Conférence de presse de M. Bernard Cazeneuve, ministre des affaires européennes, notamment sur les mesures en faveur de la croissance économique au sein de l'Union européenne, à Luxembourg le 26 juin 2012.

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Circonstance : Conseil affaires générales, à Luxembourg le 26 juin 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, merci beaucoup pour votre présence. Mille excuses pour mon retard mais nous avions une réunion qui vient de s’achever entre collègues des Affaires européennes de l’Union sur des sujets dont vous imaginez l’importance. Une réunion est d’ailleurs en train de reprendre sur les perspectives budgétaires 2014-2020. Je vous propose par conséquent d’aller à l’essentiel des sujets que vous avez sur le métier et que nous avons aussi comme autant de préoccupations communes.
D’abord, quelques mots sur les questions que nous avons d’ores et déjà traitées ce matin et sur les questions que nous traiterons dans l’après-midi.
Ce matin, nous avons essentiellement traité de deux sujets.
Le premier sujet concernait le Monténégro. Nous avons donné notre accord à l’ouverture des négociations. Nous avons souhaité que l’ouverture de ces négociations se fassent dans un cadre de négociations qui soit strictement défini, avec des procédures précises qui nous garantissent la possibilité, étape après étape, de vérifier que les interrogations formulées par la Commission pourront faire l’objet d’un suivi très attentif qui nous permettra de bien veiller à ce que, sur les sujets qui nous tiennent à cœur, qui concernent essentiellement l’État de droit, la lutte contre le crime organisé, le blanchiment, le bon fonctionnement de la justice monténégrine, les choses puissent s’organiser convenablement. Nous l’avons fait dans un esprit de consensus, au terme d’une discussion avec la Commission qui a permis d’aboutir. Tout cela se passe conformément à ce que nous souhaitions, grâce à un travail de la présidence danoise que je veux saluer, qui a été de très grande qualité.
Le deuxième sujet que nous avons évoqué concernait les fonds de cohésion. Nous avons notamment évoqué la concentration thématique des fonds de cohésion, qui est un sujet sur lequel nous avons aussi abouti à un accord. La volonté qui était la nôtre de voir l’ensemble des régions qui bénéficient des fonds de cohésion et des fonds structurels traitées de façon identique a été prise en compte par la Commission et la Présidence danoise. Nous avons pu par conséquent adopter le texte qui nous était proposé sans trop de débats.
Bien entendu, nous avons un ordre du jour assez dense pour l’après-midi et qui concerne des sujets que nous avions déjà évoqués ensemble à l’occasion de notre première rencontre à Bruxelles. Il s’agit des perspectives budgétaires 2014-2020 et de la préparation du Sommet européen de la fin de la semaine.
Si vous en êtes d’accord - les deux sujets étant assez liés puisque le «better spending» qui doit prévaloir à la réorientation éventuelle des perspectives budgétaires 2014-2020 permet de faire de la croissance, et par ailleurs la volonté qui est la nôtre de faire de la croissance à côté de la discipline budgétaire, c’est-à-dire de réorienter la politique de l’Union, sera bien au cœur des discussions qui auront lieu dans quelques jours entre les chefs d’État et de gouvernement -, je voudrais insister très rapidement pour pouvoir prendre le temps de répondre à vos questions sur quelque uns des sujets qui nous tiennent à cœur, sur lesquels les choses sont en discussion et ont pour beaucoup d’entre elles progressé.
D’abord, beaucoup des débats qui étaient pendants ont été tranchés positivement au cours des derniers jours, des dernières semaines grâce à la dynamique de négociation qui se poursuit, qui ne présage en rien du résultat mais qui témoigne de la capacité de cette dynamique de négociation d’engranger des résultats positifs à mesure que les discussions se poursuivent. Il y avait ce débat entre discipline budgétaire et croissance : souvenez-vous d’il y a de cela quelques semaines, on considérait que le traité qui portait essentiellement sur la discipline budgétaire, pour ne pas dire quasi-totalement, devait être ratifié sans autre considération touchant à la croissance. Nous avons souhaité une réorientation de la politique de l’Union qui permette de créer les conditions d’un équilibre entre des mesures concrètes pour la croissance et le respect des disciplines budgétaires, parce que nous considérions qu’il n’y aurait pas de possibilité de respecter la discipline budgétaire sans croissance, et qu’il n’y aurait pas non plus de croissance avec des dettes et des déficits budgétaires qui minent la croissance dans les pays de l’Union, et notamment en France. Nous avons réussi à faire en sorte que dans l’ensemble des pays de l’Union, cet équilibre nouveau entre discipline budgétaire et croissance soit acté comme souhaitable et nous nous en réjouissons.
