Déclaration de M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, sur la refondation de l'école et les priorités budgétaires de la politique de l'enseignement pour la rentrée 2013, Paris le 11 octobre 2012.

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Circonstance : Présentation de la "Refondation de l'école de la République" à Paris le 11 octobre 2012

Texte intégral


J’ai présenté ce matin, comme vous le savez, lors d'un Conseil supérieur de l'éducation exceptionnel, les premières mesures ainsi que l’agenda de la refondation que nous allons conduire, qui, en réalité, comme je l’ai dit, a déjà largement commencé.
[...] Depuis l’élection du Président de la République, depuis le premier discours devant le monument de Jules Ferry, depuis le collectif budgétaire du 4 juillet, depuis la négociation de la programmation budgétaire qui a eu lieu cet été et qui concerne les trois années à venir : la refondation est engagée.
Vous observez comme moi la situation dans les autres pays européens. Vous connaissez la situation qui a été celle de l'éducation nationale ces dernières années et vous mesurez le sens que cela peut avoir de faire de l'éducation nationale la priorité budgétaire de cette action gouvernementale ; priorité qui a été confirmée, s’il le fallait encore, mardi matin, par le Président de la République.
[...] La refondation de l’École et la priorité à l’École, c’est une priorité budgétaire – c’est une condition nécessaire. Mais c’est aussi une priorité politique, au sens noble du terme politique, et elle s’accompagne, évidemment, d’une idée qui est que l’École porte un certain nombre de valeurs et qu’elle est un instrument décisif du redressement du pays sur le plan industriel, sur le plan de sa compétitivité, sur le plan de son civisme, sur le plan de sa cohésion sociale. Elle est à la fois un élément de politique publique et elle est la politique publique qui doit être capable de traduire dans la durée un véritable changement d’orientation du pays et ce que nous appelons - ce qui est l’axe fort de ce quinquennat - le redressement dans la justice.
[...] De nombreuses mesures ont été prises.[...]. Certaines sont d’ordre matériel : 1 000 créations d’emplois de professeurs des écoles, 100 créations de conseillers principaux d’éducation, 2 000 d’assistants d’éducation, 1 500 d’auxiliaires de vie scolaire individuels. Nous avons aussi pris des mesures qui concernent la pédagogie. Nous les avons prises très vite, sur l’évaluation des professeurs, sur l’aménagement de la rentrée pour les professeurs stagiaires, sur - et quel grand engagement ! - les emplois d’avenir professeur, qui ont été votés mardi, le jour même du discours du Président de la République : 6 000 seront recrutés dès janvier, 18 000 dans les trois ans. Et, en même temps, il y a la création d’un nouveau métier : les assistants de prévention et de sécurité [...] et la mise en place, pour la première fois, dans l’organigramme de notre beau ministère, d’une délégation chargée de lutter contre les violences.
Nous avons aussi organisé cette concertation qui permettait d’impliquer l’ensemble de la Nation – et pas seulement les professionnels de l’éducation - autour de cette priorité, pour refonder ce pacte entre l’École et la Nation.
L’agenda de la refondation de l’École de la République, a commencé le premier jour de l’élection du Président de la République, et se poursuivra jusqu’au terme du quinquennat. Le Président l’a rappelé, et j’en suis conscient plus que quiconque : une loi ne suffit pas à elle-seule à transformer l’École de la République et à opérer le redressement. C’est un moment décisif, c’est un moment fondamental de la refondation, mais il faut non seulement veiller à l’application de cette loi, à sa mise en œuvre, mais aussi la conjuguer, [...] avec ce que certains nomment les détails mais qui, pour nous, souvent, est l’essentiel : ce qui se passe dans les classes.
Il faut bien comprendre aussi qu’un certain nombre d’éléments de la refondation, dont celui qui vous intéresse le plus, les rythmes scolaires ne sont pas d’ordre législatif : ils seront traités à côté de la loi [...].
Je voudrais, étant donné l’ampleur de ce qui a déjà été accompli, l’ampleur de ce que nous allons accomplir, et que je vais préciser maintenant, remercier toutes celles et tous ceux qui sont engagés dans cette refondation. Je sais que, y compris pour vous [les journalistes qui traitent l’éducation], ce n’est pas toujours facile. [...] Il y a des sujets plus immédiats, plus "spectacle", plus émotionnels, qui prennent le dessus. Le travail que nous nous sommes fixé avec le Président de la République, c’est précisément [...] de faire que les questions qui concernent l’avenir, qui concernent les enfants, qui concernent la connaissance, reprennent le pas sur d’autres, qui occupent le premier plan parfois de l’actualité.
