Déclaration de M. Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire, sur la complémentarité des acteurs de l'économie sociale avec les interventions de l'Etat pour assurer la cohésion sociale du pays, Paris le 16 octobre 2012.

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Circonstance : Convention nationale de l'Union de syndicats et regroupements d'employeurs (USGERES) sur le thème «2012-2017 : les enjeux, la place des employeurs» à Paris le 16 octobre 2012

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus régionaux,
Messieurs les présidents et représentants des organisations professionnelles d'employeurs,
Dans son dernier ouvrage, « Le prix de l'inégalité », Joseph Stiglitz souligne, je le cite, qu'« une croissance où la plupart des gens voient leur situation se dégrader, où la qualité de notre environnement périclite, où l'on vit dans le stress et la rancœur j'ajouterais dans la peur de l'autre- n'appartient pas au type de croissance que nous devons rechercher. La bonne nouvelle -poursuit-il- c'est que parfois nous pouvons à la fois modeler les forces du marché dans le bon sens et extraire des revenus utilisables pour promouvoir la croissance et renforcer le bien être social ».
C'est dans ce « parfois » et dans ce « et » qu'existe aujourd'hui l'économie sociale et solidaire, que vous, les employeurs, agissez, en tant qu'entrepreneurs associatifs, coopératifs, mutualistes, sociaux. Contrairement aux apparences ce « parfois » et ce « et » sont essentiels : aujourd'hui, par votre action, vous êtes, aux côtés de l'intervention de l'Etat, des acteurs majeurs de la cohésion sociale de ce pays, les tisseurs de la solidarité. Que serait en effet la vie de nombre de personnes âgées sans les associations d'aide à domicile, quelle serait la situation dans nombre de quartiers urbains -où près de 40% des jeunes sont aujourd'hui au chômage- sans l'intervention des missions locales, des régies de quartier et des associations du mouvement sportif et culturel ? Quelle serait l'insertion des handicapés dans notre société sans l'activité professionnelle que leur procurent les ESAT ? Et que deviendrait la sécurité sociale pour tous sans l'action des mutuelles ?
C'est également grâce à vous, les 60 000 adhérents de l'USGERES, employeurs de l'économie sociale, et au-delà les 160 000 employeurs de l'économie sociale et solidaire, que le moteur de la création d'emplois tourne encore : en 10 ans, vous avez créé plus de 440 000 emplois nouveau, soit une croissance de 23% pendant que l'emploi dans le secteur privé lucratif ne progressait que de 7%. L'année dernière, malgré la crise, malgré vos difficultés de trésorerie et de financements, vous avez maintenu les effectifs au prix d'efforts importants - rationalisation des coûts, échelle resserrée des rémunérations- et tout cela pourquoi ? Vous le savez, je le sais, mais votre efficacité économique étant bien souvent méconnue car confondue avec une logique non marchande, je préfère le souligner en période de croissance nulle, vous n'avez pas détruit d'emplois et pour certains (le secteur coopératif, les fondations, les mutuelles), vous en avez même créés, parce que vous avez comme but partagé la non lucrativité - les profits sont investis dans l'entreprise, ils ne sont pas captés par des actionnaires -, parce que vous avez un véritable sens de la responsabilité en tant qu'employeurs de 2,3 millions de salariés.
Je tenais, en clôture de votre Convention à rappeler ces faits. Il faut que vous sachiez que le Président de la République, le Premier ministre, le Ministre de l'économie et des finances, moi-même, tous nous avons à l'esprit l'importance de votre action. Parce que nous voulons faire de l'économie sociale et solidaire une des réponses à la crise que notre pays traverse. Comme l'a souligné le Président Cordesse dans son mot d'accueil, la création du portefeuille dont j'ai la charge, son appartenance pleine et entière à Bercy, témoignent de cette détermination à faire connaître le modèle entrepreneurial que vous incarnez, à faire reconnaître ce que vous apportez au pays en emplois non délocalisables, en richesses produites. Toute mon action est ainsi tournée vers le développement de cet autre modèle de production au service d'une croissance durable, équitable, qui crée de l'emploi, notamment pour ceux qui sont l'avenir de notre pays, les jeunes. Sur nombre de fronts aujourd'hui, Il y a urgence: plus de 3 millions de chômeurs, 14% de la population sous le seuil de pauvreté, un taux de chômage supérieur à 10%, 25% des jeunes au chômage, 38% dans les quartiers, chaque année 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Mon collègue, Michel Sapin, vous a rappelé ce matin toute l'ampleur de la tâche à laquelle est confrontée ce Gouvernement. En tant que ministre chargé de l'économie sociale et solidaire, j'affirme que ces défis peuvent être relevés, au moins pour partie, grâce à vous.
