Entretien de Mme Yamina Benguigui, ministre de la francophonie, avec France 2 le 4 octobre 2012, sur la Francophonie, la situation politique en République démocratique du Congo et sur les relations franco-africaines.

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Circonstance : XIVe Sommet de la Francophonie, à Kinshasa (République démocratique du Congo) du 12 au 14 octobre 2012

Média : France 2

Texte intégral

Q - Vous êtes ministre de la francophonie, réalisatrice de documentaires, «Mémoire d'immigrée», on vous doit aussi la série télé «Aïcha» que les téléspectateurs de France 2 ont beaucoup aimé, un grand succès d'audience, mais d'abord ce sommet de la francophonie qui se tient la semaine prochaine au Congo. D'abord question toute simple, à quoi ça sert un sommet de la francophonie ?
R - La francophonie, c'est l'espace francophone, c'est donc plusieurs dizaines de pays qui partagent notre langue. C'est à la fois une langue, la langue française, une langue solidaire, une langue économique, une langue de partage. Tous les deux ans, un sommet se réunit avec plusieurs chefs d'État. On remet ces valeurs sur la table et on lance des grandes thématiques. Cette année, ce sont les enjeux économiques et environnementaux.
Q - Il y a dans les préoccupations des Français et même dans le monde entier, des soucis économiques, sociaux... La francophonie, c'est un peu du luxe.
R - Il y a des enjeux économiques. Ce n'est pas du tout du luxe.
Q - Alors quel est le lien ?
R - Le lien c'est la langue en partage. Cette année on voit un peu ce qui se passe en Afrique, à partir de Kinshasa. Il y aura de nombreuses thématiques autour du Sahel. Les enjeux africains sont énormes.
Q - Parce que c'est une zone en croissance économique l'Afrique ?
R - Oui, l'Afrique est une zone économique. En 2050, il y aura 780 millions de locuteurs et ils seront Africains. C'est quand même très important. Ce sont aussi de grands partenaires économiques et nous avons à impulser une nouvelle diplomatie sur un continent qui a peut-être été aussi malmené.
Q - Alors justement, il y a une polémique déjà sur le lieu de ce sommet, donc la République démocratique du Congo parce que l'élection de Joseph Kabila est contestée par l'opposition et est-ce que ce n'est pas une façon de légitimer, de cautionner un pouvoir qui n'est peut-être pas très démocratique.
R - D'abord, c'est un endroit qui a été choisi lors du dernier sommet, il y a deux ans, par l'OIF. Deuxièmement, ce n'est pas une réunion bilatérale entre le président François Hollande et le président Kabila.
Q - Le président François Hollande sera présent.
R - Il sera présent au même titre que les représentants de nombreux pays, tels que Macky Sall, le président du Sénégal, et Alassane Ouattara, président de Côte d'Ivoire, etc. Maintenant, ce sont des pays qui sont en voie de démocratisation et il ne faut pas les boycotter. Les élections se sont faites de manière opaque, effectivement, mais reconnues.
Q - Donc, vous l'acceptez en quelque sorte ?
R - Non, nous ne l'acceptons pas puisque nous avons proposé de travailler sur deux lois avant notre arrivée : revisiter ce bureau de la CENI par rapport aux élections régionales qui vont arriver et une loi qui est votée en ce moment sur les droits de l'Homme. Donc, je pense qu'il faut aller en Afrique, parle de l'Afrique et faire avancer.
Quand je suis arrivée au gouvernement, j'ai pris l'avis d'une dizaine de chefs d'État pour savoir s'il fallait aller ou pas à Kinshasa. Je pars du principe qu'il faut aller à Kinshasa et parler de Kinshasa. Nous allons parler aussi de la situation des femmes qui au Nord-Kivu, au nord de ce pays, sont violées par milliers par des groupes qui agressent la République démocratique du Congo.
J'irai à Goma pendant mon voyage et j'irai à la rencontre d'un camp de réfugiés. Donc ça aussi c'est important.
Q - Et pour le président de la République, François Hollande ce seront donc les premiers pas en Afrique. Quelle sera la teneur de son discours parce qu'on se souvient en 2007 du discours de Dakar de Nicolas Sarkozy où il avait dit justement que l'homme africain n'était pas suffisamment entré dans l'histoire ; quelle sera la teneur du discours de François Hollande ?
R - C'est un discours qui va rendre de la dignité aux Africains et aux Français parce que je pense que beaucoup de Français n'ont pas été d'accord avec cette façon de regarder l'Afrique. Donc il y a eu beaucoup d'humiliation. Ce sera un discours de réconciliation d'État à ce grand continent qu'est l'Afrique et qui a toujours été notre partenaire. Je pense que la langue française, que la France s'est débarrassée de ses oripeaux du colonialisme et qu'aujourd'hui on se doit d'être ensemble, d'être aussi à hauteur d'homme et de regarder cette Afrique avec beaucoup d'égalité.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2012