Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, sur l'enjeu du développement de la compétitivité des entreprises françaises, Paris le 19 décembre 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Prix du Manager de l'année 2012 - Le Nouvel économiste : "Pour une économie française compétitive", à Paris le 19 décembre 2012

Texte intégral

Monsieur le Président [Jean-Paul DELEVOYE],
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis de me joindre à vous pour cette nouvelle édition du prix du manager de l’année du Nouvel Economiste, opportunément placée cette année sous le signe de la compétitivité.
Nous partageons tous un défi d’intérêt commun : rendre les entreprises françaises plus compétitives, pour leur permettre de se développer, d’innover, d’exporter et d’embaucher. Ce défi, c’est d’abord et avant tout aux entreprises de le relever, avec leur savoir-faire, leurs atouts, leur talent. Mais il revient au Gouvernement d’être à leurs côtés, de les mettre en position de réussir, et de leur dire sa confiance.
Il y a parfois de ces moments cruciaux en politique, où un cap est franchi parce qu’une cause nationale fait soudain l’objet d’une mobilisation unanime. Je crois que c’est ce qui s’est passé avec le rapport Gallois, dont l’onde de choc s’est propagée en profondeur auprès des décideurs du public comme du privé. Ce rapport a comme cristallisé une prise de conscience, un sursaut, autour de la nécessaire reconquête de la compétitivité française.
Le diagnostic était posé, il fallait s’en saisir. Nous devions convaincre. Le temps du bilan viendra. Mais nous avons surpris. En bien, je l’espère, je le crois, pour notre pays, ses entreprises, ses salariés.
Nous avons surpris, parce que nous avons pris le défi de la compétitivité à bras-le-corps. Nous avons surpris parce que nous avons proposé avec le Pacte national pour la compétitivité et l’emploi une réponse globale, structurée et ambitieuse, couvrant les aspects coût et hors coût. Nous avons surpris en nous fixant une mesure et un objectif pour nos progrès en matière de compétitivité : l’équilibre du solde commercial hors énergie en 2017. Nous avons surpris – disons-le – en proposant d’alléger le coût du travail de 20 milliards d’euros, alors que, disons-le aussi, on nous prêtait les pires rigidités idéologiques. Et nous avons surpris parce que nous avons entendu les appels des entreprises à mettre le Pacte en oeuvre très vite.
Effet de surprise, donc, mais effet de souffle aussi. Le parlement termine l’examen du crédit d’impôt, les entreprises pourront intégrer le CICE dans leurs décisions d’embauches et d’investissement dès le mois de janvier 2013, et nous mettons en place des solutions avec les banques et la Banque Publique d’Investissement pour préfinancer le CICE dès 2013 pour les PME qui en auront besoin. La mécanique du crédit d’impôt sera exactement la même que celle du crédit d’impôt recherche que vous connaissez bien.
Ce Gouvernement sait ce que l’économie française doit à ses entreprises : elles créent de l’emploi, investissent, exportent. Il les écoute, les respecte et le soutient. Il sait que c’est par la mobilisation commune plutôt que par le clivage et les à-coups, les coups de menton, qu’on redresse la barre. Il sait que c’est en associant les forces économiques vives du pays à sa stratégie que les défis d’intérêt commun – la croissance, l’emploi, la compétitivité – seront relevés. Il sait que le futur s’écrit ensemble.
Je n’ai, moi, ni gêne ni hésitation à être le ministre des entreprises et à les défendre. Je veux les aider. Et je veux qu’elles aident en retour l’économie française. Parce que la compétitivité n’est pas une fin mais un moyen, un levier pour la relance de l’activité et la création d’emplois, alors que la situation conjoncturelle de notre économie demeure particulièrement dégradée et que le taux de chômage ne cesse de progresser.
C’est pour cela que si le CICE est conçu sans conditions, nous demandons effectivement des contreparties aux entreprises dans le cadre du pacte de compétitivité. L’allègement du coût du travail, ce n’est pas pour faire un cadeau de fin d’année aux actionnaires. C’est pour embaucher. C’est pour investir. Dans la recherche, l’innovation, la modernisation de l’outil productif. C’est pour renforcer les avantages concurrentiels, monter en gamme, tenter l’aventure de l’export pour les PME qui hésitent. Le Gouvernement fait un pas, il tend la main, dans un geste de confiance. Je souhaite, j’appelle les entreprises à la saisir.
Je crois à l’initiative privée et aux talents de nos entreprises. Vraiment. Je rencontre toutes les semaines sur le terrain des PME, des ETI et de grands groupes dynamiques, combatifs et innovants. Mais je crois aussi que l’entreprise est d’abord et avant tout un projet collectif, et que cela lui donne des responsabilités. Alors oui, nous attendons des contreparties au crédit d’impôt en matière de civisme fiscal : c’est le minimum syndical. Nous attendons aussi des contreparties en matière de rémunérations, parce que l’entreprise et la démocratie ont souci en commun que les inégalités excessives sapent leurs fondations.
