Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Jai souhaité, avec le Premier ministre, réunir la Conférence Nationale de lIndustrie au lendemain de la grande conférence sociale car cest dans ce même esprit de reconquête du dialogue social, de lunion des forces économiques et sociales, de la réconciliation des français avec leur industrie que nos travaux doivent sinscrire.
Je tiens tout dabord à vous remercier, vous tous et vous particulièrement cher Jean-François Dehecq, pour tout le travail qui a été fourni ces 2 dernières années. Jai pu apprécier, lors de la Grande conférence sociale à quel point les travaux de la CNI ont été utiles pour nouer un dialogue constructif entre partenaires sociaux sur la base dun diagnostic approfondi de la situation de lindustrie française.
Et en effet, il y a urgence à sunir dans une France autant en difficulté que divisée. Avec une croissance limitée à 0,4%, le pouvoir dachat en baisse de 1,2% en 2012, et près de 3 millions de chômeurs, la France est en état durgence.
Quant à la situation de l'Industrie française en Europe, cest une évidente contre-performance nationale. En dix ans, notre industrie a perdu 740.000 emplois, tandis que sa part dans le PIB fondait de 30%. Le décrochage industriel de la France est considérable, y compris dans les domaines que nous pouvions tenir, il y a quelques années encore, pour des prés carrés de lindustrie française sont le nucléaire et les trains à grande vitesse
La théorie de « la France sans usine » portée par des générations de dirigeants économiques et politiques a conduit à sacrifier notre appareil productif. En imposant le modèle libéral financier à notre pays, ils ont fait de la France « une Nation sous influence », une Nation dans la dépendance vis-à-vis des pays qui produisent. Une France de consommateurs, de consommateurs appauvris et au chômage.
Le libéralisme ce nest pas plus de liberté contrairement aux apparences. Cest le laissez faire érigé en règle qui a vu 900 de nos usines fermer en 10 ans, cest le laissez fermer, cest le laisser délocaliser, cest labandon de nos outils industriels au profit dune logique financière.
Le redressement productif cest une vision, lévolution dun modèle. Un modèle en cohérence avec notre histoire. Un modèle entrepreneurial, innovant et patriotique qui consacre la production de biens comme une richesse solide et non soumise aux aléas des marchés financiers.
Le redressement productif cest une volonté politique portée par François Hollande alors quil était encore candidat à la présidentielle. Cest aujourdhui une volonté étatique portée par le Président de la République. Dans les années 30, Roosevelt se lançait à la conquête du renouveau industriel avec le succès que lon connaît. La France de 2012 doit sunir pour relever ce défi de la reconquête. Le redressement productif cest larme du gouvernement pour redresser notre économie, pour redresser la France. Nous devons réarmer la puissance publique.
Le redressement productif cest le redressement de limage de lindustrie. Une industrie qui nest pas sale, une industrie innovante, une industrie consciente de sa responsabilité sociale et environnementale. Nous devons réconcilier les Français avec leur patrimoine industriel et les mobiliser autour de la reconquête industrielle. La Semaine de lIndustrie doit devenir un rendez-vous pour les Français, comme les journées du patrimoine, la fête de la musique, la fête de la science.
Le redressement productif cest la mission qui ma été confiée, cest le défi que je vous demande de relever à mes côtés pour sauvegarder tous les emplois qui peuvent lêtre et pour créer les emplois de demain.
Le redressement productif cest aussi une obligation de résultat à cinq ans. La reconstruction de notre appareil industriel et productif, son essor qui doit nous permettre de retrouver notre place parmi les champions internationaux de lindustrie. Cest une grande cause nationale qui doit pouvoir compter sur lengagement de tous les Français.
* Patriotisme économique
Aux libéraux qui voient dans le rapprochement de la puissance publique et du monde de lentreprise un amour contre nature, je réponds que Colbert a construit la France du Grand Siècle. Intervenir, ce nest pas trahir. Agir, ce nest pas soumettre. Tendre la main, ce nest pas dominer. Ma politique cest le colbertisme participatif où chacun a une responsabilité : lEtat, le banquier, le travailleur, le chef dentreprise, le retraité, létudiant.
Cette mobilisation de toutes les forces économiques et sociales de notre pays fonde notre patriotisme économique qui est notre réponse à la crise. Les Coréens, les Américains, les Allemands, les Indiens lont compris depuis longtemps.
Je souhaite que lEtat devienne stratège. Cela veut dire, ne pas avoir peur dintervenir dans léconomie réelle, cela veut dire faire des choix, en promouvant une filière, une technologie davenir, cela veut dire porter une ambition industrielle. LEtat actionnaire (via son Agence des Participations de lEtat) doit également devenir un outil performant du redressement productif. Sa gestion, parfois trop patrimoniale, doit être enrichie par dans une logique ambitieuse de politique industrielle.
Ce patriotisme économique appelle leffort de chacun. Mais leffort ce nest pas le sacrifice et je dirais même plus, leffort sera plus justement réparti. Votre énergie, vous linvestissez en France. Petites, moyennes, grandes entreprises, la France a besoin de pouvoir compter sur des patrons patriotes.
Or, le rapport entre les grands groupes français et les PME nest pas équilibré. Non seulement les grands groupes font souvent porter à leurs sous-traitants les coûts dajustement en période de crise, mais ils participent insuffisamment au développement et à la structuration des filières.
A cela sajoute la prédation à laquelle ces grands groupes se livrent en rachetant chaque année de nombreuses entreprises en croissance, en particulier si elles se situent sur des segments à forte valeur ajoutée. Ces rachats stérilisent linnovation.
9 brevets sur 10 déposés par un grand groupe français ne sont jamais utilisés. Il est nécessaire de revoir la nature des relations entre les donneurs dordre et les PME en organisant des liens de sous-traitance et de coproduction plus équilibrés. La question du partage des risques, industriels et technologiques, trop systématiquement reportés sur les prestataires doit par exemple faire partie de la réflexion tout comme le partage des brevets et des bénéfices de la recherche.
Ces grands groupes ont une histoire française. Cest la France, ses travailleurs et ses ingénieurs français qui les ont faits. Dans une logique de donnant-donnant, ces grands groupes doivent participer au redressement productif de la France.
Il est aujourd'hui essentiel de poursuivre ou d'engager le travail de restructuration des filières liant grands comptes et PME. L'expérience acquise du comité stratégique de la filière aéronautique doit inspirer des initiatives semblables dans d'autres secteurs. La CNI sera le lieu de ce rééquilibrage.
Tout comme les entreprises allemandes, grands groupes et PME doivent sassocier pour chasser en meute à lexport.
Je souhaite que lEtat stratège soutienne les PME et les ETI les plus innovantes quil faut accompagner et aider à grandir. Je souhaite quun plan « 2000 Pépites » soit mis en place, en soutien aux PME et ETI stratégiques.
Vous laurez compris, le patriotisme économique cest laventure collective que je vais porter pendant cinq ans au nom de la croissance retrouvée, au nom de la reconquête industrielle.
