marchés nattendent pas, parce que les peuples souffrent, parce quil faut donner un projet politique, un nouvel horizon à lUE qui fasse sens. En même temps, nous acceptons tout à fait lidée que les outils dont nous nous dotons pour atteindre ces objectifs puissent justifier dun pilotage politique plus intégré. Nous nopposons pas les deux, nous lions les deux démarches dans une même méthodologie, dans une même feuille de route.
Nous avons des discussions en cours, la copie de M. Van Rompuy a été communiquée aux différents partenaires dans la nuit. Que souhaitons-nous ? Parce que cest cela la question, que souhaitons nous ? Quels sont les objectifs auxquels nous essayons de concourir dans la négociation, dans la perspective du Sommet de la fin de la semaine ?
Dabord les mesures pour la croissance, et notamment pour la croissance par les investissements davenir. Nous souhaitons que ces mesures soient concrètes. Elles doivent être consolidées et validées à 27. Les choses ont été mises positivement sur le métier à Rome et tout cela mérite dêtre approfondi ; ces mesures, cest la recapitalisation de la BEI qui permet dengager 50 milliards deuros dinvestissements ; ces 50 milliards deuros de fonds structurels susceptibles dêtre mobilisés sur précisément les investissements davenir, et cest une phase pilote de «project bonds» à hauteur de 4 - 5 milliards deuros, ce qui fait un total de 120 milliards deuros, ce qui correspond à 1 % du PIB de lUE. Tout cela a été discuté à Rome, les fondements ont été jetés. Une consolidation doit être faite, cest lobjet des négociations qui se poursuivront jusquà jeudi ; il faut consolider à 27 ce que nous avons décidé de mettre sur le métier en terme de réflexion à quatre.
Deuxième élément : lunion bancaire, qui est indispensable pour consolider le système bancaire européen sans lequel il ne peut pas y avoir de croissance, repose sur trois piliers qui ont été clairement posés là aussi sur le métier à Rome et que M. Van Rompuy reprend dans ses propositions : garantie des dépôts, supervision et résolution des crises bancaires.
Sur ces trois sujets, la discussion se poursuit. Il faut regarder les conditions dans lesquelles nous pouvons consolider cette copie en sachant que, pour nous, la consolidation du système bancaire est une bonne manière de rompre le cercle vicieux qui, dans un même mouvement de déclin et de difficulté, unit crise bancaire et crise de la dette souveraine.
Dernier point et ensuite je répondrai à vos questions, si vous le souhaitez, si vous en avez, cest la question de lavenir, et notamment de la stabilisation financière, de lutilisation de tous les instruments financiers dont nous disposons, le FESF, le MES, que nous souhaitons utiliser et conforter en vue davoir une action efficace sur les taux et qui permette denvoyer un signal aux marchés. Nous comprenons bien que ce sujet-là implique une expertise et que cette expertise peut justifier dun approfondissement du calendrier, dun affinement du calendrier entre la nécessité, encore une fois, dintégrer davantage politiquement et de conforter ces outils. Nous souhaitons, sur cette question, une feuille de route qui nous permette, avec nos partenaires, dexaminer lensemble des considérants techniques et politiques qui permettraient de décliner ce calendrier en actions concrètes dans les mois qui viennent, parce que nous sommes déjà au mois de juin, quil reste six mois avant la fin de lannée et que nous souhaitons quune copie avant la fin de lannée permette de profiler lensemble de ces questions.
Le rapport de M. Van Rompuy est une base de départ intéressante qui a fait lobjet de discussions. Chacun a dit ce quil avait à dire. Nous ne construisons pas les bons compromis autrement que dans lexpression des orientations de chacun dans la plus grande clarté. Le compromis, ce nest pas le filet deau tiède. Le compromis, cest la nécessité de parvenir avec nos partenaires dans lexpression claire de ce que nous pensons les uns et les autres, dadosser le compromis à des pensées clairement énoncées, à des conditions clairement formulées, à des mises en perspective qui donnent du sens. Cest ce que nous essayons de faire, cest ce que nous avons essayé de faire. M. Van Rompuy a intégré ces éléments et ce quil propose constitue une base de discussion pour le Conseil européen qui peut être approfondie utilement dici jeudi et vendredi, et au-delà. Voilà ce que je voulais vous dire, est-ce que vous avez des questions ?
