Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur la mise en oeuvre des bases de Défense, à la base d'Orléans-Bricy, le 9 octobre 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Visite à la base d'Orléans-Bricy (Loiret), le 9 octobre 2012

Texte intégral

Mon Colonel, Monsieur le Sénateur, Madame la Députée, officiers, sous-officiers, soldats, personnels civils, je voulais vous adresser quelques mots rapidement, avant de pouvoir continuer à m’entretenir avec les uns et les autres autour d’un rafraîchissement pour vous dire d’abord que j’ai beaucoup apprécié cette visite. J’avais annoncé que je voulais me rendre saluer les hommes et les femmes des services de soutien qui, toute l’année, œuvrent au bon fonctionnement de nos armées et permettent, jusqu’au cœur des théâtres, la réussite de nos engagements. Je tenais à venir leur dire et vous dire ma confiance, saluer la manière dont vous tenez le cap dans un contexte que je sais difficile.
Je voulais venir saluer les forces de soutien en tant que telles parce que, souvent, ce sont les moins visibles et parce que souvent, elles travaillent dans l’ombre, mais toujours avec le souci de l’efficacité, le sens du devoir et l’esprit du service. Et je voulais venir vous saluer aussi, parce que je sais que c’est vous qui subissez d’abord la succession de réformes qui ont marqué la communauté de Défense depuis plusieurs années. Je voulais venir vous saluer aussi, parce que je suis particulièrement préoccupé par la réforme qui aboutit à la mise en œuvre des bases de Défense.
Je ne reviens pas sur le principe de la réforme et sur le souci qui est louable à la fois de rationaliser les dépenses, de les mutualiser et aussi de redéployer les efforts vers l’opérationnel et le capacitaire.
Je ne reviens pas et je ne reviendrai pas sur le principe qui consiste à séparer le soutien de l’opérationnel, même si c’est pour la même tâche et le même devoir. Je le disais en commençant. Mais, j’ai constaté, depuis mon arrivée et singulièrement depuis la fin du mois d’août, des interrogations sur la mise en œuvre des bases de Défense. Je pense que cela a été mené avec trop de rapidité et trop de rapidité et de précipitation nuit et peut parfois tuer la réforme et engendrer de l’incompréhension et du rejet.
C’est pourquoi, je veux visiter longuement différentes bases de Défense, comprendre, expliquer, commenter, modifier, adapter. Quand je me rends quelque part, ce n’est pas pour une visite protocolaire, c’est pour passer du temps, entendre et ensuite aménager autant que faire se peut. Et je sais ici que – et c’est ma première constatation – que si vous avez abouti, nous avons abouti à ce que la base de Défense de l’Orléanais présente une forme de dynamisme, c’est parce que les hommes et les femmes, militaires comme civils, qui sont dans ce périmètre, ont redoublé d’énergie pour parvenir à des résultats satisfaisants. Je salue votre implication, car vous avez rendu possible cette réorganisation tout en maintenant l’activité opérationnelle au meilleur niveau.
J’ai constaté un bon état d’esprit, mais j’ai constaté aussi des insuffisances, des observations, des demandes de modification, et je vais en tenir compte. Je ne vais pas rajouter une réforme à la réforme, mais après ce que j’ai vu aujourd'hui, et en bonne intelligence avec vos chefs, je ferai valoir des principes : l’harmonisation, la simplification, l’adaptation et l’anticipation qui ressortent de ce que j’ai pu sentir aujourd’hui dans l’organisation que j’ai constatée, et ce sera un moyen de remédier aux dysfonctionnements et un moyen de faire en sorte que cette base de Défense soit exemplaire. Et sachez que je serai très vigilant.
Il nous faut stabiliser le dispositif, l’équilibrer, le renforcer dans ses moyens logistiques et ses moyens informatiques et faire en sorte qu’il y ait une souplesse qui aboutisse à un meilleur fonctionnement. Et il n’est pas obligatoire que la même méthode soit à appliquer sur les soixante bases de Défense de France. Il faudra donc laisser de la respiration et je pense que le commandement y veillera.
Voilà quelques réflexions que j’ai là, après avoir mené plusieurs réunions avec les uns et les autres depuis 9 heures ce matin. Je redis le fond de ma pensée : je pense que la rapidité, le fait qu’on ait voulu retirer les bénéfices d’une réforme avant même qu’elle ne soit engagée, a été négatif et que c’est votre volonté, votre sens du devoir qui a compensé ce handicap. Il faut maintenant aboutir à la meilleure efficacité. Mais, d’une certaine manière, c’est ce que j’ai constaté dans d’autres domaines, quand ma dernière visite dans une unité de combat, c’était il y a une dizaine de jours, quinze jours maximum où je constatais les méfaits de la mise en œuvre accélérée du système centralisé de paiement des soldes, le fameux système Louvois, qui maintenant, auprès de l’ensemble des militaires, a une image négative que je comprends.
