Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur les enjeux de la modernisation de l'action publique, à Strasbourg le 3 janvier 2013.

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Circonstance : Rencontre avec les nouveaux élèves de la promotion 2013-2014 de l'Ecole nationale d'administration (ENA), à Strasbourg (Bas Rhin) le 3 janvier 2013

Texte intégral

Permettez-moi, Madame la directrice, de vous remercier de votre accueil et de vous dire combien je suis heureuse, en ce début d’année de venir saluer la nouvelle promotion ainsi que l’ensemble des équipes de votre école.
Je me suis déjà rendue à Strasbourg le mois dernier, et j’aurais été heureuse de pouvoir saluer collectivement les élèves de l’INET et ceux de l’ENA, mais l’ENA est une école où les élèves voyagent et ne sont pas toujours disponibles. Aussi, c’est avec plaisir que je reviens aujourd’hui. Pour vous saluer, élèves français mais aussi étrangers que nous sommes honorés d’accueillir, pour vous présenter mes meilleurs voeux, mais aussi pour vous dire combien ce que vous allez vivre et apprendre dans cette école compte pour le ministère dont j’ai la charge.
Non pas parce que c’est l’ENA ou parce que c’est la haute fonction publique, mais parce que c’est la jeunesse et l’avenir de l’action publique qui se joue dans cette école comme dans chacune de nos écoles de service public.
Je crois à ce modèle français et je mesure la chance qu’a la France de pouvoir compter parmi ses nouvelles générations tant de talents prêts à servir la puissance publique et à lui consacrer le plus clair de leur énergie et les meilleures années de leur vie professionnelle.
Cette richesse est d’abord une richesse humaine, et je n’oublie pas que notre fonction publique dans son ensemble reste aujourd’hui encore l’un des grands héritages que nous ont légués, à la Libération, les gouvernements issus de la Résistance.
La France, à cette époque, a pu compter sur l’État et sur ses agents pour conduire la reconstruction du pays et relever des défis immenses dont à peine aujourd’hui nous pouvons imaginer l’ampleur.
Je me permets de rappeler ces circonstances historiques de la Libération non pas pour l’anecdote mais parce qu’il est important, au seuil de votre nouvelle carrière, de s’arrêter un instant sur le sens de votre choix.
Vous me direz, et vous aurez raison, que la France a changé et continue de changer à une vitesse stupéfiante.
La décentralisation est venue partager les compétences de l’État et enrichir les modalités d’action de la puissance publique.
Le dialogue social s’est développé et a permis de mettre en lumière les conditions de travail parfois difficiles des agents.
Les technologies progressent et modifient chaque jour les besoins de la société et les relations entre l’administration et l’usager.
Les contraintes de l’action publique se multiplient, que ce soit dans le respect des obligations européennes, constitutionnelles ou même dans le souci, chaque jour plus préoccupant, de la soutenabilité de nos finances publiques.
Ces mutations sont incontestables. Peu de secteurs ont autant évolué que celui de la puissance publique. Ce sont là d’ailleurs des réalités avec lesquelles nous devons composer quotidiennement dans nos réformes.
Mais s’il est vrai que la France change, la pertinence de notre modèle français n’a pas changé. Car comment ne pas sentir l’attente croissante des Français vis-à-vis d’un État présent et efficace ?
Comment ne pas voir que toutes les crises dont les médias nous racontent chaque jour les nouveaux avatars sont autant d’arguments qui appellent une intervention renouvelée de la puissance publique dans tous les domaines stratégiques de la vie du pays ?
Et comment ne pas voir que toutes ces évolutions discréditent par avance tous ceux qui anticipent une société sans État ou une réduction de la place de la puissance publique dans nos sociétés ?
Face à cette crise, chacun doit avoir à l’esprit que l’État n’est pas le problème, mais bien la solution, et que les facteurs qui ont poussé au renforcement de l’État dans les nations occidentales ne sont pas uniquement dans les livres d’histoire, mais dans les journaux et dans l’actualité.
Dans bien des domaines, nous sommes aujourd’hui confrontés à un besoin croissant de régulation, d’intervention, d’anticipation et de protection.
Nos économies se sont libéralisées, mais elles sont plus sophistiquées et plus fragiles. Notre société s’émancipe et s’individualise. Elle réclame des libertés nouvelles, mais ces libertés doivent être organisées et la cohésion de notre pays doit être préservée. Je pense également aux défis considérables liés à la transition écologique.
