Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur l'apprentissage, notamment les conditions de vie des apprentis et la taxe d'apprentissage, Brest le 17 décembre 2012.

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Circonstance : Pose de la première pierre du Campus des métiers de Brest le 17 décembre 2012

Texte intégral


Tout d’abord merci pour votre invitation et votre accueil.
Je suis particulièrement heureux d’être parmi vous aujourd’hui à l’occasion de la pose de la 1ère pierre de votre futur Campus des métiers. Un évènement tourné vers l’avenir. Un projet qui est maintenant sur les rails et qui a été l’un des premiers à recevoir le soutien du Programme des investissements d’avenir. Rien d’étonnant à cela puisque ce projet présente 4 caractéristiques essentielles qui « collent » totalement à l’esprit du programme « formation en alternance et hébergement » du PIA, et qui sont parfaitement en phase avec la politique que j’entends promouvoir en matière d’apprentissage :
* Le Campus des métiers permettra en effet de développer les capacités d’hébergement des apprentis.
* Il générera dans le même temps la possibilité de former des apprentis en plus grand nombre.
* Il contribuera à faire progresser positivement l’image de l’apprentissage.
* Et le projet s’est construit grâce à un partenariat large et efficace.
Quelques réflexions sur ces 4 axes qui sont en quelque sorte les « premières pierres », les pierres angulaires du développement et de la promotion de l’apprentissage. :
1er axe : les conditions de vie des apprentis
Votre document de présentation du futur Campus indique : « L’internat intégré est un des aspects majeurs du projet. Il participe grandement à la vie quotidienne des jeunes en apprentissage ».
Je suis très sensible à cela, et je pèserai de tout mon poids dans les arbitrages du programme des investissements d’avenir pour que cette question de l’hébergement soit mieux prise en compte, car je crois que l’on ne peut pas se préoccuper de l’avenir de l’apprentissage sans se soucier des conditions de vie et de travail des apprentis, dont une partie significative vit dans des conditions sociales, familiales et financières difficiles.
Or on n’apprend bien que sereinement… pouvoir se poser et se « reposer » dans un espace à soi, compatible avec ses ressources, est facteur d’épanouissement. C’est aussi un facteur d’implication pleine et entière dans la formation, tant en classe qu’en entreprise.
Je sais que la plupart des CFA développent avec un soin toujours plus grand des actions d’accompagnement individualisé des apprentis, sur le plan pédagogique bien sûr, mais aussi sur tous les registres de leur vie quotidienne. A cet égard, chacun le sait, les problèmes de transport et d’hébergement sont souvent un frein à la conclusion de contrats, mais aussi l’une des causes de certaines ruptures. Un contrat d’apprentissage sur cinq ne va pas à son terme dans notre pays.
La situation géographique du Campus et sa capacité d’hébergement, supérieure à celle du CFA actuel, sont donc deux éléments très favorables.
2ème axe : former des apprentis en plus grand nombre
C’est une exigence pour notre pays. C’est également une nécessité pour notre économie. Dans les années qui viennent, nous avons en effet à résorber de manière significative, le grave problème du chômage, en particulier celui des jeunes dépourvus de toute qualification à l’issue de leur parcours scolaire. Chacun sait qu’environ 130 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucune qualification.
Vous savez aussi que le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est aujourd’hui dramatiquement élevé. Il atteint 22 %, le double dans les zones urbaines sensibles, et ce sont les jeunes les moins diplômés, ou pas diplômés du tout, qui en sont les principales victimes. Nous ne pouvons céder au fatalisme.
Nous devons tout faire pour inscrire ces jeunes dans un parcours qui mène à une qualification car on sait qu’elle est un gage d’accès à l’emploi.
S’attaquer à cette question de la qualification et de l’emploi des jeunes est véritablement une grande cause nationale, qui s’inscrit dans la priorité Jeunesse du Président de la République, et à laquelle chacun doit, là aussi, apporter sa pierre.
C’est pour cela qu’ont été créés les emplois d’avenir, premier texte voté au Parlement dans l’actuelle session parlementaire, sont entrés en vigueur début novembre. Faisant le tour de France actuellement pour rencontrer des jeunes embauchés en emplois d’avenir et leurs employeurs, je me félicite que nombre d’entre eux ont un CAP-BEP. Quand ils signent un emploi d’avenir, ils obtiennent un salaire, un emploi et une formation. C’est un véritable pied à l’étrier.
