Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, sur les grands axes de la politique économique aux niveau national, international et européen, et les nouveaux outils mis en place (banque publique d'investissement), Paris le 17 janvier 2013.

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Circonstance : Réunion annuelle des chefs de service économique, à Paris le 17 janvier 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J’ai eu l’occasion d’échanger avec certains d’entre vous en juillet, moins de deux mois après l’arrivée aux responsabilités du nouveau Gouvernement. En ce début d’année 2013, je suis frappé par le chemin parcouru depuis cette rencontre.
2012 aura été une année charnière, une année de changement de cap, une année où une nouvelle direction aura été prise. C’était prévisible : lorsque l’alternance intervient, les premiers mois d’une équipe ministérielle viennent nécessairement définir de nouveaux axes d’action, de nouvelles priorités, de nouvelles politiques et de nouvelles missions. Bercy ne fait pas exception.
Je voudrais brièvement partager avec vous ma perception du nouveau contexte économique dans lequel nous évoluons à présent, et préciser le rôle que je vois y jouer la DG Trésor et le réseau international de ce ministère.
Ces six derniers mois, le Gouvernement a posé les fondations du redressement de l’économie française, autour de trois priorités : la stabilisation de la zone euro, l’assainissement des finances publiques et le rétablissement de la compétitivité française. Triptyque auquel nous pouvons ajouter, depuis la fin de la semaine dernière et par la volonté des partenaires sociaux, la modernisation du marché du travail.
- Sur les dossiers européens, nous avons de vrais motifs de satisfaction. La zone euro va mieux, elle entame l’année avec de nouveaux instruments, sa stabilité et son intégrité ne sont plus en doute. Des avancées significatives ont été obtenues : le pacte de croissance adopté au conseil européen de juin, la supervision bancaire, les mécanismes de stabilité financière, le traitement du cas grec, la taxe sur les transactions financières... Il y a six mois, ces avancées paraissaient sinon impossibles, du moins lointaines ; elles se sont aujourd’hui matérialisées. La France y a contribué, à sa place mais avec conviction.
- Dans le même temps, nous avons entamé la remise en ordre de nos finances publiques, avec le vote de six lois financières en six mois, dont un budget 2013 qui prévoit un déficit à 3% et un effort structurel historique de deux points de PIB, et une loi organique aussi fondatrice que le fut la LOLF en son temps.
- Enfin, nous avons ouvert la voie à un rétablissement durable de notre compétitivité, grâce au Pacte pour la compétitivité et l’emploi adopté en novembre, grâce aussi à de grandes réformes de structure, abouties ou entamées. Je pense en particulier au financement de l’économie, où la BPI tient une place proéminente, et à son volet international que Nicole Bricq et moi-même avons voulu ambitieux. Je pense aussi à l’aboutissement des négociations entre partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi, ou à l'amélioration des financements exports, entamée avec la dernière loi de finance rectificative, et sur lesquels je reviendrai dans un instant.
A chaque fois, la même ambition nous a animés : tenir le rang de la France dans l’économie mondiale, avec une stratégie économique crédible et réformatrice au service de la croissance et de l’emploi. Les succès que nous avons engrangés en 2012, nous les devons notamment à l'implication de la DG Trésor et à son réseau à l’étranger, et je profite de cette occasion pour vous remercier, tous, en mon nom et en celui de mes collègues, de votre mobilisation et de votre professionnalisme.
En 2013, les défis économiques resteront nombreux. Alors de quoi cette année sera-t-elle faite, exactement ?
- Sur le plan macroéconomique, nous le savons, 2013 s’annonce comme une année difficile. La zone euro peine à sortir de la récession. La croissance du PIB mondial devrait être un peu moins rapide que prévu, avec un redémarrage très progressif dans les économies avancées, malgré une situation plus favorable aux Etats-Unis maintenant que la menace pressante du « fiscal cliff » s’éloigne, le programme de relance massif au Japon dont l’activité sera tirée par les dépenses de reconstruction, et des fondamentaux dans les économies émergentes et en développement qui restent solides.
- En Europe, des échéances majeures sont en vue. L’élaboration du programme de travail de l’Eurogroupe et de son nouveau président, la préparation du Semestre européen, de nouvelles avancées dans l’Union bancaire, la mise en oeuvre du Pacte de croissance vont particulièrement me mobiliser dans les prochains mois. Avec, à chaque fois, un seul et même objectif : la croissance. Ce qui implique de prêter une attention particulière aux stratégies de consolidation budgétaire en zone euro, en veillant à ce qu’elles soient adaptées aux situations nationales individuelles, et de mieux coordonner les politiques économiques des pays excédentaires et des pays déficitaires en zone euro.