Deuxièmement, il y avait des débats, des considérations sur croissance et approfondissement du marché intérieur ; croissance, ce sont des investissements d’avenir. Nous, nous considérions qu’il fallait les deux, approfondissement du marché intérieur avec volonté de mettre l’accent sur la compétitivité et des investissements d’avenir autour des enjeux importants que sont la transition énergétique, les interconnexions de transport et le réseau d’énergie et autres sujets. Je crois que ce débat est désormais là aussi derrière nous : nous considérons qu’il n’y aura pas de croissance s’il n’y a pas à la fois approfondissement du marché intérieur et s’il n’y a pas des mesures particulières, des signes à favoriser les investissements d’avenir, nous avons obtenu de ce point de vue là un bon équilibre.
Troisièmement, il y avait ce débat entre intégration politique comme préalable aux mesures d’urgence ou mesures d’urgence sans intégration politique. Nous, nous disons que nous voulons les deux dans le cadre d’une feuille de route, c’est-à-dire que nous voulons des mesures urgentes pour la croissance parce que les marchés n’attendent pas, parce que les peuples souffrent, parce qu’il faut donner un projet politique, un nouvel horizon à l’UE qui fasse sens. En même temps, nous acceptons tout à fait l’idée que les outils dont nous nous dotons pour atteindre ces objectifs puissent justifier d’un pilotage politique plus intégré. Nous n’opposons pas les deux, nous lions les deux démarches dans une même méthodologie, dans une même feuille de route.
Nous avons des discussions en cours, la copie de M. Van Rompuy a été communiquée aux différents partenaires dans la nuit. Que souhaitons-nous ? Parce que c’est cela la question, que souhaitons nous ? Quels sont les objectifs auxquels nous essayons de concourir dans la négociation, dans la perspective du Sommet de la fin de la semaine ?
D’abord les mesures pour la croissance, et notamment pour la croissance par les investissements d’avenir. Nous souhaitons que ces mesures soient concrètes. Elles doivent être consolidées et validées à 27. Les choses ont été mises positivement sur le métier à Rome et tout cela mérite d’être approfondi ; ces mesures, c’est la recapitalisation de la BEI qui permet d’engager 50 milliards d’euros d’investissements ; ces 50 milliards d’euros de fonds structurels susceptibles d’être mobilisés sur précisément les investissements d’avenir, et c’est une phase pilote de «project bonds» à hauteur de 4 - 5 milliards d’euros, ce qui fait un total de 120 milliards d’euros, ce qui correspond à 1 % du PIB de l’UE. Tout cela a été discuté à Rome, les fondements ont été jetés. Une consolidation doit être faite, c’est l’objet des négociations qui se poursuivront jusqu’à jeudi ; il faut consolider à 27 ce que nous avons décidé de mettre sur le métier en terme de réflexion à quatre.
Deuxième élément : l’union bancaire, qui est indispensable pour consolider le système bancaire européen sans lequel il ne peut pas y avoir de croissance, repose sur trois piliers qui ont été clairement posés là aussi sur le métier à Rome et que M. Van Rompuy reprend dans ses propositions : garantie des dépôts, supervision et résolution des crises bancaires.
Sur ces trois sujets, la discussion se poursuit. Il faut regarder les conditions dans lesquelles nous pouvons consolider cette copie en sachant que, pour nous, la consolidation du système bancaire est une bonne manière de rompre le cercle vicieux qui, dans un même mouvement de déclin et de difficulté, unit crise bancaire et crise de la dette souveraine.
