Texte intégral
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Q - Sur votre domaine de compétences. Sommet européen ce soir, est-ce que vous allez oser nous dire que cest le sommet de la dernière chance ?
R - Je crois quil ne faut pas présenter les choses comme ça. Tous les sommets sont importants, celui-ci est important, il sinscrit dans un processus de discussions avec nos partenaires européens. Compte tenu de la gravité de la crise, ce Sommet revêt une importance particulière, mais il ne faut pas que ce soit un Sommet de plus de la dernière chance, il faut que ce soit un Sommet utile.
Q - Il y a une inquiétude, cest sur la solidité du couple franco-allemand. Le diner dhier a donné lieu à des communiqués assez basiques, quest-ce qui ne va pas entre Angela Merkel et François Hollande ?
R - Les choses vont bien entre les Français est les Allemands. Je crois que nous essayons de construire un compromis solide, et ce compromis solide ne peut pas se construire sur des ambiguïtés. Nous disons clairement les choses, sur ce que nous voulons pour lEurope. Il existe des points de convergence, nous avons beaucoup progressé, il existe encore des sujets de discussions ; ils ont été traités par le président de la République et la chancelière hier, la discussion va se poursuivre aujourdhui à 27 et nous espérons quau terme de ce Sommet, il y aura des décisions qui permettront de faire progresser lEurope sur le chemin de la solidarité et de lefficacité de ses instruments financiers.
Q - On sait que lAllemagne ne veut pas mutualiser les dettes des pays de la zone euro, avant que Bruxelles nait un vrai droit de contrôle et de regard sur les budgets nationaux. Est-ce que vous êtes prêt, est-ce que la France est prête, est-ce que François Hollande est prêt à accepter ce scénario ?
R - Parce que ce sont des sujets compliqués, il faut les rendre accessibles, y compris à ceux qui nous regardent aujourdhui. Il existe déjà des dispositifs de contrôle, le Parlement européen a récemment adopté des dispositions dans le cadre de ce que lon appelle le six-pack, le «two-pack», cest-à-dire des dispositifs de contrôle de lévolution des comptes publics et des budgets nationaux. Dailleurs, le Conseil aura à discuter du dispositif «two-pack», récemment adopté par le Parlement européen, puisque nous sommes dans la codécision.
Il faut aujourdhui, bien entendu, que nous respections les disciplines budgétaires, on comprend quil ne peut pas y avoir plus de solidarité au sein de lUnion européenne, sil ny a pas la possibilité de contrôler les conditions dans lesquelles les États respectent les équilibres budgétaires. Mais en même temps, si le débat doit être : plus dintégration politique sans mesure pour la croissance, nous aurons envoyé le signal aux marchés, que nous navons quune réponse institutionnelle au problème concret auquel les économies sont confrontées. Nous, Français, sommes favorables à davantage dintégration politique, nous sommes favorables, comme nos amis Allemands, à ce que lEurope progresse sur le terrain de lintégration politique, mais il faut que cela soit adossé à des mesures très concrètes, en faveur, dune part, de la croissance, dautre part, de la régulation bancaire, et enfin, de la régulation des marchés financiers.
Q - 130 milliards pour la croissance, cest acquis, et ça suffira pour relancer léconomie européenne ?
R - Ça sera acquis au terme du Sommet qui va se tenir dans quelques heures. Ce qui est aujourdhui sur le métier, ce sont des mesures qui, dans leur cohérence, constituent un pas significatif. Quelles sont ses mesures ? Recapitalisation de la Banque européenne dinvestissements, ce qui permet dengager 60 milliards deuros dinvestissements autour des grands sujets davenir de lUnion européenne, la croissance verte, les grands réseaux de transport, les grands réseaux de lénergie. 55 milliards deuros de mobilisation de fonds structurels et la possibilité dengager une phase pilote pour ce que lon appelle les «Project Bonds». Tout cela, cest le paquet croissance sur lequel lEurope sest mobilisée. Il faut bien entendu que ça soit consolidé à 27, ce nest pas encore fait, et si cest le cas, ça sera un paquet pour la croissance, qui constituera un progrès significatif.
Nous voulons des réponses concrètes à cette crise, et ces réponses concrètes, cest quoi ? Il faut en parler, on est à la veille dun sommet, il faut que les Français comprennent quel est lenjeu de ce sommet, et cest lintégration politique, oui, un grand projet politique pour lEurope est souhaitable, mais il faut que tout cela fasse lobjet de mesures concrètes. Quelles sont ces mesures concrètes ? Une Union bancaire, pour stabiliser le dispositif bancaire qui est très fragilisé. LUnion bancaire, cest une chose extrêmement précise, cest la possibilité de garantir les dépôts, cest la possibilité davoir de la supervision bancaire, on a besoin de superviser les banques...
Q - Au niveau européen.
R - Au niveau européen, bien entendu, et cest aussi un dispositif de résolution des crises bancaires. Et par ailleurs, il faut que le mécanisme européen de stabilité soit conforté, cest un instrument qui existe déjà, il faut quil soit conforté, quil puisse éventuellement recapitaliser les banques, et que lon puisse intervenir sur les marchés secondaires pour faire en sorte que les taux dintérêt qui minent la croissance des pays en difficultés soient maitrisés.
Q - Et sur lintégration politique à long terme, vous diriez Bernard Cazeneuve, le mot de fédéralisme ?
R - Je vais vous faire une concession : pourquoi pas. Mais ce qui compte, ce nest pas les concepts, cest ce que lon met à lintérieur des concepts, cest le projet européen que lon doit servir. Je ne suis pas du tout hostile à un saut politique, je ne conteste pas le fait quil faille progresser dans la construction de linstitution européenne, dailleurs plus démocratique, pour que les peuples se sentent davantage concernés par ces institutions, mais il faut que ces institutions soient au service dun projet politique européen. Ce projet ne peut pas être lEurope ouverte aux grands vents du libéralisme, ça ne peut pas être la destruction du modèle de service public, ça ne peut pas être non plus un dumping fiscal et social permanent. Il faut une Europe qui fasse vivre davantage de solidarité, qui soit plus compétitive, certes, qui approfondisse son marché intérieur, mais qui crée aussi les conditions aussi au sein de lUnion, dune solidarité, dune politique sociale, dune croissance.
Q - Est-ce que ça pourrait être lhégémonie bienveillante de lAllemagne ? Le mot est de Jérôme Cahuzac.
R - Non, je crois que lon ne bâtit rien dans lhégémonie, fût-elle bienveillante. Il faut une relation équilibrée avec les Allemands, cest dailleurs ce que semploie à construire avec beaucoup de méticulosité, le gouvernement et le président de la République. Nous sommes très attachés au moteur franco-allemand. Nous croyons à la nécessité absolue de conforter la relation avec lAllemagne. Nous pensons aussi que cette relation doit être équilibrée. Nous considérons par ailleurs que cette relation nest pas exclusive des relations que nous pouvons avoir avec les autres pays de lUnion européenne, dont nous avons besoin pour faire progresser lEurope dans son ensemble, parce que lUnion européenne doit être une et indivisible, il ne peut pas y avoir une Europe à deux vitesses.
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Q - Et le budget 2013 de la France, il aura besoin dun coup de tampon de Bruxelles avant dêtre adopté chez nous ?
R - Non, le budget de la France devra être conforme à la trajectoire budgétaire que la France a indiqué à Bruxelles comme celle quelle suivrait, ce qui signifie 3 % de déficit budgétaire en 2013, pour léquilibre en 2017.
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2012