Je veux remercier tous ceux qui sont engagés dans cette démarche : les personnels de l'éducation nationale. Vous savez - certains d’entre vous m’ont accompagné parfois dans les rectorats -,[...] l’incroyable travail fourni par les personnels de l'éducation nationale pour faire que les stagiaires aient leur décharge, pour faire qu’il y ait des professeurs devant les élèves, alors que nous héritions de cette fameuse dette éducative, que nous avons dû faire avec 14 000 suppressions d’emplois à la rentrée.
Je voudrais remercier les personnels de l’administration centrale, qui ont le sens de l’État, et qui se sont engagés aussi, y compris [...] dans les réformes pédagogiques qui sont celles que nous mettons en œuvre. Pensez, là encore, à la mesure que je viens de prendre sur la simplification du livret personnel de compétences.
Je voudrais remercier tous ceux qui se sont impliqués dans la concertation. Ce n’était pas gagné d’avance ! Plus de 8 000 contributions sur le site que nous avons ouvert à cet effet ! Des personnes qui ont d’autres activités professionnelles sont venues, y compris dans l’été [...] travailler dans ces groupes pour définir ensemble ce qui semblait être, pour eux, l’essentiel et les réformes qui doivent être prioritaires.
Nous sommes maintenant à un moment particulier. La concertation a rendu ses travaux. Le Président de la République a fixé des priorités. Il a, et ça a d’ailleurs pu surprendre, insisté sur le fait que cette priorité budgétaire devait s’accompagner aussi d’une préoccupation pédagogique. C’est ce que nous avions dit sans cesse. Ce qui est sorti de la concertation, c’est l’idée forte qu’il faut changer notre École. Changer notre École, c’est lui donner les moyens du changement. C’est, en même temps, faire que ce changement arrive dans les classes au plus près de la relation pédagogique, c’est-à-dire les devoirs, c’est-à-dire la notation, c’est-à-dire les temps scolaires, c’est-à-dire - et j’y viendrai - les programmes.
Nous allons maintenant préciser cet agenda. Il y a, d’abord - et comme j’ai vu beaucoup d’imprécisions, vous me pardonnerez de préciser cela -, une loi de programmation et d’orientation qui doit être présentée en Conseil des ministres, le 12 ou le 19 décembre. Pour qu’une loi d’orientation et de programmation [...] soit présentée en Conseil des ministres le 12 ou le 19 décembre, il faut qu’elle entre en consultation auprès des autres ministères, auprès du Conseil d'État, auprès du Comité économique et social, au plus tard début novembre. Et donc nous devons rédiger cette loi de programmation et d’orientation d’ici début novembre. Le débat parlementaire aura lieu, [...] à partir de janvier. Ce qui compte dans cette affaire et ce qui explique d’ailleurs que ces consultations soient si longues - plus d’un mois de consultation -, c’est que cette loi est une loi de programmation. [...] La loi de programmation, a deux vertus.[...]
Un, elle sanctuarise pour plusieurs années et elle programme, comme son nom l’indique, les moyens financiers accordés à l'Education nationale. L'Education nationale sera la priorité budgétaire de ce quinquennat [...]. Cela veut dire que nous avons la sérénité nécessaire - et il va en falloir -, la tranquillité nécessaire pour conduire à bien les réformes que nous devons conduire à bien. L’éducation nationale ne sera pas la variable d’ajustement budgétaire d’aléas économiques qui peuvent frapper le pays. Des engagements sont pris. Ils sont pris sur plusieurs années. Ils seront programmés dans la loi votée au Parlement.
Mais la loi de programmation a un deuxième avantage, c’est qu’elle s’accompagne de ce que l’on appelle une « annexe », qui permet de préciser les orientations, et donc de provoquer un débat avec la représentation nationale. Il s’agit de préciser la philosophie et les priorités qui, bien qu’elles ne soient pas toutes d’ordre législatif, c’est-à-dire n’entraînent pas toutes une modification du code de l’éducation, vont quand même présider à l’ensemble des réformes que nous allons conduire.
Voilà l’intérêt, à la fois matériel et moral, de cette loi de programmation et d’orientation, qui marque bien [...] l’engagement renouvelé du Président de la République.
Pour finaliser cette loi dans les délais que j’ai indiqués, je recevrai à partir de lundi les organisations représentatives des personnels de l'éducation nationale pour leur présenter les orientations et les arbitrages qui sont les miens sur les questions de l’agenda de la rentrée 2013, [...] entendre leurs points de vue et, à partir de là, finaliser mes propositions.
Je recevrai aussi les associations d’élus, puisque vous savez que nous tenons à associer - elles le sont, elles doivent l’être davantage encore - les collectivités locales à cette refondation de l’École.
Je recevrai aussi les associations de parents d’élèves, les mouvements d’éducation populaire et les représentants des lycéens et des étudiants.