Dernier point et ensuite je répondrai à vos questions, si vous le souhaitez, si vous en avez, c’est la question de l’avenir, et notamment de la stabilisation financière, de l’utilisation de tous les instruments financiers dont nous disposons, le FESF, le MES, que nous souhaitons utiliser et conforter en vue d’avoir une action efficace sur les taux et qui permette d’envoyer un signal aux marchés. Nous comprenons bien que ce sujet-là implique une expertise et que cette expertise peut justifier d’un approfondissement du calendrier, d’un affinement du calendrier entre la nécessité, encore une fois, d’intégrer davantage politiquement et de conforter ces outils. Nous souhaitons, sur cette question, une feuille de route qui nous permette, avec nos partenaires, d’examiner l’ensemble des considérants techniques et politiques qui permettraient de décliner ce calendrier en actions concrètes dans les mois qui viennent, parce que nous sommes déjà au mois de juin, qu’il reste six mois avant la fin de l’année et que nous souhaitons qu’une copie avant la fin de l’année permette de profiler l’ensemble de ces questions.
Le rapport de M. Van Rompuy est une base de départ intéressante qui a fait l’objet de discussions. Chacun a dit ce qu’il avait à dire. Nous ne construisons pas les bons compromis autrement que dans l’expression des orientations de chacun dans la plus grande clarté. Le compromis, ce n’est pas le filet d’eau tiède. Le compromis, c’est la nécessité de parvenir avec nos partenaires dans l’expression claire de ce que nous pensons les uns et les autres, d’adosser le compromis à des pensées clairement énoncées, à des conditions clairement formulées, à des mises en perspective qui donnent du sens. C’est ce que nous essayons de faire, c’est ce que nous avons essayé de faire. M. Van Rompuy a intégré ces éléments et ce qu’il propose constitue une base de discussion pour le Conseil européen qui peut être approfondie utilement d’ici jeudi et vendredi, et au-delà. Voilà ce que je voulais vous dire, est-ce que vous avez des questions ?
Q - À propos du rapport de M. Van Rompuy (inaudible), est-ce que vous approuvez, ou quelle réaction suscite de votre côté la suggestion faite dans le rapport Van Rompuy de donner à la Commission le dernier mot en matière budgétaire, c’est-à-dire (inaudible) en dehors de tout contrôle parlementaire ? Deuxième : est-ce que la France est acquise à l’idée de la BCE comme étant (chargée de la supervision bancaire - inaudible) ? Troisième question, plus anecdotique, est-ce que l’on a oui ou non un accord sur le siège de la future instance des brevets ? (Inaudible - ce pourrait être à Paris à en croire les dernières rumeurs, est ce qu’on va aboutir ?).
R - Je commence par la dernière question : si la proposition est Paris, c’est-à-dire la proposition consensuelle à laquelle est arrivée la Présidence polonaise, cela aura notre accord. Si c’est un tout autre dispositif, cela suscitera des discussions, c’est-à-dire la poursuite de ce qui est en cours. Voilà ce que je peux vous dire pour l’heure sur ce sujet, la position de Paris est bien connue, nous souhaitons aboutir sur les brevets parce que c’est un facteur de compétitivité doté d’un outil commun qui permet d’apporter l’innovation. Nous avons fait beaucoup de concessions dans la discussion, au point que nous sommes arrivés sous Présidence polonaise à un bon consensus qui avait fait l’objet d’un accord large et dont l’application a été remise en cause. Nous souhaitons aboutir sur cette affaire, nous souhaitons revenir à ce qui a déjà fait l’objet d’un accord, c’est-à-dire la proposition de nos amis polonais. Si ce n’était pas le point auquel nous étions susceptibles d’arriver en termes de consensus, la discussion se poursuivrait.
Pour ce qui concerne la BCE, pour l’union bancaire, notre position est très pragmatique : ce qu’il faut, c’est que nous puissions avec nos partenaires cheminer vers un dispositif de supervision efficace. D’ailleurs, si l’on veut vraiment avoir de l’efficacité en termes de supervision, il faudra d’abord que nous essayions de coordonner l’ensemble des dispositifs de supervision qui sont susceptibles d’avoir un impact sur les marchés financiers. Il y a la supervision des marchés financiers, des banques, des assurances et vous comprenez bien que si l’on veut optimiser le dispositif de supervision, il y a des discussions techniques qui doivent s’approfondir et qui vont bien au-delà de la question de savoir si c’est la BCE ou pas. Il y a des avantages à ce que ce soit la BCE mais il y a aussi quelques inconvénients. Je pense que ce qui compte, c’est que nous arrivions avec nos partenaires - et les discussions qui sont en cours peuvent le favoriser - à un dispositif qui nous permette d’être encore une fois le plus efficace possible. En termes de supervision, nous ne sommes fermés à aucune hypothèse dès lors que l’on parvient dans la discussion avec les partenaires à un accord qui permette d’optimiser le dispositif de supervision des marchés financiers.
