Déclaration de Mme Yamina Benguigui, ministre de la francophonie, sur la Francophonie et sur la situation en République démocratique du Congo, à Paris le 17 janvier 2013.

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Circonstance : Voeux aux acteurs de la francophonie, à Paris le 17 janvier 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Représentants personnels,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
En mai dernier le président de la République François Hollande et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault m'ont confié ce grand ministère de la francophonie.
La francophonie, c'est avant tout un espace composé de 77 pays. Nous, francophones, nous sommes aujourd'hui 220 millions de francophones dans le monde ; en 2050 nous serons 750 millions, dont 80 % en Afrique. La francophonie, c'est un champ d'action pour une politique solidaire, culturelle, éducative et économique à laquelle nous croyons et que vous contribuez à faire rayonner chaque jour. La langue française, aujourd'hui n'appartient pas à la France. Elle est aussi une langue africaine, une langue asiatique, une langue du monde. Elle s'est débarrassée des oripeaux du colonialisme. C'est une langue égalitaire qui se parle à hauteur d'hommes.
Être ministre de la francophonie, c'est contribuer à faire rayonner plus encore les valeurs que nous défendons comme les droits de l'Homme, la démocratie, le dialogue des cultures, l'ouverture à l'autre.
J'aimerais vous remercier toutes et tous pour le travail formidable que vous accomplissez quotidiennement pour cette noble cause. Je souhaite tout d'abord remercier chaleureusement le président Abdou Diouf et les équipes de l'Organisation internationale de la francophonie. Ce midi, j'étais dans la Maison de la francophonie, invitée par le Secrétaire général. Nous avons évoqué les grands enjeux de la francophonie qui nous occuperont dans les semaines et les mois qui viennent.
Je vous remercie toutes et tous, vous qui représentez les opérateurs de la francophonie.
Je souhaite également remercier l'ensemble des collaborateurs du Quai d'Orsay qui ici à Paris, à Nantes ou dans le monde entier font un travail admirable au service de la France. Je les remercie pour leur appui, leur engagement, leur enthousiasme, et leur expertise. Sans votre travail, rien ne serait possible.
Plus largement, je remercie cette grande famille francophone dont vous êtes les représentants aujourd'hui. Quelque soit votre fonction, quelque soit votre métier, vous êtes les passeurs de cette francophonie dont nous sommes si fiers.
Merci à vous toutes et tous.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
La francophonie est notre force. Nous travaillons tous à son rayonnement. La francophonie est dynamique, ouverte, tournée vers l'avenir. Loin des idées reçues, la francophonie ne régresse pas. Bien au contraire. La francophonie se développe et nous nous devons d'accompagner ce développement. Nous ne devons pas être de simples spectateurs. Nous devons êtres des acteurs de promotion, des acteurs de projets, des acteurs ambitieux.
Pour accompagner cette volonté, j'ai effectué, ces huit derniers mois, 22 déplacements pour aller à la rencontre de toutes celles et tous ceux qui, comme vous, font vivre la francophonie dans le monde. De Tunis à Shanghai, de Kinshasa à New York, de Dakar à Beyrouth, je me suis entretenue avec de nombreux dirigeants politiques, acteurs du monde de la culture et des arts, humanitaires, professeurs de français, formateurs, entrepreneurs, associatifs, étudiants...
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
2012 a bien sûr été l'année du sommet de Kinshasa. Un sommet important qui a failli ne jamais avoir lieu. Un sommet très attendu en Afrique et pour lequel je me suis battue, persuadée qu'on ne gagne jamais à mener la politique de la chaise vide. Ce sommet a été un véritable succès.
Il a aussi été l'occasion pour la RDC d'adopter deux lois qui permettent renforcer le fonctionnement démocratique de ses institutions démocratiques. C'est une première avancée. D'autres suivront.
Je ne peux pas parler de la République démocratique du Congo sans évoquer la situation dans les Kivus. C'est en juillet 2012 en me rendant sur place que je me suis rendue compte de la gravité de la situation. Une guerre sévissait dans cette région. Une guerre oubliée des écrans radar des grands médias mais une guerre dans laquelle des milliers de femmes étaient violées, abîmées, exclues, contaminées par le Sida. Une guerre où le viol était devenu une stratégie militaire avec une planification et laissant son lot de désolations. Une guerre aussi où les victimes étaient des enfants, violés eux aussi ou enrôlés de force dans des milices ou des groupes armés, forcés à devenir des assassins.
Ce n'était peut être pas mon rôle mais cette guerre, comme d'autres aujourd'hui, se déroulait dans l'espace francophone. Il fallait faire sortir cette guerre du silence qui l'enveloppait. Avec Laurent Fabius, nous avons entrepris de relancer des projets de résolutions aux Nations unies pour condamner ces crimes, l'action des groupes armés et appeler à la paix, à la sécurité et à la stabilité dans cette région. Et ces textes ont été votés par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Et c'est pour cela que je me suis rendue à Goma auprès de ces femmes violées au lendemain du Sommet de la Francophonie. Je m'y suis rendue pour témoigner. Je me suis rendue dans un camp de réfugiés qui accueillait plus de 70.000 personnes dans des conditions difficiles. Je suis allée là bas en apportant 2.000.000 euros pour soutenir les agences des Nations unies et les Organisations non gouvernementales. C'est certes une goutte d'eau mais cette goutte d'eau est porteuse d'espoir et de solidarité et a pu aider de nombreuses personnes dans cette situation si difficile.