Ces discussions seront pilotées directement par moi-même tout au long de la semaine prochaine. À l’issue de ces discussions, nous mettrons en œuvre le travail interministériel nécessaire à la finalisation de la loi. [...] Vous le savez, cette loi de refondation de l’École implique beaucoup d’autres ministères. Si vous pensez à la formation des professeurs, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; si vous pensez aux cartes des formations professionnelles, au service public territorialisé de l’orientation, bien entendu, les ministères de la décentralisation, des collectivités locales, de l’aménagement du territoire. Si nous mettons en œuvre - ce que nous allons faire - une grande ambition numérique, elle doit être concertée avec le ministère compétent. La modification des rythmes scolaires, [...] implique évidemment le ministère de la jeunesse et des sports et de la vie associative. Il doit aussi prendre en compte les ministères de la formation professionnelle, de la culture pour le plan d'éducation artistique. Donc ce travail sera conduit dans la semaine qui suivra la consultation des organisations syndicales, des associations d’élus, de parents d’élèves, de lycéens, et des mouvements d'éducation populaire.
L’agenda de la loi, c’est l’agenda de la rentrée 2013 tel que le Président de la République l’a indiqué mardi, tel que je vous le précise aujourd’hui. À la rentrée 2013 devront être mises en place les écoles supérieures du professorat et de l'éducation. À la rentrée 2013, nous devrons avoir lancé la grande ambition numérique, dont l’objet va du raccordement et des réseaux jusqu’à un service public de l’aide aux devoirs, et qui sera lancée dans les semaines qui viennent. À la rentrée 2013, les orientations pédagogiques définies par le Président de la République sur les devoirs faits à l’intérieur de l’École, sur l'évolution de l'évaluation des élèves, sur la limitation du recours au redoublement, devront entrer dans les pratiques pédagogiques.
À la rentrée 2013 devra être mis en place le service public territorialisé de l’orientation, qui est un des éléments essentiels de la réussite des élèves et de la lutte contre les inégalités scolaires. Nous le ferons en liaison étroite - vous le savez - avec les collectivités locales, et nous le ferons aussi dans un souci, que j’ai déjà exprimé, de mieux articuler les formations que nous dispensons et les métiers qui existent, avec les entreprises.
À la rentrée 2013, la priorité au primaire, et donc la mise en place du "plus de maîtres que de classes", et l’accueil des petits à l’école maternelle devra aussi être effective. Nous avons d’ailleurs d’ores et déjà préparé les éléments qui le permettront, suite au vote de la loi.
À la rentrée 2013, nous veillerons à ce que les lycéens professionnels trouvent dans les sections de techniciens supérieurs et les instituts universitaires de technologie des débouchés à leurs études faites au lycée professionnel.
À la rentrée 2013, nous aurons la semaine de quatre jours et demi à l’école primaire, et nous aurons revu, par les consultations que j’engage [...] l’organisation du temps scolaire et du temps éducatif. Les devoirs se feront à l’école. Il y aura davantage de pratiques culturelles et de pratiques sportives. Aucun enfant ne sera laissé en dehors de l’école avant 16 h 30 et, avec les collectivités locales, les mouvements d'éducation populaire - l'État prenant, comme l’a dit très exactement le Président de la République, ses responsabilités -, nous organiserons cette grande réforme du temps scolaire et du temps éducatif. Tel est l’agenda que nous nous sommes fixé pour la rentrée 2013.
Dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation - comme vous le savez, mais comme je le rappelle - seront formés, dès la rentrée 2013, les premiers professeurs, qui n’auront que six heures à faire sur le terrain, et qui bénéficieront donc d’une entrée progressive et professionnalisante dans le métier. Vous savez aussi que nous aurons la montée en régime des emplois d’avenir professeurs.
Mais, en même temps, un agenda de la refondation qui implique d’autres réformes va être lancé. Je veux ouvrir une concertation plus approfondie - car j’ai trouvé, de ce point de vue-là, les propositions encore insuffisantes - pour la réforme du lycée et l’articulation du bac - 3 et du bac + 3. Toutes les transitions doivent être favorisées. À la rentrée de 2013, nous aurons déjà mis en place la possibilité de mieux articuler le rapport entre l’école élémentaire et le collège. Mais nous savons aussi qu’il y a d’autres ruptures, et des ruptures fortes, sur l’orientation entre le collège et le lycée, entre le lycée et les études supérieures. C’est pourquoi je veux poursuivre ce travail et ouvrir cette discussion sur le lycée, l’articulation du lycée avec les études supérieures, et l’articulation des trois voies, professionnelle, technologique et générale, dans notre enseignement. Cela nous conduira à réfléchir aux évolutions nécessaires du baccalauréat.