Q - À propos du rapport de M. Van Rompuy (inaudible), est-ce que vous approuvez, ou quelle réaction suscite de votre côté la suggestion faite dans le rapport Van Rompuy de donner à la Commission le dernier mot en matière budgétaire, cest-à-dire (inaudible) en dehors de tout contrôle parlementaire ? Deuxième : est-ce que la France est acquise à lidée de la BCE comme étant (chargée de la supervision bancaire - inaudible) ? Troisième question, plus anecdotique, est-ce que lon a oui ou non un accord sur le siège de la future instance des brevets ? (Inaudible - ce pourrait être à Paris à en croire les dernières rumeurs, est ce quon va aboutir ?).
R - Je commence par la dernière question : si la proposition est Paris, cest-à-dire la proposition consensuelle à laquelle est arrivée la Présidence polonaise, cela aura notre accord. Si cest un tout autre dispositif, cela suscitera des discussions, cest-à-dire la poursuite de ce qui est en cours. Voilà ce que je peux vous dire pour lheure sur ce sujet, la position de Paris est bien connue, nous souhaitons aboutir sur les brevets parce que cest un facteur de compétitivité doté dun outil commun qui permet dapporter linnovation. Nous avons fait beaucoup de concessions dans la discussion, au point que nous sommes arrivés sous Présidence polonaise à un bon consensus qui avait fait lobjet dun accord large et dont lapplication a été remise en cause. Nous souhaitons aboutir sur cette affaire, nous souhaitons revenir à ce qui a déjà fait lobjet dun accord, cest-à-dire la proposition de nos amis polonais. Si ce nétait pas le point auquel nous étions susceptibles darriver en termes de consensus, la discussion se poursuivrait.
Pour ce qui concerne la BCE, pour lunion bancaire, notre position est très pragmatique : ce quil faut, cest que nous puissions avec nos partenaires cheminer vers un dispositif de supervision efficace. Dailleurs, si lon veut vraiment avoir de lefficacité en termes de supervision, il faudra dabord que nous essayions de coordonner lensemble des dispositifs de supervision qui sont susceptibles davoir un impact sur les marchés financiers. Il y a la supervision des marchés financiers, des banques, des assurances et vous comprenez bien que si lon veut optimiser le dispositif de supervision, il y a des discussions techniques qui doivent sapprofondir et qui vont bien au-delà de la question de savoir si cest la BCE ou pas. Il y a des avantages à ce que ce soit la BCE mais il y a aussi quelques inconvénients. Je pense que ce qui compte, cest que nous arrivions avec nos partenaires - et les discussions qui sont en cours peuvent le favoriser - à un dispositif qui nous permette dêtre encore une fois le plus efficace possible. En termes de supervision, nous ne sommes fermés à aucune hypothèse dès lors que lon parvient dans la discussion avec les partenaires à un accord qui permette doptimiser le dispositif de supervision des marchés financiers.