Vous le comprenez. C'est aussi cette francophonie solidaire que je souhaite défendre. Les grandes crises d'aujourd'hui se déroulent dans l'espace francophone et notre communauté francophone a le devoir de se montrer solidaire des populations.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
En 2012, nous avons engagé un plan d'action stratégique pour donner un nouvel élan à l'enseignement du français, promouvoir la francophonie en France et dans le monde. 2013 sera l'année de la montée en puissance.
Je souhaite que cette nouvelle année soit celle d'une francophonie moderne, que vous avez inspirée, bien avant mon arrivée en ces murs, et que je vous propose de porter ensemble.
Je souhaite que ce soit l'année d'une francophonie tournée toujours plus vers la société civile, vers les femmes, vers les jeunes. Je souhaite que l'année 2013 soit l'année d'une francophonie plus offensive dans la promotion des droits de l'Homme et plus ambitieuse dans la protection de ceux qui souffrent et voient leurs droits régresser. Je pense bien évidemment au Mali ; je pense également à la région des Grands lacs. Je voudrais saluer l'action de l'ambassadeur Zimeray en faveur des droits de l'Homme.
Je souhaite qu'en 2013 nous portions la francophonie au sein même de l'entreprise car la francophonie est aussi au service du développement. Le français doit être un outil au service de la compétitivité et au service des entreprises qui s'exportent, dans l'espace francophone.
Je souhaite également que nous réinvestissions le territoire national. La langue française doit s'affirmer comme ciment de la cohésion sociale, dans les quartiers abîmés de notre République.
Les rendez-vous seront nombreux.
Je pense tout d'abord au Forum mondial des femmes francophones qui se déroulera le 20 mars prochain et que le président de la République a annoncé à Kinshasa. Ce forum réunira à Paris près de 400 femmes venues du monde entier. Ce forum sera leur tribune. Le statut des femmes est le baromètre implacable de l'état d'avancement des sociétés. Et malheureusement, beaucoup de femmes sont violées, mutilées, tuées. Beaucoup sont en perte de droits. Tout cela, dans l'espace francophone. Aucun droit n'est jamais acquis pour les femmes et la francophonie doit porter cette ambition nouvelle de défendre et de promouvoir le droit des femmes.
Ce forum permettra la création d'un réseau actif de femmes de tous horizons, de toutes conditions, prêtes à s'engager. Autour de trois tables rondes, les participantes seront appelées à témoigner. Je souhaite que leur appel soit entendu, et que nous le portions au niveau politique. C'est en unissant nos forces que nous ferons changer les choses pour le droit des femmes, pour plus d'égalité, pour une meilleure représentation des femmes dans la sphère politique, pour permettre l'émancipation du plus grand nombre d'entre elles.
Un second grand rendez-vous nous attend en 2013. Les 7ème Jeux de la francophonie se dérouleront à Nice en septembre. Alors que Marseille est depuis quelques jours, la capitale européenne de la culture, nous allons faire de Nice la capitale mondiale de la francophonie et de la jeunesse. Cet événement sera l'occasion de montrer aux jeunes générations tout ce que le monde francophone peut leur offrir.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
D'autres chantiers nous occuperons.
En 2013, nous poursuivrons notre politique volontariste d'enseignement du français, grâce à l'opération «100.000 professeurs pour l'Afrique», le label FrancEducation, les accords récemment signés mais surtout grâce au travail formidable des enseignants eux-mêmes.
En 2013, nous continuerons de défendre le multilinguisme et l'utilisation du français dans les institutions internationales car il est impératif de maintenir le français dans les organes diplomatiques.
En 2013, nous travaillerons à l'élaboration d'une stratégique économique de la francophonie, une stratégie tournée vers le développement.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Mon engagement, je ne l'ai pas laissé à la porte de mon ministère. Mon métier de cinéaste m'a conduit pendant vingt ans dans de nombreux pays de l'espace francophone où j'ai organisé des débats sur les questions des migrations, du déracinement, des discriminations. Aujourd'hui, dans ce ministère, je mets cet engagement au service de la diplomatie.
Kateb Yacine disait de la langue française au lendemain de l'Indépendance de l'Algérie qu'elle était «un butin de guerre». 50 ans plus tard, au moment du Sommet de la Francophonie de Kinshasa, le président tunisien Moncef Marzouki a déclaré que la langue française était «un butin de paix». Je suis fière d'assumer cet héritage et fière de défendre à vos côtés, avec ce grain de folie, cette si belle langue qui est la nôtre.
Je vous remercie et vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 2013.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 janvier 2013