Déclaration de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, sur ses engagements en matière de compétitité des entreprises pour le développement international, en matière de politique commerciale, à Jouy-en-Josas le 29 août 2012.

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Circonstance : Université d'été du MEDEF, sur le thème "Intégrer", à Jouy-en-Josas du 29 au 31 août 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, J’ouvre ce débat, consacré à l’économie mondiale, à la nouvelle économie mondiale faut-il dire, tant les mouvements en son sein ont été et restent profonds. Mais comme le rappelait le Président de la République, il y a deux jours, si l’ordre international ancien a disparu, aucun autre n’a encore réellement émergé et l’instabilité est omniprésente. Regardons ensemble. Les grands émergents se sont affirmés, mais ils hésitent encore à assumer pleinement les responsabilités qui vont avec la puissance. D’autres pays, dans leur sillage, viennent renforcer le nombre des acteurs « pleins » de l’économie mondiale. La révolution des technologies de la communication a permis d’internationaliser et de segmenter les processus de production, mettant en concurrence les systèmes sociaux et environnementaux. Des dynamiques d’intégration sur une base régionale ont pris leur essor mais aucune n’est totalement aboutie. De nouvelles thématiques « globales » comme le développement durable viennent désormais tempérer ou contrecarrer le seul principe de la liberté des échanges.
La France n’a pas su trouver vraiment sa place. Elle se sent menacée, à juste titre peut-être puisqu’elle a reculé, et pas seulement pour faire place aux nouveaux venus, les chiffres révèlent ses propres défaillances. Pourtant elle a de nombreux atouts : des positions fortes dans les domaines de haute technologie, la productivité de sa main d’oeuvre, la densité du tissu de ses PME, ses grandes entreprises qui ont souvent réussi leur internationalisation, l’excellence de ses chercheurs, l’imagination de ses créateurs, l’ouverture au monde de sa jeunesse et de ses nouveaux entrepreneurs.
Nous devons mobiliser ces atouts et proposer ensemble des réponses. Celles du Gouvernement sont connues et le Premier Ministre vient de le rappeler : l’Europe, la compétitivité, la solidarité.
Je veux souligner quelques convictions fortes dans les responsabilités qui sont les miennes : la performance extérieure de la France et la compétitivité des entreprises pour leur développement international.
1) Ma première conviction a trait aux règles du commerce et de l’investissement international, ce que l’on appelle la politique commerciale. La France comme l’Union Européenne privilégie la voie multilatérale, qui permet d’associer le plus grand nombre d’acteurs de l’économie mondiale à l’établissement des règles, et de les traiter de manière la plus égale possible, quels que soient leur poids ou leur puissance. Or, le multilatéralisme est en panne, du fait de l’opposition entre grands émergents et Etats-Unis. Dans le domaine commercial, l’OMC ne parvient plus à édicter de nouvelles règles. Elle vit sur celles établies il y a vingt ans alors que le monde s’est depuis profondément transformé même si, et c’est heureux, autant que nécessaire, son Organe de Règlement des Différends continue de fonctionner et a prévenu des différends commerciaux majeurs.
Alors l’Europe s’est tournée, depuis quelques années, vers les accords bilatéraux de libre-échange. Ils sont nombreux, déjà signés (la Corée) ou en projet (Canada, Japon). Il ne fallait pas laisser ce terrain aux seuls Etats-Unis qui tentent d’organiser leurs voisins de l’Ouest et du Sud – le projet de partenariat transpacifique-, sauf à courir le risque de se voir imposer leurs normes et leur approche règlementaire. Cela serait pour nos entreprises un danger. Par ailleurs, des grands blocs se cherchent (Mercosur, Asean…)
Mais il ne s’agit pas de pratiquer, comme l’Europe l’a trop souvent fait, l’ouverture asymétrique. Nos entreprises doivent disposer des mêmes armes que leurs concurrentes.
Voilà pourquoi je pose quatre conditions à la négociation et à la signature d’accords de libre-échange :
- d’abord que ces accords présentent des perspectives positives pour l’emploi. Cela, nous ne pouvons en décider sans concertation. La France doit, avant d’accepter un accord, consulter ses industriels, ses entrepreneurs, ses producteurs agricoles… ;
- ensuite, que ces accords permettent une ouverture réciproque et réelle, au-delà des barrières tarifaires, qui inclut les marchés publics, le respect de la propriété intellectuelle,
- troisièmement, qu’ils intègrent un haut niveau d’exigence environnementale et sociale, comme déjà de nombreuses entreprises le pratiquent,
- enfin, qu’ils fassent l’objet d’une mise en oeuvre progressive et de mesures de sauvegarde efficaces et rapides pour les secteurs sensibles.
Si ces conditions sont réunies, seulement si, nous nous engagerons.
Nous pouvons même aller plus loin en matière de partenariats, comme avec nos voisins de la rive Sud de la Méditerranée. Je pense que loin de constituer une menace, le développement de ces pays doit permettre à nos entreprises de trouver des compléments de compétitivité et de nouveaux marchés.
A l’opposé, lorsque nous affrontons une concurrence déloyale avec des pays qui verrouillent leurs marchés, ou qui pratiquent dumping social et pillage de l’environnement, nous ferons état de notre détermination. Vis-à-vis des ces pays, notre exigence s’appelle réciprocité.