Vous me posez une question sur le dispositif de supervision budgétaire : est-ce que nous sommes daccord pour dire que la Commission supervise sans le concours des parlements nationaux ? Nous avons dabord une doctrine générale qui est extrêmement lisible : nous considérons que lintégration politique ne peut pas être considérée comme le préalable à tout ce qui relève de lurgence en termes doutils dont nous devons nous doter, doutils plus efficaces en termes de régulation, en termes dintervention sur les marchés. En même temps, nous considérons aussi que dès lors que nous nous dotons doutils supplémentaires qui améliorent lefficacité de nos interventions sur les marchés, qui améliorent lunité de la politique monétaire, tout cela peut justifier de dispositifs de pilotage politique, notamment sur le plan budgétaire, plus intégrés. Nous considérons que les deux doivent aller de pair, il ny a pas lintégration politique comme préalable aux mesures durgence parce que sinon nous prenons le risque de navoir ni lintégration politique ni les mesures urgentes. Dès lors que nous nous engageons sur le chemin des mesures urgentes pour surmonter les difficultés que la crise nous impose comme autant de défis, alors il ny a aucune raison de ne pas accepter dengager la réflexion sur lintégration des dispositifs de pilotage politique.
Voilà notre doctrine générale, elle est très pragmatique, ce nest pas lintégration politique versus mesures urgentes pour faire face à la crise, cest les deux. Cest-à-dire que si les bonnes mesures urgentes pour faire face à la crise justifient un dispositif dintégration politique supplémentaire, alors faisons-le à proportion de ce que les outils nous dictent dintégration. Voilà quelle est notre doctrine. À partir de ce moment-là, très concrètement, moi, je ne suis pas pour ce qui concerne le rôle de la Commission, il est déjà significativement renforcé par lensemble des dispositifs qui ont été récemment mis sur le métier par le Parlement européen lui-même, «six-pack», «two-pack», etc Dailleurs, tout nest pas encore entré en vigueur puisquon a un dispositif de codécision législatif et que le Conseil aura à se prononcer sur la manière dont ces dispositifs doivent se mettre en uvre.
Je ne veux pas, par des déclarations qui pourraient apparaître comme conceptuelles, dogmatiques, bloquer les discussions qui auront lieu dans les jours qui viennent. Ce que je peux dire au plan des principes, cest que lon ne peut pas envisager un niveau de mutualisation et de confortement des outils de politique monétaire et de stabilisation financière sans quà un moment donné, encore une fois, on accepte un dispositif dintégration politique, qui peut justifier dans un certain nombre de domaines que lon accepte un droit de regard de la Commission et, par conséquent, une nouvelle articulation des responsabilités entre Parlements nationaux, Parlement européen, Commission et Conseil. Cest précisément ce sur quoi nous travaillons techniquement. Je ne peux pas vous dire aujourdhui quelle est lissue technique de la discussion, parce que si je vous le disais aujourdhui ces discussions, alors que lobjectif est de les faire aboutir, je ne veux pas les crisper et les gripper par des déclarations qui laisseraient présager ce qui sera peut être lissue de cette discussion.
Q - Mais ce que propose H. Van Rompuy, cest daller bien au-delà dun simple droit de regard ?
R - Aujourdhui, la Commission est en droit de regarder concrètement - si on se réfère au six pack et au two pack - les conditions dans lesquelles les États, notamment ceux qui sont en déficit excessif, conduisent leur politique budgétaire. Il y a donc dores et déjà un droit de regard qui peut sexercer de la part des institutions européennes, de la part de la Commission : ce nest pas un phénomène nouveau, nous ne sommes pas devant un dispositif nouveau qui arriverait sur la table, comme un jaune duf sur une toile cirée, sans que personne ne lait vu arriver. On est sur un dispositif qui est déjà établi. Si ce dispositif doit faire lobjet dun approfondissement dune consolidation, au terme de lintégration politique, économique, monétaire, il faudrait en discuter les modalités. Vous me demandez si je suis choqué de ce qui existe déjà ; ce dont vous parlez existe déjà.
Q - Mais jusquà présent cest le parlement français qui a le dernier mot sur le budget de la France, là on parle bien dun pouvoir supplémentaire ?
