Déclaration de M. Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, sur le rôle de l'économie sociale et solidaire dans l'intégration sociale et professionnelle de certains publics, Paris le 4 octobre 2012.

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Circonstance : Lancement de la CVthèque MOZAÏK RH à Paris le 4 octobre 2012

Texte intégral

Monsieur le vice-président du conseil régional,
Mesdames et messieurs,
Nous sommes réunis ce matin autour d’une initiative positive qui me réjouit à plusieurs titres :
- En premier lieu, elle émane d’un acteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), plus précisément d’une association, Mozaïk RH fondée et dirigée par Saïd Hammouche, dont je tiens à saluer l’engagement comme entrepreneur social, et qui comme tel, a le souci de réconcilier réussite économique et utilité sociale ;
- Cette initiative s’inscrit également sous des auspices pleins d’avenir puisqu’elle est soutenue à la fois par l’Etat, le ministère de l’économie sociale et solidaire dont l’existence est une première dans l’histoire gouvernementale, et le Conseil régional d’Ile-de-France : au moment où se dessinent une clarification et une meilleure répartition des rôles entre l’Etat et les collectivités locales, il est très prometteur d’engager des coopérations en faveur de l’emploi des jeunes diplômés des quartiers et de la lutte contre les discriminations. Je remercie tout particulièrement le vice-président, Abdelhak Kachouri, sans l’investissement duquel cette coopération n’aurait pas été possible. Il nous dira lui-même combien le Conseil régional porte le déploiement des actions de Mozaik RH au bénéfice des jeunes franciliens ;
- Enfin, ultime motif de satisfaction, et non des moindres, c’est de pouvoir accompagner les entreprises de l’ESS –associations, coopératives, mutuelles, entreprises solidaires – engagées aux côtés des TPE-PME dans une dynamique de création d’emplois au profit de tous les jeunes, y compris de ceux qui, malgré leurs diplômes, leur parcours scolaire brillant, ne réussissent pas à faire reconnaitre leurs mérites, notamment faute de réseau relationnel ou parce qu’ils n’ont pas la bonne adresse, voire pire encore parce qu’ils sont victimes de discriminations liées à leur nom ou à leur couleur de peau.
A travers mes propos, vous percevez bien que le lancement de la CVthèque créée par Mozaik RH avec aujourd’hui 700 CV de jeunes diplômés voire très diplômés -70% d’entre eux ont un bac+5- s’inscrit dans le cadre plus large de la politique publique que je porte, d’une part pour reconnaitre et développer l’ESS, d’autre part pour faire passer l’économie du changement du concept à la réalité.
Je vais revenir rapidement sur ces deux points qui constituent autant de défis pour le ministre que je suis :
Mon premier défi, et j’en mesure chaque jour la portée, est de faire connaitre l’ESS. Non pas que l’action des associations, des coopératives ou des mutuelles soit méconnue de nos concitoyens – dans la vie quotidienne, tout un chacun les a rencontré et à tous les âges de la vie : crèche associative, maison de retraite, entreprise d’insertion, mutuelle de santé etc. – mais la diversité même des structures masque la finalité d’ensemble. L’ESS est ainsi souvent confondue avec l’économie non marchande, les emplois qu’elle porte sont analysés comme des emplois publics ou, autre versant de la même pente confusionnelle, l’ESS est assimilée aux démarches de responsabilité sociale et environnementale des grandes entreprises : on parle alors d’ « économie positive et responsable »…. Que l’on ne se méprenne pas sur mes propos : tout ce qui contribue à améliorer l’insertion sociale et professionnelle, à mettre en place des démarches de développement durable, va dans le bon sens, mais pour autant entretenir le flou entre deux logiques fondamentalement différentes, l’une non lucrative et l’autre lucrative, est préjudiciable à tous.
Ainsi, je suis heureux que ce matin, Mozaik RH qui incarne parfaitement les valeurs de l’ESS me donne l’occasion, non pas de tracer des frontières, non pas de classer entre les « bons » et les « méchants », mais de clarifier :
