Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur l'économie sociale et solidaire et le mouvement associatif, Paris le 16 octobre 2012.

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Circonstance : Convention nationale de l'USGERES à Paris le 16 octobre 2012

Texte intégral


Je vous remercie pour votre invitation. C’est la première fois qu’un ministre du Travail ouvre votre Convention nationale et je suis heureux d’être celui-ci. Ma présence ici n’a rien d’anodine. Elle est le témoignage de l’attention que le gouvernement porte à l’économie sociale et solidaire. Celle-ci dispose désormais d’un ministre qui porte quotidiennement ses intérêts et sa philosophie, Benoît Hamon, qui conclura la journée. Votre organisation a été partie prenante des débats lors de la Grande conférence sociale de juillet dernier.
Je considère les acteurs de l’économie sociale et solidaire comme des interlocuteurs à part entière, comme des employeurs et non comme des travailleurs sociaux.
A part entière, cela ne veut pas dire « comme les autres » car l’économie sociale et solidaire – coopératives, syndicats, groupements d’employeurs, associations, mutuelles, fondations – ont une identité spécifique et des principes forts, à commencer par le principe d’égalité, le souci démocratique au coeur de l’économie et la perspective solidaire.
Discrète mais forte, puisqu’employant 2,3 millions de personnes, l’économie sociale et solidaire ne doit pas oublier d’où elle vient : du refus de la violence économique. Elle est l’idée concrétisée que la solidarité est la force de ceux qui n’ont pas le pouvoir de l’argent. Elle porte aussi la conviction que le travail et le capital ne sont pas forcément ennemis. Elle est surtout un champ ouvert de créativité et d’innovations sociales en tous genres.
Il y a bien longtemps les soi-disant utopistes (en réalités très concrets) construisaient des phalanstères et familistères, groupant leurs forces et faisant de l’argent gagné ensemble, le moyen de financer les oeuvres sociales : école, théâtre, bibliothèques, caisses de secours mutuel. L’économie était ainsi mise au service de tous. Chacun était d’ailleurs sociétaire, ce qui ne signifie pas que l’anarchie régnait, mais au contraire que chacun avait à la fois une place et une voix.
Le mouvement coopératif, mutualiste, solidariste est ainsi enraciné dans une histoire concrète qui a démontré la viabilité de son modèle, mêlant réalisme économique, valeurs sociales et idéal de transformation de la société. Oui, à côté d’une économie parfois violente, il y a aussi une économie qui sait être clémente. L’économie sociale et solidaire n’est pas celle des bons sentiments, des loups transformés en agneaux. Elle est celle du contrôle réciproque, d’une répartition juste de la valeur créée. Elle est la démonstration que le social a une valeur économique irremplaçable.
L’aide à domicile, l’animation, les centres sociaux et socioculturels, les coopératives bancaires et de production, les foyers de jeunes travailleurs, le logement social, les missions locales et PAIO, les mutualités, régies de quartiers ou le tourisme social et familial, sont le visage d’une économie à haute valeur sociale ajoutée et qui a de plus l’immense mérite d’être ancrée dans les territoires.
En tant que Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, j’ai toutes les raisons de me sentir concerné par le dialogue avec les représentants de l’économie sociale et solidaire, au premier rang desquels est l’USGERES. Et vous plus que d’autres, sachez donner au nom « d’employeur » le plein sens qui est le sien : la responsabilité.
Vous avez une responsabilité en termes d’emplois. La crise que nous traversons renforce cette utilité mais démontre aussi que l’économie sociale et solidaire est mieux armée pour résister aux assauts du chômage, car elle est globalement en croissance. Depuis une dizaine d’années, l’ESS créée, proportionnellement, deux fois plus d’emplois que le secteur privé. Nous comptons sur vous pour nous aider à inverser la courbe du chômage.
Vous êtes en première ligne dans la mise en place des emplois d’avenir. Il y a dans notre pays 500 000 jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation. Nous avons conçu pour eux les emplois d’avenir, véritable marchepied vers l’emploi stable et durable. Le secteur non marchand est le premier mobilisé, vous en êtes des acteurs clefs et nous comptons sur vous. Nous avons besoin de tous les acteurs de l’ESS pour permettre à des jeunes d’entrer dans l’emploi, pour franchir cette première marche si difficile à gravir et acquérir de l’expérience et de la qualification. Je sais que vous avez cette fibre sociale et que l’insertion vous tient à coeur.
Vous serez également en première ligne pour la mise en oeuvre du contrat de génération qui constituera pour vos structures une aide précieuse à l’embauche des jeunes en CDI et au maintien dans l’emploi des seniors. Vous avez une responsabilité en termes de travail. Nous attendons de vous que vos soyez encore les militants de la qualité du travail dans un contexte où celui-ci est abîmé par le management au regard fixé sur le cours de bourse, par les cadences infernales, les horaires décalées ou les tâches vidées de sens. Tout n’est pas simple dans les secteurs d’activité qui sont les vôtres, tout n’est pas rose non plus mais c’est aussi dans vos métiers que se gagne le combat de l’amélioration de la qualité de vie au travail.
Vous avez une responsabilité en matière de formation professionnelle : chacun ici connaît la place éminente d’UNIFORMATION, partenaires de cette journée, dans le paysage des OPCA. La formation professionnelle est un défi majeur sur lequel nous sommes pleinement investis Thierry Repentin et moi-même. Vous avez enfin une responsabilité en matière de dialogue social : la question de la représentativité est posée. Je vais l’aborder. Mais, je voudrais souligner d’abord qu’en dehors même de cette question, il y a d’ores et déjà un dialogue à faire vivre au quotidien dans les branches et dans les structures dont vous avez la charge. J’y attache une grande importance.
J’en viens à la question de la représentativité. La balle est dans le camp des organisations professionnelles. Vous et d’autres avaient fait des propositions.
Elles nourrissent le débat. D’autres sont attendues, elles le sont avant l’été 2013. Le grand débat que vous organisez en début d’après midi avec tous les acteurs patronaux montre, comme vous l’avez dit, que les lignes bougent.
Le Gouvernement est déterminé à accompagner et encourager le mouvement et saura le moment venu prendre ces responsabilités. L’USGERES y aura toute sa place. Le processus, mesdames et messieurs, est enclenché. Il prend tout sens dans le cadre de l’engagement du Président de la République de constitutionnaliser le dialogue social. Il est évident qu’il aura à se matérialiser par des actes concrets, je pense aux différentes instances consultatives nationales ou dans les territoires. J’ai bien noté les points que vous avez mis en avant M. Cordesse et je m’engage à y travailler avec un état d’esprit positif.
S’agissant des instances consultatives, le lien avec la réforme de la représentativité est évident. Mais il y a d’autres instances – je pense notamment aux instances de réflexion – où l’USGERES n’est pas représentée alors qu’elle devrait y avoir toute sa place. Ainsi, je proposerai au Premier ministre que l’USGERES puisse disposer d’un représentant, en tant que personnalité qualifiée, au sein du Conseil d’orientation pour l’emploi. C’est l’engagement que je souhaitais prendre devant vous.
Je vous remercie et vous laisse à vos travaux. Je les sais riches et ne voudrais pas empiéter sur leur tenue.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 17 octobre 2012