Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur le rôle de l'Alliance française dans la promotion de la langue française et des valeurs communes à la France et à la République des Philippines, à Cebu le 21 octobre 2012.

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Circonstance : Voyage officiel en Asie du Sud-Est du 18 au 21 octobre 2012 : inauguration de l'Alliance française de Cebu (République des Philippines) le 21

Texte intégral

Monsieur le Gouverneur de la province de Cebu, Monsieur le Président de l’Alliance française de Cebu, Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs, Madame la Ministre. Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames, Messieurs, chers amis. C’est un bel endroit, c’est un endroit plein de charme qui a une histoire, l’histoire d’abord d’une famille que je voudrais remercier, la famille Velez, dont j’ai vu les filles, qui, à la mort de leurs parents, ont souhaité que cette maison soit ouverte au public. Eh bien, c’est une belle idée, c’est un beau geste, et qui a permis à l’Alliance française de Cebu de louer cette maison dans la durée pour y installer l’Alliance française, maison qui a été remarquablement décorée, avec un peu de nostalgie des classes d’antan, mais grâce à l’invention et à l’imagination de Delphine de Lorme, que je voudrais particulièrement féliciter.
Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, voilà bientôt trois ans que l’Alliance française de Cebu a été officialisée par la Fondation Alliance Française de Paris. Et donc aujourd’hui, nous sommes réunis pour inaugurer cette maison que vous appelez – parce que c’est le nom de cette maison – la Maison Rose. On nous a chanté « La vie en rose » en arrivant ici, en Asie, et nous allons terminer ce voyage avec la visite de la Maison Rouge. Je ne sais pas s’il faut y voir un symbole, mais en tout cas, cette belle maison va permettre d’accueillir un public de plus en plus nombreux, je crois, et qui souhaite fréquenter l’Alliance française. Et ce lieu a déjà un surnom, c’est la Petite France.
C’est vous qui le dites, mais je pense que les gens ici, vous appellent comme ça, je pense à ces 1.500 étudiants qui viennent régulièrement, et qui viennent apprendre le français, qui viennent découvrir la culture française, et qui peuvent justement avoir une fenêtre d’ouverte sur la création française dans toutes ses dimensions. Je voudrais vous remercier et vous féliciter tout particulièrement, Monsieur Lhuillier, Monsieur le Président. Vous êtes aussi consul honoraire de France ici, à Cebu. Et c’est votre amour de la France.
Madame, je vous associe aussi à cet engagement. Et c’est aussi votre générosité qui vous ont conduit à vous engager et à présider cet établissement, mais de lui donner aussi les moyens pour fonctionner pour vivre, et pour donner à la petite communauté française de Cebu l’occasion de se retrouver. Et je la salue chaleureusement, certains d’entre vous étaient hier soir à Manille, à la réception organisée par monsieur l’ambassadeur, que je tiens à saluer particulièrement, de nous accompagner aujourd’hui, et je le remercie aussi chaleureusement.
Et cette communauté française de Cebu ne veut pas vivre seulement entre elle, elle veut s’ouvrir, elle veut tendre la main, et c’est le travail que vous faites, Monsieur Thevenin, Monsieur Louis Thevenin, le directeur de cet établissement. Vous le faites, vous aussi, avec beaucoup de passion. Et j’ai eu l’occasion de vous rencontrer hier soir, à Manille, à la réception de l’ambassadeur avec votre épouse, qui vous accompagnait, et j’ai vu tout de suite que vous donniez ici beaucoup d’énergie, de talent, mais un engagement total pour que ça marche, et pour que chacun se sente ici pleinement accueilli.
Madame le Gouverneur de la province de Cebu, Monsieur le Maire, enfin, adjoint au maire, puisque le maire est à Rome en ce moment pour la canonisation d’un saint… voilà, vous m’avez donné sa statue tout à l’heure, donc. Et comme il est natif de Cebu, il n’était pas possible que vous n’y soyez pas représenté. Donc je comprends l’absence du maire, je salue son adjoint qui nous accueillis tout à l’heure généreusement, chaleureusement, avec tous ces enfants, ces drapeaux français qu’on agitait : "bonjour la France", et puis, les clefs de la ville que vous m’avez remises, et les clefs de la province aussi.
Donc maintenant, je vais pouvoir aller partout, puisque les portes me sont ouvertes. Mais au-delà de ce symbole, j’y vois un beau geste d’amitié à l’égard de la France. Je me réjouis vraiment que la France soit présente ici, à travers nos compatriotes, que je salue encore, mais aussi à travers tous ceux qui veulent apprendre notre langue, qui veulent découvrir la culture française, qui veulent établir un lien avec notre pays.
Et je voudrais remercier aussi l’Agence française de développement et leurs représentants, qui tout à l’heure, au siège du gouverneur, nous ont montré un projet très intéressant de développement de transport urbain et qui, je crois, permettra à la ville de Cebu d’améliorer la mobilité de tous ses habitants, pour les déplacements domicile/travail en particulier, alors qu’aujourd’hui, vous avez des conditions de transport assez difficiles. Beaucoup d’embouteillages, beaucoup de pollution aussi.