D'une part, et cette Convention par la qualité de ses participants et la teneur de ses échanges l'a bien illustré, parce que vous avez pleinement conscience de ces défis - quel chemin pour retrouver une croissance durable et équitable, comment développer de l'emploi dans le respect des salariés, quel équilibre entre la compétitivité de vos entreprises et une protection sociale solidaire - et parce que vous avez à coeur de faire entendre la voix des employeurs de l'ESS sur tous ces sujets. Je ne peux que vous encourager à persévérer dans cette voie : continuez à parler haut et fort, continuez à montrer ce que vous faites. Mais j'attire votre attention sur un point: vous serez d'autant plus entendus que vous exprimerez la richesse de vos statuts, leur diversité, dans des positions communes, loin des querelles de périmètres et d'appartenance. L'économie sociale et solidaire n'exclut pas, elle inclut. Dans ces conditions d'union au service d'une autre économie, et comme je l'ai fait dès ma prise de fonctions, en veillant à ce que vous soyez pleinement associés à la Grande Conférence sociale, je continuerai de vous aider à vous faire une place dans le dialogue social. Tous les pas comptent sur ce chemin et je sais que Michel Sapin a, comme moi, la conviction que de nouveaux pas doivent être faits dès 2013.
D'autre part, je suis convaincu que nous pouvons ensemble, nous, Gouvernement et vous, les employeurs de l'ESS, relever le défi de l'emploi et du développement économique: de notre côté, cela est bien engagé avec, en matière d'accès aux financements, la mise en place de la Banque publique d'investissement, qui vous permettra de développer votre activité; le soutien que vous apporte ce Gouvernement est également palpable à travers l'aide financière et matérielle qui vous sera apportée, dès les premiers jours de novembre, pour recruter des jeunes en emplois d'avenir: en priorité des jeunes peu ou pas qualifiés, parce que ce sont eux qui en ont le plus besoin, mais également des jeunes diplômés jusqu'à BAC+3 dans les territoires où le diplôme n'est plus un bouclier contre le chômage. Dès début 2013, avec la mise en place des contrats de génération, vous pourrez également anticiper les nombreux départs à la retraite annoncés (600 000 d'ici à 2020) et donc, développer une véritable gestion des métiers et des compétences.
De votre côté, je sais pouvoir compter sur votre mobilisation pour utiliser ces nouveaux outils mis à votre disposition, pour être exemplaires dans l'application du droit du travail et l'amélioration de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, pour faire vivre le dialogue social dans vos entreprises et établissements. Je sais pouvoir compter sur vous, les employeurs de l'ESS, pour montrer aux jeunes que l'entreprise est un acteur économique et social, qu'elle peut poursuivre des objectifs variés, et pas seulement celui du profit, et qu'aujourd'hui il est parfaitement possible d'y concilier réussite individuelle et intérêt collectif, de faire carrière et de bien gagner sa vie tout en se consacrant aux autres.
Nous avons une responsabilité partagée: c'est cela que je suis venu vous dire aujourd'hui. Vous me trouverez à vos côtés pour réussir ensemble l'économie du changement.
Et pour concrétiser cet engagement solennel, je vais dès à présent signer avec le Président Cordesse, représentant l'USGERES, un protocole de partenariat dont le contenu est novateur à deux titres au moins: d'une part, il conduira à l'ouverture en décembre du premier portail ayant vocation à recueillir l'ensemble des offres d'emplois dans l'économie sociale et solidaire ainsi que toutes les informations indispensables au recrutement en emplois d'avenir. D'autre part, cet accord permettra d'identifier et de lever les freins à l'embauche des jeunes dans 3 régions : Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 23 novembre 2012