- Sur le plan multilatéral, je veux une France leader sur les questions de gouvernance économique et financière, au sein de l’Union et des institutions financières internationales. La France, 5ème puissance économique mondiale, a un rôle particulier et assumé au G20, au FMI et à l’OMC. Son devoir est de fédérer autour d’elle, et de faire en sorte que les autres grandes économies assument, elles aussi, les responsabilités qui accompagnent nécessairement le leadership.
- Sur le plan national, enfin, cette année sera celle des réformes de structure et de la mise en oeuvre concrète des initiatives conçues et votées en 2012, au premier rang desquelles le Pacte pour la compétitivité. Je reviens un instant sur deux des 35 mesures qu’il propose, et qui vous intéressent plus particulièrement :
* La Banque publique d’Investissement, premier des engagements du Président, tout d’abord. La BPI est sur les rails, elle tiendra son premier Conseil d’Administration le 21 février à Dijon. Reste à parachever son volet international, que nous avons conçu en concertation étroite avec Nicole Bricq. La BPI aura évidemment une activité bancaire, elle distribuera l’ensemble des instruments de soutien à l’export, que ce soit ceux d’Oséo ou de la Coface. Mais elle ne sera pas une banque comme les autres: elle aura aussi une mission de conseil à l’internationalisation, en étroite coopération avec Ubifrance. Tout cela se fera, bien sûr, en synergie avec les régions.
* La réforme des financements exports est déjà partiellement mise en oeuvre et s’inscrit dans ce même agenda de réformes structurelles. L’objectif est clair : mettre à niveau nos financements par rapport aux pratiques européennes. Certains éléments ont déjà été adoptés en loi de finances rectificative, mais nous poursuivons les réformes. Nous souhaitons en particulier avancer sur la rationalisation et la démocratisation des soutiens financiers ; un rapport a été commandé à l’IGF sur ce sujet.
- Nous poursuivrons en parallèle l’assainissement des comptes. Le processus de modernisation de l’action publique engagé par le gouvernent jouera ici un rôle déterminant. C'est une démarche ambitieuse, avec l'évaluation de quarante politiques publiques, la définition dans chaque ministère d'un programme ministériel de modernisation et de simplification, et une série de chantiers transversaux, comme par exemple la poursuite de la modernisation des fonctions support de l'Etat et une réflexion sur le recours aux opérateurs. Je vous invite, lors de vos contacts internationaux, à valoriser ce processus essentiel à la crédibilité de notre trajectoire budgétaire, et à ne pas laisser s’installer l’idée que la fiscalité est notre seul levier d'action. D’autres pays, comme la Suède ou le Canada, ont engagé dans le passé des démarches comparables. C’est au tour de la France, avec ses caractéristiques propres, avec des méthodes adaptées, qui doivent prendre en compte le point de vue des usagers et mobiliser les acteurs de la puissance publique, de réussir à présent cette transformation de son action publique. J’y mettrai personnellement beaucoup d’énergie.
S'agissant plus particulièrement du réseau international de la direction général du Trésor, je souhaite que votre projet stratégique, que Ramon Fernandez a lancé et sur lequel la réflexion est bien engagée, contribue de façon essentielle au programme ministériel de modernisation.
Deux évaluations de politique publique vont directement vous concerner, auxquelles je vous demande de vous associer : celle qui porte sur l'appui aux entreprises à l'international, que Nicole Bricq et moi-même co-pilotons avec le ministère des affaires étrangères et, dans une 2ème vague, une évaluation sur le pilotage des réseaux de l'Etat à l'étranger.
Laissez-moi préciser à présent ce que j’attends de vous, dans le contexte économique que je viens d’évoquer à grands traits.