* Médecine durgence
Depuis le 17 mai dernier, je suis confronté à un état durgence. Car lhéritage est lourd et nous en découvrons les strates chaque jour. Si en lévoquant je suis transparent soyez certains que cette triste antériorité ne sera jamais invoquée pour nous défausser. Bien au contraire. Cet héritage nous oblige. Nous affrontons les difficultés : Rio Tinto, Doux, Lohr, Fralib, LyondellBasell, Petroplus Nous tenterons tout jusquau dernier sang pour sauver nos sites industriels. Nous aurons des résultats que la désinvolture, le laissez-faire, lindifférence ne permettent pas dobtenir. Nous aurons des échecs et je les assumerai.
Pour affronter cet état de crise, il était urgent de réarmer la puissance publique. Nous avons mobilisé tous les moyens de lEtat et mis en place une équipe durgentistes pour stopper lhémorragie. Le CIRI, la cellule ministérielle et les 22 commissaires au redressement productif que jai nommés dans chacune des régions métropolitaines sont les trois armées dune même équipe. Ce sont des personnes de terrain, négociateurs, facilitateurs, armés dun pouvoir politique.
Avec les commissaires nous avons mis en place des systèmes dalerte précoce. Car toutes nos données convergent vers ce même constat : une entreprise a plus de chance de remonter la pente quand elle est prise en amont du redressement judiciaire. Ai-je besoin de vous le rappeler ? Les Tribunaux de commerce, on sait comme on y entre, en mauvais état, on ne sait pas si on en sort ni comment en sort.
Notre méthode : rapidité, coordination des acteurs, négociation. Notre objectif est de sauver tout ce qui peut lêtre pour préserver et bâtir la sortie de crise. Car une usine fermée est compliquée à redémarrer. Une usine délocalisée est difficile à faire revenir. Dans cette médecine durgence du quotidien, nous avons toujours à lesprit notre redémarrage.
* Plan de reconquête
Cette reconquête industrielle nous devons la mener sur cinq fronts. Cinq batailles à mener qui reposent toutes sur notre capacité à nous unir autour dun compromis historique gagnant-gagnant.
Devant vous qui représentez les 12 filières industrielles de la CNI, je veux proposer aux forces économiques et sociales de notre pays de sceller un pacte productif. Il ne sagit pas de renoncer à ses revendications. Il ne sagit pas de trahir ses impératifs. Il sagit, partant dun diagnostic qui a émergé lors de la grande conférence sociale, de consentir à un échange de concessions réciproques. Ce diagnostic est le socle de notre pacte national pour lindustrie. Nous nattendons pas des sacrifices mais les efforts indispensables et justes pour engager la reconquête industrielle qui pourra garantir à la France son redressement économique.
Le premier front de cette reconquête est celui de la compétitivité des entreprises françaises. Pour relever ce défi de la compétitivité, nous devons faire émerger un compromis fort.
Le financement de la protection sociale qui est adossé sur le travail pèse sur notre développement industriel et nuit à lemploi. Il ne sagit pas de remettre en question la qualité de notre protection sociale. Elle nous honore, elle nous est enviée, elle est un élément constitutif du pacte social qui unit tous les Français. Il ne sagit pas non plus de remettre en question les niveaux de rémunération nets des travailleurs. Alors que lAllemagne est trop souvent citée en modèle, je noublie pas les différences majeures de rémunérations des travailleurs, labsence de SMIC. Il ne sagit pas daligner la France sur un moins-disant. Il sagit de rééquilibrer, dans un esprit de justice, le coût du travail et le coût du capital. Cest un levier majeur de lamélioration de notre compétitivité et un levier pour lemploi.
Nous navancerons pas sur le front de la compétitivité de nos entreprises en évitant de prendre à bras le corps la question du financement de la protection sociale. Car tous les sujets devront être abordés et ils le seront dans le cadre de la mission confiée à Louis Gallois par le Premier Ministre et dans le cadre du Haut Comité au Financement de la Protection Sociale.
Sagissant de notre compétitivité hors coût nous devons laméliorer en misant sur la qualité des produits que nous fabriquons. Lexcellence existe, il sagit de la multiplier, de la diffuser, de la porter. La qualité de notre main doeuvre et notre savoir faire sont des atouts que nous devons cultiver. Ce capital humain, les choix politiques des dix années passées lont affaibli. La formation ne sera plus le parent pauvre de lindustrie. Réconcilier les Français avec lindustrie, cest réformer notre système éducatif et de formation professionnelle pour que les métiers de lindustrie soient mieux compris et attirent les jeunes et les plus talentueux.
Elle est au coeur du redressement productif. Quant à linnovation, elle ne sera pas livrée au hasard mais guidée par une vision stratégique dEtat qui lui donnera toute la force nécessaire pour que la France redevienne la Nation des grandes inventions de son siècle.
Pour mener à bien notre reconquête industrielle, il faut évidemment des moyens. Le financement de cette reconquête sera garanti par un dispositif de financement ambitieux assurant la mutation progressive de notre modèle économique. La finance doit retrouver sa juste place et être mise au service de léconomie réelle et, en particulier, des PME.
Pour relancer léconomie réelle, la France dispose dun atout majeur. Avec un taux d'épargne de leur revenu de 17% (l'un des plus forts au monde), l'épargne financière accumulée par les Français atteint les 3600 milliards (hors immobilier) pour un PIB d'environ 2000 milliards deuros. Lincitation à employer l'épargne domestique au bénéfice de linvestissement productif reste aujourdhui largement insuffisante alors quil y a là un gisement de ressources très important, sans commune mesure avec les crédits publics. Il faut réconcilier l'épargne et lindustrie. Il faut contrecarrer lidée selon laquelle le placement dans les entreprises serait trop risqué. Il faut que les banquiers et les assurances retrouvent leur véritable vocation, qui est de financer léconomie.
Lépargne drainée par lassurance vie, et encouragée fiscalement, doit être orientée vers le financement en fonds propres de nos entreprises.
La création d'un livret d'épargne industrie dont le produit sera dédié au financement des PME et des entreprises innovantes permettra de mobilier l'épargne des Français. Pour cela, il est prévu de doubler le plafond du livret développement durable, en le portant de 6 000 à 12 000 euros.
Nous avons besoin de la mobilisation des épargnants français autour de notre pacte productif. Le Livret Epargne Industrie a vocation à rapprocher les citoyens de leurs entreprises régionales en drainant lépargne nationale pour financer léconomie locale. Cest une façon de faire oublier les abus de la finance, et une façon de rapprocher les Français de leurs entreprises.
En créant la Banque Publique dInvestissement, nous voulons attaquer de front le problème du financement des PME. Ces PME, rappelons-le sont créatrices demplois (elles embauchent plus de 60% des Français) et de richesse. Une mission de préfiguration a été mise en place, qui devra proposer des modalités opérationnelles de mise en oeuvre, et rendra ses conclusions dès cet été. La grande conférence sociale a permis un premier échange riche pour constituer cette BPI. La concertation des partenaires sociaux devra être poursuivie par la mission de préfiguration. Puis auront lieu les premières opérations capitalistiques, pour une mise en oeuvre fin 2012.
