Texte intégral
Cette visite sur le site de lantenne de lENS Cachan me permet dillustrer par un cas concret, les propos tenus il y a quelques minutes, à loccasion du schéma régional de lenseignement supérieur de la recherche. Elle leur donne tout leur sens :
LEtat sappuie sur les synergies territoriales pour lEnseignement supérieur et sinsère dans la logique de lAgir local et du penser global.
Lantenne de lENS Cachan à Rennes, sur ce site de Kerlan, procède de la volonté dun directeur de Cachan visionnaire, Yves Malier, et du souhait des collectivités territoriales bretonnes de lépoque de développer un nouveau campus et daugmenter le potentiel scientifique et technologique breton et rennais.
Cette décision, qui a pu apparaître comme fragmentaire et isolée, comme lont été beaucoup dimplantations universitaires, a débouché sur des réalisations de qualité, grâce à votre travail collectif. Votre établissement sest bien intégré dans le paysage universitaire rennais et du grand ouest. Lessaimage, toujours fragile et délicat, a réussi : lENS de Cachan, porteuse de cette antenne, et les universités rennaises, ont construit ensemble le développement de cette antenne, avec une aide importante des collectivités territoriales.
Il faut dire que les caractéristiques particulières de lENS Cachan, qui mêlent heureusement sciences, technologie, et sciences sociales, ont trouvé un terreau fertile à Rennes et en Bretagne, place forte des STIC sous leurs différents aspects mais aussi un des principaux centres français de recherche en gestion et en droit de lentreprise (on a parlé de lEcole de Rennes).
Dix-huit ans après, à lâge de la majorité, il était temps de penser à lémancipation de cette antenne de Rennes. Comme la dit le précèdent président de lENS Cachan :
« Le pilotage stratégique de lantenne, nécessite, encore plus que par le passé, une connaissance fine des enjeux territoriaux de lenseignement supérieur, à Rennes, en Bretagne et dans le Grand Ouest. Il est illusoire, et à terme dangereux, de penser que lon puisse apprécier ces enjeux et en déduire la stratégie adaptée par une gouvernance centrée en Ile de France ».
La solution dun établissement autonome avait été annoncée par mes prédécesseurs, pour être finalement bloquée, rendant la situation très délicate. Jai été saisie, dès ma prise de fonction, par les différents acteurs, et jai proposé au gouvernement de lever ce blocage. Jai pris cette décision pour plusieurs raisons.
La première, qui paraît évidente, est que la parole de lEtat doit être respectée, à plus forte raison lorsquil sagit dun contrat avec un établissement, sous peine de dévaloriser et la parole de lEtat, et la procédure contractuelle, à laquelle la communauté universitaire est attachée. Cette procédure demeurera la base du dialogue du MESR avec les établissements, en sadaptant à la logique de sites.
La seconde raison, et qui nest pas moins suffisante que la première, tient à lintérêt du projet : cest en effet un excellent projet, qui ouvre plusieurs perspectives prometteuses. Lintelligence des acteurs des différentes phases de développement de lantenne, a été de choisir des départements originaux, liés à lémergence de nouveaux champs, qui nexistaient pas dans les autres ENS (droit, éco-gestion, mécatronique, sciences du sport). Ce sont souvent des domaines interdisciplinaires qui sarticulent bien aux forces de recherche du site rennais et au monde socio-économique.
Les départements prévus relèvent de cette logique et me semblent totalement pertinents. Le potentiel denseignement et de recherche, dans les universités, les écoles et les organismes de recherche, et lappui aux politiques publiques, justifient aisément lexistence en Bretagne dun département des sciences de lenvironnement, axé à la fois sur la chimie, les sciences de la terre, les sciences de la vie et les sciences sociales. La force de la recherche en STIC, le fort investissement dans les usages du numériques, lexistence dun pôle de compétitivité « images et réseaux », mais aussi le potentiel dans les disciplines artistiques, justifient la création à venir dun département « arts et création numérique ». Vos projets montrent tout lintérêt dune véritable interdisciplinarité et la place éminente que doivent jouer les sciences sociales pour relever les défis sociétaux comme ceux qui sont liés à lenvironnement.