Qu’il s’agisse du maintien de notre puissance économique, du rayonnement international de la France ou de la cohésion d’une société marquée par la montée de la précarité et des individualismes, les Français comptent sur l’État et sur leurs pouvoirs publics.
L’enjeu pour nous aujourd’hui est donc bien d’adapter nos administrations et nos services publics à des besoins nouveaux et à une société en profonde mutation.
C’est le sens de la démarche de modernisation de l’action publique initiée par le Premier ministre à l’automne.
La crise que nous traversons rend l’exercice d’autant plus difficile que le redressement des finances publiques nous oblige à faire des économies. Mais nous avons le devoir de ne pas renoncer à notre ambition : celle de définir ensemble la puissance publique du XXIème qui sera le socle du « nouveau modèle français ».
Le gouvernement s'est fixé pour objectif de repenser l’action publique dans son ensemble en prenant en compte les attentes des citoyens et les besoins des usagers, en impliquant tous les acteurs publics et en associant étroitement les fonctionnaires.
Notre cap, c’est un État stratège, qui anticipe et prépare l’avenir, un État garant de la cohésion sociale et territoriale, un État partenaire pour les collectivités territoriales, les entreprises, les associations.
Notre cap, c’est une administration plus proche des citoyens et des usagers, évolutive, plus simple, plus transparente.
Notre cap, c’est un partage clair et coordonné de l’action publique entre les acteurs publics, respectueux des responsabilités de chacun.
Notre cap, c’est une administration employeur exemplaire, qui associe les agents et les organisations syndicales à l’avenir du bien public et développe une gestion des ressources humaines qui valorise les agents publics.
Notre cap, c’est une démocratie renforcée, une action publique ordonnée efficace pour le nouveau modèle français
C’est la responsabilité à laquelle chacun de nous, à la place où il est, va devoir s’atteler. Et cela concerne aussi cette école.
À un moment où nos concitoyens placent dans l’État et le service public des attentes toujours plus fortes et où, pourtant, l’action publique se complexifie sous l’effet de contraintes sans cesse renouvelées, l’ENA se doit d’être la première garante de l’excellence et de l’exemplarité des futurs cadres dirigeants de l’État.
Face aux défis qui attendent la puissance publique dans les années à venir, l’ENA aura pour première mission de recruter et de former ses élèves à un haut niveau de compétences afin de les préparer à l’exercice de responsabilités souvent lourdes au service de l’État.
L’État a besoin d’experts aux profils les plus complets possibles. Mais il attend aussi de l’ensemble de ses hauts fonctionnaires qu’ils soient capables d’assurer des missions d’encadrement exigeantes et qu’ils disposent dès leur entrée en poste des capacités opérationnelles nécessaires à l’exercice des missions souvent diverses qui leur sont confiées.
La dimension humaine du management devra donc être valorisée, tant pour des raisons d’exemplarité que d’efficacité, les dernières années ayant montré à quel point les politiques publiques se doivent d’être porteuses de sens et de repères.
L’enjeu, au fond, est de préparer les élèves à la complexité croissante d’une action publique dont l’État n’a plus le monopole et où l’efficacité d’un cadre dirigeant dépend de sa capacité d’écoute, d’animation et de pilotage vis-à-vis des acteurs si nombreux qui concourent aujourd’hui aux missions du service public.
Ce sont là des exigences fortes. Je sais qu’elles contredisent largement les poncifs dont on accable les anciens élèves de cette école, supposée former des cadres arrogants, autoritaires et sourds aux avertissements venant de l’extérieur.
Mais j’ai confiance dans votre capacité à faire mentir les critiques et à vous comporter comme nos concitoyens l’attendent de vous.
La fonction publique doit donner l’exemple d’une communauté professionnelle généreuse et ouverte sur la société, entièrement guidée par la passion du bien public.
Cette passion, je sais que vous la partagez. Le simple fait d’avoir accepté des études si longues et de courir les risques d’un concours si difficile en témoigne. L’enthousiasme de votre engagement est un bien précieux que nos écoles doivent cultiver et encourager par tous les moyens.
Je compte sur votre équipe dirigeante et sur votre nouvelle directrice pour vous accompagner dans cet engagement, et vous pouvez compter sur moi pour porter ce beau projet qu’est la réhabilitation des valeurs du service public et leur diffusion auprès de tous ceux qui aujourd’hui comptent sur nous et comptent sur la puissance publique pour les aider et mobiliser les forces vives de ce pays autour de son redressement.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 7 janvier 2013