Pierre Moscovici et moi-même sommes très attentifs à inventer un outil efficace, au plus proche des entreprises. Nous trouverons léquilibre entre un Etat stratège et une vision de proximité. Je plaiderai pour quà limage de lexpérience réussie dOSEO, il y ait des guichets régionaux de cette banque. Les décisions doivent êtres prises sur le terrain, là où on connaît les entreprises et où on peut trouver les solutions, et non remonter systématiquement à Paris. Et ces guichets doivent offrir toute la palette de produits aujourdhui proposée par une myriade dacteurs publics.
Je souhaite que la BPI soit plus quune banque :
- elle doit accompagner les projets des chefs dentreprises, les aider à définir leur stratégie, les aider à croître ;
- elle doit financer linnovation, même la plus radicale ;
- elle doit simpliquer dans la gouvernance des entreprises dans lesquelles elle investit ;
- elle doit agir en cohérence avec les politiques publiques de ce gouvernement, et en synergie avec le programme dinvestissement davenir
Enfin, et jy insiste, il apparaît nécessaire de mettre en place un véritable réseau d'aide aux entreprises à l'étranger sur le modèle allemand ou japonais fondé sur une véritable culture de l'export. Dans ce cadre, il faut rapprocher, voire fusionner posons nous au moins la question - les outils tels la Coface, Ubifrance et la partie export d'OSEO en les rapprochant de la BPI. La BPI sera une clé de la réussite de notre stratégie à lexport. Cest un sujet que jévoquerai avec Nicole Bricq.
Les Français doivent avoir la possibilité de placer leur épargne dans les entreprises quils connaissent, quils identifient comme des acteurs de leur territoire, ces entreprises qui embauchent leurs amis, leurs parents, leurs enfants.
Cest une façon de faire oublier les abus de la finance, et une façon de rapprocher les Français de leurs entreprises.
Au-delà, nous devons expliquer aux investisseurs que la reconquête industrielle est une aventure au long cours. Lhorizon de leurs investissements devra sadapter à cette donnée, nous travaillons à la mise en place de mesures incitatives.
Notre reconquête industrielle passe également par la reconquête de notre souveraineté énergétique. Là encore, de mauvais choix idéologiques nous ont porté à abandonner ce que tous nos voisins et concurrents ont précieusement préservé.
En France, nous bénéficions dun coût de lénergie peu cher. Cet atout de compétitivité nous devons le préserver en nous appuyant, notamment, sur la filière nucléaire.
Mais au-delà, la maîtrise de nos ressources énergétiques et des matières premières nous permettra de sécuriser lapprovisionnement de notre industrie. Il est un fait que nous devons réintégrer dans nos logiciels : les ressources nationales appartiennent à tous les Français et ne peuvent pas faire lobjet dune excessive appropriation par quelques sociétés. Je suivrai attentivement les travaux dexploration menés en Guyane. Si des découvertes pétrolières sont faites, la Nation devra en profiter pleinement. La refonte du code minier, qui pourrait être entamée dès lautomne permettra une réflexion sur le bon niveau de bénéfices devant revenir vers lEtat et vers les communautés locales.
Lénergie la moins chère, chacun le sait, est encore lénergie quon ne consomme pas. La reconquête de notre souveraineté énergétique passe donc par un investissement massif de tous les acteurs dans lefficacité énergétique. Lindustrie française doit continuer à être synonyme dexcellence en ce domaine, et ne peut se permettre de rater ce virage. Elle dispose du premier électricien mondial avec EDF, du premier énergéticien avec GDF Suez, dun très grand acteur pétrolier, Total, des champions des équipements comme Areva, Alstom et Schneider Electric, des géants de la construction comme Vinci, Bouygues ou encore Saint-Gobain. Ils se positionnent déjà sur les créneaux de lisolation des bâtiments, de la rénovation thermique ou de lefficacité énergétique dite « active », à travers les équipements intelligents. Ils seront soutenus et encouragés.
Le quatrième front de notre reconquête industrielle est celui de linnovation. Cest dans cette France des inventeurs, des créateurs, des ingénieurs que réside notre potentiel de croissance. Nous devons la soigner, laccompagner, la guider.
Lindustrie, vous le savez, est à lorigine de 85% de leffort de recherche mené par les entreprises en France. Cest dire combien elles ne prennent pas le sujet à la légère. Et pour cause, linnovation est notre avenir à tous !
Elle est la clé pour rester moteur, et non pas suiveur, du monde qui vient.
- Un monde dans lequel nous aurons de nouvelles envies et de nouveaux besoins : nano et biotechnologies, numérique, internet et ses nouveaux usages, léco-mobilité, et bien dautre encore.
- Mais aussi un monde dans lequel nous aurons de nouveaux concurrents : à bien des égards, les pays quon disait jadis pudiquement « en développement » ont émergé, bien plus rapidement que ce quon nous avait prédit, à limage de lInde, du Brésil, de la Chine. Ces pays nont aucune intention de rester les ateliers du monde, et progressent à grands pas pour remonter les filières de production et devenir, demain, les laboratoires du monde.
Nous sommes à présent acculés à la frontière technologique. Nous avons le devoir, mais cest aussi une fierté, de se mettre en position de produire les biens de demain.
Un constat, de toute évidence, simpose : nous avons en France parmi les meilleurs ingénieurs, chercheurs, développeurs, inventeurs au monde. Et pourtant, notre pays accuse toujours un retard en matière dinnovation Pourquoi ? Il y a, en France, encore trop peu de mise en commun de la connaissance créée, qui est pourtant à la base des processus innovants.
Je propose donc dabord de renforcer lécosystème de linnovation, pour que tout le monde puisse travailler ensemble plus efficacement.
Dabord en poursuivant la politique des pôles de compétitivité. Ils ont apporté la preuve jusque là, de leur efficacité, en rapprochant grands groupes, PME, laboratoires de recherche et universités. Toutefois, pour éviter le saupoudrage des fonds publics, il sera nécessaire de recentrer laction de lEtat sur les pôles les plus prometteurs, sur la base dévaluations indépendantes. Il faudra aussi veiller à ce quils soient pilotés au niveau approprié, qui sera parfois lEtat (pour les pôles « internationaux, ou nationaux ») et parfois les régions (pour les pôles de proximité)
Ensuite, nous voulons rendre linnovation accessible à tous, y compris les plus petits. Je souhaite démultiplier sur le territoire des plateformes qui diffuseront les technologies innovantes aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), sur le modèle des Fraunhofer allemands. Ce dispositif existe déjà à Grenoble ou à Saclay, dans lEssonne, sous l'égide du CEA mais nous pouvons létendre et innerver la France entière.
Aucune des révolutions industrielles passée ne sest faite sans un fort soutien de lEtat. Partout, en Chine comme aux Etats-Unis, en Inde comme au Brésil, lintervention publique est active. En réarmant lEtat, nous inscrivons la France dans la révolution industrielle à venir.