Vous me posez une question sur le dispositif de supervision budgétaire : est-ce que nous sommes d’accord pour dire que la Commission supervise sans le concours des parlements nationaux ? Nous avons d’abord une doctrine générale qui est extrêmement lisible : nous considérons que l’intégration politique ne peut pas être considérée comme le préalable à tout ce qui relève de l’urgence en termes d’outils dont nous devons nous doter, d’outils plus efficaces en termes de régulation, en termes d’intervention sur les marchés. En même temps, nous considérons aussi que dès lors que nous nous dotons d’outils supplémentaires qui améliorent l’efficacité de nos interventions sur les marchés, qui améliorent l’unité de la politique monétaire, tout cela peut justifier de dispositifs de pilotage politique, notamment sur le plan budgétaire, plus intégrés. Nous considérons que les deux doivent aller de pair, il n’y a pas l’intégration politique comme préalable aux mesures d’urgence parce que sinon nous prenons le risque de n’avoir ni l’intégration politique ni les mesures urgentes. Dès lors que nous nous engageons sur le chemin des mesures urgentes pour surmonter les difficultés que la crise nous impose comme autant de défis, alors il n’y a aucune raison de ne pas accepter d’engager la réflexion sur l’intégration des dispositifs de pilotage politique.
Voilà notre doctrine générale, elle est très pragmatique, ce n’est pas l’intégration politique versus mesures urgentes pour faire face à la crise, c’est les deux. C’est-à-dire que si les bonnes mesures urgentes pour faire face à la crise justifient un dispositif d’intégration politique supplémentaire, alors faisons-le à proportion de ce que les outils nous dictent d’intégration. Voilà quelle est notre doctrine. À partir de ce moment-là, très concrètement, moi, je ne suis pas… pour ce qui concerne le rôle de la Commission, il est déjà significativement renforcé par l’ensemble des dispositifs qui ont été récemment mis sur le métier par le Parlement européen lui-même, «six-pack», «two-pack», etc… D’ailleurs, tout n’est pas encore entré en vigueur puisqu’on a un dispositif de codécision législatif et que le Conseil aura à se prononcer sur la manière dont ces dispositifs doivent se mettre en œuvre.
Je ne veux pas, par des déclarations qui pourraient apparaître comme conceptuelles, dogmatiques, bloquer les discussions qui auront lieu dans les jours qui viennent. Ce que je peux dire au plan des principes, c’est que l’on ne peut pas envisager un niveau de mutualisation et de confortement des outils de politique monétaire et de stabilisation financière sans qu’à un moment donné, encore une fois, on accepte un dispositif d’intégration politique, qui peut justifier dans un certain nombre de domaines que l’on accepte un droit de regard de la Commission et, par conséquent, une nouvelle articulation des responsabilités entre Parlements nationaux, Parlement européen, Commission et Conseil. C’est précisément ce sur quoi nous travaillons techniquement. Je ne peux pas vous dire aujourd’hui quelle est l’issue technique de la discussion, parce que si je vous le disais aujourd’hui ces discussions, alors que l’objectif est de les faire aboutir, je ne veux pas les crisper et les gripper par des déclarations qui laisseraient présager ce qui sera peut être l’issue de cette discussion.
Q - Mais ce que propose H. Van Rompuy, c’est d’aller bien au-delà d’un simple droit de regard ?
R - Aujourd’hui, la Commission est en droit de regarder concrètement - si on se réfère au six pack et au two pack - les conditions dans lesquelles les États, notamment ceux qui sont en déficit excessif, conduisent leur politique budgétaire. Il y a donc d’ores et déjà un droit de regard qui peut s’exercer de la part des institutions européennes, de la part de la Commission : ce n’est pas un phénomène nouveau, nous ne sommes pas devant un dispositif nouveau qui arriverait sur la table, comme un jaune d’œuf sur une toile cirée, sans que personne ne l’ait vu arriver. On est sur un dispositif qui est déjà établi. Si ce dispositif doit faire l’objet d’un approfondissement d’une consolidation, au terme de l’intégration politique, économique, monétaire, il faudrait en discuter les modalités. Vous me demandez si je suis choqué de ce qui existe déjà ; ce dont vous parlez existe déjà.