Pourquoi ces insuffisances ? Parce que le logiciel n’était sans doute pas le plus performant, ensuite parce qu’on a fermé les centres de paiement – je pense en particulier à l’armée de Terre – avant même que le dispositif de Nancy ne soit opératoire et enfin que pendant le même temps, on accélérait la réforme des bases, la mise en œuvre des bases de Défense. Tout cela a abouti à des dysfonctionnements qui, je dois le dire ici, me sont insupportables. J’entends bien m’impliquer personnellement à ce qu’on remédie le plus vite possible aux insuffisances et aux dérèglements du système de paiement des soldes. Ce n’est pas digne d’une nation comme la nôtre et ce n’est pas digne de la manière dont on doit considérer nos soldats. J’ai pris un certain nombre de dispositions, un peu fermes. Je suis convaincu qu’elles aboutiront. Vous les connaissez déjà. Je ne vous les répète pas, mais il conviendra d’aller jusqu’au bout de l’ensemble de la démarche. J’ai découvert ici, mais finalement tous ces déplacements me sont utiles, qu’il y avait des dispositifs un peu identiques pour le CAMID en plus basés en Bretagne. C’est un comble. Eh bien, il faudra utiliser la même démarche. Il n’est pas acceptable que nos dispositifs informatiques pénalisent nos forces. Et sur les bases de Défense, c’était ma première rencontre, je vous ai dit ce que j’en pensais. Nous irons au bout de cette réforme. Les fondamentaux en sont justes, mais il faudra de la souplesse, de l’intelligence, du pragmatisme dans l’adaptation. En tout cas, je tirerai des entretiens que j’ai eus aujourd’hui le meilleur intérêt et les meilleures orientations qui seront complétés par d’autres déplacements en France.
Je suis frappé par ailleurs – et c’est plutôt réconfortant pour l’avenir – par la qualité de la relation interarmées. Un esprit s’est créé, une cristallisation s’est faite, il faut continuer dans ce sens. Parce que la Défense du pays est une et le soutien est un. Et cet état d’esprit, aujourd’hui constaté, m’a conforté.
Je voudrais vous dire aussi, pour terminer mon court propos, que la période qui s’ouvre est une période importante pour la Défense, puisque nous sommes rentrés dans la préparation d’un Livre blanc, qui lui-même débouchera sur une Loi de Programmation militaire, dans une période un peu contradictoire, où d’un côté les menaces se font nouvelles et denses – je ne vais pas vous les énumérer, vous les connaissez très bien – d’un autre côté, les États-Unis se réorientent vers une présence plus accès sur l’Asie pacifique. Avant, on le supposait, maintenant, ils le disent eux-mêmes. D’un autre côté, l’Europe de la Défense est toujours aux balbutiements et quand on est aux balbutiements depuis dix ans, ça devient inquiétant. Et enfin, nous traversons une crise financière considérable et chaque pays d’Europe doit en priorité rétablir ses comptes publics. Et dans tout cela, nous risquons ce que j’appelle un déclassement stratégique de l’Europe. Voilà les contradictions devant lesquelles nous sommes, et il faut que nous tracions notre chemin, nous la France, dans cet univers-là. C’est le but de ce Livre blanc. J’ai souhaité que chacun et chacune d’entre vous puissent y contribuer, c’est la raison pour laquelle j’ai mis en place un site sur l’IntraDef, qui vous permet de vous exprimer, quel que soit votre grade, sur ces enjeux. Et je constate d’ailleurs qu’il sert opportunément, qu’il a déjà rencontré un grand succès.
Je voudrais, en terminant mon propos, vous réaffirmer ma confiance, ma fierté du travail accompli, ici à Orléans-Bricy – demain je dirai aussi dans d’autres bases de Défense mon intérêt sur cette mise en œuvre – et vous dire que j’attache, pour ma part, une attention très particulière aux conditions de travail et de vie des hommes et des femmes qui font vivre la Défense. Je considère que pour le ministre de la Défense, c’est une tâche primordiale, aussi importante que le reste, sinon plus importante que le reste, car sans des hommes et des femmes déterminés, la Défense ne peut fonctionner. En retour, je compte sur vous pour relever ensemble les nombreux défis de la Défense, je les ai énumérés tout à l’heure.
Je suis, par ailleurs, convaincu que cette visite d’aujourd’hui, ici à Orléans, sera suivie le plus rapidement possible d’une autre visite, pour l’arrivée, Madame et Messieurs les élus, Monsieur le Haut Responsable de l’armée de l’Air, pour être là à l’arrivée du premier A400M, attendu depuis longtemps, dont ce hangar, m’a-t-on dit, va servir à l’accueil entre autres. Je peux vous dire qu’en ce qui me concerne, considérant que cette décision, et cette commande, est tout à fait incontournable, et que si mes informations sont exactes, les premières livraisons interviendront ici au printemps 2013. J’y serai, vous aussi, et nous aurons l’occasion, à nouveau, de nous revoir et de nous entretenir, mais cette fois sur d’autres sujets.
Vive la République ! Vive la France !Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 octobre 2012