R - Oui, mais je réponds très précisément à cette question. Nous sommes très soucieux de lexercice par le Parlement de sa souveraineté en matière budgétaire. Il ny a aucune raison pour le Parlement de renoncer à cette souveraineté en matière budgétaire si aucune évolution nintervient pour conforter les outils de politique monétaire et dintervention financière dont lUnion européenne est dotée. Mais il ny a aucune raison de ne pas réfléchir à des dispositifs dintégration politique supplémentaire si nous devions faire évoluer ces instruments. Cest notre position et, quelle que soit la question que vous me posez, cette cohérence sexprimera parce que la caractéristique dune cohérence cest que quelque soit la question elle se réaffirme, elle sexprime.
Il y a donc un dispositif qui existe aujourdhui, auquel nous tenons en létat actuel de lintégration politique économique et monétaire. Si nous devions, pour faire face à la crise, accepter une évolution des outils pour les conforter, nous devrions bien entendu réfléchir politiquement à la manière dont nous améliorons, dont nous faisons lintégration des dispositifs de pilotage politique. Cela inclurait, bien entendu, la réflexion sur les sujets que vous venez dévoquer, et le niveau dévolution acceptable dépendra du niveau dévolution des outils acceptés par nos partenaires.
Q - La France accepterait elle de changer les Traités, daller vers un saut fédéral ?
R - La France a dit non seulement quelle était ouverte mais quelle souhaitait une feuille de route. Nous ne sommes pas dans un débat conceptuel, nous sommes dans un débat concret, marqué par le pragmatisme. Nous voulons que lEurope se dote dans lurgence des outils dont elle a besoin pour faire face à la crise.
Nous comprenons très bien quun certain nombre dévolutions, que sont susceptibles de subir ces outils, pourraient justifier de mettre en place une feuille de route qui pourrait nous conduire à examiner un certain nombre de questions juridiques et de calendrier dévolution des institutions ; tout cela doit faire lobjet dune feuille de route. Cette feuille de route, nous la demandons et nous laccepterons sil y a des étapes significatives qui permettent à lEurope de surmonter la crise par des outils politiques et monétaires renforcés. Et nous accepterons les dispositifs dintégration à hauteur de lambition que porteront ces outils que nous appelons de nos vux. Sil y a une petite évolution, il y aura une petite intégration ; sil y a une grande évolution, il y aura une intégration plus importante. Cest la proportionnalité entre lintégration acceptée et lambition des outils dont on se dote ; cela sappelle du pragmatisme.
Q - Aurez-vous des dates précises dans cette feuille de route ?
R - Cest toujours mieux dans une feuille de route sil y a un début, une fin et des étapes. Plus la feuille de route sera précise, plus elle sera engageante, plus elle témoignera dune volonté commune. Plus elle témoignera dune volonté commune en étant engageante, plus elle rendra des évolutions possibles.
Q - Sur lidée davoir recours à la BCE vous avez parlé davantages et dinconvénients, pourriez vous préciser les inconvénients ? Par ailleurs, on a limpression quil ny a pas de grande nouvelle à attendre de ce sommet, est ce que vous nêtes pas inquiet de la réaction des marchés ?
R - Je crois que vous commettez une petite erreur de parallaxe, cest-à-dire que vous regarder le sujet à partir dun angle, peut être de vos désirs, de vos passions, de votre regard critique sur une réalité dont vous considérez quelle navance pas suffisamment vite. Mais moi, depuis un mois, je suis ministre des Affaires européennes et je trouve que cela va infiniment plus vite que je pouvais limaginer moi-même au moment où jai pris mes fonctions.
On peut toujours regarder un sommet en fonction du chemin qui reste à parcourir, sans pour autant que ni vous ni moi ne connaissions exactement les conclusions de ce sommet, on peut aussi regarder un sommet à partir du chemin qui a été parcouru du moment où les problématiques ont été posées jusquau moment où les conclusions seront rendues.
Je pense que beaucoup de débats semblaient difficiles, voire même pour un certain nombre dentre eux tabous : limportance accordée par certains gouvernements aux déficits, à la dette, à lexigence de rétablissement des comptes publics comme une nécessité absolue - ce qui est dailleurs loption du gouvernement français -, le rétablissement sans faiblir à aucun moment des comptes publics, mais cet objectif éloignait à tout jamais du spectre des possibles des actions concrètes pour la croissance. Aujourdhui, tous les gouvernements disent que cela va ensemble.