Une autre caractéristique de lesprit dinnovation qui sest développé ici a suscité mon intérêt. Jai bien noté que laccès à votre département droit/économie/gestion se faisait dans des classes préparatoires mixtes entre les lycées et luniversité, combinant des enseignements effectués au lycée et luniversité. Ces classes ne sont pas lapanage de la Région parisienne mais ont été montées aussi dans un partenariat entre luniversité Bretagne Sud et deux lycées de Lorient et de Vannes. Une telle pratique va tout à fait dans lesprit du rapprochement classes préparatoires/universités que je souhaite développer. Elle montre aussi le potentiel dinnovation et de créativité que peuvent développer nos établissements.
La solution administrative que propose le MESR, et que tous les acteurs ont acceptée, est également originale : cest la formule dune personnalité morale autonome, mais adossée aux deux universités rennaises (article L.719-10 du code de lEducation). Cest une première, pour une ENS, et cela manifeste la volonté partagée de rapprocher les universités et les écoles. Il sagit dun rattachement renforcé, qui permettra non seulement de mutualiser les fonctions supports mais aussi délaborer une stratégie commune, en matière de politique de recherche, doffre de formation et de politique de recrutement.
Bref, vous anticipez le modèle sur lequel nous réfléchissons, pour favoriser le rapprochement des universités des écoles, en maintenant les spécificités de chacune. Bien loin de compliquer le paysage universitaire, cette solution constitue une étape importante dans la restructuration et la simplification de ce paysage. Elle devrait être formalisée dans les semaines qui viennent.
Enfin, cette décision marque une nouvelle stratégie territoriale en matière denseignement supérieur et de recherches, en vue dun meilleur équilibre. Les concepteurs des investissements davenir ont répété partout quils ne faisaient pas daménagement du territoire, comme si laménagement du territoire était un concept honteux, et quaménagement du territoire signifiait saupoudrage, ce qui est un contresens total.
En Bretagne, vous savez ce quune politique daménagement du territoire intelligemment menée a apporté en termes de désenclavement routier ou de développement dune filière des télécoms, dont les bénéfices en matière de recherche demeurent encore aujourdhui.
Je suis frappée, quand jexamine la carte des bénéficiaires des Plan Campus et des initiatives dexcellence, par la concentration des lauréats sur la Région Ile-de-France et les grandes métropoles régionales à lest et au sud de la ligne Strasbourg à Bordeaux, tandis que le Nord, lOuest et la région Rhône Alpes ont été délaissés.
Cette carte reproduit exactement les implantations CNRS des années soixante, et ignore complètement les dynamiques actuelles, de la démographie et de la concentration des étudiants. Elle pénalise en outre les régions de lOuest, dont les effectifs détudiants et le potentiel de recherche ne sont pas concentrés sur la métropole universitaire régionale, mais forment un maillage très dense du territoire avec de nombreuses universités à une heure de distance les unes des autres.
On sait par ailleurs leffet dentraînement dune ENS, lexemple de Lyon est instructif à cet égard, sur le potentiel denseignement et de recherche des universités environnantes, et sur lélévation de la qualité du recrutement des enseignants-chercheurs.
Ce rayonnement et cet effet dentraînement seront facilités par ladossement aux universités rennaises, mais doivent irriguer lensemble du grand ouest. La création de lENS est la première mesure de ce rééquilibrage et de cette équité territoriale qui me paraissent absolument nécessaires.
Cette nouvelle ENS a donc vocation à être un élément moteur dun grand ensemble de lenseignement supérieur breton qui, jespère, pourra se dégager dans les toutes prochaines années en Bretagne, et dont jai rappelé les objectifs il y a peu de temps : rapprochement universités-écoles, spécialisation partielle sur des pôles à visibilité internationale, association des organismes à la gouvernance, principes de collégialité, de subsidiarité et de lisibilité, contrat « de site » avec le ministère de lEnseignement supérieur et de la Recherche. Le ministère tiendra ses engagements, la région Bretagne sest engagée et ne va pas manquer dofficialiser cet engagement rapidement pour engager ce beau projet.
Votre objectif, mon objectif, est de créer lENS au 1er janvier 2014, et le nouveau département à la rentrée universitaire de 2014. Laide du MESR vous est acquise : il vous revient, tous ensemble, de finaliser ce beau projet.
Je vous remercie
source http://www.bretagne.gouv.fr, le 14 décembre 2012