Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureuse de me retrouver parmi vous ce soir et particulièrement honorée dêtre là au nom de la France, alors que se dessine actuellement le visage de cette Tunisie nouvelle.
Je dis souvent quen tant que ministre de la Francophonie, je nai pas laissé mes combats contre les amalgames et les préjugées à la porte de mon Ministère. Pour moi, être ministre de la Francophonie, cest défendre et promouvoir une langue qui a fait sa mutation. Débarrassée des oripeaux du colonialisme, elle est aujourdhui égalitaire et elle transmet les valeurs universelles qui fondent les droits de lHomme.
La langue française nappartient plus à la France seulement. Elle appartient au monde francophone. Cest une langue solidaire. Cest une langue qui se parle à hauteur dhommes. Cest une langue africaine, cest une langue du Maghreb, et cest une langue dont je suis fière aujourdhui de porter les couleurs devant vous.
Jai été honorée de linvitation qui ma été faite par M. Mohamed Mediouni, Directeur des 24ème Journées cinématographiques de Carthage que je salue avec amitié, dassister à ce grand rendez-vous. Tout dabord parce que cest la première édition de ce festival le plus vieux du continent africain - depuis la Révolution du 14 janvier 2011, mais aussi parce que cette rencontre témoigne, par sa programmation, de la force des cinématographies arabes et africaines et de leur ouverture aux cinémas du monde. Je crois en effet en la pluralité dune création cinématographique qui ne reflète jamais mieux notre réalité contemporaine que lorsquelle souvre et se confronte à la diversité des regards.
Ce soir je souhaite rendre hommage au cinéma tunisien, à ces réalisateurs de talent, à ces professionnels dont la réputation nest plus à faire, à ces films qui ont marqué notre mémoire je pense notamment à "LHomme de cendres", à "Halfaouine, lenfant des terrasses", aux "Silences du palais" et bien dautres encore qui ont été des vecteurs de rêves, despoirs, capables de nous ouvrir les yeux et de nous faire entendre et voir, dans les équilibres si fragiles du monde, la nécessité de dialoguer, de bâtir des ponts.
Ce dialogue, ces ponts, cest le sens de la Francophonie que je défends : une langue porteuse de valeurs, un espace de solidarité au-delà des frontières et dont la Tunisie est un membre fondateur.
On ne peut quêtre ému de la réalité de ce monde francophone si dynamique : 220 millions de locuteurs dans le monde aujourdhui, 750 millions en 2050 et un apprentissage du français qui, contrairement à certaines idées reçues, progresse dans de nombreuses régions du monde, comme dans les pays du Golfe, en Amérique latine ou encore en Chine.
Quil me soit permis à cet égard de saluer ici tous les enseignants tunisiens, véritables passeurs de la langue et du savoir, notamment les professeurs de lAssociation tunisienne pour la pédagogie du français (ATPF) qui, sans relâche, réfléchissent et travaillent à faire vivre notre langue en Tunisie ; les universitaires naturellement ; les professeurs du réseau scolaire français en Tunisie, le quatrième au monde ; les professeurs des cours de langue de lInstitut français, mais aussi ces hommes et ces femmes de la création artistique et littéraire, de lédition, du journalisme, de la télévision, de la radio ou encore de la presse qui ont fait le choix de lexpression française et offrent ici, en Tunisie, un regard francophone.
À chacun dentre eux, je veux dire quils peuvent compter sur la France, sur notre ambassade, dont je sais quelle sefforce dêtre à leurs côtés de Bizerte, à Tozeur, en passant par Tunis, Kairouan, Sousse, Sfax ou Mateur.
Comme jai pu le constater à de nombreuses reprises sur le terrain, au Liban ou à Kinshasa, mais aussi aujourdhui dans les rues tunisiennes, les échos de la francophonie sont bien vivants et le désir de français bien ardent. Cest sans doute parce que ce désir répond à un plaisir, le plaisir de limagination, de la parole, de lécriture, dont témoignent ce soir les artistes qui nous font le bonheur dêtre là. Cest cette générosité en laquelle je crois, une francophonie qui se bat pour préserver la diversité culturelle, une francophonie qui, tel un fleuve nourricier, irrigue chaque pays, chaque culture.
Si je suis à Tunis aujourdhui cest également pour redire aux autorités tunisiennes lengagement résolu de la France aux côtés de la Tunisie. Depuis la révolution du 14 janvier 2011, tout au long de cette période de transition porteuse de tant despoirs, le soutien et lamitié de la France ne se sont jamais démentis.
Et en ces temps historiques, la France est déterminée à appuyer la volonté, clairement exprimée par les autorités tunisiennes, davancer sur la voie du renforcement de la démocratie et de lÉtat de droit, mais aussi du développement économique et social. Ces deux volets se nourrissent mutuellement. Alors que la Tunisie construit une nouvelle page de son histoire, la France entend poursuivre son engagement, avec amitié et responsabilité, au nom des liens qui unissent nos deux pays.
Jai rencontré aujourdhui le président Marzouki, le Premier ministre Jebali, le ministre de la Culture et le ministre du Tourisme. Tous mont dit leur volonté de voir la Tunisie et la France travailler ensemble. À tous, jai répondu que la France est plus quun partenaire, elle est une amie de la Tunisie et les liens qui unissent nos deux peuples sont indélébiles.
Demain, je me rendrai dans la cité dEtthadhamen pour y rencontrer des femmes courageuses. Jaurais également un entretien avec la ministre de la Femme et, avant de rentrer vers Paris, jéchangerai avec dautres femmes engagées, des femmes de culture, des femmes journalistes. Que ce soit hier derrière la caméra ou aujourdhui aux côtés des Tunisiennes, le combat est le même ! Cest celui de la liberté, cest celui du respect de légalité et de la dignité ! Défendre la Francophonie cest aussi cela. Cest défendre les droits des femmes partout où cela est nécessaire. Cest dénoncer haut et fort les exactions qui font delles des victimes silencieuses, comme cest le cas à lEst de la RDC, à Goma où je me suis rendue le mois dernier et où femmes et enfants sentassent dans des camps de fortune, fuyant les exactions du M23 qui, aujourdhui même, est rentré dans la ville. Jai promis de donner un visage à ce conflit pour que cessent les violences. Les femmes y sont des butins de guerre. La France a demandé une réunion urgente du Conseil de sécurité pour mettre fin à ce carnage et condamner fermement le M23.
Je my étais engagée à Goma le 15 octobre dernier. Depuis, je nai cessé doeuvrer contre cette situation. Aujourdhui, il est temps de faire cesser ces viols massifs, ses exactions dun autre temps. La Francophonie, cest aussi cela. Lutter pour des causes justes et se montrer solidaire de toutes les femmes dans lespace francophone.
Pour toutes ces raisons, jai décidé de lancer un Forum mondial des femmes francophones qui se tiendra à Paris en 2013 et qui réunira des femmes du monde entier. Ce forum sera un lieu de débat, pour accroître la visibilité des femmes, mais sera aussi un lieu de transmission des valeurs dégalité et de solidarité dont elles peuvent être injustement privées. Jinvite toutes celles qui veulent rejoindre cette initiative à le faire. Cest en unissant nos voix que nous serons entendues. Je sais combien les voix des Tunisiennes portent bien au-delà des frontières. Je sais combien ces voix sont fortes, combien elles sonnent juste. Elles sont un modèle pour toutes les femmes arabes et toutes les femmes du monde. Je vous remercie et vous souhaite à toutes et à tous une excellente soirée.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 décembre 2012