Et je suis heureux de constater que l’expérience nantaise a inspiré votre projet. En tout cas, c’est un bel engagement de solidarité internationale, la France y contribue avec l’Agence française de développement. Elle contribue aussi à mobiliser la Banque mondiale, et avec les efforts que fait le gouvernement des Philippines, et la ville de Cebu, le gouverneur de la province de Cebu, je pense que dans un an et demi, vous aurez un beau réseau de transport, qui va certainement transformer la manière de fonctionner en ville, et donnera à cette ville une attractivité supplémentaire, et je m’en félicite à l’avance.
Vous m’avez offert quelques petits cadeaux symboliques, Madame le Gouverneur, mais à travers ces cadeaux symboliques, dont l’un, paraît-il, porte chance, j’y vois surtout les liens historiques, j’y vois surtout aussi ce que nous avons en partage, et en particulier, la latinité, et je crois que c’est un des volets que nous devons en effet cultiver. Votre héros national José Rizal n’avait-il pas lui-même mis la culture au cœur de son combat politique, en affirmant que la maîtrise de la langue espagnole était l’arme la plus sûre au service de l’émancipation de la tutelle coloniale.
A l’heure de la mondialisation, la France demeure convaincue, plus que jamais, du trésor que constitue la diversité des expressions culturelles. Le patrimoine que nous avons reçu en héritage, c’est à nous de le cultiver, et non pas en le refermant dans une boîte, mais en l’ouvrant aux autres, et en s’enrichissant avec l’apport des autres cultures. Il y a quelques jours, se tenait à Kinshasa le sommet de la Francophonie. Le président de la République, François Hollande, a rappelé à cette occasion ce que nous avons en commun tous les pays francophones, c’est 230 millions qui parlent le français.
Nous avons une langue en commun, nous avons une culture en commun. Nous avons des valeurs en commun, et en particulier celles des Droits de l’Homme, et tous ceux qui se réclament de la Francophonie doivent se battre partout pour défendre ces valeurs. Et là où elles ne sont pas encore établies, eh bien, c’est notre responsabilité de rappeler que chacun en a la responsabilité d’y contribuer. C’est ce qu’a dit François Hollande à Kinshasa, il l’a dit à tous ceux qui étaient là. Et c’était important qu’il le dise, mais il l’a dit aussi au-delà, au monde.
Donc défendre la langue française n’est pas une vision étriquée du monde, bien sûr, la langue anglaise s’impose beaucoup, de plus en plus partout, mais n’ayons pas peur de la langue anglaise, apprenons-la, parlons-la, mais en même temps, apprenons une seconde langue, en tout cas pour nous, et moi, qui vous parle aujourd’hui, je n’imaginais pas m’adresser à vous autrement qu’en français, mais je pense qu’il est important de parler la langue des autres, et en même temps de cultiver la sienne, avec fierté, et de la transmettre, c’est ce que vous allez faire ici, dans cette maison, dans cette Maison Rose, cette Petite France, encourager le dialogue, et éviter toutes ces fractures absurdes de conflits et de guerres de civilisation.
C’est pour cette raison, en effet, que nous sommes là aussi, pour rapprocher les peuples, pour rapprocher les hommes et les femmes qui ont des différences, des différences économiques, des différences sociales, des différences culturelles, mais qui, au fond d’eux-mêmes, partout, ont la même aspiration à la dignité, à la justice, au respect. Et tout à l’heure, sur votre livre d’or, après avoir signé, je regardé, et c’est ma femme qui a attiré mon attention sur la devise qui était inscrite en haut : "fraternité, égalité, justice", eh bien, c’est presque la même chose que : "liberté, égalité et fraternité." Je ne sais pas comment cette devise a été créée ici, mais en tout cas, nous avons beaucoup de choses en commun.
Et pendant ce voyage, ici, à Manille, à Cebu, aux Philippines, j’ai ressenti en effet que nous partagions une même volonté. Dans l’avion, en arrivant ici, j’ai discuté avec le ministre, un des bras droits du président d’Aquino, chargé des Affaires politiques, et avec lequel nous avons échangé des valeurs communes, et je sais le combat, Monsieur le Ministre et le Président, combat que vous menez pour lutter contre les discriminations sociales, pour une meilleure répartition des richesses, pour des réformes qui respectent aussi, je pense, le droit à la maîtrise des naissances. Vous avez à vaincre beaucoup de conservatisme, je le sais que ça n’est pas facile.
Et moi, je salue votre courage, je salue votre combat. Et donc vous voyez bien que lorsque nous parlons, ce ne sont pas des paroles toutes faites, ce ne sont pas des mots convenus, nous sommes face à des grands défis, des grands défis qui sont devant nous, mais avec au cœur et à l’esprit ces valeurs qui nous donnent de l’énergie, qui donnent du sens, et qui donnent de la force. Eh bien, en venant ici quelques jours, en vous rencontrant, je repars encore plus fort, et surtout plus convaincu de la nécessité de continuer à s’engager, à se battre pour ces valeurs que nous partageons et que nous allons continuer à partager.
Et si cette Maison Rose, cette Petite France, peut y contribuer, alors nous aurons fait œuvre utile. C’est surtout, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, et vos enseignants, vos professeurs, à la fois salariés ou bénévoles, qui viennent apporter un petit peu de la culture française et de l’amour de la France. Eh bien, merci pour ce que vous allez faire. Merci et vive l’Alliance française ! Vive Cebu et sa province ! Vive les Philippines et vive la France !
Source http://www.gouvernement.fr, le 23 octobre 2012