Nous ne relèverons les défis que j’ai évoqués qu’avec la mobilisation de tous, la vôtre tout d’abord mais également celle de l’ensemble des forces vives de l’Etat qui jouent un rôle à l’international. C’est là l’essence même de la diplomatie économique, voulue par le Président de la République, et que nous portons Nicole Bricq, Laurent Fabius et moi-même. J’ai été ministre au Quai d’Orsay je le suis aujourd’hui à Bercy, et je crois en la spécialisation des métiers. Votre métier est à cet égard à la fois spécifique et indispensable, je l’apprécie et le soutiens pleinement. Mais, je crois également en la complémentarité des métiers, surtout en période de difficultés qui est celle que nous traversons actuellement. La complémentarité ne veut surtout pas dire que plusieurs personnes fassent le même travail : ce serait contraire même à l’esprit de la Modernisation de l’action Publique que j’évoquais précédemment – j’y veillerai. La complémentarité, cela veut dire joindre nos forces vers un même objectif : celui de l’emploi. Et à ce titre, vous avez un rôle essentiel à jouer pour définir la manière dont l’ensemble des dispositifs de l’Etat qu’ils soient économiques, mais aussi scientifiques, universitaires, consulaires, de développement puissent être pleinement mis au service de l’économie française et des emplois associés.
Ceci posé, je souhaite que votre action se déploie en 2013 dans quatre directions :
- La surveillance et la juste évaluation des enjeux économiques et financiers, tout d’abord. Je précise qu’il ne s’agit pas d'un simple monitoring, mais d’une analyse active et critique pour évaluer les situations mais aussi les pistes de coopération. Je pense à la zone euro, bien sûr, mais aussi aux grands émergents, avec lesquels j’ai pour objectif d’établir un dialogue régulier et de haut niveau. J’ai rencontré déjà deux fois mon homologue brésilien, je ferai de nombreux déplacement en Russie dans le cadre du G20 et à titre bilatéral, et je retournerai dans les prochains mois en Chine. Je veux approfondir notre dialogue avec ces pays, qui sont des réservoirs de croissance pour la France, et je compte sur votre soutien. Une pensée aussi pour notre réseau en Afrique : en ces temps de crise au Mali, il faut tenir bon et continuer à défendre que l’Afrique est un continent en mouvement, à la fois politique et économique. je suis convaincu que l’Europe et l’Afrique partage plus que jamais un destin commun.
- La connaissance des opportunités d'affaires, ensuite, qui est essentielle. Nicole Bricq a proposé une stratégie du commerce extérieur, axée selon des familles alliant produits et services. Vous devez animer cette politique gouvernementale en faveur des exportations, en tirant profit des compétences d’Ubifrance notamment : nous devons unir nos forces pour atteindre l’objectif d’équilibre de la balance commerciale hors énergie d’ici la fin du mandat. Nous devons également tirer profit de l’ensemble des leviers à disposition, tels que l’expertise technique menée par l’A-DE-TEF, mais ce n’est qu’un exemple.
- La capacité à négocier avec nos partenaires pour les rallier aux positions françaises. 2013 sera marquée par la présidence du G20 par la Russie, mais également par d’importants enjeux de politique commerciale dans un contexte de changement de gouvernance à l’OMC notamment.
- Le pouvoir de conviction, enfin, au profit de l’attractivité de la France, avec l’AFII, que nous portons tout particulièrement avec Arnaud Montebourg, Nicole Bricq et Fleur Pellerin. Nous avons fait une communication à ce sujet en conseil des ministres la semaine dernière. J’étais à Pékin il y a deux semaines, où j’ai rencontré le futur Premier ministre ainsi que des investisseurs internationaux : la France doit faire connaître et faire valoir ses atouts. Ils sont nombreux. De manière plus générale, je vous demande d'expliquer et de valoriser massivement notre politique économique auprès de vos interlocuteurs, dans chacun de vos pays, de le faire de manière active, sous l’impulsion du Trésor. Vous aurez les messages clés à votre disposition : diffusez-les. C'est essentiel pour notre compétitivité.
Permettez-moi pour finir, alors que la France vient de s’engager militairement en Afrique, d’évoquer la question de l’aide publique au développement sur laquelle un grand nombre d’entre vous est mobilisé. Vous le savez, le Gouvernement a lancé des Assises du développement avec pour objectif d’avoir une aide efficace, transparente, avec aussi un retour pour l’économie française. Notre coopération avec les institutions financières internationales, mais aussi avec l’AFD, sera ici déterminante.
Je m’arrête là pour pouvoir répondre à vos questions. Un dernier mot pour vous dire que je connais l'implication de tous, y compris dans des pays compliqués, et que j’aborde cette année 2013 en confiance, parce que je connais la qualité des hommes et des femmes de ce ministère, parce que je connais votre dévouement au service public et votre loyauté, bref parce que je sais pouvoir compter sur vous. C’est ce qui fait la force de ce ministère, que je suis fier de diriger, c’est ce qui donne au ministre, aussi, la force pour agir et convaincre.
Merci.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 18 janvier 2013