C’est un débat que nous devons porter en Europe, où nos positions ne sont pas spontanément majoritaires. Je me rendrai prochainement à Bruxelles et à Strasbourg, Je rencontrerai nos grands partenaires pour essayer d’emporter la conviction.
2) J’ai une deuxième conviction en matière de performance extérieure. Notre offre commerciale doit être rassemblée et structurée.
Cet objectif vaut naturellement pour nos grandes entreprises lorsqu’il leur arrive d’oublier de travailler dans la cohésion et la cohérence pour promouvoir les intérêts de notre industrie. Mais cela renvoie surtout à la place de nos PME et de nos ETI dans nos exportations.
Nos PME sont plus petites que leurs homologues européennes et peinent à grandir. Le diagnostic est connu comme sa conséquence : la difficulté à réaliser avec succès le saut international. Lorsqu’elles tentent leur chance, il s’agit souvent d’une expérience sans lendemain. Sur 100 nouveaux exportateurs, 70 n’exporteront plus l’année suivante. Il faut donc bien les préparer. Il faut leur donner les moyens financiers de leur stratégie internationale. Ce sera un des rôles de la BPI. Il faut surtout favoriser leur regroupement.
• Quand nos PME se regroupent, elles grandissent. Elles peuvent partager des ressources mais aussi étoffer leur offre commerciale en jouant de leur complémentarité technologique, comme j’ai pu le voir avec la très belle expérience du réseau d’écotechnologie Durapole, basée ici en Essonne. J’encouragerai ces regroupements.
• Quand nos PME s’associent à nos groupes internationalisés, elles peuvent devenir moyennes ou grandes. C’est l’enjeu de la structuration des actions à l’exportation au sein des filières ou à travers les pôles de compétitivité. Je la mènerai à bien avec le Ministre du Redressement Productif.
Si le commerce international est affaire d’avantages comparatifs comme nous l’ont appris les économistes, il repose également sur notre capacité à travailler collectivement, à mobiliser nos avantages « collaboratifs ».
• Ceux-ci peuvent aussi s’exprimer dans une relation directe entre la petite et la grande entreprise. On appelle cela le portage. Nos PME en ont souvent besoin. Nos grandes entreprises ont une responsabilité : l’action publique a souvent été décisive pour qu’elles deviennent des champions nationaux, puis internationaux. Nous sommes toujours à leurs côtés à l’export, à travers la Coface ou notre diplomatie économique. Le Gouvernement va renforcer son action dans ces deux domaines : la diplomatie économique (j’en ai parlé devant nos ambassadeurs) et nos financements exports, et je m’attache particulièrement à ce qu’ils redeviennent compétitifs pour que nos entreprises se retrouvent dans une position concurrentielle favorable.
En retour, j’attends que les grandes entreprises n’hésitent pas à associer des entreprises plus petites à leur expansion internationale. Il y a des tentatives pour avancer dans cette direction comme l’initiative « Pacte PME international ». J’estime qu’il faut changer d’échelle. Je vais donc revenir vers les entreprises, les fédérations professionnelles, les comités de filières pour un « appel à idées », et promouvoir des approches où les grandes entreprises trouveraient peut-être plus naturellement leur intérêt :
• démarches liées à l’innovation ouverte où la grande entreprise s’enrichit des apports innovants des PME,
• mobilisation des réseaux internationaux de nos entreprises de distribution pour favoriser la distribution de produits en jouant de l’image de marque France qui reste si forte dans certains secteurs,
• mises à disposition dans les PME de compétences existant au sein des groupes qui peuvent être momentanément sous-utilisées. Il peut y en avoir d’autres.
3) J’ai une troisième conviction. Nos entreprises, mieux équipées pour résister à la compétition internationale, et en situation de concourir « à armes égales », peuvent aller chercher des relais de croissance hors de nos frontières: nouveaux marchés, compléments de compétitivité, partenaires technologiques ou de recherche. Je les y aiderai en concentrant l’action publique extérieure là où notre potentiel d’exportations est sous-utilisé et où les gains à attendre d’une mobilisation collective sont les plus forts. J’ai demandé à cette fin à la Direction Générale du Trésor d’identifier les couples produits/marchés où les perspectives de progression sont objectivement les plus importantes. J’aurai les résultats le mois prochain et je les présenterai à la Commission Internationale du MEDEF.
Ce travail me permettra d’engager, sans tarder, de fortes actions prioritaires.
La France et ses entreprises peuvent aller de l’avant avec succès dans la mondialisation. Je serai sur le front extérieur de la compétitivité mais celle-ci se jouera d’abord sur ses dimensions internes.
C’est dont tout le Gouvernement qui est mobilisé. L’engagement dans cette bataille de la compétitivité est porté par le Premier ministre.
L’objectif de retour à l’équilibre de notre balance commerciale hors énergie qu’il m’a fixé sera tenu à la fin du quinquennat. C’est 26 milliards d’euros supplémentaires qu’il faut gagner en faisant progresser nos exportations plus vite que nos importations, au moins de 2% par an. Notre industrie nucléaire pourra y avoir sa part. Au final vous ferez ce succès, ce sera le vôtre, celui de l’emploi en France et celui des Français.
Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 11 septembre 2012