Nous nous tiendrons donc prêts, à nouveau, à soutenir les programmes technologiques ambitieux, ceux des industries vertes, des réseaux intelligents, du numérique Notre politique industrielle sera cohérente et réfléchie. Elle prendra en compte les filières, les territoires et les hommes. Elle sappuiera sur un partage plus intelligent entre lEtat et ses régions. La commande publique en deviendra le bras armé, et sera tourné en particulier vers linnovation dans les PME et les ETI, à limage du Small Business Innovation Research (SBIR) qui irrigue à hauteur dun milliard de dollars chaque année léconomie américaine.
Linnovation sera non seulement suivie de près, mais également financée. La Banque publique dinvestissement que nous créerons sera on la dit le relai numéro 1 de linnovation dans les territoires.
Le crédit dimpôt recherche sera maintenu, car cest un levier daction extraordinairement efficace. Mais, il faut le dire, ce dispositif est aujourdhui victime de son succès, et engendre pour certain des effets daubaine inacceptables. Nous le ciblerons au maximum sur les entreprises qui en ont le plus besoin, les plus jeunes et les plus petites, en le réorientant lorsque nécessaire.
Et nous travaillerons, à partir de notre vision partagée, avec le Président Gallois pour adapter le programme dinvestissement davenir aux priorités dégagées pour les filières industrielles.
Pour porter la reconquête industrielle, je vous parlais dunion des forces économiques et sociales. Dans certains cas, il faudra même aller vers une réconciliation celle du consommateur et du producteur.
La seule annonce, il y a un mois, de lexamen de solutions pour mettre fin à lhémorragie des emplois dans le secteur des télécommunications a créé une levée de boucliers parmi les irréductibles du modèle libéral financier.
Dans un pays qui compte près de 3 millions de chômeurs soit prêt de 10% de la population active, qui sont ces irresponsables qui refusent encore dintégrer à leur logiciel économique la question de lemploi ?
Ceux qui sabritent derrière la concurrence irraisonnée pour quaugmentent leurs profits en sacrifiant les emplois en France, ceux-là ont peur des soldats de lemploi. Ils ne veulent pas entendre parler de volontarisme politique pour lutter contre les délocalisations. Ils ne veulent pas quémerge un modèle de la régulation et du rééquilibrage. Alors comme souvent, ceux qui se sentent menacés opposent une catégorie de Français à une autre : le consommateur au producteur.
Cette opposition, il y a urgence à la questionner. Le propos est, en effet, pour le moins simpliste puisquen réalité, le consommateur est toujours un producteur. Et si la France continue de sacrifier son appareil productif et ses emplois cest le consommateur quelle sacrifie.
Lintérêt du consommateur et du producteur ne font quun et il est de notre responsabilité de défendre cet intérêt commun en renouant avec une France de la production, une France du travail, une France de la régulation. Les Français lont compris. Une étude du CREDOC parue en 2011 montre que 60% de nos concitoyens sont prêts à payer un peu plus cher les biens quils consomment dès lors quils sont fabriqués en France. Il est urgent que les décideurs entendent cette prise de conscience citoyenne pour préserver la base industrielle « France ».
Nous avons donc entamé un chantier pour promouvoir la « marque France » qui pourrait être un système de labellisation, estampillant le « fabriqué en France » et allant au-delà pour permettre une véritable traçabilité sociale et environnementale.
Je me suis aussi saisi du dossier des opérateurs des télécommunications dans cet esprit, et avec le souci de la préservation de lemploi.
Pour mener ce plan de reconquête, il y aura des obstacles à franchir. Nous devrons convaincre les Français, rallier les plus sceptiques. Nous devrons aussi mener campagne à Bruxelles pour que lEurope de la croissance lemporte sur lEurope « austéritaire ».
Je veux me souvenir que lEurope est née dune aventure industrielle, la CECA. Son esprit dalors nétait pas celui dune application naïve et dangereuse dune politique de concurrence qui nous affaiblit. Je souhaite créer les conditions dune réorientation de lUnion Européenne qui passera par une relecture de ses traités, pour soumettre la politique de la concurrence à limpératif dune politique industrielle.
Par exemple, développer les innovations et les technologies clefs pour demain. Mener à bien de grands projets technologiques structurants comme ITER, GMES ou Galileo. Nous avons lambition de faire émerger des champions européens. Depuis EADS, ni la France ni lEurope nont su construire de tels projets ambitieux.
Il faut abandonner les pratiques commerciales naïves et imposer une véritable réciprocité à nos partenaires commerciaux. LEurope ne peut pas se résoudre à voir partir ses industries découpées pièces par pièces et reconstruites ailleurs sans réagir, comme si devenir un territoire de consommation sans production était envisageable, ou même viable. Les compétences et les savoir-faire de pointe, chèrement acquis, sont des atouts qui ne se récupèrent pas, ou alors au prix defforts et dinvestissements que nous ne serons plus capables de payer.
Cest bien lensemble des politiques de lUnion qui doit être guidé par lobjectif dun redressement productif. Le Pacte de croissance, négocié par le Président de la République lors du dernier Conseil européen est une avancée importante en ce sens.
Ce plan de reconquête je veux que les Français se lapproprient. Jai besoin quil devienne lobjet de chacun, la préoccupation de tous. Une grande cause nationale autour de laquelle les Français doivent se mobiliser.
Cette mobilisation commence aujourdhui, ici. La CNI est au coeur de ce plan de reconquête, vous lavez compris. La grande conférence sociale a permis de partager lobjectif dune CNI élargie, renforcée, éclairant les choix du gouvernement. Elle doit jouer pleinement son rôle de lieu de concertation et de proposition. Je souhaite dailleurs que son nom reflète mieux cette ambition de conseil au gouvernement.
Sa composition doit être élargie et sa gouvernance aménagée. LUPA nest pas présente. Elle devra lêtre. Les régions de France ne sont pas présentes. Elles devront lêtre. Les chambres de commerce et de lindustrie ne sont pas présentes non plus. Elles devront lêtre. La gouvernance de la CNI doit être rééquilibrée avec les partenaires sociaux.
Je souhaite également que la CNI enrichisse ses travaux, dabord en créant de nouveaux comités stratégiques de filière, dont un sur lénergie, un sur les matières premières et les industries de première transformation et un sur les enjeux de la déconstruction.
Je souhaite également que la CNI enrichisse ses réflexions sur les sujets transversaux. De nouveaux groupes de travail pourraient sintéresser au sujet du financement et des aides, au sujet de la gouvernance des entreprises et enfin au lien entre système éducatif et appareil productif. Enfin, je souhaite que la CNI puisse disposer de moyens même modiques pour assurer son bon fonctionnement et piloter des études.
Il faudra que la CNI sarticule avec le conseil ou commissariat du dialogue social et de la prospective dont le Premier Ministre a annoncé la création, à la suite de la grande conférence sociale.