Q - Mais jusqu’à présent c’est le parlement français qui a le dernier mot sur le budget de la France, là on parle bien d’un pouvoir supplémentaire ?
R - Oui, mais je réponds très précisément à cette question. Nous sommes très soucieux de l’exercice par le Parlement de sa souveraineté en matière budgétaire. Il n’y a aucune raison pour le Parlement de renoncer à cette souveraineté en matière budgétaire si aucune évolution n’intervient pour conforter les outils de politique monétaire et d’intervention financière dont l’Union européenne est dotée. Mais il n’y a aucune raison de ne pas réfléchir à des dispositifs d’intégration politique supplémentaire si nous devions faire évoluer ces instruments. C’est notre position et, quelle que soit la question que vous me posez, cette cohérence s’exprimera parce que la caractéristique d’une cohérence c’est que quelque soit la question elle se réaffirme, elle s’exprime.
Il y a donc un dispositif qui existe aujourd’hui, auquel nous tenons en l’état actuel de l’intégration politique économique et monétaire. Si nous devions, pour faire face à la crise, accepter une évolution des outils pour les conforter, nous devrions bien entendu réfléchir politiquement à la manière dont nous améliorons, dont nous faisons l’intégration des dispositifs de pilotage politique. Cela inclurait, bien entendu, la réflexion sur les sujets que vous venez d’évoquer, et le niveau d’évolution acceptable dépendra du niveau d’évolution des outils acceptés par nos partenaires.
Q - La France accepterait elle de changer les Traités, d’aller vers un saut fédéral ?
R - La France a dit non seulement qu’elle était ouverte mais qu’elle souhaitait une feuille de route. Nous ne sommes pas dans un débat conceptuel, nous sommes dans un débat concret, marqué par le pragmatisme. Nous voulons que l’Europe se dote dans l’urgence des outils dont elle a besoin pour faire face à la crise.
Nous comprenons très bien qu’un certain nombre d’évolutions, que sont susceptibles de subir ces outils, pourraient justifier de mettre en place une feuille de route qui pourrait nous conduire à examiner un certain nombre de questions juridiques et de calendrier d’évolution des institutions ; tout cela doit faire l’objet d’une feuille de route. Cette feuille de route, nous la demandons et nous l’accepterons s’il y a des étapes significatives qui permettent à l’Europe de surmonter la crise par des outils politiques et monétaires renforcés. Et nous accepterons les dispositifs d’intégration à hauteur de l’ambition que porteront ces outils que nous appelons de nos vœux. S’il y a une petite évolution, il y aura une petite intégration ; s’il y a une grande évolution, il y aura une intégration plus importante. C’est la proportionnalité entre l’intégration acceptée et l’ambition des outils dont on se dote ; cela s’appelle du pragmatisme.
Q - Aurez-vous des dates précises dans cette feuille de route ?
R - C’est toujours mieux dans une feuille de route s’il y a un début, une fin et des étapes. Plus la feuille de route sera précise, plus elle sera engageante, plus elle témoignera d’une volonté commune. Plus elle témoignera d’une volonté commune en étant engageante, plus elle rendra des évolutions possibles.
Q - Sur l’idée d’avoir recours à la BCE vous avez parlé d’avantages et d’inconvénients, pourriez vous préciser les inconvénients ? Par ailleurs, on a l’impression qu’il n’y a pas de grande nouvelle à attendre de ce sommet, est ce que vous n’êtes pas inquiet de la réaction des marchés ?
R - Je crois que vous commettez une petite erreur de parallaxe, c’est-à-dire que vous regarder le sujet à partir d’un angle, peut être de vos désirs, de vos passions, de votre regard critique sur une réalité dont vous considérez qu’elle n’avance pas suffisamment vite. Mais moi, depuis un mois, je suis ministre des Affaires européennes et je trouve que cela va infiniment plus vite que je pouvais l’imaginer moi-même au moment où j’ai pris mes fonctions.
On peut toujours regarder un sommet en fonction du chemin qui reste à parcourir, sans pour autant que ni vous ni moi ne connaissions exactement les conclusions de ce sommet, on peut aussi regarder un sommet à partir du chemin qui a été parcouru du moment où les problématiques ont été posées jusqu’au moment où les conclusions seront rendues.
