Déclaration de Mme Yamina Benguigui, ministre de la francophonie, sur le rôle de la Francophonie, à Paris le 28 juin 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 85ème Conseil permanent de la Francophonie, à Paris le 28 juin 2012

Texte intégral

Monsieur le Président et Secrétaire général de la Francophonie,
Mesdames et Messieurs les Représentants personnels,
Chers Amis,
Je suis très honorée de me trouver à vos côtés ce matin pour participer aux travaux de la Commission permanente.
C’est avec émotion que je m’exprime aujourd’hui devant vous, non pas en tant que ministre, mais comme représentante personnelle du président de la République française pour la Francophonie, qui m’a confiée cette nouvelle mission.
Cette première rencontre me donnera l’occasion d’avoir des échanges essentiels avec vous hors du temps précieux mais formellement consacré à nos travaux en séance, afin de mieux nous connaître.
Il y a parmi vous des personnalités issues du monde des arts et de la culture, d’autres viennent d’univers professionnels ou politiques, vous représentez tous cette diversité culturelle qui est l’un des piliers de la Francophonie.
Je suis personnellement attachée à cette Francophonie qui forme le trait d’union pacifique entre les peuples et les cultures. Comme le disait le poète canadien, «La francophonie est un vaste pays sans frontières…Celui de la langue française…». C’est donc à cette langue de la citoyenneté, à cette langue de la liberté, à cette langue porteuse de valeurs, à cette langue qui évolue, que je serai fidèle dans mon engagement de représentante personnelle.
C’est cette langue qui sera dans quelques décennies la langue de 800 millions de francophones.
Cette Francophonie, généreuse, ouverte, et que vous incarnez tous ici, j’en porterai donc l’idéal avec vous.
Je veux en venir maintenant à d’autres éléments qui s’inscrivent dans le cadre de nos travaux du jour.
Vous me permettrez aujourd’hui de souligner que la Francophonie est actuellement confrontée à une situation exceptionnelle car trois de ses États membres (Madagascar, Mali, Guinée-Bissau) sont suspendus, en application de la déclaration de Bamako. Cela témoigne de la fragilité de certains États et de la nécessité d’un soutien entre partenaires francophones. Nous souhaitons qu’une réponse appropriée soit apportée à chacun de ces États pour aboutir à une réintégration la plus rapide possible.
À cet égard, la France se félicite de la mission d’expertise électorale déployée par l’OIF à Madagascar. Face à la dégradation inquiétante de la situation tant économique que sociale, il nous faut veiller, en synergie avec les autres acteurs internationaux, régionaux et sous-régionaux, à ce que le processus de préparation des élections ne prenne pas de retard. Les malgaches décideront le moment venu en toute souveraineté de la date des élections, mais rien ne saurait justifier la remise à plus tard de cette préparation. Au contraire, lorsque la Commission électorale nationale indépendante pour la transition (CENIT) aura jugé être techniquement prête, alors les acteurs du jeu politique ne pourront plus reculer. Grâce à un scrutin libre, crédible et transparent, Madagascar normalisera sa situation politique et cela favorisera le retour des principaux bailleurs et investisseurs internationaux.
Au Mali, la situation s’enlise au Nord, et le gouvernement de transition à Bamako reste fragile. Le renforcement de la légitimité du gouvernement et le retrait des militaires de la vie politique constituent nos priorités. Le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité maliennes est par ailleurs indispensable avant une éventuelle action militaire pour rétablir la souveraineté et in fine poursuivre activement la lutte contre les groupes terroristes. Toute solution/intervention militaire au Mali devra, selon nous, recueillir le consentement des autorités maliennes de transition. Sinon, elle prendrait le risque d’être rejetée par la population. Nous souhaitons donc que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les autorités maliennes travaillent ensemble pour trouver une solution durable à la crise que traverse actuellement le Mali.
En Guinée Bissau, la France a apporté un soutien logistique au déploiement de la force de stabilisation de la CEDEAO. Elle soutiendra les propositions allant dans le sens d’un dialogue le plus large possible entre les nouvelles autorités et les autorités en exil, dans la perspective d’une restauration de l’État de droit.
Dans ces trois pays, il est important que les programmes qui bénéficient directement aux populations soient maintenus, voire renforcés.
Les Égyptiens viennent d’élire leur président de la République. Le bon déroulement du scrutin a montré une fois de plus l’aspiration du peuple égyptien à choisir librement et démocratiquement ses représentants et ses dirigeants. La France a réitéré son engagement à travailler avec le nouveau président dans un contexte économique égyptien marqué par des difficultés importantes ; elle souhaite que la transition se poursuive dans le respect des aspirations démocratiques du peuple égyptien et des engagements internationaux de l’Égypte.
Je voudrais mentionner par ailleurs l’implication renouvelée de l’OIF dans le processus électoral guinéen. Cependant, les désaccords profonds qui entachent l’organisation du scrutin n’ont pas encore été totalement levés. La détermination des acteurs politiques guinéens ne doit pas fléchir car si la dynamique électorale devait une nouvelle fois s’essouffler, la communauté internationale et les investisseurs pourraient en tirer des conséquences.
Aujourd’hui, nous sommes tous tournés vers le 14ème Sommet de la Francophonie qui se tiendra en octobre prochain à Kinshasa et dont la préparation s’organise à grand pas. Cet évènement doit être le témoignage d’une Francophonie unie autour de ses valeurs, du respect de la démocratie, des droits de l’Homme et du bien-être des populations. Je voudrais saluer la volonté des autorités congolaises d’associer la population au Sommet. La France a d’ores et déjà apporté son soutien à différentes manifestations culturelles, qui accompagnent l’organisation du Sommet.
Ce sommet marquera également l’implication croissante de la Francophonie dans les enjeux essentiels pour le monde moderne que sont les enjeux économiques et environnementaux. Alors que le Sommet Rio+20 a montré ses limites, la Francophonie doit savoir se montrer tout à la fois réaliste et ambitieuse. Réaliste car les idées débattues à Rio nécessiteront encore un temps de maturation, ambitieuse car elle doit savoir se saisir des opportunités pour faire progresser son influence et sa force de propositions. Je salue ainsi tout particulièrement l’engagement du Niger et du Congo-Brazzaville, qui doivent pouvoir trouver au sein de la Francophonie le prolongement des initiatives qu’ils ont lancées.
Le thème du Sommet pose de façon implicite la question de la Francophonie économique. Celle-ci existe déjà, timidement peut-être. Mais il nous faut réfléchir aux objectifs et aux moyens que nous sommes disposés à nous donner. Il sera important, dans le cadre du Sommet, de relever collectivement ce défi et de fixer à la Francophonie une ligne d’action visible et efficace dans ce domaine.
Je voudrais juste terminer en vous rappelant ce qu’a dit Nelson Mandela, «ce qui se fait pour nous, sans nous, se fait contre nous».
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juillet 2012