Source http://www.redressement-productif.gouv.fr, le 12 juillet 2012
Jai souhaité, avec le Premier ministre, réunir la Conférence Nationale de lIndustrie au lendemain de la grande conférence sociale car cest dans ce même esprit de reconquête du dialogue social, de lunion des forces économiques et sociales, de la réconciliation des français avec leur industrie que nos travaux doivent sinscrire.
Je tiens tout dabord à vous remercier, vous tous et vous particulièrement cher Jean-François Dehecq, pour tout le travail qui a été fourni ces 2 dernières années. Jai pu apprécier, lors de la Grande conférence sociale à quel point les travaux de la CNI ont été utiles pour nouer un dialogue constructif entre partenaires sociaux sur la base dun diagnostic approfondi de la situation de lindustrie française.
Et en effet, il y a urgence à sunir dans une France autant en difficulté que divisée. Avec une croissance limitée à 0,4%, le pouvoir dachat en baisse de 1,2% en 2012, et près de 3 millions de chômeurs, la France est en état durgence.
Quant à la situation de l'Industrie française en Europe, cest une évidente contre-performance nationale. En dix ans, notre industrie a perdu 740.000 emplois, tandis que sa part dans le PIB fondait de 30%. Le décrochage industriel de la France est considérable, y compris dans les domaines que nous pouvions tenir, il y a quelques années encore, pour des prés carrés de lindustrie française sont le nucléaire et les trains à grande vitesse
La théorie de « la France sans usine » portée par des générations de dirigeants économiques et politiques a conduit à sacrifier notre appareil productif. En imposant le modèle libéral financier à notre pays, ils ont fait de la France « une Nation sous influence », une Nation dans la dépendance vis-à-vis des pays qui produisent. Une France de consommateurs, de consommateurs appauvris et au chômage.
Le libéralisme ce nest pas plus de liberté contrairement aux apparences. Cest le laissez faire érigé en règle qui a vu 900 de nos usines fermer en 10 ans, cest le laissez fermer, cest le laisser délocaliser, cest labandon de nos outils industriels au profit dune logique financière.
Le redressement productif cest une vision, lévolution dun modèle. Un modèle en cohérence avec notre histoire. Un modèle entrepreneurial, innovant et patriotique qui consacre la production de biens comme une richesse solide et non soumise aux aléas des marchés financiers.
Le redressement productif cest une volonté politique portée par François Hollande alors quil était encore candidat à la présidentielle. Cest aujourdhui une volonté étatique portée par le Président de la République. Dans les années 30, Roosevelt se lançait à la conquête du renouveau industriel avec le succès que lon connaît. La France de 2012 doit sunir pour relever ce défi de la reconquête. Le redressement productif cest larme du gouvernement pour redresser notre économie, pour redresser la France. Nous devons réarmer la puissance publique.
Le redressement productif cest le redressement de limage de lindustrie. Une industrie qui nest pas sale, une industrie innovante, une industrie consciente de sa responsabilité sociale et environnementale. Nous devons réconcilier les Français avec leur patrimoine industriel et les mobiliser autour de la reconquête industrielle. La Semaine de lIndustrie doit devenir un rendez-vous pour les Français, comme les journées du patrimoine, la fête de la musique, la fête de la science.
Le redressement productif cest la mission qui ma été confiée, cest le défi que je vous demande de relever à mes côtés pour sauvegarder tous les emplois qui peuvent lêtre et pour créer les emplois de demain.
Le redressement productif cest aussi une obligation de résultat à cinq ans. La reconstruction de notre appareil industriel et productif, son essor qui doit nous permettre de retrouver notre place parmi les champions internationaux de lindustrie. Cest une grande cause nationale qui doit pouvoir compter sur lengagement de tous les Français.
* Patriotisme économique
Aux libéraux qui voient dans le rapprochement de la puissance publique et du monde de lentreprise un amour contre nature, je réponds que Colbert a construit la France du Grand Siècle. Intervenir, ce nest pas trahir. Agir, ce nest pas soumettre. Tendre la main, ce nest pas dominer. Ma politique cest le colbertisme participatif où chacun a une responsabilité : lEtat, le banquier, le travailleur, le chef dentreprise, le retraité, létudiant.
Cette mobilisation de toutes les forces économiques et sociales de notre pays fonde notre patriotisme économique qui est notre réponse à la crise. Les Coréens, les Américains, les Allemands, les Indiens lont compris depuis longtemps.
Je souhaite que lEtat devienne stratège. Cela veut dire, ne pas avoir peur dintervenir dans léconomie réelle, cela veut dire faire des choix, en promouvant une filière, une technologie davenir, cela veut dire porter une ambition industrielle. LEtat actionnaire (via son Agence des Participations de lEtat) doit également devenir un outil performant du redressement productif. Sa gestion, parfois trop patrimoniale, doit être enrichie par dans une logique ambitieuse de politique industrielle.
Ce patriotisme économique appelle leffort de chacun. Mais leffort ce nest pas le sacrifice et je dirais même plus, leffort sera plus justement réparti. Votre énergie, vous linvestissez en France. Petites, moyennes, grandes entreprises, la France a besoin de pouvoir compter sur des patrons patriotes.
Or, le rapport entre les grands groupes français et les PME nest pas équilibré. Non seulement les grands groupes font souvent porter à leurs sous-traitants les coûts dajustement en période de crise, mais ils participent insuffisamment au développement et à la structuration des filières.
A cela sajoute la prédation à laquelle ces grands groupes se livrent en rachetant chaque année de nombreuses entreprises en croissance, en particulier si elles se situent sur des segments à forte valeur ajoutée. Ces rachats stérilisent linnovation.
9 brevets sur 10 déposés par un grand groupe français ne sont jamais utilisés. Il est nécessaire de revoir la nature des relations entre les donneurs dordre et les PME en organisant des liens de sous-traitance et de coproduction plus équilibrés. La question du partage des risques, industriels et technologiques, trop systématiquement reportés sur les prestataires doit par exemple faire partie de la réflexion tout comme le partage des brevets et des bénéfices de la recherche.
Ces grands groupes ont une histoire française. Cest la France, ses travailleurs et ses ingénieurs français qui les ont faits. Dans une logique de donnant-donnant, ces grands groupes doivent participer au redressement productif de la France.
Il est aujourd'hui essentiel de poursuivre ou d'engager le travail de restructuration des filières liant grands comptes et PME. L'expérience acquise du comité stratégique de la filière aéronautique doit inspirer des initiatives semblables dans d'autres secteurs. La CNI sera le lieu de ce rééquilibrage.
Tout comme les entreprises allemandes, grands groupes et PME doivent sassocier pour chasser en meute à lexport.
Je souhaite que lEtat stratège soutienne les PME et les ETI les plus innovantes quil faut accompagner et aider à grandir. Je souhaite quun plan « 2000 Pépites » soit mis en place, en soutien aux PME et ETI stratégiques.
Vous laurez compris, le patriotisme économique cest laventure collective que je vais porter pendant cinq ans au nom de la croissance retrouvée, au nom de la reconquête industrielle.