Ensuite, encore une fois, nous avons eu ce débat sur la croissance : croissance - marché intérieur / croissance - investissements. Aujourdhui, on considère que cela va ensemble, intégration politique versus mesures urgentes. Il semblait que nous étions confrontés à un débat théologiques, les uns prenaient prétexte de lunion politique pour ne rien avancer et les autres refusaient lunion politique pour naccepter que ce quils voulaient. Il sagissait de débats conceptuels qui ne correspondaient pas à la réalité. Tout cela a été déverrouillé. Aujourdhui, il y a un pacte de croissance dans lequel il y a des mesures concrètes pour faire en sorte que lon puisse, sur des investissements significatifs, engager une dynamique. Il y a une perspective sur lunion bancaire, sur lunion économique et monétaire, la possibilité dune feuille de route et, tout cela, autour dun pacte de croissance qui réconcilie lobjectif de réduction des comptes publics et la nécessité de refaire de lemploi et de lindustrie. Voilà le chemin qui a été parcouru, ce nest pas rien. Tout nest pas encore sûr et acté, mais cela doit lêtre si nos discussions aboutissent. Si nos discussions aboutissent, nous pourrions avoir cela, et cela nest pas rien par rapport à ce que nous avions.
Nous avons aussi une responsabilité collective parce que nous sommes en situation de décider, parce que vous êtes en situation de commenter ce que nous décidons, et les marchés parce que ils peuvent par leur réaction conduire léconomie à se développer ou créer des difficultés supplémentaires. Voilà le pragmatisme, la lucidité, le principe de réalité. Une grande rigueur intellectuelle dans la manière dont on aborde ces sujets doit aussi conduire à ne pas surévaluer ou à survendre ce que nous pouvons obtenir, mais pas non plus à sous estimer ce que nous avons obtenu, qui peut être équilibré. Cest aussi comme cela que lon avance vers les objectifs que lon sest assigné à soi-même.
Les grands avantages de la BCE, cest la force de lexpertise technique, la puissance de la capacité de cette machine extrêmement efficace qui a une capacité et une pertinence en termes dexpertise que personne ne conteste.
Q - et les désavantages ?
R - Cest le reste Ce nest pas mon raisonnement, notez bien, mais certains peuvent considérer quavec un organisme indépendant cela rendrait plus difficile le contrôle politique. Je ne suis pas dans cette théorie mais jai lu cela. Ce nest pas ce que nous pensons au gouvernement français mais je lai lu, cest donc est un élément du débat. La position française nest pas bloquée sur cette question. Ce qui compte, cest lefficacité de la supervision, si nous arrivons, dans le dialogue avec nos partenaires, à trouver un dispositif de supervision efficace, au terme de la discussion que nous avons engagée. Nous ne sommes pas hermétiques. Il ny a pas de dogmatisme dans nos positions, il y a une volonté datteindre les objectifs.
Q - Pour être clair, sur le brevet, si la proposition de M. Van Rompuy cest que ce soit à Paris, mais avec certaines fonctions à Munich, est-ce que vous serez daccord ?
R - Ne lai-je pas été ? Je vous ai répondu à cette question et vous voulez que jy réponde en me fâchant avec mes amis . Ce que je vous ai dit cest que le bon équilibre avait été trouvé par la Présidence polonaise, au terme de concessions mutuelles - et dans les concessions qui ont été faites, la France navait pas été la moins prompte à en faire. Nous considérons que le bon équilibre était celui-ci. Quand je vous dis cela, je vous dis tout et je vous le dis clairement, mais je vous le dis sans nécessairement blesser quiconque parce quà un moment donné il faudra bien trouver une solution, voilà.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2012