Et nous attendons des contreparties précises et audacieuses en matière de gouvernance et de représentation des salariés. Inspirons-nous de nos partenaires européens, l’Allemagne, la Suède par exemple, qui sont à la pointe dans ce domaine. Le pacte de confiance doit permettre l’émergence d’un nouveau modèle de capitalisme à la française, d’une gouvernance renouvelée des entreprises, en particulier les plus grandes, qui fasse du consensus et de l’association des salariés une vraie force et un facteur de compétitivité de nos groupes.
Il y a parmi vous de nombreux hauts dirigeants d’entreprises du CAC 40. Je veux vous dire que les grands groupes ont une place essentielle dans le pacte de compétitivité : nous voulons les encourager pour favoriser dans leur sillage la croissance et le développement des PME et ETI.
Car le Pacte de compétitivité, ce n’est pas que le CICE ; Ce sont également 34 autres mesures, qui partagent un même esprit qui est ce que Louis Gallois a appelé une nouvelle « solidarité de filières ». Je pense que la vision du manager moderne d’une grande entreprise dépasse en effet son entreprise seule pour réfléchir à la manière dont elle s’intègre dans un environnement plus large, avec ses clients, avec ses fournisseurs.
Plusieurs mesures dans le Pacte vont en ce sens, et soyons clairs : personne n’oppose les grands groupes et les PME dans une rhétorique économique simpliste. Le souhait du Gouvernement est au contraire que la France s’appuie sur ses grands groupes, qui sont un de ses avantages comparatifs historiques, qui doivent eux-mêmes entraîner dans leur développement PME et ETI. C’est pour cela que le pacte promeut le respect des fournisseurs avec le plan pour réduire les délais de paiement, pour cela que l’Etat donne l’exemple en matière de commande innovante, pour cela que nous souhaitons que les grands groupes emmènent leurs fournisseurs à l’export. Nous devons faire de la solidarité des filières industrielles françaises un nouvel avantage comparatif dans la compétition mondiale.
Avant de conclure, je voudrais dire que chacun à leur manière, les lauréats distingués ce soir incarnent cette recherche de la compétitivité qui nous mobilisent tous, entreprises et pouvoirs publics confondus.
Alexandre de JUNIAC, qui peut s’appuyer sur les atouts fondamentaux de l’un des premiers groupes mondiaux de transport aérien dans un contexte concurrentiel fort ; Je note d’ailleurs concernant ce premier lauréat, qui a longtemps occupé le bureau qui jouxte le mien qu’on voit que de hautes fonctions à Bercy mènent à tout, y compris à l’excellence managériale...
Olivier SCHRAMECK que je connais depuis longtemps, qui a été mon patron, comme directeur de cabinet de Lionel Jospin, ministre de l’Education nationale, entre 1988 et 1990, qui a beaucoup appris au jeune conseiller que j’étais alors, et avec qui j’ai beaucoup travaillé lorsqu’il animait l’équipe du Premier Ministre entre 1997 et 2002. Nous sommes amis, je connais sa rigueur, qu’il a démontré avec la Commission chargée de la rénovation et de la déontologie de la vie publique, qui a oeuvré en faveur d’une plus grande transparence dont bénéficieront les milieux économiques ; et Jacques-Antoine GRANJON, pour le développement à l’international réussi de son site de ventes évènementielles.
Les prix remis ce soir m’invitent à m’interroger sur ce que sera le manager de demain. Plus profondément, ils m’amènent en fait à me poser la question : quels chefs d’entreprise voulons-nous pour notre économie, également pour notre société ?
La tentation facile de se couler dans une vision caricaturale dans laquelle le chef d’entreprise serait l’ennemi n’est pas écartée. Cela serait commode : ce n’est pas ma vision. Plus difficile de s’interroger sur ce que nous voulons vraiment comme dirigeants pour nos entreprises. La réponse est pour moi claire : un chef d’entreprise doit être un créateur. Nous devons tourner la page en papier glacé du golden boy qui fabrique de l’argent avec de l’argent : ce n’est pas ce modèle d’entrepreneur là que je souhaite pour les jeunes qui entrent dans la vie active. La réforme bancaire que j’ai présentée aujourd’hui doit également aider à tourner cette page, celle d’un certain capitalisme prédateur qui s’est érigé en modèle ces trente dernières années. Nous voulons des chefs d’entreprise qui construisent plutôt qu’ils ne réussissent de brillants coups de bourse. Des industriels avant d’être des financiers. Nous souhaitons des créateurs de valeur, une valeur qui n’est qu’une unité monétaire : un chef d’entreprise doit être un créateur de valeur sociale avec ses salariés, pour la société toute entière. Cela ne se décrète pas, cela se construit et la puissance publique doit y jouer un rôle.
2013 sera une année difficile. Je l’ai dit, par lucidité, par souci de la vérité. Mais mon diagnostic n’a pas été qu’à moitié entendu et je voudrais terminer en vous disant ceci : nous allons réussir. Pas à pas, pierre après pierre. Pas en deux jours, bien sûr. Sortir de la crise, réorienter notre économie, moderniser ses structures, demande de la détermination et de l’énergie, et surtout du temps. Mais nous allons y arriver. J’ai confiance. Confiance dans nos entreprises, qui sont notre premier atout. Confiance dans notre stratégie économique, parce nous faisons les bons choix. Confiance dans l’avenir, parce que le travail et le courage paient. Je souhaite que cette confiance soit partagée.
Merci.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 21 décembre 2012