Prenant en compte l’accord unanimement signé par les partenaires sociaux en octobre, le projet de loi relatif au contrat de génération a été adopté la semaine dernière en Conseil des ministres. Il sera débattu au Parlement dès janvier pour une mise en œuvre au printemps. Je souhaite d’ailleurs souligner que le contrat de génération intégrera la possibilité de comptabiliser, dans les embauches de jeunes en CDI, celles qui seront réalisées à l’issue de contrats en alternance s’étant déroulés dans l’entreprise.
C’est important car les contrats en alternance, et singulièrement le contrat d’apprentissage, seront l’un des leviers essentiels à mobiliser pour l’emploi, la formation, la qualification et l’insertion professionnelle des jeunes.
Notre pays compte aujourd’hui 430 000 apprentis. Et malgré la conjoncture économique difficile que nous connaissons, qui touche parfois durement certaines entreprises, les chiffres ne baissent pas. Mieux encore, fin octobre 2012, le nombre de contrats enregistrés depuis le 1er janvier était en hausse de 8 % par rapport à l’année précédente.
L’action des développeurs de l’apprentissage dont le financement a été renouvelé pour 2013 y est à coup sûr pour quelque chose. Les milliers de contacts et de visites d’entreprises qu’ils assurent au quotidien, avec un ciblage particulier sur celles qui n’avaient jamais embauché d’apprenti ou avaient eu une expérience malheureuse, sont à l’évidence précieux.
On peut donc dire que les objectifs fixés par le Gouvernement en la matière sont réalistes : porter le nombre d’apprentis à 500 000 d’ici 2017. C’est réaliste et c’est pour cela que nous l’atteindrons ! Et nous l’atteindrons pour concrétiser un autre objectif : celui que se sont donnés l’Etat et les régions de diviser par deux d’ici 2017 le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail sans qualification professionnelle.
Dans ce cadre, je porterai une attention toute particulière aux premiers niveaux de qualification, qui constituent le socle de la pyramide des qualifications. Cela ne signifie pas que je sois hostile au développement de l’apprentissage dans les niveaux supérieurs. Ce développement existe depuis plusieurs années, il se poursuivra car il va dans le sens de l’histoire économique, les entreprises et les étudiants voyant conjointement un réel intérêt à cette voie de formation. Mais il ne faudrait pas que dans le même temps, les moyens nécessaires à la formation des 1ers niveaux de qualification (V et IV) s’en trouvent réduits.
A cet égard, vous savez bien sûr qu’il est d’ores et déjà prévu que le « quota » de la taxe d’apprentissage augmente de sorte à passer de 53 % aujourd’hui à 59 % en 2015, en 3 étapes. Cela permettra de flécher davantage de fonds directement vers les CFA, et je considère donc que cette augmentation du « quota » est positive.
Bien entendu, la question de la taxe d’apprentissage et de sa répartition ne se résument pas au sujet du « quota ». C’est pourquoi j’ai commencé à engager une vaste concertation sur deux registres étroitement liés :
* d’une part la rationalisation du réseau de collecte de la taxe, dont personne d’ailleurs ne conteste la nécessité.
* et d’autre part la recherche d’un mode de répartition de cette taxe qui soit plus équitable, plus juste, davantage conforme aux besoins réels, et qui ne pénalise surtout pas les formations visant les premiers niveaux de qualification.
J’ai bien noté la grande inquiétude qui s’est exprimée la semaine dernière à propos d’un document relatif à la décentralisation, qui n’était même pas un avant-projet de loi, et qui traitait notamment de la taxe d’apprentissage. Je l’ai dit publiquement et je le réaffirme aujourd’hui : la loi de décentralisation ne traitera pas de la taxe d’apprentissage. Ce n’est qu’à l’issue du processus de concertation que j’ai engagé - et qui n’est pas achevé - que des modifications d’ordre législatif seront à l’ordre du jour. Cela se passera dans le cadre d’un projet de loi qui traitera de certains aspects de l’apprentissage, dont la taxe, ainsi que d’autres questions relatives à la formation professionnelle continue.
Après les conditions de vie des apprentis et la nécessité de former des apprentis en plus grand nombre, 3ème axe : valoriser l’image de l’apprentissage.
Je souhaite vous faire part de quelques convictions sur ce registre. Les voies d’accès à la qualification professionnelle sont diverses : la voie scolaire, celle de l’apprentissage, et celle du contrat de professionnalisation.
Je veux affirmer une nouvelle fois ici l’égale dignité de ces différentes voies de formation, qui sont toutes des voies de réussite parce que toutes permettent d’atteindre la même cible : la qualification professionnelle et grâce à elle, l’emploi.
