Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, sur le rôle des institutions financières internationales dans l'aide à la résolution de la crise économique et financière internationale dans les pays développés et dans les pays émergents ou en développement, Tokyo le 12 octobre 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunions annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, à Tokyo du 9 au 14 octobre 2012

Texte intégral

Malgré une réponse ambitieuse et concertée dans le cadre des institutions financières internationales et du G20, la crise économique persiste. Les tensions financières, la crise des dettes souveraines et les politiques de consolidation budgétaire simultanées, ont pesé sur la croissance. Aucune région n’est protégée du ralentissement de l’activité économique, qui s’accompagne d’un risque de creusement des inégalités et de ralentissement du développement des pays les plus vulnérables.
Il nous faut donc faire face avec lucidité, responsabilité et solidarité à cette situation difficile. Car l’objectif est connu et partagé, notamment grâce aux diagnostics établis par le FMI et la Banque mondiale : recréer les conditions d’une reprise mondiale robuste, en évitant l’opposition entre consolidation budgétaire et croissance économique. Face à l’accélération des cycles économiques, nous devons tracer une ligne de conduite claire et déterminée. Une gouvernance économique mondiale rénovée et renforcée est le moyen le plus sûr d’offrir un cadre stable et crédible à la reprise économique sur le long terme.
Avec les nouveaux moyens mis à la disposition des IFIs, nous disposons désormais des instruments pour répondre collectivement aux causes de la crise : une réponse concertée à l’échelle nationale, régionale et internationale est plus que jamais essentielle pour renforcer la coordination de nos politiques économiques afin de corriger les déséquilibres globaux. Simultanément, il nous faudra, au cours de l’année qui s’ouvre, poursuivre les efforts de stabilisation et de régulation du secteur financier et de modernisation de la gouvernance et des instruments des institutions financières internationales. La France continuera d’y prendre résolument toute sa part.
1. La capacité d’intervention et de stabilisation des IFIS dans toutes les régions du monde a été considérablement renforcée
Collectivement, nous avons su donner aux institutions de Bretton Woods les moyens d’agir face à la crise. Au premier chef, nous avons accru considérablement les ressources des banques multilatérales de développement et du FMI. Les IFIs ont ainsi pu accroître leurs actions de stabilisation: l’encours des prêts du FMI est passé de 12Mds$ à 243Mds$ de 2007 à 2012, ce qui montre l’engagement résolu pour soutenir l’ensemble des régions du monde dans cette période difficile, y compris pour accompagner les efforts des pays européens face à la crise. Dans un mouvement solidaire et déterminé face à la crise, des pays avancés et des pays émergents ont décidé ensemble d’augmenter les ressources à la disposition du FMI de 458Mds$, lui permettant ainsi de doubler sa puissance de feu. Dans ce cadre, la France a joué un rôle actif et je me félicite que nous soyons en mesure de signer notre nouvelle contribution bilatérale de 31,4 Mds€ lors de ces Assemblées annuelles. Cette augmentation de ressources, alliée à la réforme de ses instruments, conforte le FMI dans son rôle de pivot de la stabilité financière international.
Le capital de la Banque mondiale a également été augmenté de 190Mds$ à 276Mds$ en 2011, et elle a engagé près de 200Mds$ depuis le début de la crise. Cet effort considérable est le résultat d’une mobilisation collective remarquable. Notre priorité maintenant doit être d’en maximiser l’impact en impliquant plus étroitement le secteur privé dans les actions de développement.
Je me félicite également de ce que les institutions de Bretton Woods aient su initier une rénovation de leurs méthodes d’intervention au moyen d’instruments de prévention des crises plus flexibles. Elles ont ainsi fait la preuve de leur capacité à aller au-delà de la gestion de la crise en se dotant de moyens de nature à prévenir sa naissance et sa contagion. Je salue en particulier l’effet très positif de la fenêtre de réponse de crise dans la Corne de l’Afrique, et l’octroi d’une ligne de précaution et de liquidité au Maroc.
A cet égard, la France considère comme une urgente priorité que la Banque mondiale travaille plus et mieux dans la région du Sahel et que le FMI continue à y mener des actions d’assistance et de soutien. Plus spécifiquement, la France attend que la Banque se mobilise pour répondre à la crise alimentaire qui y sévit et offre une réponse régionale de moyen-long terme pour promouvoir la résilience du Sahel. Je salue la mobilisation des IFIs , aux côtés des pays du G8, pour coordonner leur soutien aux pays en transition des rives de la Méditerranée dans le cadre du Partenariat de Deauville, afin de les aider tant à faire face aux inévitables déséquilibres de court terme qu’à poser les fondements d’une croissance structurelle de long terme. Nous ne devons pas en rester là, et j’encourage les IFIs à poursuivre les efforts accomplis. Dans cet esprit, je salue en particulier la décision de soutenir le Maroc et la Jordanie et j’espère que l’Egypte bénéficiera à son tour du soutien du FMI.