Je pense que beaucoup de débats semblaient difficiles, voire même pour un certain nombre d’entre eux tabous : l’importance accordée par certains gouvernements aux déficits, à la dette, à l’exigence de rétablissement des comptes publics comme une nécessité absolue - ce qui est d’ailleurs l’option du gouvernement français -, le rétablissement sans faiblir à aucun moment des comptes publics, mais cet objectif éloignait à tout jamais du spectre des possibles des actions concrètes pour la croissance. Aujourd’hui, tous les gouvernements disent que cela va ensemble.
Ensuite, encore une fois, nous avons eu ce débat sur la croissance : croissance - marché intérieur / croissance - investissements. Aujourd’hui, on considère que cela va ensemble, intégration politique versus mesures urgentes. Il semblait que nous étions confrontés à un débat théologiques, les uns prenaient prétexte de l’union politique pour ne rien avancer et les autres refusaient l’union politique pour n’accepter que ce qu’ils voulaient. Il s’agissait de débats conceptuels qui ne correspondaient pas à la réalité. Tout cela a été déverrouillé. Aujourd’hui, il y a un pacte de croissance dans lequel il y a des mesures concrètes pour faire en sorte que l’on puisse, sur des investissements significatifs, engager une dynamique. Il y a une perspective sur l’union bancaire, sur l’union économique et monétaire, la possibilité d’une feuille de route et, tout cela, autour d’un pacte de croissance qui réconcilie l’objectif de réduction des comptes publics et la nécessité de refaire de l’emploi et de l’industrie. Voilà le chemin qui a été parcouru, ce n’est pas rien. Tout n’est pas encore sûr et acté, mais cela doit l’être si nos discussions aboutissent. Si nos discussions aboutissent, nous pourrions avoir cela, et cela n’est pas rien par rapport à ce que nous avions.
Nous avons aussi une responsabilité collective parce que nous sommes en situation de décider, parce que vous êtes en situation de commenter ce que nous décidons, et les marchés parce que ils peuvent par leur réaction conduire l’économie à se développer ou créer des difficultés supplémentaires. Voilà le pragmatisme, la lucidité, le principe de réalité. Une grande rigueur intellectuelle dans la manière dont on aborde ces sujets doit aussi conduire à ne pas surévaluer ou à survendre ce que nous pouvons obtenir, mais pas non plus à sous estimer ce que nous avons obtenu, qui peut être équilibré. C’est aussi comme cela que l’on avance vers les objectifs que l’on s’est assigné à soi-même.
Les grands avantages de la BCE, c’est la force de l’expertise technique, la puissance de la capacité de cette machine extrêmement efficace qui a une capacité et une pertinence en termes d’expertise que personne ne conteste.
Q - et les désavantages ?
R - C’est le reste… Ce n’est pas mon raisonnement, notez bien, mais certains peuvent considérer qu’avec un organisme indépendant cela rendrait plus difficile le contrôle politique. Je ne suis pas dans cette théorie mais j’ai lu cela. Ce n’est pas ce que nous pensons au gouvernement français mais je l’ai lu, c’est donc est un élément du débat. La position française n’est pas bloquée sur cette question. Ce qui compte, c’est l’efficacité de la supervision, si nous arrivons, dans le dialogue avec nos partenaires, à trouver un dispositif de supervision efficace, au terme de la discussion que nous avons engagée. Nous ne sommes pas hermétiques. Il n’y a pas de dogmatisme dans nos positions, il y a une volonté d’atteindre les objectifs.
Q - Pour être clair, sur le brevet, si la proposition de M. Van Rompuy c’est que ce soit à Paris, mais avec certaines fonctions à Munich, est-ce que vous serez d’accord ?
R - Ne l’ai-je pas été ? Je vous ai répondu à cette question et vous voulez que j’y réponde en me fâchant avec mes amis …. Ce que je vous ai dit c’est que le bon équilibre avait été trouvé par la Présidence polonaise, au terme de concessions mutuelles - et dans les concessions qui ont été faites, la France n’avait pas été la moins prompte à en faire. Nous considérons que le bon équilibre était celui-ci. Quand je vous dis cela, je vous dis tout et je vous le dis clairement, mais je vous le dis sans nécessairement blesser quiconque parce qu’à un moment donné il faudra bien trouver une solution, voilà.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2012