Elles ne sont pas concurrentes mais au contraire complémentaires, à condition bien sûr que les cartes des formations soient définies en prenant en compte la réalité des besoins des secteurs professionnels. Il s’agit là d’un point qui sera traité dans la prochaine loi de décentralisation. Monsieur le Président de Région, vos pouvoirs d’initiative sur la carte des formations seront renforcés.
Malheureusement, on doit encore déplorer - et combattre - le sentiment trop répandu selon lequel les formations en alternance, particulièrement dans le cadre de l’apprentissage, seraient d’une moindre valeur, qu’elles seraient une voie par défaut, que l’on emprunte seulement quand on n’a pas pu faire autrement.
Il demeure donc incontestablement un problème d’image de l’apprentissage dans les premiers niveaux de qualification… comme si apprendre par le travail ne s’adressait qu’à ceux qui ne parviennent pas à apprendre sur les seuls bancs de l’école… comme si c’était une sorte de séance de rattrapage ! Cette vision manichéenne de ce qu’est apprendre est liée à notre histoire, à notre culture, à cette tendance à sur-valoriser les « modèles académiques ». Pourtant, cette vision est aujourd’hui objectivement obsolète par rapport aux autres modalités d’acquisition de connaissances et de compétences.
Ce chantier, je l’ai ouvert avec Vincent PEILLON et avec Marylise LEBRANCHU.
Pour faire converger réalité et représentation, il faut se rendre à l’évidence : l’image de l’apprentissage, plus globalement celle de l’alternance, et plus généralement encore celle de l’enseignement professionnel, dépend également de la manière dont en parlent les structures en charge de l’orientation.
La question du service public de l’orientation, le « SPO », et de sa mise en œuvre opérationnelle seront traités dans le cadre de la prochaine loi de décentralisation. Les Régions ont clairement vocation à piloter et animer le SPO, qui doit être caractérisé par une dimension « métier » renforcée. Il est donc indispensable que les professionnels y soient étroitement associés si l’on veut que les jeunes aient les meilleures informations sur les métiers et les différentes voies qui permettent d’y accéder, parmi lesquelles les formations en alternance et l’apprentissage.
Les chambres consulaires doivent donc à mon sens trouver toute leur place dans le SPO, à l’image de ce qui existe déjà dans certaines régions.
Il est évident que votre Campus, par sa modernité sur tous les registres, notamment celui de son architecture, contribuera grandement à une meilleure image de l’apprentissage.
Enfin, 4ème axe : le partenariat
C’est aussi pour cela que le PIA est à vos côtés et que l’Etat soutient ce projet. L’élaboration de votre projet de Campus me semble à cet égard exemplaire si j’en juge par son plan de financement.
Se sont en effet mobilisés, pour un montant total de près de 45 M€ :
* la Région Bretagne
* le Département du Finistère
* Brest Métropole Océane
* La CCI de Brest
* Le Plan énergie bois Bretagne
* Et l’Etat via le PIA.
Et je me dois également de souligner l’appui de la Caisse des dépôts et Consignations dans l’élaboration et le suivi des dossiers des projets éligibles au PIA.
Tous les acteurs de la formation et de l’emploi des jeunes me semblent aujourd’hui mobilisés autour de cette question centrale, urgente, de l’insertion professionnelle des jeunes.
Dans les suites de la Grande Conférence Sociale, j’ai invité les Préfets de Région et les Présidents de Conseils régionaux à élaborer un « Pacte régional pour la réussite éducative et professionnelle des jeunes » fixant des objectifs en matière de réduction du nombre de jeunes sans qualification, en mobilisant tous les dispositifs, toutes les ressources, y compris l’AFPA, en mutualisant les moyens, les financements, les projets.
Elaborés à l’initiative des Régions et des services de l’Etat, au sein des CCREFP, ces Pactes seront signés dès le printemps prochain par le Président de Région, le Préfet de Région et le Recteur, et d’autres acteurs s’ils le souhaitent. En tout cas, tous devront en être partie prenante et associés à leur déclinaison opérationnelle. En un mot, les partenariats devront jouer à plein comme ici, vous avez su le faire.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que je souhaitais vous dire.
La lutte contre le chômage est une priorité du Gouvernement. L’emploi des jeunes, de tous les jeunes, est une urgence sociale mais c’est surtout un impératif générationnel et un formidable levier pour préparer l’avenir.
La jeunesse est notre avenir, notre richesse. Nous attendons d’elle, elle attend de nous.
Vous avez su ici en Bretagne vous unir intelligemment pour répondre à cette attente.
Soyez-en, au nom du Gouvernement, remerciés.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 19 décembre 2012