* Médecine durgence
Depuis le 17 mai dernier, je suis confronté à un état durgence. Car lhéritage est lourd et nous en découvrons les strates chaque jour. Si en lévoquant je suis transparent soyez certains que cette triste antériorité ne sera jamais invoquée pour nous défausser. Bien au contraire. Cet héritage nous oblige. Nous affrontons les difficultés : Rio Tinto, Doux, Lohr, Fralib, LyondellBasell, Petroplus Nous tenterons tout jusquau dernier sang pour sauver nos sites industriels. Nous aurons des résultats que la désinvolture, le laissez-faire, lindifférence ne permettent pas dobtenir. Nous aurons des échecs et je les assumerai.
Pour affronter cet état de crise, il était urgent de réarmer la puissance publique. Nous avons mobilisé tous les moyens de lEtat et mis en place une équipe durgentistes pour stopper lhémorragie. Le CIRI, la cellule ministérielle et les 22 commissaires au redressement productif que jai nommés dans chacune des régions métropolitaines sont les trois armées dune même équipe. Ce sont des personnes de terrain, négociateurs, facilitateurs, armés dun pouvoir politique.
Avec les commissaires nous avons mis en place des systèmes dalerte précoce. Car toutes nos données convergent vers ce même constat : une entreprise a plus de chance de remonter la pente quand elle est prise en amont du redressement judiciaire. Ai-je besoin de vous le rappeler ? Les Tribunaux de commerce, on sait comme on y entre, en mauvais état, on ne sait pas si on en sort ni comment en sort.
Notre méthode : rapidité, coordination des acteurs, négociation. Notre objectif est de sauver tout ce qui peut lêtre pour préserver et bâtir la sortie de crise. Car une usine fermée est compliquée à redémarrer. Une usine délocalisée est difficile à faire revenir. Dans cette médecine durgence du quotidien, nous avons toujours à lesprit notre redémarrage.
* Plan de reconquête
Cette reconquête industrielle nous devons la mener sur cinq fronts. Cinq batailles à mener qui reposent toutes sur notre capacité à nous unir autour dun compromis historique gagnant-gagnant.
Devant vous qui représentez les 12 filières industrielles de la CNI, je veux proposer aux forces économiques et sociales de notre pays de sceller un pacte productif. Il ne sagit pas de renoncer à ses revendications. Il ne sagit pas de trahir ses impératifs. Il sagit, partant dun diagnostic qui a émergé lors de la grande conférence sociale, de consentir à un échange de concessions réciproques. Ce diagnostic est le socle de notre pacte national pour lindustrie. Nous nattendons pas des sacrifices mais les efforts indispensables et justes pour engager la reconquête industrielle qui pourra garantir à la France son redressement économique.
Le premier front de cette reconquête est celui de la compétitivité des entreprises françaises. Pour relever ce défi de la compétitivité, nous devons faire émerger un compromis fort.
Le financement de la protection sociale qui est adossé sur le travail pèse sur notre développement industriel et nuit à lemploi. Il ne sagit pas de remettre en question la qualité de notre protection sociale. Elle nous honore, elle nous est enviée, elle est un élément constitutif du pacte social qui unit tous les Français. Il ne sagit pas non plus de remettre en question les niveaux de rémunération nets des travailleurs. Alors que lAllemagne est trop souvent citée en modèle, je noublie pas les différences majeures de rémunérations des travailleurs, labsence de SMIC. Il ne sagit pas daligner la France sur un moins-disant. Il sagit de rééquilibrer, dans un esprit de justice, le coût du travail et le coût du capital. Cest un levier majeur de lamélioration de notre compétitivité et un levier pour lemploi.
Nous navancerons pas sur le front de la compétitivité de nos entreprises en évitant de prendre à bras le corps la question du financement de la protection sociale. Car tous les sujets devront être abordés et ils le seront dans le cadre de la mission confiée à Louis Gallois par le Premier Ministre et dans le cadre du Haut Comité au Financement de la Protection Sociale.
Sagissant de notre compétitivité hors coût nous devons laméliorer en misant sur la qualité des produits que nous fabriquons. Lexcellence existe, il sagit de la multiplier, de la diffuser, de la porter. La qualité de notre main doeuvre et notre savoir faire sont des atouts que nous devons cultiver. Ce capital humain, les choix politiques des dix années passées lont affaibli. La formation ne sera plus le parent pauvre de lindustrie. Réconcilier les Français avec lindustrie, cest réformer notre système éducatif et de formation professionnelle pour que les métiers de lindustrie soient mieux compris et attirent les jeunes et les plus talentueux.
Elle est au coeur du redressement productif. Quant à linnovation, elle ne sera pas livrée au hasard mais guidée par une vision stratégique dEtat qui lui donnera toute la force nécessaire pour que la France redevienne la Nation des grandes inventions de son siècle.
Pour mener à bien notre reconquête industrielle, il faut évidemment des moyens. Le financement de cette reconquête sera garanti par un dispositif de financement ambitieux assurant la mutation progressive de notre modèle économique. La finance doit retrouver sa juste place et être mise au service de léconomie réelle et, en particulier, des PME.
Pour relancer léconomie réelle, la France dispose dun atout majeur. Avec un taux d'épargne de leur revenu de 17% (l'un des plus forts au monde), l'épargne financière accumulée par les Français atteint les 3600 milliards (hors immobilier) pour un PIB d'environ 2000 milliards deuros. Lincitation à employer l'épargne domestique au bénéfice de linvestissement productif reste aujourdhui largement insuffisante alors quil y a là un gisement de ressources très important, sans commune mesure avec les crédits publics. Il faut réconcilier l'épargne et lindustrie. Il faut contrecarrer lidée selon laquelle le placement dans les entreprises serait trop risqué. Il faut que les banquiers et les assurances retrouvent leur véritable vocation, qui est de financer léconomie.
Lépargne drainée par lassurance vie, et encouragée fiscalement, doit être orientée vers le financement en fonds propres de nos entreprises.
La création d'un livret d'épargne industrie dont le produit sera dédié au financement des PME et des entreprises innovantes permettra de mobilier l'épargne des Français. Pour cela, il est prévu de doubler le plafond du livret développement durable, en le portant de 6 000 à 12 000 euros.
Nous avons besoin de la mobilisation des épargnants français autour de notre pacte productif. Le Livret Epargne Industrie a vocation à rapprocher les citoyens de leurs entreprises régionales en drainant lépargne nationale pour financer léconomie locale. Cest une façon de faire oublier les abus de la finance, et une façon de rapprocher les Français de leurs entreprises.
En créant la Banque Publique dInvestissement, nous voulons attaquer de front le problème du financement des PME. Ces PME, rappelons-le sont créatrices demplois (elles embauchent plus de 60% des Français) et de richesse. Une mission de préfiguration a été mise en place, qui devra proposer des modalités opérationnelles de mise en oeuvre, et rendra ses conclusions dès cet été. La grande conférence sociale a permis un premier échange riche pour constituer cette BPI. La concertation des partenaires sociaux devra être poursuivie par la mission de préfiguration. Puis auront lieu les premières opérations capitalistiques, pour une mise en oeuvre fin 2012.