En 2012, l’action des IFIs a bénéficié à l’ensemble des régions du monde. Les Etats fragiles ont fait l’objet d’une attention particulière de la part de la Banque mondiale, qui a réalisé en 2011 plus de la moitié de ses engagements en Afrique subsaharienne. A l’avenir, j’encourage la Banque à renforcer cette priorité, sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. A cet égard, je suis fier de rappeler que nous avons décidé, la semaine dernière, de lancer un fonds fiduciaire en faveur des pays d'Afrique ; ce fonds doit les aider à mieux négocier les contrats des industries extractives pour en améliorer les retombées économiques au profit des populations, notamment locales, assurer le développement durable des projets et améliorer la gestion du cadre macroéconomique, y compris les enjeux relatifs à la dette ou la transparence. Les pays à faibles revenus ont également bénéficié des financements concessionnels octroyés par le FMI dans le cadre de la FRPC, ce qui leur a notamment permis de maintenir leurs dépenses de protection sociale dans un contexte de ralentissement global. Je me félicite de la décision de pérenniser ce mécanisme par l’octroi du surplus des ventes d’or à son financement, signe de la volonté du FMI d’intervenir dans toutes les régions du monde, y compris les pays à bas revenu.
2. Dans l’année qui s’ouvre, nous devrons tout à la fois répondre aux défis immédiats, poursuivre la rénovation de la gouvernance économique mondiale et renforcer l’approche régionale des politiques de développement
Notre priorité immédiate doit être de répondre aux défis qui menacent la reprise mondiale. Pour cela, trois axes doivent animer notre action : la poursuite de la coordination des politiques économiques, la lutte contre la volatilité excessive des cours des matières premières et une régulation robuste du secteur financier, couvrant tous les acteurs et tous les produits. Pour mener à bien ces chantiers, le soutien des institutions financières internationales est indispensable.
La France soutient le mouvement en cours de rénovation des IFIs qui vise à mieux refléter en leur sein la transformation de l’économie mondiale. C’est évidemment une garantie de la légitimité et de l’efficacité des IFIs. La réforme des quotes-parts et de la gouvernance du FMI, adoptée en 2010, doit à ce titre rapidement entrer en vigueur. La modernisation et la rénovation des institutions doit aussi aller de pair avec l’esprit de responsabilité de ceux qui en sont ou en deviennent les principaux actionnaires, sans quoi la transformation en cours pourrait conduire à l’impuissance. La modernisation des IFIs, enfin, passe par des progrès en termes de diversité, aussi bien géographique que de formation, au sein de leurs personnels.
Confrontées à une hétérogénéité croissante des besoins et des capacités de leurs pays d’intervention, les BMD devront enfin faire face à un double défi de coordination et de différenciation. Pour cela, elles devront développer une palette d’approches flexibles afin d’adapter leurs instruments et leurs modalités d’action aux circonstances particulières. Je pense en particulier au renforcement de capacité et à la stabilisation dans les Etats fragiles, au soutien à la croissance dans les pays à bas revenus, et à la diffusion des bonnes pratiques et à l’assistance technique dans les pays plus avancés.
D’autres défis de développement dépassent les frontières nationales, et les IFIs ont un rôle majeur à jouer pour susciter des externalités positives. Au niveau mondial, l’action des IFIs devra en particulier s’attacher à soutenir la création d’emplois pérennes et de qualité, seuls à même de permettre une véritable croissance inclusive. Les institutions devront aussi collaborer étroitement pour accorder les efforts de lutte contre le changement climatique. D’autres urgences recouvrent une portée régionale : améliorer la sécurité alimentaire et adopter une approche régionale pour restaurer la stabilité au Sahel ou encore favoriser l’intégration régionale en Afrique en portant des projets d’infrastructure.
Conclusion :
Dans cette période difficile, nous devons rester mobilisés et créer les conditions pour sortir de la crise et pour un retour de l’économie mondiale à une croissance durable, qui bénéficie au plus grand nombre et qui permette de poursuivre la réduction des déséquilibres globaux, aujourd’hui insuffisamment engagée. Chacun doit utiliser les leviers disponibles afin de faire reculer ces déséquilibres, de manière à obtenir un impact de long terme. Face à un creusement des inégalités et au risque de détérioration de la croissance potentielle, l’action coordonnée des IFIs sera également déterminante pour soutenir l’investissement de long terme dans les infrastructures et le capital humain, et ainsi favoriser le retour à l’emploi. A cette fin, nous devons dépasser la seule gestion de crise pour installer notre action dans la durée. C’est à mes yeux l’enjeu de l’année qui s’ouvre.
Source http://www.tresor.economie.gouv.fr, le 17 octobre 2012