- les entreprises de l’ESS, quels que soient leurs statuts, tous de droit privé, partagent des valeurs : non lucrativité, gouvernance démocratique, échelle resserrée de salaires,
- dans le respect de ces valeurs, elles interviennent dans tous les secteurs de l’économie (agriculture, industrie, services) mais avec un but d’utilité sociale.
Mozaik RH illustre très bien cette définition : c’est une association, à but non lucratif, qui développe des activités utiles socialement, dans le secteur des services (ressources humaines), de façon innovante : avec des techniques RH imaginées par ses soins, elle crée le lien entre les offreurs d’emploi, qui ont souvent des difficultés à recruter les candidats adaptés à leur besoin, et les jeunes demandeurs d’emploi, issus des quartiers populaires et pour lesquels le diplôme n’est plus le bouclier qu’il devrait être.
Faire connaitre l’ESS, cela ne suffit pas : la feuille de route confiée par le Président de la République et le Premier ministre a des objectifs plus ambitieux. Il s’agit de créer les conditions pour que les entreprises de l’ESS se développent, puissent sécuriser leurs modèles économiques, créent de l’emploi. Dans ce ministère, plusieurs de mes collègues travaillent à la même stratégie économique qui vise à renouer avec une croissance stable et durable, par exemple comme le fait ma collègue Fleur Pèlerin, en faveur des TPE-PME, qui sont au coeur de l’activité de notre pays, donc de la création d’emplois. Depuis le mois de mai, le Gouvernement a été très actif sur ces sujets : en témoignent les travaux pour créer la Banque Publique d’Investissement et le vote la semaine prochaine du projet de loi relatif aux emplois d’avenir.
Les entreprises de l’ESS sont au coeur de tous ces projets : elles trouveront auprès de la BPI les financements qui leur manquent, en fonds propres et quasi fonds propres, pour structurer leur activité ; avec les emplois d’avenir, elles seront fortement aidées par l’Etat dans leurs projets de recrutement des jeunes peu qualifiés et qualifiés (jusqu’à bac+3), notamment pour ceux issus des quartiers populaires, en milieu urbain mais aussi dans les zones rurales en déshérence économique. Par ailleurs, au premier semestre 2013, je défendrai un projet de loi dédié aux entreprises de l’ESS pour assurer la reconnaissance légale de ce qui les unit et les avantages associés eu égard à leur apport à l’économie nationale.
Tout cela pour quoi faire, dans quel but ? C’est tout l’objet du second défi qui est le mien, rendre réelle l’économie du changement : concrétiser la promesse que ce quinquennat change la donne, que l’activité et l’emploi soient au rendez-vous pour les habitants des quartiers populaires, des zones rurales ou périurbaines dans lesquelles nos concitoyens n’ont parfois plus confiance dans leurs représentants et sont attirés par des votes qui font de l’autre un bouc-émissaire.
L’enjeu est loin d’être mince et la partie n’est pas facile : plus de 3 millions de chômeurs, 14% de la population sous le seuil de pauvreté, un taux de chômage supérieur à 20% dans les quartiers, à plus de 40% dans certains, j’ai bien conscience de l’ampleur de la tâche et je n’ai pas la prétention de croire que l’économie sociale et solidaire puisse être la seule voie pour sortir du bourbier dans lequel le quinquennat précédent nous a laissé. Mais c’est une voie : différente, innovante, dynamique, créatrice d’emplois non délocalisables, qui n’est pas fondée sur la seule logique de profit tout en étant efficace économique. Comme nous le voyons ce matin avec l’action de Mozaik RH, c’est une voie qui réunit, ce n’est pas une voie qui divise : l’Etat et le Conseil régional ; les entreprises de l’ESS et les TPE-PME ; les jeunes diplômés des quartiers à égalité de chances avec les autres jeunes diplômés alors qu’aujourd’hui les premiers ont deux fois plus de risques que les seconds d’être aux chômage.
Ce matin, c’est une voie qui s’ouvre, c’est un chemin qui se trace, dans le respect des valeurs de la République, et je tiens à le souligner, à Bercy, parce que la stratégie économique s’écrit aussi avec une pensée politique, parce qu’économie et justice sociale sont au coeur de l’action de ce Gouvernement.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 9 octobre 2012