Pierre Moscovici et moi-même sommes très attentifs à inventer un outil efficace, au plus proche des entreprises. Nous trouverons léquilibre entre un Etat stratège et une vision de proximité. Je plaiderai pour quà limage de lexpérience réussie dOSEO, il y ait des guichets régionaux de cette banque. Les décisions doivent êtres prises sur le terrain, là où on connaît les entreprises et où on peut trouver les solutions, et non remonter systématiquement à Paris. Et ces guichets doivent offrir toute la palette de produits aujourdhui proposée par une myriade dacteurs publics.
Je souhaite que la BPI soit plus quune banque :
- elle doit accompagner les projets des chefs dentreprises, les aider à définir leur stratégie, les aider à croître ;
- elle doit financer linnovation, même la plus radicale ;
- elle doit simpliquer dans la gouvernance des entreprises dans lesquelles elle investit ;
- elle doit agir en cohérence avec les politiques publiques de ce gouvernement, et en synergie avec le programme dinvestissement davenir
Enfin, et jy insiste, il apparaît nécessaire de mettre en place un véritable réseau d'aide aux entreprises à l'étranger sur le modèle allemand ou japonais fondé sur une véritable culture de l'export. Dans ce cadre, il faut rapprocher, voire fusionner posons nous au moins la question - les outils tels la Coface, Ubifrance et la partie export d'OSEO en les rapprochant de la BPI. La BPI sera une clé de la réussite de notre stratégie à lexport. Cest un sujet que jévoquerai avec Nicole Bricq.
Les Français doivent avoir la possibilité de placer leur épargne dans les entreprises quils connaissent, quils identifient comme des acteurs de leur territoire, ces entreprises qui embauchent leurs amis, leurs parents, leurs enfants.
Cest une façon de faire oublier les abus de la finance, et une façon de rapprocher les Français de leurs entreprises.
Au-delà, nous devons expliquer aux investisseurs que la reconquête industrielle est une aventure au long cours. Lhorizon de leurs investissements devra sadapter à cette donnée, nous travaillons à la mise en place de mesures incitatives.
Notre reconquête industrielle passe également par la reconquête de notre souveraineté énergétique. Là encore, de mauvais choix idéologiques nous ont porté à abandonner ce que tous nos voisins et concurrents ont précieusement préservé.
En France, nous bénéficions dun coût de lénergie peu cher. Cet atout de compétitivité nous devons le préserver en nous appuyant, notamment, sur la filière nucléaire.
Mais au-delà, la maîtrise de nos ressources énergétiques et des matières premières nous permettra de sécuriser lapprovisionnement de notre industrie. Il est un fait que nous devons réintégrer dans nos logiciels : les ressources nationales appartiennent à tous les Français et ne peuvent pas faire lobjet dune excessive appropriation par quelques sociétés. Je suivrai attentivement les travaux dexploration menés en Guyane. Si des découvertes pétrolières sont faites, la Nation devra en profiter pleinement. La refonte du code minier, qui pourrait être entamée dès lautomne permettra une réflexion sur le bon niveau de bénéfices devant revenir vers lEtat et vers les communautés locales.
Lénergie la moins chère, chacun le sait, est encore lénergie quon ne consomme pas. La reconquête de notre souveraineté énergétique passe donc par un investissement massif de tous les acteurs dans lefficacité énergétique. Lindustrie française doit continuer à être synonyme dexcellence en ce domaine, et ne peut se permettre de rater ce virage. Elle dispose du premier électricien mondial avec EDF, du premier énergéticien avec GDF Suez, dun très grand acteur pétrolier, Total, des champions des équipements comme Areva, Alstom et Schneider Electric, des géants de la construction comme Vinci, Bouygues ou encore Saint-Gobain. Ils se positionnent déjà sur les créneaux de lisolation des bâtiments, de la rénovation thermique ou de lefficacité énergétique dite « active », à travers les équipements intelligents. Ils seront soutenus et encouragés.
Le quatrième front de notre reconquête industrielle est celui de linnovation. Cest dans cette France des inventeurs, des créateurs, des ingénieurs que réside notre potentiel de croissance. Nous devons la soigner, laccompagner, la guider.
Lindustrie, vous le savez, est à lorigine de 85% de leffort de recherche mené par les entreprises en France. Cest dire combien elles ne prennent pas le sujet à la légère. Et pour cause, linnovation est notre avenir à tous !
Elle est la clé pour rester moteur, et non pas suiveur, du monde qui vient.
- Un monde dans lequel nous aurons de nouvelles envies et de nouveaux besoins : nano et biotechnologies, numérique, internet et ses nouveaux usages, léco-mobilité, et bien dautre encore.
- Mais aussi un monde dans lequel nous aurons de nouveaux concurrents : à bien des égards, les pays quon disait jadis pudiquement « en développement » ont émergé, bien plus rapidement que ce quon nous avait prédit, à limage de lInde, du Brésil, de la Chine. Ces pays nont aucune intention de rester les ateliers du monde, et progressent à grands pas pour remonter les filières de production et devenir, demain, les laboratoires du monde.
Nous sommes à présent acculés à la frontière technologique. Nous avons le devoir, mais cest aussi une fierté, de se mettre en position de produire les biens de demain.
Un constat, de toute évidence, simpose : nous avons en France parmi les meilleurs ingénieurs, chercheurs, développeurs, inventeurs au monde. Et pourtant, notre pays accuse toujours un retard en matière dinnovation Pourquoi ? Il y a, en France, encore trop peu de mise en commun de la connaissance créée, qui est pourtant à la base des processus innovants.
Je propose donc dabord de renforcer lécosystème de linnovation, pour que tout le monde puisse travailler ensemble plus efficacement.
Dabord en poursuivant la politique des pôles de compétitivité. Ils ont apporté la preuve jusque là, de leur efficacité, en rapprochant grands groupes, PME, laboratoires de recherche et universités. Toutefois, pour éviter le saupoudrage des fonds publics, il sera nécessaire de recentrer laction de lEtat sur les pôles les plus prometteurs, sur la base dévaluations indépendantes. Il faudra aussi veiller à ce quils soient pilotés au niveau approprié, qui sera parfois lEtat (pour les pôles « internationaux, ou nationaux ») et parfois les régions (pour les pôles de proximité)
Ensuite, nous voulons rendre linnovation accessible à tous, y compris les plus petits. Je souhaite démultiplier sur le territoire des plateformes qui diffuseront les technologies innovantes aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), sur le modèle des Fraunhofer allemands. Ce dispositif existe déjà à Grenoble ou à Saclay, dans lEssonne, sous l'égide du CEA mais nous pouvons létendre et innerver la France entière.
Aucune des révolutions industrielles passée ne sest faite sans un fort soutien de lEtat. Partout, en Chine comme aux Etats-Unis, en Inde comme au Brésil, lintervention publique est active. En réarmant lEtat, nous inscrivons la France dans la révolution industrielle à venir.