Pour ce calendrier que nous relançons, je souhaite aussi que nous ouvrions des discussions sur l'évolution du métier d’enseignant. Je considère que les personnels doivent être, bien entendu, reconnus, valorisés, respectés. Je constate que le métier a déjà changé. Je pense que nous devons donc être capables d’inscrire dans les textes [...] . J’ai dit au Conseil supérieur de l'éducation ce que je vous répète : ma seule préoccupation dans cette affaire, et ce que je considère comme l’essentiel et le plus précieux, est la rencontre entre un professeur et un élève. [...] Les personnels pédagogiques [sont] au centre de l’action, de la préoccupation, de l’attention, de ce ministère.
De ce point de vue, l’ensemble des propositions que je ferai reposeront sur un seul principe : faire que la fracture trop forte, [...] qui s’est aggravée ces dernières années, entre l'administration [...] et les personnels pédagogiques, soit réduite. À cet égard, je pense utile de mettre en débat l’idée que lorsqu’on est professeur, que l’on veut évoluer dans sa carrière, devenir chef d’établissement, devenir inspecteur, former ses jeunes collègues dans les écoles supérieures, pratiquer du tutorat, accompagner dans l’établissement un projet, une tâche spécifique, soit par discipline, soit par niveau, cela soit reconnu ; qu’on ne soit pas pour autant obligé d’abandonner sa vocation de professeur, et que si, à un moment donné, on a à le faire, qu’on puisse revenir à sa fonction de professeur sans perdre les progrès de carrière que l’on avait obtenus [...] Je souhaite donc que nous avancions sur l’idée que la vocation essentielle de ce ministère, c’est la transmission de connaissances. Elle doit être au centre de l’ensemble des métiers, et nous devons réfléchir à ce qui s’appelle un cadre commun.
Comme vous le savez, le Président de la République a inscrit à notre agenda d’autres réformes importantes : celle de l'éducation prioritaire, sur laquelle je veux m’attarder un instant, mais aussi la réforme qui devra conduire à un grand plan d'éducation artistique, de la maternelle jusqu’à l’université. Nous allons, dans la loi, nous donner des instruments qui permettront de prendre en compte des nouvelles exigences qui concernent les programmes. Et donc, dès la loi, nous aurons la remise en place d’un Conseil des programmes impliquant les experts, impliquant les praticiens, impliquant les universitaires. Il avait disparu. Et nous nous doterons d’une autorité, d’une instance, d'évaluation du système éducatif, indépendante du ministre, bien séparée des donneurs d’ordres des politiques éducatives, pour que les uns et les autres puissent estimer quelle est la réalité des résultats des politiques que nous conduisons.
[Cette évaluation sera notamment] essentielle pour la réforme que nous demande de conduire le Président de la République concernant l'éducation prioritaire. Il s’agit bien de faire le constat, douloureux d’ailleurs pour le pays, qui a été fait par la Cour des comptes, et qui montre qu’en réalité, nous ne donnons pas plus à ceux qui ont le moins. Nous ne donnons pas même l’équivalent de ce que nous donnons à ceux qui ont le plus. Et donc, il y a une rupture d’égalité. L’accumulation des dispositifs, au cours des vingt dernières années, quels que soient l’engagement des personnels, les bonnes intentions de ceux qui les ont mis en place, n’ont pas permis de résoudre ces injustices territoriales. Il faut donc que nous inventions un nouveau système. C’est cette volonté de traiter les établissements en dehors de sigles, de stigmatisations, individuellement.
Mais il ne s’agit pas, comme j’ai pu l’entendre, de revenir sur le principe, qui justement n’était pas appliqué, de donner plus à ceux qui ont le moins. Il s’agit, au contraire, de se donner toutes les chances de lutter contre les inégalités territoriales et scolaires. Et notre idée est bien de concentrer les moyens dans les établissements qui en auront le plus besoin, de donner aux équipes pédagogiques les moyens de conduire leur action et, de ce point de vue, de faciliter, à tous égards, leur travail.
De la même façon, nous reviendrons sur les assouplissements de la carte scolaire [...], et nous poursuivrons, sur ces deux plans, des objectifs de mixité scolaire et de mixité sociale. Cette réforme va entrer en discussion, bien entendu avec l’ensemble des personnels que j’ai évoqués, mais aussi les personnels qui se sont plus précisément impliqués dans le travail sur les zones en difficulté et sur les territoires en difficulté.
Voilà l’agenda qui est le nôtre : l’agenda des rencontres à partir de la semaine prochaine, l’agenda de la loi, l’agenda de ce qui devra être mis en place dès la rentrée 2013, et l’agenda de ce qui devra être mis en place plus tard, et poursuivre la réforme.
Je vous remercie de vous être rendus disponibles, et je réponds bien volontiers à vos différentes questions, pour préciser un certain nombre de points [...].
source http://www.education.gouv.fr, le 17 octobre 2012