Nous nous tiendrons donc prêts, à nouveau, à soutenir les programmes technologiques ambitieux, ceux des industries vertes, des réseaux intelligents, du numérique Notre politique industrielle sera cohérente et réfléchie. Elle prendra en compte les filières, les territoires et les hommes. Elle sappuiera sur un partage plus intelligent entre lEtat et ses régions. La commande publique en deviendra le bras armé, et sera tourné en particulier vers linnovation dans les PME et les ETI, à limage du Small Business Innovation Research (SBIR) qui irrigue à hauteur dun milliard de dollars chaque année léconomie américaine.
Linnovation sera non seulement suivie de près, mais également financée. La Banque publique dinvestissement que nous créerons sera on la dit le relai numéro 1 de linnovation dans les territoires.
Le crédit dimpôt recherche sera maintenu, car cest un levier daction extraordinairement efficace. Mais, il faut le dire, ce dispositif est aujourdhui victime de son succès, et engendre pour certain des effets daubaine inacceptables. Nous le ciblerons au maximum sur les entreprises qui en ont le plus besoin, les plus jeunes et les plus petites, en le réorientant lorsque nécessaire.
Et nous travaillerons, à partir de notre vision partagée, avec le Président Gallois pour adapter le programme dinvestissement davenir aux priorités dégagées pour les filières industrielles.
Pour porter la reconquête industrielle, je vous parlais dunion des forces économiques et sociales. Dans certains cas, il faudra même aller vers une réconciliation celle du consommateur et du producteur.
La seule annonce, il y a un mois, de lexamen de solutions pour mettre fin à lhémorragie des emplois dans le secteur des télécommunications a créé une levée de boucliers parmi les irréductibles du modèle libéral financier.
Dans un pays qui compte près de 3 millions de chômeurs soit prêt de 10% de la population active, qui sont ces irresponsables qui refusent encore dintégrer à leur logiciel économique la question de lemploi ?
Ceux qui sabritent derrière la concurrence irraisonnée pour quaugmentent leurs profits en sacrifiant les emplois en France, ceux-là ont peur des soldats de lemploi. Ils ne veulent pas entendre parler de volontarisme politique pour lutter contre les délocalisations. Ils ne veulent pas quémerge un modèle de la régulation et du rééquilibrage. Alors comme souvent, ceux qui se sentent menacés opposent une catégorie de Français à une autre : le consommateur au producteur.
Cette opposition, il y a urgence à la questionner. Le propos est, en effet, pour le moins simpliste puisquen réalité, le consommateur est toujours un producteur. Et si la France continue de sacrifier son appareil productif et ses emplois cest le consommateur quelle sacrifie.
Lintérêt du consommateur et du producteur ne font quun et il est de notre responsabilité de défendre cet intérêt commun en renouant avec une France de la production, une France du travail, une France de la régulation. Les Français lont compris. Une étude du CREDOC parue en 2011 montre que 60% de nos concitoyens sont prêts à payer un peu plus cher les biens quils consomment dès lors quils sont fabriqués en France. Il est urgent que les décideurs entendent cette prise de conscience citoyenne pour préserver la base industrielle « France ».
Nous avons donc entamé un chantier pour promouvoir la « marque France » qui pourrait être un système de labellisation, estampillant le « fabriqué en France » et allant au-delà pour permettre une véritable traçabilité sociale et environnementale.
Je me suis aussi saisi du dossier des opérateurs des télécommunications dans cet esprit, et avec le souci de la préservation de lemploi.
Pour mener ce plan de reconquête, il y aura des obstacles à franchir. Nous devrons convaincre les Français, rallier les plus sceptiques. Nous devrons aussi mener campagne à Bruxelles pour que lEurope de la croissance lemporte sur lEurope « austéritaire ».
Je veux me souvenir que lEurope est née dune aventure industrielle, la CECA. Son esprit dalors nétait pas celui dune application naïve et dangereuse dune politique de concurrence qui nous affaiblit. Je souhaite créer les conditions dune réorientation de lUnion Européenne qui passera par une relecture de ses traités, pour soumettre la politique de la concurrence à limpératif dune politique industrielle.
Par exemple, développer les innovations et les technologies clefs pour demain. Mener à bien de grands projets technologiques structurants comme ITER, GMES ou Galileo. Nous avons lambition de faire émerger des champions européens. Depuis EADS, ni la France ni lEurope nont su construire de tels projets ambitieux.
Il faut abandonner les pratiques commerciales naïves et imposer une véritable réciprocité à nos partenaires commerciaux. LEurope ne peut pas se résoudre à voir partir ses industries découpées pièces par pièces et reconstruites ailleurs sans réagir, comme si devenir un territoire de consommation sans production était envisageable, ou même viable. Les compétences et les savoir-faire de pointe, chèrement acquis, sont des atouts qui ne se récupèrent pas, ou alors au prix defforts et dinvestissements que nous ne serons plus capables de payer.
Cest bien lensemble des politiques de lUnion qui doit être guidé par lobjectif dun redressement productif. Le Pacte de croissance, négocié par le Président de la République lors du dernier Conseil européen est une avancée importante en ce sens.
Ce plan de reconquête je veux que les Français se lapproprient. Jai besoin quil devienne lobjet de chacun, la préoccupation de tous. Une grande cause nationale autour de laquelle les Français doivent se mobiliser.
Cette mobilisation commence aujourdhui, ici. La CNI est au coeur de ce plan de reconquête, vous lavez compris. La grande conférence sociale a permis de partager lobjectif dune CNI élargie, renforcée, éclairant les choix du gouvernement. Elle doit jouer pleinement son rôle de lieu de concertation et de proposition. Je souhaite dailleurs que son nom reflète mieux cette ambition de conseil au gouvernement.
Sa composition doit être élargie et sa gouvernance aménagée. LUPA nest pas présente. Elle devra lêtre. Les régions de France ne sont pas présentes. Elles devront lêtre. Les chambres de commerce et de lindustrie ne sont pas présentes non plus. Elles devront lêtre. La gouvernance de la CNI doit être rééquilibrée avec les partenaires sociaux.
Je souhaite également que la CNI enrichisse ses travaux, dabord en créant de nouveaux comités stratégiques de filière, dont un sur lénergie, un sur les matières premières et les industries de première transformation et un sur les enjeux de la déconstruction.
Je souhaite également que la CNI enrichisse ses réflexions sur les sujets transversaux. De nouveaux groupes de travail pourraient sintéresser au sujet du financement et des aides, au sujet de la gouvernance des entreprises et enfin au lien entre système éducatif et appareil productif. Enfin, je souhaite que la CNI puisse disposer de moyens même modiques pour assurer son bon fonctionnement et piloter des études.
Il faudra que la CNI sarticule avec le conseil ou commissariat du dialogue social et de la prospective dont le Premier Ministre a annoncé la création, à la suite de la grande conférence sociale.
Source http://www.redressement-productif.gouv.fr, le 12 juillet 2012